La réforme des retraites au défi de l’emploi des seniors

C’est un sujet central pour la réforme des retraites sur lequel l’exécutif se penche tardivement. Dix jours avant la présentation en conseil des ministres du projet de loi instituant un système universel de pensions, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, devait recevoir, mardi 14 janvier, un rapport visant à « favoriser » l’activité professionnelle des personnes en fin de carrière. Le chef du gouvernement, Edouard Philippe, avait annoncé, le 12 septembre 2019, qu’il confiait cette mission de réflexion à Sophie Bellon, présidente du conseil d’administration de Sodexo, Olivier Mériaux, ancien directeur général adjoint de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), et Jean-Manuel Soussan, directeur des ressources humaines de Bouygues Construction. Dans un document d’une centaine de pages très denses, ces trois personnalités formulent une quarantaine de propositions destinées à développer le « maintien en emploi des seniors ».

La problématique étudiée est cruciale, au moment où l’exécutif veut encourager les hommes et les femmes à travailler « un peu plus longtemps » : il s’agit de tout faire pour que les assurés soient encore en poste, lorsqu’ils réclament le versement de leurs pensions. « Résoudre ce problème de société est urgent, mais cela ne pourra se faire sur le temps court », préviennent d’emblée les auteurs du rapport. A leurs yeux, la mise en œuvre de solutions ne peut pas intervenir uniquement à l’occasion du débat sur le futur régime universel : il faudra agir de « manière plus structurelle », pour que « l’ensemble de notre société » s’engage, sur la durée, à modifier ses « pratiques » et ses « représentations » à l’égard des « travailleurs expérimentés ».

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Le constat est connu de longue date. La proportion de seniors en emploi s’est nettement relevée ces vingt dernières années. Un phénomène imputable, notamment, aux réformes prises pour retarder l’âge de départ en retraite et aux mesures restreignant les dispositifs de cessation anticipée d’activité (les préretraites, en particulier). Mais la situation demeure disparate, selon les tranches d’âge : alors que le taux d’emploi des personnes ayant de 50 à 54 ans s’établit, en 2018, à 80,5 % (soit presque au même niveau que pour les 25-49 ans), celui des 55-59 ans se limite à 72,1 %. Le résultat est encore plus faible pour les 60-64 ans (31 %), ce qui place la France en queue de peloton des pays de l’Union européenne (44,4 % pour cette même catégorie d’âge) et à l’échelon de l’Organisation de coopération et de développement économiques (51,4 %).

D’anciens cadres réclament à Méridien le paiement de leur retraite

Un hôtel du groupe Méridien à Londres.
Un hôtel du groupe Méridien à Londres. Toby Melville / REUTERS

L’âge pivot, la réforme des retraites, ils sont « loin de tout ça… », comme le dit Gérard, 65 ans, qui, de 1987 à 2002, a été directeur d’hôtels Méridien en Asie, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. Son problème, et celui de quarante-sept de ses anciens collègues expatriés, c’est qu’ils ne pourront jamais profiter d’une pension pour ces périodes de travail chez Méridien, qui vont de six à plusieurs dizaines d’années.

L’ancienne filiale d’Air France n’a en effet pas assez, voire pas du tout, versé de cotisations aux caisses de retraite en France. Agés de 64 à 83 ans, ces cadres réclament donc le paiement des pensions qu’ils auraient dû ou devraient percevoir ainsi que la reconnaissance d’un préjudice moral. L’affaire est pendante devant la cour d’appel de Paris. Ils ont médiatisé leurs dossiers en créant la pétition « Pour que Marriott paye leur retraite à ses salariés », diffusée sur le site change.org/marriottgate.

C’est la seconde vague de dossiers de ce type. Dans la première, quarante-neuf autres expatriés de Méridien ont obtenu gain de cause, ce qui représente un total de 15,8 millions d’euros payés par la chaîne. Une décision confirmée par la Cour de cassation le 14 avril 2010. Pour autant, Méridien, propriété de l’américain Marriott depuis 2016, continue de prétendre que ces personnels n’étaient pas ses propres salariés mais ceux des compagnies propriétaires des hôtels à l’étranger.

« Attendre 2022 pour avoir une décision définitive »

Méridien avait, selon les intéressés, recruté ces personnels hautement qualifiés pour les mettre à la disposition d’hôtels partout dans le monde par le biais d’un contrat de gestion et de conseil (en management, en restauration, etc.). Ces entités pouvaient alors porter l’enseigne Méridien. Une activité qui relève de la convention collective Syntec (bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils), laquelle prévoit notamment le versement de cotisations aux régimes de retraite général et complémentaires français.

En première instance, la plupart des cadres de la seconde vague ont été déboutés par le conseil des prud’hommes de Paris, le 5 avril 2018. Ils ont interjeté appel. Tout comme l’a fait Méridien-Marriott dans le cas inverse. « Il faudra encore attendre 2022 pour avoir une décision définitive », déplore Marc, 64 ans, qui a dirigé la restauration d’hôtels de 1989 à 1995. « D’ici là, combien seront décédés parmi nous ? » Cinq le sont déjà.

Suppression nette de 517 emplois chez Auchan, malmené par la crise de l’hypermarché

C’est la fin du suspense : le groupe de distribution Auchan a annoncé, mardi 14 janvier, un plan de départs volontaires qui doit aboutir à la suppression nette de 517 emplois en France, à la fois au siège d’Auchan Retail et dans les services d’appui de l’organisation commerciale dans le Nord de la France.

Quelque 677 postes seront, dans les faits, supprimés, dont 652 actuellement occupés. En parallèle, 135 postes doivent être créés, notamment dans les fonctions numériques, la conception et le développement de produits exclusifs. « Ce n’est pas les 1 000 postes qu’on avait attendus, donc c’est moins pire » que prévu, a réagi auprès de l’AFP Guy Laplatine, délégué CFDT, mais « on est inquiet ».

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« De fait, on est environ à 20 % d’emplois qui disparaissent par rapport au nombre de postes occupés sur le périmètre global, et notamment sur la partie française », a-t-il précisé. Pour atténuer les effets de ce plan, son syndicat a réclamé, pour l’instant en vain, des passerelles entre les enseignes de la famille Mulliez, afin de préserver un maximum d’emplois. Son collègue Bruno Delaye, délégué syndical Retail d’Auchan France (CFTC), a, lui, qualifié le projet de « brutal », qui nécessite des « éclaircissements », lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire, le 28 janvier.

Evolutions radicales de la consommation

Pour Auchan, il s’agit de répondre à l’urgence. Cette réorganisation interne vise « à transformer le fonctionnement de l’entreprise pour la rendre plus en phase avec les exigences de réactivité et de souplesse du marché actuel ». Depuis 2017, il s’agit du troisième plan de réduction de postes, qui ont déjà entraîné la suppression de près d’un millier d’emplois, dont 400 dans les magasins et 400 dans la centrale d’achat et les fonctions administratives. Désormais, Auchan Retail France emploie quelque 3 000 personnes au siège et 72 500 en magasin.

Auchan est confronté aux évolutions radicales de la consommation, entre la demande de produits bio et sains et l’essor du numérique

Arrivé en octobre 2018, après avoir redressé Kiabi, une autre enseigne de la famille Mulliez, le nouveau président d’Auchan Retail, Edgard Bonte, s’attelle à restructurer radicalement l’entreprise. Il a nommé un nouvel état-major : après avoir promu, mi-2019, Jean-Denis Deweine à la direction des activités françaises, il a recruté Cyril Olivier, au sein de Kiabi, afin de prendre la direction de l’e-commerce en France, selon le magazine LSA.

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Car, comme tous ses concurrents, Auchan est confronté aux évolutions radicales de la consommation, entre la demande de produits bio et sains et l’essor du numérique. Or, jusqu’à présent, l’enseigne a mis du temps à s’adapter à cette nouvelle donne, ce qui met à mal son modèle historique.

1 milliard d’euros de pertes en 2018

Après des pertes de près de 1 milliard d’euros en 2018, le distributeur a annoncé, en mars 2019, mettre l’accent sur son retour à l’équilibre, avec « un cadre financier strict » et « une priorité donnée au redressement d’Auchan Retail ». D’ores et déjà, la vente de ses filiales au Vietnam et en Italie et la cession de vingt et un points de vente (supermarchés, hypermarchés, drives…), « sans perspective réaliste de retour à la rentabilité et ce, malgré les investissements réalisés », ont été décidés.

L’entreprise a, par ailleurs, mis en place son plan de relance, afin d’améliorer un taux de marge dans les standards du marché, en adaptant son modèle, son offre et son organisation aux nouvelles attentes des consommateurs. Depuis fin 2018, l’enseigne a lancé une réorganisation de son circuit de magasins par « zones de vie ».

Dans ce schéma, les hypermarchés jouent un rôle de plate-forme de fourniture de produits et de services pour les autres formats de magasins du même périmètre (traiteur, plats préparés, boulangerie…). Les premiers tests seront menés cette année à Lille, où les hypermarchés de l’agglomération alimenteront des drives piétons, des casiers de livraison et des Auchan Minute – son magasin sans personnels, actuellement testé au siège par ses employés – que le groupe souhaite installer.

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Un secteur qui perd des emplois

Carrefour

Un plan de départs volontaires au siège du groupe, signé en avril 2018, a conduit 2 400 personnes à quitter l’entreprise. En parallèle, le groupe s’est séparé de quelque 1 700 employés de son ancien réseau Dia.

Castorama

En 2018, Kingfisher a annoncé la suppression de 409 postes en France. En mars 2019, 826 salariés de quinze magasins de son enseigne Castorama en Europe sont également menacés.

Conforama

Le 1er juillet 2019, le groupe annoncé la suppression de 1 900 postes en France en 2020, sur les 9 000 employés dans l’Hexagone, avec la fermeture de 42 établissements en France.

Les syndicats sauront-ils se féminiser ?

« Sociologiquement, la place des femmes dans le monde du travail ne facilite pas leur prise de responsabilité syndicale. » Photo: Réunion le 19 décembre 2019 à Matignon avec Edouard Philippe et les partenaires sociaux.
« Sociologiquement, la place des femmes dans le monde du travail ne facilite pas leur prise de responsabilité syndicale. » Photo: Réunion le 19 décembre 2019 à Matignon avec Edouard Philippe et les partenaires sociaux. Benoit Tessier / REUTERS

Lorsque les partenaires sociaux rencontrent le premier ministre Edouard Philippe à Matignon, le 19 décembre, la photo du tour de table est une caricature. Pas une femme ne participe aux débats. Le cliché fait le tour des réseaux sociaux sur le thème : les syndicats connaissent-ils la parité ? De plus en plus investies dans la fonction syndicale depuis le début des années 2000, les femmes occupent rarement les places dirigeantes et doivent apprendre à jouer des coudes pour s’imposer.

« Faire sa place dans le monde des moustachus reste encore difficile pour les femmes », tranche la sociologue Amandine Mathivet en introduction du premier épisode d’« Au Turbin ! » de l’année. La productrice et réalisatrice du podcast mensuel sur la vie au travail a tendu le micro à Clara, 50 ans, militante CGT depuis vingt-trois ans et Marie-Claude, syndiquée CFDT depuis dix ans.

L’une comme l’autre sont fières de leur syndicat, de leurs actions et de leurs camarades, mais moins du sexisme ordinaire vécu au quotidien. Elles racontent les prises de paroles interrompues, voire pire ignorées, le déni de responsabilité, les attaques personnelles. « Ils s’autorisent plus à mal parler qu’avec un homme. Et plus les postes sont à responsabilité plus c’est dur, car la parole est plus libre dans les attaques », dit Clara. Leurs témoignages attestent de la difficulté persistante des femmes engagées à faire leur place dans le monde syndical, jusqu’à aujourd’hui.

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« T’as le potentiel, tu vas y arriver, c’est ce qu’on dit à la CGT, surtout aux femmes », raconte Clara. C’est ce qu’on lui a dit lorsqu’elle a rejoint le syndicat. « J’étais dans un rapport de dettes : ils m’avaient fait embaucher. Ce n’est pas rien un CDI. Ils m’ont envoyée dans les commissions, puis à un congrès de section () J’étais flattée ». Mais c’était davantage pour le travail à réaliser que pour la prise de responsabilités. En effet, lorsque ces mêmes salariées veulent prendre des postes de « pouvoir », la situation se complique.

Culturellement, les syndicats ont encore du chemin à faire

Sociologiquement, la place des femmes dans le monde du travail ne facilite pas leur prise de responsabilité syndicale. Elles sont plus nombreuses dans les entreprises de moins de 50 salariés où il y a moins de représentation syndicale et sur des contrats à temps partiel et horaires atypiques. Sauf, dans certains secteurs comme la santé ou l’Education nationale, où elles sont nombreuses et sur des emplois stables.

Le secteur du petit électroménager en grande difficulté

A la Bourse de New York, en juillet 2018.
A la Bourse de New York, en juillet 2018. Brendan McDermid / REUTERS

A Courbevoie (Hauts-de-Seine), mercredi 8 janvier, la grève n’a pas fait les gros titres des journaux. Malgré l’huissier venu constater un éventuel débordement, à la demande de l’entreprise. Malgré les rondes, gyrophare allumé, de la police nationale. Un dispositif pour faire face à la colère de… 22 salariés des marques de petit électroménager Remington (lisseurs, brosses coiffantes, rasoirs…) et Russell Hobbs (bouilloires, grille-pain, centrifugeuses…). Réunis en piquet de grève avec banderole et mégaphone, ils manifestaient contre les conditions de leur plan social, qui prévoit le licenciement des 16 commerciaux.

Tout a commencé en juin 2019, lorsque la multinationale américaine Spectrum Brands a annoncé aux représentants du personnel qu’elle allait fermer le département force de vente de la société RRH France, qui gère les marques Remington, Russell Hobbs et George Foreman dans l’Hexagone. Une petite équipe de commerciaux de 16 personnes, mais plus de la moitié des effectifs de son antenne française.

Répartie sur l’ensemble du territoire, elle est chargée de visiter les grandes surfaces (Auchan, Carrefour, Leclerc, Casino, Darty…), de signaler les produits manquants aux chefs de rayon, de montrer les nouveautés, de vérifier la bonne installation des promotions et leur mise en avant dans les catalogues… En somme, d’entretenir la relation avec les circuits de distribution pour qu’ils commandent et mettent en valeur les produits que le groupe fait fabriquer en Chine pour le monde entier.

Evolution du marché et des circuits de distribution

Or sur les 16 salariés concernés, onze ont plus de 50 ans et sept dépassent même les 55 ans. Avec plus de quinze ans d’ancienneté pour certains. « On autorise les groupes qui font des bénéfices à licencier des seniors et cela va être Pôle emploi qui financera le plan de sauvegarde de l’emploi », jugeait Mélinda Zeisset, déléguée syndicale CFE-CGC, avant l’ultime réunion de négociation avec la direction, mercredi 8 janvier.

Pour l’entreprise, le responsable est l’évolution du marché et des circuits de distribution. Pour justifier sa décision, elle raconte être confrontée à une baisse significative du secteur du petit électroménager en France, depuis plusieurs mois, conjuguée à une explosion de la concurrence des marques de distributeurs dans les grandes surfaces, qui font baisser ses ventes et tirent les prix vers le bas.

A cela s’ajoute le mouvement de concentration à l’achat dans la distribution et une accélération des demandes de remises promotionnelles qui affecte la rentabilité de ses marques. L’entreprise dit souffrir aussi de la volonté des acteurs de la grande distribution de se recentrer sur l’alimentaire, diminuant les espaces consacrés en magasin aux produits comme les siens.

« Les entreprises ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité si elles violent une promesse de contribuer au bien commun »

Tribune. La montée en puissance de la responsabilité sociétale de l’entreprise se confirme de jour en jour sous l’impulsion de parties prenantes (collaborateurs et clients notamment) dont l’exigence sur ces questions est particulièrement marquée au sein des générations les plus jeunes.

Dans le droit-fil de la recommandation n° 11 du rapport Notat-Senard, la loi Pacte du 22 mars 2019 a consacré la possibilité pour une société d’inscrire une « raison d’être » dans ses statuts. Dès les premiers mois d’application, cette option a rencontré un succès réel qui devrait se confirmer une fois que le flou sur la portée juridique de l’expression de cette « raison d’être » sera dissipé.

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Ce flou résulte en effet d’une formule du rapport Notat-Senard, reprise dans l’exposé des motifs de la loi Pacte, suggérant que cette stipulation ne serait qu’« une indication qui mérite d’être explicitée, sans pour autant que des effets juridiques précis y soient attachés ».

Or cette vision est contestée par la doctrine juridique dominante, qui estime que la méconnaissance par un dirigeant d’une clause statutaire sur la raison d’être est de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la société et des associés, et à justifier sa révocation.

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Au regard de la rédaction des articles 1850 du code civil et L. 225-251 du code de commerce, qui énoncent que « les dirigeants sont responsables individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, [… ] de la violation des statuts […] » et de l’introduction par la loi Pacte elle-même d’une disposition imposant expressément au conseil d’administration ou au directoire des sociétés anonymes de prendre en considération la raison d’être lorsque celle-ci est définie dans les statuts (art. L 225-35 et L 225-64), la possibilité pour les associés d’une société de mettre en cause les dirigeants au titre d’une méconnaissance de la raison d’être statutaire ne fait guère de doute.

Obligation de conformité

Certains auteurs estiment, sur la base de la jurisprudence financière, que les sociétés offrant leurs titres au public encourent également un risque de sanction administrative pour information mensongère. Enfin, la société elle-même pourrait se voir opposer judiciairement par des tiers une obligation de conformité à la vision exprimée dans ses statuts.

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Face à une possible mise en cause de leur responsabilité, les dirigeants des sociétés françaises décidant d’adopter une raison d’être peuvent être tentés de s’en tenir à une formulation générique et abstraite, donnant peu de prises à ceux qui voudraient se prévaloir devant les tribunaux ou les autorités d’une absence d’alignement entre la vision exprimée et les actes. Cela semble être l’approche de bon nombre d’entreprises, y compris celles du CAC 40 ayant choisi une raison d’être. Carrefour a, par exemple, inscrit l’enjeu de « la transition alimentaire pour tous » dans ses statuts. Atos a complété son objet social comme suit : « Chez Atos, notre mission est de contribuer à façonner l’espace informationnel. Avec nos compétences et nos services, nous supportons le développement de la connaissance, de l’éducation et de la recherche dans une approche pluriculturelle et contribuons au développement de l’excellence scientifique et technologique. Partout dans le monde, nous permettons à nos clients et à nos collaborateurs, et plus généralement au plus grand nombre, de vivre, travailler et progresser durablement et en toute confiance dans l’espace informationnel ».

Arjowiggins : le projet des anciens salariés pour relancer leur usine

L’usine du papetier Arjowiggins, de Bessé-sur-Braye, le 27 mars 2019, au moment de la liquidation.
L’usine du papetier Arjowiggins, de Bessé-sur-Braye, le 27 mars 2019, au moment de la liquidation. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Liquidée en mars 2019, l’usine du papetier Arjowiggins de Bessé-sur-Braye (Sarthe) est en quête de repreneurs. Fin 2019, une partie des 568 anciens salariés ont imaginé un projet qui tourne notamment autour d’un papier permettant de remplacer le plastique dans la fabrication de vaisselle jetable. Le projet industriel est jugé sérieux et rentable par une société d’expertise.

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La fin des plastiques jetables depuis le 1er janvier est peut-être la meilleure nouvelle qui soit pour l’usine Arjowiggins fermée au printemps 2019. Cette interdiction, qui contraint, notamment, les professionnels de la restauration rapide à opter pour un nouveau type de vaisselle, a forcé l’imagination des anciens salariés du service de recherche et développement de l’usine sarthoise. Ils ont mis au point un papier pouvant être utilisé par les industriels.

« Nous avons réorienté notre portefeuille sur des produits de grande valeur ajoutée et, notamment, un produit phare de papier barrière », explique Christophe Garcia, ancien délégué CFE-CGC. « Il se fait déjà de la vaisselle avec une base de papier sur laquelle il est apposé une couche de polyéthylène. Nous, nous sommes en mesure de produire cette base de papier et de remplacer le polyéthylène par un couchage de produit recyclé. »

« C’est un papier qui résiste à la matière grasse, à la chaleur, à l’eau »

« C’est un papier qui résiste à la matière grasse, à la chaleur, à l’eau », précise Pascal Trudel (CGT), et qui peut être utilisé pour « fabriquer des gobelets, des pailles, des tubes de crème ou même des pots de rillettes », sourit l’ancien d’Arjowiggins en faisant un clin d’œil au patrimoine culinaire sarthois.

Une étude financée par l’intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC), l’Etat et la région des Pays de la Loire, et menée par la société d’expertise Secafi, a permis, fin décembre 2019, de confirmer la pertinence du projet.

Reste à trouver l’industriel
prêt à reprendre le site

« L’objectif du groupe de travail était de trouver un projet viable et pérenne », explique-t-on chez Secafi. « Nous avons regardé le papier qui permettait de gagner de l’argent. Le papier transfert, le papier de cartes à jouer ou de poster sont des produits très bien valorisés. Des produits sur lesquels Arjowiggins est leader. Et puis il y a le papier barrière qu’ils ont réussi à développer. Là, il y a vraiment quelque chose à faire. Avec la loi qui est passée, c’est un vrai enjeu. Le produit a été développé par la R&D et on estime qu’il faut environ dix-huit mois pour le lancer. Mais c’est là où il y a le plus grand potentiel », assure la société d’expertise.

Naissance du numéro deux mondial de la livraison de repas

La plate-forme de livraison de repas Just Eat, à Londres, le 5 août.
La plate-forme de livraison de repas Just Eat, à Londres, le 5 août. Toby Melville / REUTERS

Un nouveau géant de la livraison de repas est né. Jeudi 9 janvier, les actionnaires de Takeaway.com, une entreprise néerlandaise, ont approuvé l’acquisition du Britannique Just Eat pour près de 6 milliards de livres (7 milliards d’euros). Les actionnaires de ce dernier ont jusqu’à vendredi à 13 heures pour donner leur feu vert, mais 46 % du capital est déjà acquis, et ce n’est désormais qu’une formalité. Ensemble, les deux entreprises, présentes dans vingt-trois pays, dont la France, va donner naissance au numéro un européen, et au numéro deux mondial derrière le chinois Meituan.

Les plates-formes de livraison de repas (Uber Eats, Deliveroo, Just Eat…) secouent le marché de la restauration depuis quelques années. En cinq ans, elles ont levé 11 milliards de dollars (9,9 milliards d’euros), selon les calculs d’UBS, une banque suisse. Elles se livrent une guerre commerciale très agressive, souvent à perte. A l’ère des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), le principe est toujours le même : dominer le marché, pour être le numéro un ou deux et tuer la concurrence, puis augmenter les marges dans un second temps, pour rentabiliser les investissements.

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Cette concurrence effrénée provoque un vaste mouvement de consolidation, dont cette acquisition est le dernier exemple. Ensemble, Just Eat et Takeaway.com génèrent des commandes auprès de restaurants pour 7,3 milliards d’euros, sur lesquelles elles prennent des commissions pour 1,2 milliard d’euros (leur chiffre d’affaires). Au premier semestre, leur bénéfice opérationnel cumulé était de 85 millions d’euros. Le nouveau groupe sera leader du marché au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Pologne, en Autriche, en Israël…

Des abysses financiers

Pendant des décennies, seules quelques grandes enseignes (Pizza Hut, Domino’s Pizza…) faisaient des livraisons. Au début des années 2000, des sites Internet ont commencé à mettre en relation clients et restaurants : il devenait soudain possible de commander de chez soi auprès d’un grand nombre d’établissements, mais c’était toujours ces derniers qui assuraient eux-mêmes la livraison. Takeaway.com, créé aux Pays-Bas en 2000, et Just Eat, lancé en Suède en 2001 et aujourd’hui coté en Bourse, à Londres, font partie de ceux-là.

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Autour de 2014, le marché a basculé à l’ère du smartphone. Deliveroo au Royaume-Uni, Uber Eats aux Etats-Unis, Delivery Hero en Allemagne et quelques autres ont vu le jour. A coups de milliards, ils ont créé leur propre service de livraison, élargissant fortement le marché. Soudain, il est devenu possible de commander depuis son écran auprès d’un restaurant qui n’a pas de livreurs. Pour les consommateurs, le choix est devenu radicalement différent : au Royaume-Uni, en 2015, il était possible de se faire livrer par le tiers des restaurants du pays ; aujourd’hui, c’est presque la moitié, d’après UBS. Les jeunes générations adorent. Les 25-34 ans commandent des plats chez eux 1,22 fois par semaine en moyenne, trois fois plus que leurs parents, toujours selon UBS.

A La Roche-sur-Yon, un accord trouvé sur les conditions de départ des « Michelin »

Un employé de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en octobre 2019.
Un employé de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en octobre 2019. LOÏC VENANCE / AFP

Un accord a été trouvé entre direction et syndicats sur les conditions de départ des 619 salariés de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon qui doit fermer ses portes cette année, a annoncé la direction, jeudi 9 janvier.

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« On ne peut pas dire qu’on est satisfait, parce que forcément, on espère toujours avoir mieux, mais globalement, les mesures sont acceptables », a réagi Fabrice Herbreteau, délégué syndical CFE-CGC.

« Cet accord n’empêche pas la colère qu’on peut avoir concernant la fermeture du site et le fait que Michelin fasse beaucoup de profits et sacrifie des usines pour faire encore plus de rentabilité. »

Assistance en vue d’un reclassement

Les salariés vont bénéficier d’une prime de départ de 40 000 euros brut auxquels s’ajouteront 500 euros par année d’ancienneté.

Pour ceux qui souhaitent se reclasser dans une autre entreprise, cette indemnité de départ sera non imposable et Michelin s’engage à compenser la différence de salaire à hauteur de 400 euros brut par mois pendant trois ans.

Un cabinet privé est aussi chargé de les assister en vue d’un reclassement. Une aide à la formation à hauteur de 10 000 euros et une aide à la création d’entreprise sont également prévues.

Pour Nicolas Biron, délégué SUD, « toutes ces indemnités ne compenseront jamais totalement le préjudice subi par les salariés, la perte de leur emploi ». « On a essayé d’obtenir un maximum de compensation par rapport à tout ça, on est parti assez bas sur des montants de plan de sauvegarde de l’emploi, et on a pu obtenir dans l’enveloppe globale 40 % de plus », s’est-il félicité.

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Sur les 619 salariés, une centaine devrait faire le choix de rester en interne et d’aller travailler dans un autre site du groupe. Ils bénéficieront de l’indemnité de départs, mais elle sera imposable. Michelin s’engage à financer leur déménagement et à aider financièrement les conjoints qui abandonneraient leur travail en Vendée.

Enfin 90 salariés environ, qui seront à la retraite d’ici le 1er janvier 2026, doivent profiter de la mesure d’âge : ils toucheront 75 % de leur salaire brut par mois, jusqu’à la retraite.