« Ce sera l’IA et moi » : imaginer son futur métier

« Ce sera l’IA et moi », de Cécile Dejoux, éditions Vuibert, 192 pages, 19 euros.
« Ce sera l’IA et moi », de Cécile Dejoux, éditions Vuibert, 192 pages, 19 euros.

Livre. Faire fi des barrières de langage et communiquer avec ses équipes basées en Chine ou aux Etats-Unis en s’exprimant dans sa langue maternelle sachant que ses propos seront automatiquement traduits dans la langue locale ; analyser sémantiquement avec des algorithmes le contenu des offres d’emploi et cibler les CV des candidats qui correspondent le mieux aux attentes du recruteur ; prédire le comportement des consommateurs et offrir un service personnalisé…

Bienvenue au pays de l’intelligence artificielle (IA). Quel impact aura l’arrivée de l’IA sur votre métier ? Quels aspects du travail tels que nous les connaissons aujourd’hui vont être modifiés, voire disparaître ? Que nous apportera l’IA en échange ? Autant de questions soulevées dans Ce sera l’IA et moi, un essai de Cécile Dejoux.

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L’ouvrage s’adresse à tous les « non scientifiques », salariés, entrepreneurs, freelances, dirigeants, manageurs, collaborateurs, étudiants, qui souhaitent comprendre ce qu’est l’IA, l’utiliser ou la cocréer en toute conscience afin d’être au cœur des transformations. « Le tout est de ne pas se laisser dépasser, et d’apprendre à connaître ce nouvel environnement qui s’ouvre à vous : son vocabulaire, ses concepts, ses techniques et méthodes, ses processus, ses outils, ainsi que les nouvelles personnes impliquées, qui supposent de nouveaux métiers », souligne la professeure des universités au CNAM.

Des projections angoissantes

En 1997, le superordinateur Deep Blue bat le champion du monde d’échecs de l’époque, Garry Kasparov. En 2017, AlphaGo, créé par l’entreprise britannique Google DeepMind, bat le champion du monde Ke Jie au jeu de go… En 2018, Google DeepMind permet de détecter les maladies oculaires avec une précision plus sûre que celle d’un ophtalmologue. « Autant de jalons qui marquent les progrès exponentiels des systèmes d’IA, conjoints à l’arrivée dans les années 2000 du Web 2.0, du big data et de nouvelles puissances et infrastructures de calcul, qui permettent aux ordinateurs d’exploiter des masses de données sans précédent. »

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Plusieurs domaines d’application sont arrivés à maturité et sont exploités dans les entreprises, il s’agit donc de prendre conscience des opportunités qu’offre l’IA pour créer de nouvelles activités et renouveler les usages. « Alors que le numérique a favorisé l’apprentissage continu, l’IA nous impose une posture réflexive : c’est à chacun de nous d’imaginer son futur métier avec l’IA », estime la professeure affiliée ESCP Business School.

L’IA est un aussi sujet qui alimente les projections angoissantes. Ses applications sont tellement multiples qu’on a l’impression qu’elle « se glisse partout à notre insu, son introduction dans nos vies quotidiennes étant presque invisible… et soulevant des craintes plus ou moins justifiées. »

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Traditionnellement en entreprise, la relation entre les collaborateurs et leurs manageurs se fondait sur la confiance, l’autorité, la compétence et/ou la loi. Mais la confiance ne peut pas être absolue dans une IA. L’auteure de l’essai indique à ce sujet : « Savoir la questionner et douter d’elle semble indispensable. Ce qui pousse un manageur à avoir une attitude conforme et positive, au-delà de son état d’esprit, c’est sa réputation, le jugement des autres et sa conscience professionnelle. Une IA n’a aucune limite dans l’erreur et aucune conscience d’une réputation perdue. »

« Ce sera l’IA et moi » de Cécile Dejoux, aux éditions Vuibert, 192 pages, 19 euros.

Bataille sur le montant de la prime promise dans les Ehpad du groupe Korian

Une prime peut en cacher une autre. Lundi 25 mai, jour de l’ouverture du « Ségur de la santé », une grève a été lancée au sein du groupe Korian, à l’appel de la CGT, FO et SUD, pour obtenir le versement d’une prime maison, en plus d’une autre promise par l’Etat, en reconnaissance des efforts des salariés durant la crise sanitaire due au Covid. En réponse au mouvement, la direction du groupe a promis de verser 1 500 euros à l’ensemble de ses 24 000 salariés en juillet. Un montant supérieur de 500 euros à celui promis, le 27 avril, par la directrice générale du groupe, Sophie Boissard.

Selon les grévistes, cependant, le « compte n’y est pas » encore. Ils demandent que la prime maison s’ajoute intégralement à celle promise par le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, le 7 mai, pas seulement qu’elle la complète. « On ne veut pas seulement des remerciements symboliques, on veut les deux primes », confie Cynthia Mouyombo qui a manifesté lundi avec une trentaine de salariés devant l’établissement Korian Les Merlettes à Sarcelles (Val-d’Oise).

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M. Véran s’était engagé, début mai, à verser une prime à « tous les personnels de tous les Ehpad de France, quel que soit leur statut ». Le montant promis est de 1 500 euros dans les quarante départements classés en rouge « où l’épidémie aura été la plus forte ». Il n’est en revanche que de 1 000 euros dans ceux classés en vert. Cette prime doit être entièrement financée par l’Assurance-maladie.

« Pas satisfaits »

« Nous proposons une prime majorée et élargie à tout le personnel. Mais il n’a jamais été question d’accorder deux primes. On attend le décret du gouvernement pour connaître les conditions exactes de l’octroi de la prime de l’Etat », explique ainsi la directrice des ressources humaines de Korian, Nadège Plou. Le mécanisme est toutefois déjà arrêté : Korian abondera la prime pour les salariés qui travaillent dans les zones vertes. En Ehpad, ils pourront obtenir jusqu’à 500 euros de l’entreprise. En clinique, ils pourraient se voir attribuer jusqu’à 1 000 euros, puisque la prime Véran pourrait être de 500 euros seulement, explique Mme Plou.

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« On n’est pas satisfaits du tour de passe-passe, déplore Albert Papadacci, délégué syndical central CGT au sein de l’entreprise. Korian ne va pas verser 1 500 euros aux 24 000 salariés, comme il le prétend. Il va donner à la moitié d’entre eux, ceux qui travaillent dans la zone verte, entre 500 et 1 000 euros. Si la direction avait versé fin avril la prime que nous réclamions depuis le 20 mars, nous aurions pu la cumuler avec celle de Véran. » Selon le syndicaliste, « la direction de Korian a souhaité que le gouvernement prenne un engagement financier pour pouvoir ensuite communiquer sur l’affichage d’une prime égale pour tous en se contentant de compléter le montant ».

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L’Etat baisse la prise en charge du chômage partiel

Conformément à ce qu’il avait laissé entendre dès la fin avril, le gouvernement a décidé, lundi 25 mai, de réduire la voilure sur le chômage partiel. A partir du 1er juin, les entreprises ayant opté pour ce dispositif ne seront plus remboursées à 100 %, comme c’était le cas depuis le début du confinement : elles paieront désormais 15 % de la « facture ». Pour les travailleurs qui en bénéficient, la situation reste inchangée : ils continueront de percevoir environ 84 % de leur salaire net, dans la limite de 4,5 smic ; ceux qui sont au salaire minimum, eux, toucheront, comme auparavant, l’intégralité de leur rémunération. C’est le ministère du travail qui a apporté ces précisions, dans un communiqué.

Les nouvelles règles doivent encore faire l’objet d’un décret, après l’adoption du projet de loi portant « diverses dispositions liées à la crise sanitaire » en cours d’examen au Parlement. Elles ne s’appliqueront pas aux « secteurs faisant l’objet de restrictions législatives ou réglementaires particulières », comme la restauration ou le tourisme : dans ces cas-là, les employeurs resteront indemnisés à 100 % (pour les salaires allant jusqu’à 4,5 smic). Le but de ces ajustements est « d’encourager la reprise d’activité » des sociétés qui « ne subissent plus de contraintes », tout en préservant celles qui demeurent fermées ou très touchées « par les mesures sanitaires ».

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Massivement déployé à partir de la mi-mars pour éviter les licenciements en cascade, le chômage partiel concernait, en avril, environ 8,6 millions de personnes, soit un peu plus de 40 % des salariés du privé, selon des estimations de la Dares – la direction chargée des études au ministère du travail. Un niveau un peu moins élevé que ce que laissaient supposer les premiers chiffres avancés par l’exécutif, mais qui reste sans précédent. Le coût de ce filet de protection est très important : 24 milliards d’euros ont été budgétés pour les mois de mars, avril et mai – financés aux deux tiers par l’Etat, le solde incombant à l’Unédic, l’association paritaire qui pilote l’assurance-chômage. Les changements de paramètres dévoilés lundi visent clairement à diminuer le montant de l’ardoise. Ils cherchent aussi à aiguillonner des entreprises soupçonnées d’avoir recouru à un dispositif très favorable alors qu’elles auraient pu s’en passer ou y recourir avec plus de modération.

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Chômage partiel : les élus du personnel dénoncent des abus

«  Même si le salarié poursuit de lui-même son activité pendant sa période de chômage partiel, son employeur est dans l’illégalité. »
«  Même si le salarié poursuit de lui-même son activité pendant sa période de chômage partiel, son employeur est dans l’illégalité. » Philippe Turpin / Photononstop

Plus de la moitié des élus et responsables syndicaux interrogés dans le cadre d’une étude du cabinet Technologia, dont l’entreprise a eu recours au chômage partiel, déclarent que des salariés sous ce dispositif ont continué à travailler. Sur les réseaux sociaux circulent des témoignages de salariés mis au chômage partiel, alors qu’ils ont poursuivi leur activité.

On soupçonnait l’existence de tels abus, mais le phénomène restait difficile à quantifier. Alors que le nombre de salariés mis au chômage partiel a atteint des sommets en avril, une étude du cabinet de conseil en prévention des risques professionnels Technologia donne une première idée des fraudes potentielles concernant le recours par les entreprises à ce dispositif, assoupli suite à la crise du Covid-19. Et leur ampleur interroge.

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A en croire les réponses des 2 620 élus et responsables syndicaux qui ont été interrogés dans le cadre de cette étude en avril, les salariés qui ont continué à travailler sur leurs dossiers ou à répondre aux sollicitations de leurs clients pendant leur période de chômage partiel sont légion.

Plus de la moitié des élus, dont l’entreprise a eu recours à ce dispositif, estime qu’il y a eu des abus. Dans le détail, 24 % déclarent que des employés au chômage partiel auraient poursuivi leur activité à la demande de l’employeur dans leur entreprise. D’autres ont continué à travailler de leur propre initiative, rapportent 28 % des élus.

Un investissement motivé par la « peur de perdre leur emploi », avance le cabinet Technologia : la crise économique inciterait ces salariés à maintenir leur activité coûte que coûte, « dans une démarche sacrificielle ». Paradoxalement, ce dévouement peut causer du tort à l’entreprise : même si le salarié poursuit de lui-même son activité pendant sa période de chômage partiel, son employeur est dans l’illégalité.

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Enfin, des élus rapportent que des salariés au chômage partiel auraient été appelés par leur manager (30 %) et/ou leur dirigeant (11 %) dans leur entreprise.

Rappelons que le salarié doit complètement cesser son activité s’il est mis au chômage partiel total. Même un simple coup de fil, pour savoir où en en est un dossier par exemple, est prohibé. Dans le cas où il continue de travailler partiellement, son entreprise doit le rémunérer à hauteur des heures travaillées.

Effet d’aubaine

Si l’ampleur des abus dénoncés dans cette enquête ne manque pas de surprendre, des voix se sont déjà élevées pour pointer les potentiels effets d’aubaine de ce dispositif, qui offre la prise en charge par l’Etat de la quasi-totalité du salaire. Sur les réseaux sociaux circulent des témoignages de salariés mis au chômage partiel et qui ont tout de même poursuivi leur activité.

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« Tout le travail que j’ai fait, c’est l’Etat qui l’a payé » : des salariés dénoncent des fraudes au chômage partiel

Un salarié en télétravail à Givors (Rhône), le 30 mars.
Un salarié en télétravail à Givors (Rhône), le 30 mars. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Près d’un mois après, la colère ne retombe toujours pas pour Stéphane (*). Salarié dans un grand groupe de services en région toulousaine, il se souvient encore de cet appel reçu « le 28 avril à 18 h 30 » par son « n + 2 ». S’il est en télétravail depuis le début du confinement, instauré à la mi-mars pour tenter de freiner l’épidémie due au coronavirus, il ne compte pas ses heures. Projets, formations, ateliers… « Je travaillais même plus qu’en temps normal », assure-t-il.

Pourtant, en cette fin avril, son « n + 2 » lui apprend qu’il allait être mis au chômage partiel et que cette mesure était même rétroactive au 1er avril. « Donc tout le travail que j’ai fait pour le groupe, c’est l’Etat et le contribuable qui l’ont payé », raconte-t-il, amer.

Et alors qu’il devait débuter une mission début mai, « ils sont allés dire à mon futur client que j’avais demandé à être mis au chômage partiel pour garder mes enfants, et que donc je ne pourrai pas travailler. Ce qui est faux ». Le « coup de grâce » pour Stéphane.

Il essaye de protester, en faisant part de ses doutes quant au bien-fondé et à la légalité de cette mesure, « mais on me rétorque : Si ça te pose un cas de conscience, libre à toi de rester…”, avec un sourire ironique. J’étais très énervé, ils ont fait ça dans mon dos. »

Plus de 8 millions de salariés en chômage partiel

Le chômage partiel existait déjà avant la crise, mais il a été assoupli par le gouvernement pour prévenir les licenciements massifs : les sociétés qui voient leur activité baisser ou les entreprises contraintes de fermer peuvent y recourir. Leurs employés perçoivent alors une indemnité correspondant, en moyenne, à 84 % de leur salaire net, financée par l’Etat et l’Unedic. Et si l’employeur le souhaite, libre à lui de compenser la différence et d’assurer, ainsi, le maintien de la paye à son niveau habituel.

En avril, plus de 8 millions de salariés étaient au chômage partiel, selon les derniers chiffres du ministère du travail. Depuis mars, ce sont plus d’un million d’entreprises qui ont sollicité une autorisation d’activité partielle.

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Mais combien ont tenté de profiter de la situation ? Selon une étude du cabinet Technologia, menée entre avril et mai auprès de 2 600 élus du personnel, « 24 % des employés en chômage partiel total auraient été amenés à poursuivre leur activité à la demande de l’employeur ». Et plus de 50 % des personnes interrogées considèrent que « des demandes d’activité interdites ont eu lieu ».

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Crise sanitaire : inquiétudes sur la dette des ménages en Europe

Devant un distributeur de billets lors du premier jour de déconfinement, à Lyon, le 11 mai.
Devant un distributeur de billets lors du premier jour de déconfinement, à Lyon, le 11 mai. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Quinze euros la coupe, chez des amis d’amis ou d’anciens clients. Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, Stéphane exerce son métier de coiffeur comme il peut, chez lui ou à domicile – « la débrouille ». Son contrat dans un salon parisien devait être renouvelé en mars. Il ne l’a pas été. « Financièrement, ça devient compliqué », confie-t-il.

En avril, il a puisé dans son Livret A pour payer une partie du crédit – soit 700 euros par mois – qu’il a contracté il y a cinq ans pour s’acheter un deux-pièces, près de la porte de Pantin. En juin, ce jeune quadragénaire tiendra encore. « Mais si je ne retrouve pas un poste avant l’été, je ne pourrai plus payer », murmure-t-il, avec pudeur. Avant d’ajouter, anxieux : « Même si ça déconfine, qui est assez fou pour embaucher aujourd’hui ? »

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Catherine, elle, s’est résolue à solliciter ses parents. « Le loyer, ça va, mais le prêt pour la voiture, c’est un peu juste », raconte la trentenaire. Le restaurant où elle travaille, près de Lyon, l’a mise au chômage partiel. « C’est un soulagement, mais sans les pourboires et les extras, je ne m’en sors plus. » Elle espère pouvoir rééchelonner ses échéances de remboursement auprès de son organisme de crédit. En attendant, son père lui prête de l’argent : « J’ai dû ravaler ma fierté pour lui confier mes problèmes. Si le restaurant ne rouvre pas rapidement, je ne serai plus très loin du gouffre. »

« C’est encore le calme avant la tempête »

Combien sont-ils, comme Catherine et Stéphane, à angoisser un peu plus à chaque fin de mois ? A craindre de ne pas pouvoir rembourser la banque, le cœur serré à l’idée de demander l’aide d’un proche ?

« Des gens comme eux, sur le fil, nous appellent tous les jours, et ils sont de plus en plus nombreux depuis la fin du confinement [le 11 mai], souligne Pauline Dujardin, juriste fédérale au sein de Crésus, le réseau d’associations soutenant les personnes en difficulté financière. Beaucoup tiennent grâce au chômage partiel. Mais si la vague de licenciements que l’on redoute se confirme, l’automne sera très dur. » Eric Dor, économiste à l’Ieseg School of Management, partage les mêmes inquiétudes. « C’est encore le calme avant la tempête, dit-il. Si la reprise n’est pas au rendez-vous, il y a aura une envolée des défauts, d’abord chez les entreprises, puis au sein des ménages. »

Pour soutenir les locataires, nombre d’Etats, comme l’Espagne, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, ont instauré des fonds d’aide ou reports de loyers

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Coronavirus : le coup de grâce pour « Grazia » ?

« Confiné.e.s mais ensemble, 100 idées pour tenir le coup dans la bonne humeur », titrait le magazine Grazia à la « une » de son édition datée du 27 mars au 9 avril. Volontariste, la formule encourageait un optimisme qui, au sein de l’équipe de l’hebdomadaire féminin, commençait déjà à s’étioler : le numéro 529 était un numéro double, censé rester deux semaines en kiosques au lieu d’une, le temps de prendre la mesure du confinement. Mais les jours qui ont suivi ont achevé de tarir les idées « pour tenir » et, à Grazia, la bonne humeur s’est ternie à mesure que grandissait l’inquiétude : cette parution aura-t-elle été la dernière ?

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Car de numéro 530, il n’y en a toujours pas eu. Placés en télétravail au début du confinement, les salariés (une douzaine) ont été mis en chômage partiel total dès le 23 mars – mais n’en ont été officiellement informés que deux jours plus tard. Les autres collaborateurs, pigistes et prestataires extérieurs, ont été livrés à eux-mêmes, laissés soudainement sans revenus. Près d’un mois plus tard, le 22 avril, la direction du journal a envoyé un mail collectif pour informer d’une « suspension de l’activité sur le print [version papier] jusqu’à la fin de l’été » – et d’un maintien du chômage partiel. « Peut-on avoir une date précise ? » du moment où l’été s’arrête, a demandé la rédaction, réunie derrière une adresse e-mail commune, dans un message cinglant. Puis, sans s’encombrer de circonlocutions : « Devons-nous envisager un changement total de notre univers professionnel à titre collectif et individuel ? »

« Rien n’est encore prévu »

Plusieurs jours se sont encore écoulés avant que ne tombe la réponse de Germain Périnet, le directeur des activités presse & éditeur des marques chez Reworld Media (Grazia, Closer, Auto-Moto, Sciences & Vie, Biba, etc.) : « Comme vous le savez, leur a-t-il écrit le 7 mai, l’équation économique du titre est totalement dépendante des investissements publicitaires (…). A ce jour, nous n’avons aucune visibilité ni aucune garantie en provenance des marchés, à court et moyen terme, concernant la reprise des investissements publicitaires (…). Nous examinons actuellement les hypothèses, crédibles et pérennes, permettant d’envisager un retour de la marque Grazia en points de vente et pour nos abonnés. »

Depuis ce courriel, et malgré la formule « Vous serez naturellement informés de l’évolution de la situation », plus aucune communication n’a été faite aux équipes. Les lecteurs, eux, se seront contentés d’un message, en mars, les engageant à se créer un compte numérique pour « profiter de tous les avantages » de leur abonnement. Nos mails et appels à Germain Périnet, ainsi qu’aux codirigeants de Reworld Media, Gautier Normand et Pascal Chevalier, sont restés sans réponse.

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A La Seyne-sur-Mer, le fleuron CNIM est proche du démantèlement

Des techniciens travaillant sur le programme nucléaire ITER, sur le site de CNIM, le 14 octobre 2016.
Des techniciens travaillant sur le programme nucléaire ITER, sur le site de CNIM, le 14 octobre 2016. BORIS HORVAT / AFP

C’est un fleuron de l’industrie française sur les bords de la Méditerannée qui vacille et menace d’emporter avec lui toute une commune. Un an après avoir annoncé 15 millions d’euros d’investissements pour construire de nouveaux ateliers, le groupe Constructions navales et industrielles de la Méditerranée (CNIM), 174 ans d’existence mis à mal par la défaillance d’un partenaire britannique, est dans l’attente de l’homologation d’un protocole de sortie de crise par le tribunal de Paris, le 28 mai, pour tenter de sauver son activité. Une fois validé, ce texte entérine le saucissonnage du groupe, ce qui suscite de vives inquiétudes chez les syndicats comme chez les élus locaux.

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L’entreprise d’actionnariat familial (588,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019), qui emploie 2 600 personnes en France et à l’étranger dont près d’un millier à La Seyne-sur-Mer (Var), est un pilier économique sur la rade depuis le règne de Napoléon III. Aujourd’hui, l’entreprise héritière des Chantiers navals est une spécialiste des hautes technologies. Elle s’est créé une réputation d’excellence industrielle et travaille pour Ariane, le programme de recherche nucléaire ITER, les énergies renouvelables ou encore l’armement, notamment les tubes lance-missiles pour les sous-marins français.

En décembre 2019, la défaillance d’un sous-traitant clé et l’accumulation des pénalités de retard dans un contrat de valorisation des déchets ménagers en Angleterre ont fait vaciller l’ensemblier industriel, lui coûtant quelque 60 millions d’euros, soit 10 % de ses revenus. En Bourse, son cours a dû être suspendu après avoir dévissé de plus de 20 %. Pour sauver le groupe, un pool bancaire et l’Etat ont consenti à l’équipementier un financement à court terme de 44 millions d’euros.

Création de quatre fiducies

En contrepartie, la holding familiale Soluni, principal actionnaire, a dû entamer la cession de son siège parisien et accepter la création de quatre fiducies. Car si ce protocole permet au groupe de ne pas avoir à cesser ses activités sur le très court terme, il signe aussi, de fait, son découpage. Et si la société ne parvient pas à rembourser les 44 millions et les intérêts, de l’ordre de 6 %, d’ici un an – « ce qui est mathématiquement impossible », assurent les syndicats –, alors les banques prendront le relais et pourront céder à des investisseurs les différentes branches.

Le syndicat FO, majoritaire, indique que « trois conglomérats chinois sont déjà sur les rangs », selon son délégué Jean-Pierre Polidori. Compte tenu de la dimension stratégique du groupe CNIM, il réclame de l’Etat « une nationalisation partielle et temporaire. » « Une pluie de milliards s’abat sur les grosses sociétés françaises à fort potentiel médiatique, peste le délégué syndical. Mais pour CNIM, qui doit avoir une image plus “underground” que Renault ou Air France, c’est pas la même chose. »

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Etats-Unis : hécatombe dans les grands magasins

Le parking vide du magasin J.C. Penney, dans le centre commercial de Woodbridge (New Jersey), le 21 mai.
Le parking vide du magasin J.C. Penney, dans le centre commercial de Woodbridge (New Jersey), le 21 mai. LUCAS JACKSON / REUTERS

Le coronavirus aura été le coup de grâce. En une semaine, trois fleurons du commerce de détail aux Etats-Unis se sont déclarés en faillite. Après l’avalanche de banqueroutes de 2019 (plus de 9 000 magasins fermés), « l’apocalypse » du commerce de détail, selon l’expression de la presse américaine, semble devoir se confirmer.

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Vendredi 15 mai, la chaîne de grands magasins de vêtements, accessoires et cosmétiques, J.C. Penney, l’une des plus anciennes du pays, a demandé à être placée sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites. Créée en 1902 par un fils de pasteur et fermier du Missouri, James Cash Penney, l’enseigne avait survécu à la Grande Dépression des années 1930. A son apogée, elle employait plus de 200 000 personnes (85 000 aujourd’hui) et possédait 1 600 magasins. Le groupe a indiqué avoir obtenu 900 millions de dollars (825 millions d’euros) de ses créanciers pour organiser sa restructuration. Il prévoit de fermer 200 magasins cette année et 50 autres en 2021, soit près de 40 % du nombre actuel de ses établissements.

Le déclin des « malls »

Une semaine plus tôt, c’était la chaîne de grands magasins de luxe Neiman Marcus qui avait déposé un dossier de mise en faillite, après 113 ans d’existence. Le groupe de Dallas (Texas), qui possède également les enseignes Bergdorf Goodman et Horchow, avait dû mettre ses 14 000 salariés au chômage technique, en raison de la pandémie, alors qu’il a plus de 4 milliards de dollars de dette. Il a préféré devancer les échéances : la plupart de ses magasins, à l’exception de ceux de Floride, sont encore fermés du fait des mesures sanitaires.

Autre victime : l’enseigne J. Crew, qui avait pourtant connu un regain de ferveur depuis que Michelle Obama avait adopté sa ligne de prêt-à-porter BCBG. En 2011, elle était même devenue la première marque de mode grand public présente à la Fashion Week de New York. Et elle avait lancé Madewell, une marque pour les teenagers, qui avait connu une expansion rapide et compte aujourd’hui 132 magasins. Le 4 mai, J. Crew a elle aussi invoqué le chapitre 11. La société espère parvenir un accord avec ses bailleurs de fonds (Anchorage Capital Group, LLC et GSO Capital Partners) pour convertir une partie de sa dette (1,65 milliard de dollars) en capital.

Les États-Unis possèdent beaucoup plus de magasins qu’il n’est devenu nécessaire dans un univers où la consommation a changé

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