« L’expérience du confinement a montré les limites du cadre juridique du télétravail »

Tribune. La pratique du télétravail, qui concernait un quart des salariés en mai selon le ministère du travail, n’a cessé de reculer depuis le déconfinement pour ne concerner plus que 17 % des salariés en juin, puis 10 % en juillet. La question est de savoir si elle ne va pas revenir à la situation antérieure à l’épidémie de Covid-19. En 2017, le télétravail régulier ne concernait que 3 % des salariés. En toute logique, avec le déconfinement, certaines entreprises ont abandonné le télétravail car elles n’étaient pas dotées d’un cadre permettant de structurer cette pratique.

Or, étant donné que le télétravail peut s’accompagner d’effets positifs aussi bien que négatifs, il est important que l’engagement d’une entreprise sur ce sujet soit réfléchi et débattu. C’est pourquoi un accord d’entreprise apparaît particulièrement adapté, d’autant que le cadre légal régit finalement assez peu certains aspects du télétravail. L’expérience du confinement a en effet montré les limites du cadre juridique actuel. Ce constat a entraîné des discussions entre les partenaires sociaux, qui pourraient aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI).

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Une fois passée cette étape, la négociation d’entreprise va progresser et le nombre d’accords de télétravail va augmenter de deux manières : de nombreuses entreprises dépourvues d’accord vont en conclure, et celles déjà couvertes par un accord souhaiteront l’adapter et dépasser certaines lacunes révélées par le confinement. Dans cette perspective, notre analyse de 125 accords d’entreprise sur le télétravail, conclus avant l’épidémie de coronavirus, nous permet d’identifier des évolutions souhaitables pour les futurs accords.

Distinguer plusieurs catégories de télétravailleurs

Tout d’abord, les critères d’éligibilité doivent être réévalués à l’aune du confinement. Il s’agit principalement du temps de présence et de l’ancienneté, et, dans une moindre mesure, de critères liés à la profession ou au service. Rarement définis, ces derniers sont laissés à la libre appréciation du manageur. Nous conseillons au contraire de les faire reposer sur des éléments objectifs afin d’assurer une égalité de traitement entre les salariés.

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Les accords devraient également distinguer plusieurs catégories de télétravailleurs, basées sur les notions d’autonomie et de contrôle et intégrant les situations de travail et le descriptif des tâches. La pratique montre que les télétravailleurs parviennent à dégager de l’autonomie dans l’organisation de leur temps de travail alors que les accords ne l’envisagent généralement pas (plus des deux tiers des accords analysés prévoient majoritairement les mêmes horaires qu’au bureau).

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Les cadres sur les réseaux sociaux : « Entre flagornerie individualisée et “lèche-bottes” institutionalisé »

Tribune. Le recours massif aux réseaux sociaux par la plupart des entreprises est aujourd’hui chose commune, mais l’incitation grandissante des salariés à y jouer un rôle actif est relativement récente. Au risque de fracturer, ou de renouveler pour les plus optimistes, la relation employeur-salarié. Une promenade d’investigation sur quelques plates-formes numériques du moment (LinkedIn, réseaux sociaux internes des entreprises, Facebook…) dévoile, pour un individu étranger au monde de l’entreprise, un univers d’employés dévots, solidaires et décontractés, au sein d’espaces de travail à l’iconographie d’hôtellerie vacancière de luxe avec, en parallèle, un monde de « coachs » prêts à porter assistance à leur réussite professionnelle et/ou privée.

Les textes qui agrémentent ces visuels soignés et policés clament, à la quasi-unanimité, l’amour et la fierté que ressentent les salariés à l’égard de leur entreprise. Les images et émoticônes surannées gomment les aspérités d’un néolibéralisme tant décrié et d’un mal-être au travail qui touche, par déduction pourrait-on supposer, les entreprises absentes de ces réseaux sociaux. Impulsés par des start-up pionnières maîtrisant ces nouveaux codes communicationnels, les grands groupes ne sont jamais en reste dès lors qu’il faut « faire jeune » et se rêver agile.

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Une observation attentive des « posts » du réseau professionnel LinkedIn, plate-forme de recrutement mais aussi enseigne de communication des entreprises, révèle une rhétorique et une dialectique uniformisée donnant à voir des salariés prenant soin de ne jamais « tirer la couverture à soi », dans un contexte revendiqué de « bienveillance ». Comme si, par enchantement, les jeux de pouvoirs documentés depuis les années 1970 par les travaux des sociologues Erhard Friedberg et Michel Crozier s’étaient évaporés, et les cadres étaient soudain habités des préceptes de sagesse de la philosophie de Sénèque.

Le succès d’une communication virale

Bien évidemment, il n’en est rien. Un nouveau genre théâtral se fait jour, la comédie « hypocrito-tragique », où le salarié, dans un formidable effort narcissique et schizophrénique, joue le bonheur dans un certain renoncement de son « moi » au risque de se perdre. Plusieurs utilisateurs assidus de LinkedIn nous diront que continuellement, ils se mentent à eux-mêmes pour se conformer à leur cadre professionnel (enquête postée le 21 août 2020 sur la plate-forme LinkedIn : une cinquantaine d’utilisateurs ont réagi à travers des commentaires publics et/ou privés, poursuivis par des interviews plus personnelles).

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Délocalisations : des centaines d’emplois menacés partout en France

Emotion des familles, réactions outrées des politiques : l’annonce de la fermeture de l’usine de pneumatiques Bridgestone de Béthune (Pas-de-Calais), le 16 septembre, menaçant de licenciement 863 salariés, est une secousse dans la rentrée sociale.

« La cessation totale et définitive de l’activité de l’usine de Béthune est la seule option qui permettrait de sauvegarder la compétitivité des opérations de Bridgestone en Europe », a indiqué la marque japonaise, invoquant une surcapacité de production sur le Vieux Continent et la concurrence des marchés asiatiques à bas coût. Ce que Christophe Rollet, directeur général de Point S, un distributeur de pneus, traduit autrement dans un communiqué : « Les manufacturiers ne vont pas réduire leur production, ils vont la délocaliser dans des pays, pas forcément très éloignés, pour réduire leurs coûts. »

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Dans une plus grande discrétion, cette même logique menace en ce moment des centaines d’autres emplois en France : au nom du triptyque marché très concurrentiel, surcapacité des sites de production et sauvegarde de la compétitivité, des multinationales délocalisent la production de leurs usines hexagonales vers leurs autres sites en Europe, au Maghreb ou en Asie. Et ce alors que depuis l’été, le ministre de l’économie Bruno Le Maire clame que « la réindustrialisation est prioritaire, la relocalisation est prioritaire ».

Ainsi, par exemple, Zodiac a annoncé le 30 juin la fermeture de son site de production de bateaux pneumatiques d’Ayguesvives (Haute-Garonne), ce qui supprimera trente-huit postes. L’activité sera délocalisée en Tunisie. « La production s’y réalise déjà à 80 % », rappelle la direction qui dit vouloir éviter « le dépôt de bilan ».

« Réaction typique des multinationales en temps de crise »

La ville de Saint-Dizier (Haute-Marne) voit disparaître son usine de tracteurs, fondée en 1924 et jadis riche de 3 000 salariés. Les effectifs ont fondu avec les restructurations et les rachats successifs. Le groupe chinois Yto a annoncé en juillet le licenciement des trente-cinq derniers salariés, tandis que les machines sont transférées vers l’empire du Milieu.

Le groupe américain General Electric (GE) n’a pas encore détaillé son projet de restructuration. Mais les syndicats craignent la suppression de plus de 850 postes dans l’Hexagone au profit de sites turcs ou asiatiques. Dans un communiqué du 18 septembre, Force ouvrière (FO) Métaux s’inquiète également du plan qui s’annonce chez Schneider Electric : « Quel serait l’impact sur l’indépendance intellectuelle de notre pays si tous ces produits étaient développés et fabriqués en Asie ? »

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Ces entreprises qui recrutent en temps de crise

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Publié aujourd’hui à 16h00

Même dans certains secteurs très touchés par les effets des mesures sanitaires, comme la restauration, les établissements embauchent. Ici, à Valence (Drôme), le 23 avril.

« En juin, juillet, août, on a fait des mois énormes par rapport à l’année dernière. En hausse de plus de 20 % ! Ça a tellement bien marché qu’on a comblé sans problème les pertes du confinement », se félicite Jérôme Maudet, alias « Chichi ». Le gérant de La Casa del Porron, à La Roche-sur-Yon (Vendée), n’a pas cessé de recruter, malgré le Covid. Il a embauché un cuisinier début mars, un nouvel apprenti cuisine en août, et va ouvrir un autre restaurant avec un cuisinier, deux apprentis et deux serveurs.

Si le contexte général de l’emploi est sinistré, avec 345 plans de sauvegarde depuis mars et 715 000 emplois détruits au premier semestre, selon l’Insee, des entreprises continuent de recruter, même dans les secteurs très affectés comme l’hôtellerie-restauration. L’absence de touristes étrangers a pénalisé l’Ile-de-France, mais la saison a été bonne sur la côte Atlantique. « On a de la peine pour les restaurants parisiens, mais, à la Roche-sur-Yon, on n’a pas à se plaindre du tout, reprend Chichi. Dans le quartier des Halles, tous les restaurants font le plein, midi et soir. On est content que les gens reviennent sans avoir peur. »

Pas d’interruption pour les banques

Depuis la fin du confinement, de nombreuses entreprises, comme La Casa del Porron, cherchent à recruter à tous les niveaux de qualifications. Le site de recrutement Cadremploi a réalisé pour Le Monde le classement des entreprises qui ont diffusé les plus gros volumes d’offres depuis la fin du confinement. Sur un total de 6 000 annonces – dont 1 000 alternants entre le 11 mai et le 8 septembre, les cinq premiers sont Thalès, Ubisoft, LVMH, Hermès International et Onepoint, soit des entreprises de la défense (recruteur permanent), de l’informatique et du luxe. « Il faut rester prudent, relativise Julien Breuilh, directeur des études de Cadremploi. Dans ce contexte très volatil, les entreprises peuvent être amenées à licencier d’un jour à l’autre. » Mais le recrutement ne s’arrête jamais totalement. Des secteurs d’activité comme la banque ne se sont pas interrompus pendant le confinement, d’autres, comme celui de la santé ont même été portés par la crise sanitaire.

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Au niveau national, le nombre d’offres publiées par Pôle emploi a doublé entre avril et juin. Même décollage des offres sur les sites privés d’emploi, comme Indeed ou HelloWork dans l’intérim. Mais le bilan du deuxième trimestre de Pôle emploi (1,4 million d’offres publiées) reste inférieur de 25,6 % à son niveau de 2019. « Il faut distinguer trois périodes dans l’évolution du recrutement depuis le Covid, explique Catherine Poux, la directrice des services aux entreprises de Pôle emploi. Durant le confinement, les recrutements se sont poursuivis essentiellement sur la santé et la chaîne alimentaire ; depuis juin, il y a eu un rebond, outre la santé, sur les services à la personne (à domicile, en centre d’accueil, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), le commerce et la grande distribution. Cet été dans l’hôtellerie-restauration, la côte Atlantique a beaucoup recruté. Tous les métiers de bouche continuent à générer des besoins. Une chaîne de boulangerie vient ainsi de lancer une campagne de 300 recrutements. »

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L’industrie navale de défense, secteur prometteur d’embauches

Le  groupe industriel français Naval Group, spécialisé dans la fabrication de sous-marins et de navires sur le site  de Loire-Atlantique, près de Nantes.

« Cela va vous surprendre, mais avec l’embauche de 5 000 personnes depuis 2016, un salarié sur trois a moins de cinq ans dans l’entreprise. » Nous ne sommes pas dans une start-up en pleine croissance, mais chez Naval Group, l’ex-Direction des constructions navales (DCN), l’une des plus anciennes sociétés françaises, puisant ses racines dans les arsenaux fondés par Richelieu en 1624, voici près de quatre cents ans. « En quatre ans, nous avons créé 2 000 emplois net », ajoute Caroline Chanavas, la directrice des ressources humaines de ce groupe de défense spécialisé dans la fabrication de sous-marins et de navires. Il s’agit de répondre aux commandes passées par le gouvernement, qui ont repris en 2014 après une période de creux, et aussi à celles décrochées à l’exportation.

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« Dans l’industrie maritime militaire, les cycles sont très longs, parfois plus de soixante ans, puisqu’ils vont de la construction des bâtiments à leur entretien tout au long de leur vie, poursuit la DRH. Les programmes s’inscrivent dans la durée et nous devons en tenir compte pour la gestion des nos effectifs et de nos compétences. » Ainsi, par exemple, le dernier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) devrait sortir des ateliers en 2054. « Il ne s’agit pas de production automatisée, mais de tâches spécifiques nécessitant des compétences très précises », souligne-t-elle, la formation d’un manutentionnaire durant cinq ans, celle d’un soudeur de coque épaisse pour un navire s’étalant entre six et onze ans.

Rajeunissement de l’entreprise

Le groupe embauchera cette année 1 100 ingénieurs, techniciens et ouvriers, moins que les 1 500 prévus, les recrutements ayant été suspendus pendant les deux mois de confinement. « Les équipes n’ont parfois plus la disponibilité d’accueillir des nouveaux venus, cela prend du temps pour les former », observe la DRH.

Ce renouvellement entraîne un rajeunissement de l’entreprise où la moyenne d’âge est de 41,5 ans, contre 43 ans en 2016. Depuis quatre ans, 40 % des embauchés ont moins de 30 ans et 8 % plus de 50 ans. Pour faciliter l’intégration des jeunes, Naval Group a lancé voici deux ans des chantiers école pour former par petits groupes les nouveaux arrivants aux spécificités des métiers et surtout transmettre les compétences. Ils sont situés dans des espaces spéciaux au cœur même des ateliers concernés, comme c’est le cas sur le site de Nantes-Indret (Loire-Atlantique), spécialisé notamment dans la propulsion nucléaire des sous-marins.

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« Dans l’OCDE, en dix ans, un quart des créations d’emplois l’ont été dans le numérique »

Entretien. Pour Stefano Scarpetta, responsable de la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales à l’OCDE, la crise liée au Covid-19 va donner une accélération à la transition digitale.

En France, le volume d’offres d’emploi est reparti à la hausse depuis le mois de mai. En septembre, les campagnes de recrutements sont relancées. Comment réagissent les autres pays de l’OCDE ?

Certaines évolutions françaises sont partagées en Europe. A très court terme, les entreprises avaient interrompu leurs recrutements. Elles les reprennent, surtout aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où le taux de chômage a grimpé beaucoup plus haut qu’en France et où il n’y avait pas de chômage partiel.

Les Etats-Unis ont utilisé un dispositif de « licenciement temporaire », qui permet de licencier un salarié avec promesse d’embauche si l’activité repart dans les six mois. La moitié de ces « licenciements temporaires » ont été réembauchés. Et le taux de chômage, qui avait atteint 14,7 % en avril, contre 3,5 % en février, est redescendu à 8,4 % en août. Il n’y a pas un pays dans lequel les embauches n’ont pas baissé, mais ce qui a fait la différence, c’est l’ampleur de l’ajustement pendant le confinement.

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En Europe, comment évoluent les embauches par secteur ?

A très court terme, le rebond est similaire d’un pays européen à l’autre. On est dans la première phase de reprise économique des activités qui s’étaient totalement arrêtées. Dans certains secteurs, les embauches sont reparties très vite et très fort : la finance, l’agriculture, les services et même, dans certains cas, l’industrie manufacturière. L’emploi dans la culture, en revanche, est toujours gelé. Dans l’informatique, où les embauches avaient moins baissé que dans d’autres secteurs, la reprise est peu spectaculaire. Mais, à moyen terme, les entreprises qui ont du potentiel vont reprendre les recrutements.

Quelles traces le Covid laissera-t-il sur le marché de l’emploi ?

Pour le moment il est difficile d’identifier des évolutions sociétales majeures car il y a beaucoup trop d’incertitudes. Mais comme toute crise, celle du Covid amène une transition économique et structurelle plus rapide. En dix ans, un quart des créations d’emplois l’ont été dans le numérique dans les pays de l’OCDE. Cette crise va donner une accélération à la transition digitale.

Les entreprises avaient sous-estimé les opportunités du télétravail, qui a été beaucoup plus utilisé que prévu, en Europe comme aux Etats-Unis. Cela pourrait avoir des conséquences à moyen terme sur le recrutement. Mais, le télétravail généralisé n’a pas profité à tout le monde. Les mieux rémunérés avaient 50 % de plus de probabilité de travailler chez eux que les moins rémunérés ; en revanche, ces derniers avaient une probabilité double de s’arrêter de travailler. Certains, peu qualifiés, ont simplement perdu leur travail. Une de nos préconisations est d’utiliser les aides à l’embauche, les encouragements fiscaux pour les jeunes et la formation pour les moins qualifiés, car ils ne vont pas retrouver le job qu’ils ont perdu. La France, sur ce point, est un bon exemple. Lors de la crise financière en 2009, les aides pour les jeunes étaient intervenues un peu tard : le problème était devenu structurel.

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Bridgestone : un « accord de méthode » pour discuter pendant cinq mois, selon Pannier-Runacher

La direction de Bridgestone et les salariés de son usine de Béthune ont signé un « accord de méthode » permettant de discuter pendant cinq mois de « scénarios alternatifs à la fermeture de l’usine », a affirmé dimanche 20 septembre la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, lors de l’émission « Le Grand Jury » RTL-Le Figaro-LCI.

La fermeture de l’usine de Béthune, qui emploie 863 personnes dans la fabrication de pneumatiques pour voitures, a été annoncée le 16 septembre par le fabricant japonais, qui a fait par de son intention de fermer en 2021 pour sauvegarder sa compétitivité en Europe. Une annonce dont le gouvernement et le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, ont dénoncé le jour même « la brutalité, la pertinence et les fondements ».

« La direction est en train de s’organiser dans un processus de négociation », s’est félicitée Mme Pannier-Runacher, estimant que « cinq mois, ça rend les choses possibles. Le dialogue social est essentiel, il doit être fondé sur la confiance ».

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« Mobilisation absolue pour ce site »

La ministre a toutefois fustigé la méthode adoptée jusqu’ici par la direction du géant japonais. « Ce qui est inadmissible (…), c’est de ne pas avoir ouvert la discussion en amont de cette annonce brutale », a-t-elle jugé. « On savait que l’usine était en perte de vitesse » et les autorités avaient convié « la direction de Bridgestone à la table de discussions pour justement regarder comment on pouvait regagner de la productivité, de la compétitivité ».

Mme Pannier-Runacher a toutefois exclu que l’Etat rentre au capital de l’entreprise, une « fausse solution » qui ne « résout rien ». « Le cœur du sujet c’est d’avoir un projet industriel qui tienne la route », selon elle. Avec la ministre du travail Elisabeth Borne, elles se rendront lundi 21 septembre au matin à Béthune, « pour voir tout le monde (…) : les élus locaux, la direction locale » et « parler à la direction européenne [de l’entreprise] », a rappelé la ministre. « Il y a une mobilisation absolue pour ce site », selon le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, qui « croit à la pression politique » et souligne « une forme de concorde politique autour de ce dossier ».

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Le Monde avec AFP

L’hôtellerie essaie de s’adapter à l’essor du télétravail

Le siège du groupe hôtelier Accor, à Issy-les-Moulineaux (Haus-de-Seine), près de Paris, le 27 mai.

Les enfants perturbateurs seront-ils la bouée de sauvetage de l’hôtellerie ? C’est l’espoir d’un secteur qui, dans les villes, peine à remplir ses milliers de chambres et tente d’attirer les télétravailleurs en se fondant sur le postulat suivant : si cet usage se développe durablement, les employés ne tiendront pas longtemps dans leur intérieur. Et les espaces de coworking ont, comme les transports en commun, tous les atours d’une fabrique à « clusters ». Dès lors, pourquoi ne pas commercialiser leurs chambres en espaces de travail individuel ?

En France, les étages des grands hôtels d’affaires demeurent vides. La reprise espérée des déplacements professionnels au mois de septembre n’a pas eu lieu, et les grands salons continuent d’être annulés les uns après les autres. La crise pousse les grandes chaînes à se réinventer.

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Le leader européen, Accor, commercialise depuis août ses chambres de 9 heures à 18 heures à des fins de télétravail. Au total, 250 hôtels du Royaume-Uni sont concernés ainsi que 70 hôtels dans le reste de l’Europe du Nord. Le déploiement en France est prévu d’ici à la fin du mois.

La pratique de louer des chambres en journée n’est pas nouvelle, mais elle était rarement prévue pour un moment de travail. Preuve en est, le site français Dayuse propose des plages horaires plus courtes et des chambres invitant davantage à la détente.

Désertion des suites

Les prix de Hotel Office, à Bruxelles ou Berlin, oscillent entre 50 et 133 euros. Accor affirme qu’il est trop tôt pour évaluer le succès de ce programme et réfléchit à la possibilité de suggérer des abonnements aux entreprises qui souhaiteraient proposer ce service à leurs salariés.

Le Bristol, à Paris, a transformé des chambres en salles de fitness privées, et plusieurs palaces n’imposent plus d’heure d’entrée ni de sortie

A Londres, où la colocation entre adultes n’est pas rare, « le télétravail met énormément de pression », estime Karelle Lamouche, directrice commerciale Europe chez Accor. « Avec le poids de notre réseau, il est probable que vous ayez un hôtel à proximité de chez vous, sans besoin de prendre les transports, si vous avez un travail à terminer et que vous ne voulez pas entendre le chien du voisin. Ce n’est pas du coworking, mais une chambre isolée et sûre d’un point de vue sanitaire, avec également l’accès aux autres services de l’hôtel. »

Face à la désertion de ses suites, l’hôtellerie haut de gamme s’adapte également. Le Bristol, à Paris, a transformé des chambres en salles de fitness privées, et plusieurs palaces n’imposent plus d’heure d’entrée ni de sortie. A Londres, The Stafford propose ses suites en espace de travail et de rendez-vous, avec un déjeuner servi en chambre.

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Pourquoi créer un nouveau statut pour les travailleurs des plates-formes ?

Tribune. C’est l’une des priorités de la rentrée : le gouvernement prévoit de se pencher sur l’ubérisation du marché de l’emploi en France et annonce vouloir créer un nouveau modèle social pour les travailleurs des plates-formes numériques (telles que Uber Eats, Clic and Walk, Deliveroo ou StaffMe, etc.).

L’objectif annoncé est de mieux protéger les autoentrepreneurs du numérique, souvent jeunes, en leur garantissant notamment une couverture sociale plus importante. Mais alors que les différentes natures juridiques de contrats de travail sont déjà nombreuses, difficiles et coûteuses à gérer, est-il bien raisonnable d’ajouter encore de la complexité à la complexité ?

Certes, la situation s’est elle-même complexifiée. Avec l’arrivée des plates-formes, des travailleurs, et notamment des étudiants, préfèrent l’autoentrepreneuriat à l’intérim ou au contrat à durée déterminée (CDD), car ils pensent être ainsi mieux rémunérés. Elevés dans une société où le contrat à durée indéterminée (CDI) était roi, ils semblent avoir trouvé dans leur relation avec les plates-formes une forme de liberté et de flexibilité auxquelles ils aspirent.

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Rappelons le sondage d’OpinionWay, publié en janvier 2019 (« Quelles attentes de la Gen Z pour l’entreprise de demain ? »), selon lequel les 15-24 ans sont encore plus nombreux que leurs aînés à souhaiter que « les entreprises de demain » leur proposent de travailler en tant qu’indépendants (57 % contre 51 %). Selon la même source, ils sont aussi 73 % à rêver d’un libre choix de leurs horaires de travail.

Distorsions de concurrence

De leur côté, ces plates-formes profitent de ces évolutions et privilégient le contrat de prestation qui leur permet certes le maximum de souplesse mais, surtout, des économies importantes sur les cotisations sociales et aucune contrainte sur les durées et périodes de contrat. Leur modèle économique est notamment basé sur cette flexibilité maximale des travailleurs et sur la faiblesse des cotisations sociales.

Mais ces évolutions heurtent de front notre modèle social et notre cadre juridique car, en réalité, ces contrats de prestations ont, dans de très nombreux cas, toutes les caractéristiques d’un prêt de main-d’œuvre illicite, comme le confirment les condamnations récentes d’Uber ou de Clic and Walk. C’est pourquoi les syndicats les dénoncent.

Elles font également du tort aux agences de travail temporaire, dont la vocation est justement de pourvoir ce type de besoin dans un cadre réglementaire précis et contraignant. C’est pourquoi elles dénoncent un détournement du statut d’autoentrepreneur.

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