A l’Hôtel Ibis Batignolles, la longue lutte des femmes de chambre

Des femmes de chambre de l’Hôtel Ibis Batignolles manifestent devant le siège du groupe hôtelier Accor, à Paris, le 17 octobre 2019, pour réclamer de meilleures conditions de travail.

Il faut aller au bout d’une impasse qui débouche sur le boulevard de Clichy, dans le 17e arrondissement de Paris, puis entrer dans un petit bâtiment sans se fier à l’inscription « Sud Rail » sur son fronton, et descendre au sous-sol, guidé par des bruits de voix, pour les trouver. Dans ce local prêté étaient rassemblées, mardi 22 septembre, des femmes de chambre et des gouvernantes de l’hôtel tout proche, l’Ibis Batignolles, dont la lutte est entrée dans son quinzième mois. Assises autour de Tiziri Kandi, animatrice syndicale de la CGT des hôtels de prestige et économiques (HPE), qui les soutient depuis le début de leur grève, le 17 juillet 2019, elles se réunissaient pour faire le point sur le combat le plus long mené dans l’hôtellerie et les actions à venir.

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Elles sont 17 femmes de chambre, deux gouvernantes et un équipier, tous africains (sur une équipe de 40 personnes), dans cette bataille contre le géant de l’hôtellerie, Accor, opérateur de l’hôtel Ibis Batignolles, et contre le sous-traitant du nettoyage, STN, leur employeur. La grève a été suspendue le 16 mars 2020, quand l’hôtel a fermé. Leur employeur les a placées en activité partielle. Elles le sont toujours. L’hôtel a rouvert le 1er septembre.

Outre leur embauche directe par l’hôtel pour en finir avec le dumping que permet la sous-traitance, leurs revendications portent sur une prime de panier de 7,24 euros par jour, équivalente à celle du personnel recruté directement par l’hôtel, une revalorisation de leurs qualifications, une diminution des cadences, ainsi qu’un paiement réel et décent à l’heure.

« On nous exploite parce que nous sommes noires »

« Sur nos contrats de travail, il y a des horaires, mais, en réalité, nous sommes payées à la chambre, ce qui est illégal », explique Rachel Keke, embauchée en 2003 comme femme de chambre et devenue gouvernante en 2019. « Selon les jours, on doit faire 30 à 40 ou 50 chambres dans la journée, souligne Sylvie Kemissa, une femme de chambre. Si on refuse, si on se plaint, on est mutées. Ce qui nous oblige à faire des heures supplémentaires qui ne sont pas payées. »

Seule la demande d’une pointeuse a été acceptée, en novembre 2019, à la suite d’un contrôle de l’inspection du travail, le 3 août précédent

« Femme de chambre, rappelle Rachel Keke, c’est un métier très dur. Moi, j’ai eu un accident du travail en 2019, en tirant un lit. A force de répéter les mêmes gestes, j’ai eu une tendinite. D’autres souffrent du syndrome du canal carpien, du dos. » Les femmes de chambre sont rémunérées 10,30 euros brut de l’heure. « On nous exploite parce que nous sommes noires, estime Mme Keke. Ils se disent qu’on sait pas lire ni écrire. Et c’est vrai, pour la majorité d’entre nous, qu’on ne connaît pas nos droits. Pourquoi n’y a-t-il presque aucune femme blanche dans notre métier ? » Une plainte pour discrimination raciale est d’ailleurs en préparation.

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Le ministère du travail face au départ de plusieurs hauts cadres

Le ministère du travail est sur le point de perdre, à nouveau, un pilier : il s’agit de Jean-Marie Marx, haut-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi. L’intéressé, qui occupait ce poste depuis juillet 2018, devrait céder la place le 5 octobre. L’une des membres de son équipe, Carine Seiler, va assurer l’intérim.

Son départ, qui devrait être officialisé lundi en conseil des ministres, intervient quelques jours après la démission fracassante d’un autre haut gradé du ministère : Yves Struillou, le chef de la direction générale du travail, avait rendu son tablier, le 18 septembre, alors qu’il avait été désavoué par Elisabeth Borne, la ministre du travail, dans un dossier de procédure disciplinaire à l’encontre d’un inspecteur du travail.

Départ anticipé ?

M. Marx s’en va-t-il, lui aussi, à la suite d’un accrochage ou de divergences avec son autorité de tutelle ? Pas du tout, répond-il en substance. L’idée de changer de responsabilités était, selon lui, « dans les tuyaux » depuis plusieurs mois, bien avant l’arrivée de Mme Borne au 127, rue de Grenelle, le siège du ministère du travail. M. Marx devrait retourner dans son administration d’origine, le ministère de l’agriculture : il est ingénieur général des ponts, des eaux et forêts.

Peu connu du grand public, le haut-commissaire aux compétences assure une mission très importante : piloter le plan d’investissement dans les compétences (PIC), gigantesque programme financé à hauteur de près de 15 milliards d’euros qui prévoit de former, entre 2018 et 2022, un million de demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés et un million de jeunes éloignés du monde du travail. Ce dispositif a encore été renforcé à la faveur du plan de relance présenté début septembre par l’exécutif.

Rôles-clé

Mme Borne doit, par ailleurs, faire face à un autre départ : celui de son conseiller à la formation professionnelle et à l’apprentissage, Alain Druelles. Comme l’a révélé l’agence de presse AEF, celui-ci a quitté ses fonctions le 25 septembre. Il avait commencé à les exercer, il y a près de deux ans, lorsque Muriel Pénicaud était ministre du travail.

La ministre du travail voit donc s’en aller trois « pointures » – MM. Druelles, Marx et Struillou –, qui ont joué un rôle-clé dans des réformes ou des chantiers lancés durant la première moitié du quinquennat (transformation en profondeur de la formation professionnelle et de l’apprentissage, PIC, ordonnances réécrivant le code du travail…). Pour la ministre, c’est tout sauf une bonne nouvelle.

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En redressement judiciaire, Bio c’ Bon aiguise les appétits

La devanture d’un magasin Bio c’ Bon à Paris, le 8 septembre.

Jusqu’à présent, Thierry Chouraqui était resté très discret. Autant, affirmeront certains, que l’entreprise qu’il dirige, Bio c’ Bon. Troisième acteur de la distribution spécialisée de produits biologiques derrière Naturalia et Biocoop, le réseau a été placé, à la surprise générale, en redressement judiciaire le 2 septembre par le tribunal de commerce de Paris. Sortant de son silence « pour rétablir la vérité au regard de tout ce qui a été dit », M. Chouraqui justifie, auprès du Monde, cette décision par le besoin de protéger l’enseigne en France et ses 1 035 salariés.

« En raison des évolutions du marché du bio ces trois dernières années, et notamment de l’arrivée massive des grands groupes de distribution alimentaire sur ce segment, nous devions nous adosser, à un moment donné, à un groupe plus important pour pouvoir continuer le développement », explique le dirigeant. D’autant que « de nombreux mouvements sociaux sont venus mettre à mal les centres-villes, où nous sommes très implantés. Les “gilets jaunes”, en novembre 2018, puis les grèves contre la réforme des retraites, fin 2019, ont eu un impact sur notre chiffre d’affaires ». A cela se sont ajoutés des couacs d’approvisionnement dus à une nouvelle plate-forme logistique, le tout provoquant une « légère baisse du chiffre d’affaires en 2019, à 146 millions d’euros ».

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« Pour assurer la pérennité du groupe, des négociations exclusives ont été conclues en juin avec le groupe familial Zouari », souligne Thierry Chouraqui. Mais les discussions pour céder une participation majoritaire dans Bio c’ Bon à cet important franchisé du groupe Casino, qui, en janvier 2020, s’est offert 44,5 % de Picard, se sont interrompues quelques semaines plus tard. « Tenu à une certaine confidentialité », M. Chouraqui reconnaît que « dans un système de négociation classique, cela peut prendre un peu de temps ».

« Assurer la pérennité de l’enseigne »

Et du temps, Bio c’ Bon n’en avait plus. Le chiffre d’affaires du premier semestre continuait de décliner, aggravé par l’épidémie de Covid-19. « Beaucoup de gens ont fait leur confinement à la campagne, et principalement nos clients. L’activité que nous avons connue avec le Covid a été très difficile, et il fallait faire vite pour assurer la pérennité de l’enseigne. On a donc décidé de passer sous la protection du tribunal pour enclencher un processus de cession par mise en concurrence. »

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« Pourquoi vouloir limiter uniquement les salaires des footballeurs et pas d’autres activités qui fonctionnent sur les mêmes principes économiques ? »

Tribune. Cette rentrée est marquée par un florilège de critiques à l’encontre du sport professionnel : le Tour de France serait « machiste et polluant », distribuant des « goodies aux chômeurs », les Jeux olympiques Paris 2024 seraient « une opération de prestige pharaonique » dilapidant l’argent public…

Politiques et intellectuels, chacun y va de son refrain, souvent sans bien maîtriser les dossiers. Dernière en date, une tribune du Monde d’Olivier Caremelle, adjoint au maire de Lille, qui, lui, s’attaque au football : « Tout, aujourd’hui, dans le football moderne, transpire l’indécence ». Ces propos méritent que l’on s’y attarde (Le Monde du 20 septembre).

Sur le « poids de l’argent dans le football », précisons que malgré une forte croissance depuis les années 1990, le football reste, encore aujourd’hui, plutôt un petit business comparé aux autres secteurs d’activité : le chiffre d’affaires (CA) des cinq plus gros championnats européens est légèrement inférieur à celui de la Française des jeux ; le budget global de la Ligue 1 est inférieur au chiffre d’affaires de son sponsor officiel, Uber Eats.

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Que représente le CA du football dans le produit intérieur brut (PIB), aujourd’hui en France ? En comptant large, à peine 0,2 %… Regardé par des milliards de supporteurs, le football produit finalement des revenus bien inférieurs à toutes les passions qu’il suscite.

« Les joueurs sont des esclaves »

Pour « le monde du football d’après », Olivier Caremelle propose alors deux mesures : « Interdire définitivement l’achat ou la vente de joueurs, pratique curieuse, ressemblant à la vente d’esclaves » ; et « décider d’une limitation des salaires (…). Une somme de 30 000 euros maximum représentant déjà plus de vingt fois le smic. »

Sur la première proposition, un rappel historique est nécessaire. Les transferts ne sont apparus véritablement en France qu’au début des années 1970, lorsque les contrats à « durée librement déterminée » ont remplacé les « contrats à vie » ; d’autre part, ces mutations ne sont véritablement développées qu’à partir du milieu des années 1990, avec d’un côté le célèbre « arrêt Bosman », de l’autre la forte croissance de l’économie du football.

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Du début du professionnalisme en France, en 1932, jusqu’à la fin des années 1960, les joueurs professionnels étaient embauchés « à vie » par leur club. Une fois le contrat signé, ils ne pouvaient plus changer de club, sauf si celui-ci donnait son accord (Kopa a ainsi pu être transféré du Stade de Reims au Real Madrid, en 1956). En 1963, Kopa prend la tête d’une fronde contre ce contrat, déclarant : « Les joueurs sont des esclaves ». Le droit de circuler « librement » entre clubs ne leur a été formellement reconnu qu’en 1969, après les revendications de Mai 1968 : « Le football aux footballeurs ».

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L’hôtellerie française face « au plus grand plan social de son histoire »

Manifestation pour dénoncer les licenciements dans l'hôtellerie, devant le siège d’Accor à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 8 septembre.

Après l’été de la débrouille vient l’automne de la désolation pour l’hôtellerie française. Elle a jusqu’alors écopé, jonglé entre la réception et les fourneaux, renoncé aux contrats saisonniers, usé du chômage partiel et réduit son recours aux sous-traitants. Il y a eu, pour les mieux placés, un bel été en forme de sursis. Mais la reprise est morose, en particulier en Ile-de-France, à l’arrêt depuis six mois. Cela laisse le temps de se plonger dans les comptes et le code du travail.

« L’hôtellerie française est en train de connaître le plus grand plan social de son histoire », s’alarme le Groupement national des indépendants (GNI-HCR), qui conclut, d’après une enquête menée début septembre, à un chiffre de 30 000 emplois menacés d’ici fin 2020. Déjà, le premier semestre a vu la disparition de 46 900 emplois, selon l’Insee. Il est probable qu’un quart des postes du secteur aura disparu cette année. Un choc brutal pour ce vivier d’emplois non délocalisables et en croissance régulière depuis le début du siècle.

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La saignée devrait se poursuivre en 2021, lorsqu’il s’agira de rembourser les dettes et que le chômage partiel ne sera plus compensé intégralement par l’Etat. A ces chiffres, il faut ajouter le non-recours à l’emploi saisonnier cet été, difficile à mesurer à ce jour. Et la casse chez les sous-traitants, présents aussi bien dans l’hôtellerie économique que dans les quatre-étoiles.

La plupart d’entre eux se voient refuser la prise en charge du chômage partiel par l’Etat, n’étant pas associés au secteur de l’hôtellerie-restauration. Les licenciements pour faute grave se multiplient chez Acqua, qui travaille exclusivement dans l’hôtellerie et a perdu 80 % de son chiffre d’affaires. Le groupe Azurial, dont 300 salariés sont spécialisés dans le nettoyage des hôtels, envisage de se séparer d’une cinquantaine d’entre eux.

« On a tapé sur tous les services »

C’est une hémorragie silencieuse, loin des plans sociaux de l’industrie. Dans l’hébergement, la part importante de contrats courts (22,2 % de CDD en 2017), le recours à la sous-traitance et l’important taux de rotation des salariés rendent les suppressions de postes plus aisées. Ces leviers ont déjà été activés. Les propriétaires d’hôtel commencent à passer à la case licenciements.

Les syndicats rapportent une recrudescence de ruptures conventionnelles à l’initiative des employeurs, malgré le rôle d’amortisseur joué par le dispositif d’activité partielle

Les personnels de réception et les femmes de chambre, quand ils sont employés directement, sont les premiers à en souffrir. « Avec des taux d’occupation à 20 % ou 30 % plutôt que 70 % ou 80 %, on a tapé sur tous les services : femmes de chambre, réception de jour comme de nuit, restauration, explique Franck Trouet, du GNI-HCR. Beaucoup d’hôteliers ont repris par eux-mêmes la réception. Ce sont des licenciements économiques individuels et de petits licenciements collectifs [procédure utilisée pour licencier moins de dix personnes] qui ne donnent pas lieu aux fameux PSE [plans de sauvegarde de l’emploi] dont on parle dans les médias. » Les syndicats rapportent aussi une recrudescence de ruptures conventionnelles à l’initiative des employeurs, malgré le rôle d’amortisseur joué par le dispositif d’activité partielle.

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Chômage : une baisse en août qui ne corrige pas la violence de la crise

Sur le marché du travail, la situation s’améliore, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle soit resplendissante – bien au contraire. En août, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A de Pôle emploi) a diminué de près de 175 000 sur toute la France – outre-mer compris, sauf Mayotte – pour se situer à 3,872 millions, selon les données diffusées, vendredi 25 septembre, par la Dares, la direction chargée des études au ministère du travail. C’est le quatrième mois d’affilée de baisse – le recul étant d’une ampleur quasi identique à celui observé en juillet (− 4,3 %).

Toutes les tranches d’âge sont concernées par ce mouvement de repli, en particulier les moins de 25 ans : − 6,77 % en métropole (contre − 4,6 % pour les 25-49 ans et − 3 % pour les personnes d’au moins 50 ans). Un phénomène qui découle peut-être des mesures annoncées, aux mois de juin et de juillet, en faveur de cette partie de la population : aides financières versées aux employeurs qui embauchent un individu de moins de 26 ans, primes pour les entreprises recourant à des apprentis, etc. En août, quelque « 180 000 jeunes ont été recrutés », a déclaré, vendredi, la ministre du travail, Elisabeth Borne. Un ordre de grandeur supérieur de « 9 % » à celui d’il y a un an, selon elle.

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La réduction du nombre de demandeurs d’emploi relevant de la catégorie A « constitue une bonne nouvelle, après la très forte augmentation enregistrée au début du confinement », commente Gilbert Cette, professeur associé à l’université d’Aix-Marseille. Il s’agit d’une diminution « significative – surtout pour les jeunes – et régulière » depuis la mi-mai, complète Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique (CAE) et professeur à Sciences Po. « C’est le signe que le marché du travail est bien reparti, ajoute-t-il. Je ne pense pas qu’on anticipait une évolution aussi favorable. Ça corrobore les bonnes statistiques de la consommation. » Autrement dit, le dynamisme de la demande des ménages a conduit des entreprises à faire appel à de la main-d’œuvre supplémentaire pour pouvoir répondre à leurs clients.

D’ailleurs, les déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) ont progressé de près de 10 % en août, « revenant ainsi à [leur] niveau d’avant la crise sanitaire », d’après une étude diffusée, mercredi 23 septembre, par l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) – la structure qui coiffe le réseau des Urssaf. Parallèlement, les sociétés de travail temporaire remontent, peu à peu, la pente : la chute d’activité qu’elles ont subie en août s’est atténuée par rapport à celle mesurée en juillet, selon le « baromètre » de Prism’emploi, une organisation qui représente les employeurs du secteur.

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En Espagne, le statut d’autoentrepreneur des livreurs à vélo revu par la Cour suprême

Un livreur de la plate-forme Glovo, à Madrid, le 30 avril 2020, pendant le confinement décrété par les autorités espagnoles pour lutter contre la pandémie de Covid-19.

En Espagne, Deliveroo, Glovo, Uber Eats et autres plates-formes de livraison à domicile peuvent trembler. Après des décisions contradictoires émises par des tribunaux de première instance du royaume sur la nature des relations professionnelles qui unissent un livreur et la plate-forme pour laquelle il travaille, la Cour suprême s’est finalement prononcée sur la question.

Pour le haut tribunal espagnol, il ne fait pas de doute que les conditions fixées relèvent de la définition du « contrat de travail ». La plate-forme barcelonaise Glovo « n’est pas un simple intermédiaire dans la réservation de services entre commerces et livreurs. C’est une entreprise qui prête des services de livraison et messagerie, en fixant les conditions essentielles pour la prestation de ce service », a-t-il avancé dans un communiqué diffusé mercredi 23 septembre. En conclusion, la personne à l’origine de la plainte, qui avait un statut d’autoentrepreneur, doit être requalifiée en salarié.

Le texte complet de la sentence ne sera communiqué que dans les prochains jours, mais déjà, la Cour argumente sa décision, en rappelant que la plate-forme de livraison « est titulaire des actifs essentiels pour la réalisation de l’activité », en l’occurrence l’application informatique de gestion des commandes, et qu’elle « se sert de livreurs qui ne disposent pas d’une entreprise propre et autonome, lesquels prêtent leurs services en étant intégrés dans l’organisation du travail de l’employeur ». Une définition qui contredit le discours des plates-formes, lesquelles définissent leurs travailleurs comme des indépendants ayant la possibilité de choisir librement leurs horaires et le nombre d’heures qu’ils souhaitent effectuer.

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Pour que cette décision fasse jurisprudence, il est encore nécessaire que la Cour suprême se prononce de manière similaire une seconde fois. Ce qui ne devrait pas tarder. Des dizaines de plaintes ont été examinées par les tribunaux ces dernières années, et depuis qu’en novembre 2018, un tribunal de Valence a été le premier en Europe à requalifier comme « salarié » un « faux autoentrepreneur », la majorité des jugements sont allés dans le même sens.

« Une nouvelle forme d’esclavage »

De plus, depuis 2019, la justice espagnole a donné raison à trois reprises à la Sécurité sociale, qui exigeait de Deliveroo que la plate-forme s’acquitte des cotisations de livreurs travaillant pour elle à Valence, Madrid et Saragosse. Dans la capitale du royaume, pour 500 coursiers, la facture s’élevait à près de 1,2 million d’euros. Selon l’association Adigital, le pays compte près de 14 000 livreurs…

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Face à la crise, Latécoère taille dans ses effectifs en France

Des employés de Latécoère manifestent devant l’usine de Périole, à Toulouse, en septembre 2016.

Latécoère a choisi la manière forte. Vendredi 25 septembre, lors d’un comité social et économique (CSE), la direction de Latécoère a présenté aux représentations syndicales un plan de restructuration de grande ampleur. Au total, l’équipementier aéronautique envisage de supprimer 475 postes sur les 1 500 que compte l’entreprise en France. Des coupes avaient déjà été annoncées dans la vingtaine de sites situés à l’étranger où un millier de postes ont déjà été supprimés.

Les réductions d’effectifs communiquées vendredi sont plus importantes que celle effectuée en 2016 à l’occasion du plan de restructuration qui prévoyait la suppression de 236 emplois. A l’issue du processus, seulement une douzaine de personnes avaient alors été licenciées.

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Cette fois, c’est l’ampleur de la crise liée au Covid-19 qui contraint Latécoère à tailler dans ses effectifs. Selon les syndicats, la branche aérostructure (fabrication de tronçons de fuselage et portes pour les A320 d’Airbus et les 787 de Boeing, notamment) serait la plus touchée, avec la suppression de 345 emplois sur un effectif global de 827. La branche spécialisée dans les systèmes d’interconnexion (câblage, meubles électriques et équipements embarqués) serait également concernée, avec 130 emplois supprimés sur plus de 650 postes.

La direction s’engage à ne fermer aucun des neuf sites déployés sur le territoire français

Mais, d’ores et déjà, la direction s’engage à ne fermer aucun des neuf sites déployés sur le territoire français. En revanche, la petite unité de production Latelec, installée à Labège, près de Toulouse, sera stoppée. Seules les fonctions administratives y seront maintenues.

« Nous avons été obligés d’agir pour que Latécoère puisse continuer à vivre », se défend auprès du Monde Thierry Mootz, directeur général délégué. « On est bien conscients de prendre des décisions fortes et difficiles, reconnaît-il, mais le groupe, déjà dans une situation financière délicate depuis la crise en 2010, a enregistré une baisse de 40 % de son chiffre d’affaires depuis le début de la crise due au Covid-19. On n’espère pas un retour à la normale avant 2025. »

Consternation des syndicats

Du côté des syndicats, c’est la consternation. « C’est de la folie furieuse », s’emporte Florent Coste, délégué syndical CGT. « C’est juste énorme. On est totalement abasourdis par l’ampleur du désastre. » Un sentiment partagé par Stéphane Faget, secrétaire syndical FO, assommé par ce « coup de massue ». « Bien sûr, on suivait tout ce qui se passait pour la filière aéronautique. Mais on espérait passer à travers les gouttes », déplore M. Faget.

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La gratuité, un appât pour relancer le spectacle vivant

Le Collectif Ès, en sortie de résidence, à la Maison de la danse de Lyon, le 12 septembre.

« J’aimerais que ça dure toute l’année ! », s’emballe Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point, à Paris (8e). Après six mois d’abstinence, son rendez-vous de rentrée Le Rond-Point dans le jardin, du 8 au 27 septembre, ouvre pour la première fois sa saison en plein air avec des événements gratuits rassemblant une cinquantaine de stars du spectacle vivant.

Samedi 19 septembre, dès 17 heures, le public faisait la queue pour la lecture de Pierre Arditi, prévue à 18 h 30. « C’est un tel plaisir de revoir enfin des pièces, s’enthousiasment Claire et Christelle. Sans compter que ça se passe dehors et que c’est libre d’accès. » Si soixante spectateurs peuvent s’asseoir dans la petite enceinte située derrière le théâtre, les badauds s’agglutinent autour. « On a 200 personnes par jour en moyenne, précise Ribes. On est tellement heureux ! On retrouve une forme de catharsis qui fait du bien ! »

Le même jour, le Théâtre national de Chaillot à Paris (16e) entamait son week-end de performances gratuites. « Revenir au théâtre dans une situation générale dégradée oblige à trouver des idées, commente Didier Deschamps, le directeur. La gratuité est plus facile pour attirer les gens et leur montrer que la vie reprend dans les salles aussi. » Dès 19 h 30, l’atmosphère grimpe pour le battle orchestré par le chorégraphe hip-hop Ousmane Sy : 700 personnes plongent dans le groove sous l’œil vigilant des ouvreurs, qui n’ont laissé personne tomber le masque.

« Vital d’être solidaire »

Gratuit ! Le mot claque. Dans le contexte de la pandémie, la reprise dans les théâtres après six mois de parenthèse est une aventure acrobatique quotidienne. Faire revenir le public pour les uns, avoir envie de s’enfermer masqués dans les salles pour les autres, est le challenge. Quitte à bouleverser le fonctionnement, la gratuité devient un levier. « A période anormale, dispositifs inhabituels, affirme Emmanuel Demarcy-Mota, aux manettes du Théâtre de la Ville et du Festival d’automne, à Paris. Nous traversons une époque difficile, c’est le moment ou jamais de changer nos habitudes. »

Lire l’entretien (en septembre 2020) : Emmanuel Demarcy-Mota : « Il y a un désir important d’art, de théâtre, d’imaginaire »

Dominique Hervieu (Maison de la danse) : « Il m’a semblé important de montrer que les institutions culturelles sont attentives à la précarité des gens, dont beaucoup ont perdu du pouvoir d’achat »

Dans la foulée de la réouverture libre d’accès du Théâtre de la Ville, à Paris (4e), lundi 22 juin, le lancement du Festival d’automne, les 5 et 6 septembre, était gratuit avec une ribambelle de propositions théâtre et musique. « Parallèlement au fait de retrouver les spectateurs, il m’a paru vital d’être solidaire des jeunes artistes isolés qui n’ont pas travaillé depuis des mois, poursuit le metteur en scène. L’application rapide de cette solidarité est, entre autres, la gratuité : c’est une façon de dire que tout n’est pas question d’argent, surtout en ce moment, et que nous devons être capables de nous réunir à nouveau. »

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