La filière événementielle rassurée par les promesses de Bercy

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, quitte l’hôtel Matignon, à Paris, le 29 septembre.

Venus chercher des mesures de soutien qui leur permettraient de franchir le cap de la crise, les représentants de la filière événementielle sont ressortis rassurés de leur rendez-vous avec le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, jeudi 30 septembre. Outre la prolongation, jusqu’au 31 décembre, de la prise en charge à 100 % du chômage partiel et un relèvement des seuils d’octroi de certaines aides, ils ont obtenu « l’écoute » qu’ils escomptaient, dans l’attente de mesures complémentaires à venir la semaine prochaine.

« Le ministre a pris conscience que la filière devait être aidée et soutenue », souligne Cédric Angelone, coprésident du syndicat des activités événementielles (SAE), tandis qu’Arnaud Chouraki, représentant de l’association Lévénement, qui regroupe plusieurs organisations professionnelles de la filière (Coésio, Créalians, France Congrès et Evénements, Synpase, Traiteurs de France et Unimev), estime que « la problématique du secteur a été entendue ».

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L’événementiel, qui rassemble quelques grands groupes, une myriade de PME et d’indépendants, figure parmi les secteurs les plus sinistrés par le Covid-19, en raison de l’annulation et de l’interdiction des grandes manifestations – foires, salons ou congrès, notamment. Les professionnels font état d’une chute de 80 % de leur chiffre d’affaires par rapport à 2019. Pour 2021, ils s’attendent à un recul de 50 % « seulement », encore bien loin d’un retour à la normale.

Absence de visibilité

La raison ? Une reprise de l’épidémie, qui a conduit à un tour de vis sur les consignes sanitaires et à l’absence totale de perspectives. « La rentrée de septembre représentait pour nous un espoir, celui de réenclencher une dynamique, certes en pente douce. Mais clairement, cela a été une vraie douche froide », résume Cédric Angelone. « Pour un événement qui se tient, neuf sont annulés. Et aujourd’hui, les carnets de commandes sont vides, car nous n’avons aucune visibilité. »

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Les professionnels déplorent la prérogative donnée aux préfets d’interdire des événements « du jour au lendemain », en fonction de la situation sanitaire, ce qui, selon eux, « revient de facto » à les empêcher de travailler, compte tenu des risques d’annulation qu’ils feraient courir à leurs clients. De sorte que les carnets de commandes pour 2021 sont aujourd’hui bien maigres. La « jauge » fixée à 5 000 personnes dans certaines zones et à 1 000 dans d’autres complique singulièrement la donne. Un « cafouillage » préjudiciable à l’activité, tandis que les clients, eux, craignent plus que tout l’absence de visibilité sur leurs futurs événements et préfèrent reporter sine die.

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Miné par une forte baisse d’activité, Air France s’enfonce dans la crise

Un Airbus A320 d’Air France sur le tarmac de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, près de Paris, le 12 mai 2020.

Le climat social menace de se tendre chez Air France. Le plan visant à supprimer plus de 6 500 postes, mis en œuvre par la direction, vient de subir un premier accroc. Les personnels navigants commerciaux (PNC) sont moins nombreux qu’espéré à vouloir quitter la compagnie. Alors que 1 700 départs étaient attendus, seuls 1 151 hôtesses et stewards se sont inscrits pour bénéficier du dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC), qui est arrivé à échéance, mercredi 30 septembre.

En revanche, du côté des pilotes, les objectifs de la RCC ont été remplis, 368 navigants ayant déjà quitté l’entreprise. Devant le peu d’enthousiasme des PNC, la direction fait contre mauvaise fortune bon cœur. Selon elle, les 1 700 départs programmés n’étaient qu’un « calibrage maximum ». Elle assure avoir atteint son but, en poussant vers la sortie « 10 % des PNC, autant que pour les pilotes ».

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A l’inverse, les syndicats font grise mine. Faute d’avoir obtenu le nombre de départs souhaités, la direction voudra « trouver des mesures complémentaires », s’inquiète Christelle Auster, présidente du Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) d’Air France. Il y aurait environ 3 000 hôtesses et stewards en surnombre.

Arsenal de mesures

D’après Mme Auster, la compagnie cherche déjà, par tous les moyens, à « réduire les coûts pendant l’activité partielle ». Elle souhaiterait « des équipages moins nombreux » en cabine, notamment à bord des nouveaux avions qui entreront dans la flotte. La direction voudrait aussi convaincre les PNC de « renoncer à la garantie de rémunération ». En définitive, les hôtesses et stewards seraient payés à l’heure de vol, un peu à la manière des pilotes, redoute la syndicaliste. Cet arsenal de mesures « est un accord de performance collective qui ne dit pas son nom », juge-t-elle.

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Les syndicats craignent qu’Air France tente de l’imposer, à la faveur des négociations lancées lors du basculement de l’activité partielle – en place depuis mars 2020 –, vers l’activité partielle de longue durée. Initialement prévu au 1er novembre, il ne devrait intervenir qu’au 1er janvier 2021. La ministre du travail, Elisabeth Borne, a annoncé, mercredi 30 septembre, la prolongation, jusqu’à fin 2020, du dispositif d’activité indemnisé à 100 % pour tous les secteurs protégés, dont le transport aérien.

Un répit bienvenu pour la compagnie, toujours engluée dans la crise. « L’été était plutôt bien parti », fait-on savoir chez Air France, qui avait même augmenté ses capacités, de 35 % à 40 %. Cependant, l’activité a faibli « à partir de la mi-août, avec l’annonce des mesures de restriction de circulation ». Elle s’est même effondrée en septembre , sous le « double effet » de la diminution des passagers loisirs liée à la fin des congés d’été et de l’absence des clients affaires, « qui ne sont toujours pas revenus ». « D’ailleurs, on ne s’attend pas à ce qu’ils reviennent tout de suite », se désole la compagnie. En septembre, le taux de remplissage des avions serait tombé à 50 %.

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La politique handicap des entreprises à l’épreuve du Covid-19

C’est une évolution que Stéphane Marion, restaurateur de la région nantaise, observait jusqu’alors avec satisfaction. « De plus en plus d’établissements de Loire-Atlantique s’engageaient en faveur de l’intégration des travailleurs handicapés. Même des petites structures étaient prêtes à jouer le jeu », explique ce cadre du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie-restauration, qui milite de longue date pour leur insertion professionnelle.

Las, la crise liée à l’épidémie de Covid-19 a bouleversé la donne économique. « La préoccupation première de mes confrères est désormais de maintenir leur établissement hors de l’eau. La problématique financière va prendre le pas sur les autres, et notamment sur la question du recrutement des personnes en situation de handicap, dont l’employabilité va être fragilisée. »

Des embauches orientées à la baisse dans les entreprises ? « C’est une certitude, tranche Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps. Durant les crises économiques, ces travailleurs sont particulièrement touchés et rencontrent d’importantes difficultés à décrocher un travail et à s’y maintenir. »

Un constat que confirment les données des organismes de placement spécialisés Cap Emploi : « Au premier semestre 2020, on observe une baisse de 19 % des contrats conclus par rapport à un an plus tôt », précise Marlène Cappelle, déléguée générale de Cheops (Conseil national han­dicap & emploi des organismes de placement spécialisés).

Les placements en CDI chutent de 26 % sur la même période. Durant les six premiers mois de l’année, l’une des rares bonnes nouvelles vient de l’apprentissage : « Il n’a pas été impacté, poursuit Mme Cappelle. Il a bénéficié des dispositifs de soutien déployés. » Elle se veut toutefois prudente : « Une telle tendance demandera à être confirmée au second semestre. »

Réduction des postes à pourvoir

Les recrutements en intérim ont, quant à eux, fortement diminué. « Un retournement complet de situation s’est produit, déplore Julia Barone, directrice générale d’Up’interim, une agence consacrée aux travailleurs handicapés en Bretagne. Avant la crise, la difficulté principale était le sourcing des candidats. Désormais, c’est la prospection commerciale auprès des entreprises, les besoins en recrutement étant bien moins importants qu’avant la crise, même si une reprise s’est dessinée en septembre. »

Une évolution également constatée par Alexandre (pour préserver leur anonymat, certaines personnes ont témoigné sous leur seul prénom), un intérimaire poitevin de 38 ans, atteint de troubles schizoïdes. « Le changement a été très brutal. Avec la crise, les offres ont disparu et les appels pour me proposer une mission ont cessé », regrette-t-il.

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Cette chute s’inscrit dans un contexte de réduction générale des postes à pourvoir, tous publics confondus. Il arrive que les postulants en situation de handicap souffrent de fragilités supplémentaires. A l’heure de la crise sanitaire, « certains dirigeants considèrent que les recruter constituerait une difficulté de plus », explique M. de Broca. Un entrepreneur confirme : « Des dirigeants peuvent estimer, parfois à tort, qu’ils ne seront pas opérationnels directement et demanderont un accompagnement. D’autres les assimilent à des personnes vulnérables… Cela ne favorise pas les embauches en période de crise épidémique. »

Changer les regards

Avant la crise, « les recruteurs bretons n’avaient parfois pas d’autres solutions que de se tourner vers nous, indique Mme Barone. Ce n’est plus le cas : les demandeurs d’emploi, toutes catégories confondues, sont désormais beaucoup plus nombreux ».

Une situation qui peut toutefois être différente dans certains secteurs toujours en tension, où l’apport des travailleurs handicapés demeure bienvenu. C’est le cas, par exemple, du bâtiment. « Notre secteur attire peu, et beaucoup de nos métiers connaissent par conséquent une pénurie, explique Ingrid Muccignato, référente handicap chez Eiffage Construction. La crise du Covid a donc peu d’impact sur notre politique de recrutement des personnes en situation de handicap. »

Face à la baisse des recrutements, les acteurs du secteur cherchent à communiquer en direction des entreprises. « Nous devons dédramatiser l’embauche des personnes en situation de handicap », résume Mme Barone. Pour Mme Cappelle, « il faut changer les regards, en expliquant que beaucoup d’entre elles peuvent être opérationnelles tout de suite et qu’elles ne sont pas forcément en situation de fragilité ».

Il convient aussi de rappeler aux entreprises qui pourraient être tentées d’avoir une moindre attention à la question du handicap que « ce serait une erreur de balayer des engagements précédemment pris en matière de RSE [responsabilité des entreprises] », appuie Hugues Defoy, directeur du pôle métier à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

Dans le cadre du plan de relance, présenté le 3 septembre, les pouvoirs publics ont annoncé une aide aux entreprises, d’un montant global de 100 millions d’euros. Elle prévoit le versement d’une prime de 4 000 euros au maximum pour toute embauche d’un travailleur handicapé en CDI ou CDD de plus de trois mois. L’Agefiph a, pour sa part, renforcé ses aides pour les recrutements en alternance.

Le maintien dans l’emploi est aujourd’hui un second point de vigilance des organismes accompagnant les travailleurs en situation de handicap. Et pour cause : une enquête Agefiph-IFOP réalisée en mai a montré que, sur cette question, l’implication des organisations s’est révélée très inégale lors du confinement.

Ainsi, 47 % des actifs handicapés indiquaient que leur entreprise n’avait alors pas pris en compte leur situation spécifique pour déterminer les modalités de leur exercice professionnel. De même, 54 % de ceux passés en télétravail assuraient que leur employeur n’avait pas aménagé les conditions de travail à leur domicile, ce qui avait entraîné des difficultés à accomplir leurs tâches professionnelles pour 46 % d’entre eux.

C’est le cas de Pierre, déficient visuel, qui « n’avait pas à [son] domicile les logiciels accessibles qui [lui] permettent de travailler au bureau ». C’est également la situation qu’a vécue Cyril (le prénom a été modifié), également déficient visuel, employé dans un ministère : des équipements techniques lui permettant de lire certains documents lui faisaient défaut.

Edouard Ferrero, président de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes, confirme que « la période du confinement et de télétravail a parfois été très compliquée. Et, en cas de blocage, les salariés ne pouvaient pas, comme au bureau, demander l’aide d’un collègue proche d’eux ».

Quelques mois plus tard, à l’heure de la reprise en présentiel pour de nombreux salariés, les conditions apparaissent toujours dégradées dans de nombreuses organisations. Les auteurs d’une nouvelle enquête Agefiph-IFOP, menée en septembre, décrivent une prise en compte limitée des situations de handicap par les employeurs. Parmi les personnes handicapées considérées comme « vulnérables » par leur entreprise, seulement 22 % affirment que des dispositions particulières ont été prises pour adapter leur poste de travail.

Financement des masques inclusifs

Si des difficultés sont ainsi relevées, certaines sociétés ont toutefois décidé d’engager des actions favorisant le maintien dans l’emploi. Elles ont pu, pour ce faire, bénéficier d’aides déployées à l’occasion de la crise par l’Agefiph ou le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), comme la prise en charge des coûts liés au télétravail et le financement des masques inclusifs.

« Des actions ont été menées dans plusieurs de nos organismes, notamment pour faciliter le télétravail en adaptant des postes de travail au domicile des collaborateurs et en les équipant en siège ergonomique, en tables à hauteur réglable… », se réjouit Simona Burgio, pilote de la mission handicap nationale du régime général à l’Union des caisses nationales de Sécurité sociale.

Autre initiative : mettre en place un accompagnement pour s’assurer que les personnes concernées ne « décrochent » pas. La caisse générale de Sécurité sociale de Guyane, par exemple, a organisé durant le confinement des appels hebdomadaires en direction des agents en situation de handicap pour détecter d’éventuelles fragilités. Un guide relatif à la mise en œuvre d’une politique globale de prévention de la désinsertion professionnelle a également été déployé afin d’accompagner les directeurs d’organismes et de leur permettre de détecter les situations de vulnérabilité.

« Adaptations de postes à domicile et sur le lieu de travail, aménagements de plannings : des mesures ont également dû être envisagées pour les personnels en situation de handicap dans les établissements d’Elsan », détaille Sandrine Mathis, directrice des affaires sociales du groupe hospitalier privé.

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La crise a eu une autre conséquence, plus inattendue : « Des collaborateurs se sont déclarés en situation de vulnérabilité, poursuit-elle, sans qu’ils se soient forcément déclarés en situation de handicap. Cette détection va nous permettre de communiquer avec eux sur cette thématique et de les accompagner le cas échéant. »

Même constat chez Eiffage Construction. « Nous avons pu identifier des salariés handicapés qui n’avaient pas souhaité se signaler jusqu’à présent », explique Mme Muccignato. La crise liée à l’épidémie de Covid-19 pourrait donc, paradoxalement, favoriser la diffusion de dispositifs de soutien grâce à une connaissance plus fine des effectifs. Et renforcer, ainsi, à plus long terme, le maintien dans l’emploi.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées).

L’Agefiph organise l’Université du réseau des référents handicap 2020 du 6 au 9 octobre. Pour vous y inscrire, rendez-vous ici.

« En Europe centrale et orientale, les destructions d’emplois sont plus fortes qu’en 2008 »

Beata Javorcik, chef économiste de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

Dans ses nouvelles prévisions, publiées jeudi 1er octobre, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) s’alarme du fait que l’impact sur l’emploi de la pandémie de Covid-19 est plus marqué que lors de la crise financière d’il y a douze ans. Cette institution, née en 1991 pour soutenir la transition économique de l’espace post-soviétique, souligne que les peu diplômés sont particulièrement touchés par la récession. Selon sa chef économiste, Beata Javorcik, la région ne retrouvera pas son niveau de richesse d’avant-crise avant fin 2021.

Votre institution est présente dans plus de 30 pays, des Etats baltes à l’Asie centrale. Quels sont ceux qui sont les plus touchés par la crise économique liée à la pandémie ?

Ceux très dépendants de l’extérieur, d’abord, parce qu’ils exportent des matières premières dont les prix ont chuté, comme l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ou parce que le tourisme représente une large part de leur produit intérieur brut (PIB), à l’image de la Croatie, de la Grèce et du Monténégro. Les pays très dépendants des transferts d’argent de la diaspora, tels que la Géorgie et le Kosovo, sont également pénalisés par le retour des émigrés au pays et la baisse de leur revenu. Enfin, l’effondrement du commerce international a frappé fortement les Etats comme la Slovaquie, très intégrée dans les chaînes de production automobile européenne.

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Quelle est l’ampleur du choc ?

En moyenne, le PIB des pays que nous couvrons devrait baisser de 3,9 % en 2020, avant de rebondir de 3,6 % en 2021. Pour ces Etats, où une croissance forte est indispensable pour permettre le rattrapage économique, c’est une chute importante. Dans l’enquête que nous avons menée en août, 73 % des ménages de la région confiaient souffrir économiquement de la crise, contre 24,8 % des ménages en France, et 19,8 % en Allemagne. Plus de 15 % des Grecs et des Ukrainiens déclarent avoir perdu leur emploi contre 3,4 % des Allemands, et plus de 20 % des Biélorusses et des Ukrainiens ont été contraints de fermer leur entreprise familiale, contre 2,2 % en France. Ces premiers résultats montrent que la crise est plus sévère à l’Est qu’en Europe de l’Ouest. De plus, les destructions d’emplois et faillites d’entreprises sont plus fortes qu’en 2008, même si les effets sont plus atténués dans les pays qui ont pu déployer des plans de relance.

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Quelles cicatrices à long terme cette crise va-t-elle laisser dans la région ?

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En supprimant 92 postes, le groupe Rossignol veut limiter la casse

« Le groupe Rossignol, né en 1907, est le premier fabricant mondial de skis, et emploie à ce jour 1 310 personnes, dont 680 en France. »

Les banderoles ont été brandies tout autour de Sallanches, en Haute-Savoie. La tension monte au site historique de Rossignol. La direction du leader du ski rencontre, jeudi 1er octobre, les membres du Comité social et économique réunis au siège de Saint-Jean de Moirans (Isère) pour débattre du « plan social ». « Beaucoup de gens se disent que c’est l’avant-dernier plan. La prochaine fois c’est pour nous annoncer la fermeture… C’est une mort à petit feu. » Cyrille Cherpin, élu non syndiqué de la marque de skis Dynastar (groupe Rossignol), semble résigné. Le leader du ski compte licencier la moitié des cent vingt-quatre salariés de son site de Sallanches, et ce n’est même pas la faute du contexte économique lié à la pandémie de Covid-19 : face à une baisse de ses ventes de skis ces dernières années, Rossignol souhaite réduire ses effectifs. « La production ne pourra plus jamais être comme avant, c’est un massacre », souffle une source syndicale.

Le groupe Rossignol, né en 1907, est le premier fabricant mondial de skis, et emploie à ce jour 1 310 personnes, dont 680 en France. La majorité des salariés travaillent en Isère et en Haute-Savoie, et il existe trois autres sites industriels en Europe : à Artès (Espagne), qui produit également des skis, à Montebelluna (Italie), où sont fabriquées les chaussures et à Nevers (Nièvre), où sont assemblées les fixations. Au total, le groupe englobe onze marques.

Malgré une diversification de ses activités ces dernières années, notamment dans le textile et la vente de VTT, la production de skis des marques Rossignol et Dynastar représente toujours 70 % du chiffre d’affaires du groupe. En 2009, suite à la vente du groupe par Quiksilver, une restructuration avait déjà conduit à la suppression de 230 postes.

Le « projet de redimensionnement » présenté le 21 septembre prévoit la suppression de 92 emplois en 2021 : 61 postes sur 124 dans l’usine de fabrication de skis de Sallanches, 24 postes au siège du groupe basé à Saint-Jean-de-Moirans (Isère) et 7 postes dans sa plate-forme logistique de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs (Isère).

Vente de skis en berne

En cause, les difficultés rencontrées par la vente de skis, affaiblie ces dernières décennies par l’accroissement de la location. Si la pratique du ski demeure stable, avec près de 350 millions de pratiquants sur le globe, « la location de skis continue de prendre le pas sur la vente pure et simple. Si on ne s’ajuste pas à la réalité du marché, on va au-devant de graves problèmes », constate Bruno Cercley, président du groupe Rossignol.

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Les « aidants » qui travaillent peuvent désormais prendre un congé indemnisé

Brigitte Bourguignon a sorti le dossier de l’ornière en arrivant au ministère de la santé en juillet. Dix mois après le vote de la loi du 24 décembre 2019 qui prévoyait sa création, le congé rémunéré pour les proches aidants doit enfin devenir, jeudi 1er octobre, « un droit réel », selon la ministre déléguée à l’autonomie.

Ce dispositif était une « mesure phare » du plan présenté par l’ancien premier ministre Edouard Philippe en octobre 2019 en faveur des salariés devant prendre soin d’une personne handicapée, malade ou d’un parent âgé – sur 8 millions à 11 millions d’aidants, en France, on estime que 4 millions à 5 millions sont des salariés. L’entrée en vigueur de cette mesure était programmée pour octobre 2020. Mais le décret qui l’organise était resté jusqu’ici dans un tiroir. La crise sanitaire a mobilisé l’administration sur d’autres urgences. « Et il y a eu un manque de portage politique », admet-on au ministère.

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Le décret devrait paraître au Journal officiel. Mais il y est bien précisé que les dispositions prévues s’appliquent « à compter du 30 septembre 2020 ». Tous les salariés du secteur privé et public, les indépendants ainsi que les demandeurs d’emplois pourront bénéficier de ce congé indemnisé.

Sa durée maximale est de trois mois mais il peut être renouvelé jusqu’à un an sur l’ensemble de la carrière d’un salarié. Le montant de l’indemnisation est fixé à 43,83 euros par jour pour une personne en couple et à 52,08 euros par jour pour un aidant qui vit seul. Elle sera versée par les caisses d’allocations familiales (CAF) et les caisses de la mutualité sociale agricole.

Le montant de l’indemnisation fustigé

Ce dispositif « a le mérite de poser une première pierre. Il aura besoin d’évoluer dans le temps », a réagi Paul Christophe, député (Agir ensemble) du Nord, fortement mobilisé à l’Assemblée nationale sur ce dossier. Son souhait serait que la durée du congé puisse être allongée pour aller jusqu’à trois ans « fractionnable ». Les associations d’aidants saluent, elles, « l’avancée » mais jugent que les modalités financières sont perfectibles.

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Pour Claudie Kulak, fondatrice de la Compagnie des aidants, présidente du collectif « Je t’aide », le faible montant de l’indemnisation risque de dissuader beaucoup d’aidants d’interrompre leur contrat de travail. Mme Kulak suggère que les salariés qui prennent ce congé puissent continuer de percevoir une part de leur rémunération en complément de l’indemnisation versée par la CAF. « Il faut que les branches professionnelles s’emparent du sujet et que les entreprises et notamment les PME s’impliquent davantage dans l’aide aux aidants », dit-elle.

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Contre les discriminations à l’embauche, Terra Nova propose la création d’un organisme

Des CV affichés dans un espace de coworking à Malakoff (Hauts-de-Seine), en 2015.

Année après année, les études s’enchaînent et se ressemblent. En France, à diplôme égal, Mohamed, habitant de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), a entre deux et trois fois moins de chances que Matthieu, originaire de l’Ouest parisien, de recevoir une réponse à sa candidature pour un emploi. Le constat est implacable.

Les opérations de « testing », le « name and shame » (nommer publiquement les entreprises épinglées pour discrimination), la signature en veux-tu en voilà de chartes prônant la diversité, les formations tous azimuts des ressources humaines et la création de labels estampillés « égalité des chances » n’y changent rien. Les progrès sont dérisoires, les efforts dispersés, les bonnes pratiques mal identifiées, et certains comportements négatifs, trop souvent ignorés par ceux qui les pratiquent.

Dans son dernier rapport que Le Monde a pu consulter en exclusivité, publié jeudi 1er octobre et intitulé « La lutte contre les discriminations liées aux origines dans le monde du travail », le think tank de gauche Terra Nova décrypte les mécanismes « insidieux et systémiques » qui sont toujours à l’œuvre, et propose une solution plus radicale pour y remédier. Pas de statistiques ethniques ni de quotas ou de politiques de discrimination positive, Terra Nova suggère la création d’un organisme indépendant (financé par des fonds publics) exclusivement consacré à la lutte contre les discriminations.

La première de ses missions sera de collecter des informations et des données permettant de quantifier les problèmes afin de pouvoir accompagner les entreprises et les services publics. « On ne s’est pas dotés d’outils pour progresser. Ce que nous voulons, c’est franchir une étape supplémentaire, concrète et opérationnelle », explique Marc-Olivier Padis, directeur des études chez Terra Nova.

Sanctions légales rarement prononcées

Dans un rapport publié en juin, intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir », le Défenseur des droits de l’époque, Jacques Toubon, proposait lui aussi la création d’un « observatoire des discriminations », afin de mesurer et d’évaluer en continu l’efficacité des politiques publiques et les comportements dans les structures privées.

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Car aujourd’hui, les diverses politiques en place dépendent d’une organisation qui fait intervenir plusieurs acteurs : chercheurs, entreprises, services publics, juges. « L’ampleur de la tâche, les nombreux leviers sur lesquels il faut agir, la quasi-nécessité de créer un élan national, ne pourront être obtenus que par la pression d’une institution dédiée », plaident les auteurs.

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Le chômage partiel indemnisé à 100 % sera prolongé jusqu’à la fin de l’année pour tous les « secteurs protégés »

Une terrasse fermée sur le Vieux-Port à Marseille, le 28 septembre.

La ministre du travail, Elisabeth Borne, a annoncé, mercredi 30 septembre, le maintien jusqu’à la fin de l’année du dispositif de chômage partiel indemnisé à 100 % pour tous les secteurs protégés, et non le seul secteur de l’hôtellerie-restauration.

« On a pris la décision de maintenir l’activité partielle avec zéro reste à charge pour tous les secteurs protégés » comme la culture, l’événementiel ou le sport, a déclaré Mme Borne à l’Agence France-Presse, invoquant un souci de « lisibilité » après la décision en ce sens prise mardi pour l’hôtellerie-restauration.

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Les secteurs protégés, les plus touchés par la crise, sont listés en annexe d’un décret de juin 2020 consacré à l’activité partielle. Ils auraient dû avoir un reste à charge de 15 % à compter du 1er novembre.

1,3 million de salariés du secteur privé

« Nous sommes bien conscients que les mesures sanitaires qui sont indispensables peuvent mettre en difficulté certains secteurs » et « on se donne jusqu’à la fin de l’année », a expliqué Mme Borne, ajoutant que cela permettra de « rediscuter avec eux des protocoles sanitaires et donc aussi des messages qu’on peut passer à leurs clients potentiels pour les rassurer ».

La ministre a précisé que les entreprises qui signeraient un accord d’activité partielle de longue durée – dispositif qui s’ajoute, depuis fin juillet, au chômage partiel classique – « auront droit au taux le plus favorable », tant que le secteur bénéficie de la mesure exceptionnelle. Ils ne seront donc pas pénalisés s’ils signent un accord d’ici la fin de l’année.

Utilisé largement depuis près de six mois, soit dès le début du confinement mi-mars pour « éviter des licenciements », le dispositif d’activité partielle (ou chômage partiel) concernait encore 1,3 million de salariés du secteur privé en août, selon les dernières données du ministère du travail.

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Le Monde avec AFP

Suez-Veolia : les cinq fronts d’une journée décisive

Le projet de rachat de Suez par de Veolia va-t-il franchir sa première étape ? Le conseil d’administration d’Engie, qui détient 32 % des parts de Suez, doit décider, ce mercredi 30 septembre dans l’après-midi, s’il accepte ou non l’offre d’Antoine Frérot.

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Le patron de Veolia a réaffirmé, mercredi dans la matinée, que sa proposition de racheter à Engie une participation de 29,9 % au capital de Suez n’était valable que jusqu’à minuit. « Après, je reprends ma liberté », a-t-il prévenu. Rarement le suspens a été aussi intense sur la scène parisienne des affaires.

  • 1 – Le dilemme d’Engie : « ne pas lâcher la proie pour l’ombre »

A priori, conseil d’administration d’Engie n’a que deux options. Soit il accepte la nouvelle offre de Veolia. Le groupe récupère alors immédiatement 3,4 milliards d’euros – une manne importante pour Jean-Pierre Clamadieu, président d’Engie, qui a promis, en juillet, de vendre autour de 8 milliards d’euros d’actifs. Soit il refuse, la proposition de Veolia disparaît et le cours de Bourse d’Engie risque d’être sanctionné. Mardi, à l’Assemblée nationale, M. Clamadieu a affiché sa préférence : « Si demain l’offre de Veolia vient à expiration, le cours de Suez va redescendre là où il était avant : 12 euros. Notre participation aura perdu un milliard d’euros de valeur », a-t-il plaidé. « Si cette offre expire, nous n’en avons plus. Alors me suggérez-vous de faire le pari qu’il y en aura peut-être une autre [plus tard] ? C’est une décision extrêmement difficile pour le conseil d’administration. Nous lâchons la proie pour l’ombre », a-t-il lancé aux députés.

Bien sûr, l’intérêt de Veolia pour Suez ne va pas disparaître le 1er octobre, mais pour Engie, ce n’est pas du tout la même chose si le groupe dirigé par Antoine Frérot lance directement une OPA sur Suez. Dans ce dernier scénario, l’énergéticien ne toucherait les 3,4 milliards qu’au bout de douze à dix-huit mois, au bout du processus d’examen par les autorités de la concurrence. C’est d’ailleurs la menace que Veolia agite depuis le début des discussions avec Engie, suggérant même que le prix pourrait être inférieur compte tenu de la « pilule empoisonnée » mise en place par Suez. Ce dernier, de son côté, travaille à constituer une contre-offre avec des investisseurs, mais cette alternative reste hypothétique à court terme.

  • 2 – Les doutes de l’Etat

Le problème, c’est que l’Etat, premier actionnaire d’Engie avec 23,6 % du capital et un tiers des droits de vote, a envoyé des signaux contradictoires. « Les membres indépendants du conseil ont intérêt à accepter l’offre de Veolia, mais le feront-ils si l’Etat vote contre ? », s’interroge une source proche du dossier. L’Etat dispose d’un représentant au conseil d’Engie et propose deux administrateurs.

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« Les jeunes sont démunis, la mission locale, c’est leur phare dans la nuit »

Maria Ferreira, Directrice de la Mission locale during the meeting with the team.

Simone Perolari pour « Le Monde »

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Publié aujourd’hui à 11h05

Maria Ferreira, dans son bureau de la mission locale, à Lagny-sur-Marne. Les jeunes de 46 communes dépendent de sa structure.

Maria Ferreira jette un regard songeur au rapport à spirales estampillé 2019 qu’elle vient de poser sur la table. Il détaille les succès passés de la mission locale qu’elle dirige à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) et notamment les 203 CDI signés l’an dernier par des jeunes suivis par cette structure d’aide à l’insertion socioprofessionnelle des 16-25 ans. « Mais 2019, c’était un autre monde…, lâche-t-elle. Fin décembre, j’avais un optimisme du feu de dieu, tous les employeurs me disaient “tout reprend, on va t’en embaucher plein”. Et puis, hop, tout s’est arrêté. » Le Covid-19 a mis ce territoire florissant en difficulté.

Un cyberespace est à la disposition des jeunes qui viennent à la mission locale.

Le taux de chômage y était jusqu’ici parmi les plus faibles de France (6,5 %). A 8 kilomètres de la mission locale de Lagny – dont dépendent les jeunes de 46 communes – se trouve, en effet, le premier employeur monosite du pays : Disneyland Paris, 15 000 emplois directs et presque trois fois plus d’indirects. « En termes d’emplois, on est fort », insiste Mme Ferreira, avant de se reprendre : « Je veux dire, on était fort. »

« Un tsunami »

Fermé pendant le confinement, le parc d’attractions n’a rouvert que mi-juillet. Sans sa clientèle étrangère, sa fréquentation est loin de ses niveaux d’avant-crise. Ce furent 5 000 emplois saisonniers en moins dès l’été. Et un coup de froid sur tous les sous-traitants et les pôles d’activité qui vivent d’habitude sur la clientèle de Disney : hôtels, restaurants, centres commerciaux… « L’entreprise à qui Disney sous-traite du nettoyage de linge nous prend d’habitude une trentaine de jeunes en août, détaille par exemple Mme Ferreira. Cette année, ils en ont pris zéro. »

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Certains n’ont pas trouvé le job d’été qui leur permet d’habitude de financer leurs études. D’autres, nombreux à la mission locale ce lundi 28 septembre, n’ont tout simplement plus de travail, victimes des coupes dans l’intérim. Comme Jerry (aucun des jeunes n’a souhaité donner son nom), 23 ans, dont la mission de vendeur dans un magasin de vêtements du centre commercial Val d’Europe a pris fin au printemps. « Il est bilingue. Avec son niveau d’anglais, d’ordinaire, il ne devrait déjà plus chercher », s’inquiète sa conseillère Audrey Delarbre. « On n’a vraiment pas de chance, on cherche du travail pile au mauvais moment », souffle Jerry. Ibrahim, lui, gagnait sa vie avec des missions dans la manutention. Jusqu’au confinement. « Ils me disent “dès qu’on a quelque chose, on vous appelle”, mais ils n’appellent pas. »

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