Les « mompreneures », ces mères qui quittent leur emploi pour créer leur entreprise : « Il y a des mois où je ne gagne que 800 euros, j’en ai des nœuds à l’estomac »
« J’ai de la chance, je suis hyperlibre dans mon emploi du temps. Il est 16 heures, et je peux m’arrêter de travailler pour vous parler », se félicite Céline Bourgoin, 40 ans, depuis le sous-sol de sa maison marseillaise. Ce matin, elle s’est levée à 6 h 30, a déposé ses deux enfants à l’école, avant de s’atteler à ses projets de couture. Depuis qu’elle a créé son commerce de produits textiles en 2014, elle a triplé son temps de travail et réduit son salaire de près de 1 000 euros par mois. « Il y a des mois où je ne gagne que 800 euros, j’en ai des nœuds à l’estomac », soupire Céline Bourgoin, même si elle répète qu’elle n’a « jamais regretté » sa reconversion. « Jusqu’en 2010, j’étais éducatrice spécialisée, je travaillais énormément, j’arrivais en retard à la garderie, je cochais toutes les cases de la mère indigne. Ça devenait très dur moralement, il fallait absolument que je change de vie », insiste-t-elle.
Comme Céline Bourgoin, des centaines de jeunes mères françaises décident de quitter le salariat pour créer leur propre entreprise. On les appelle les « mompreneures », ou « mampreneuses », d’après un terme né aux Etats-Unis au début des années 1990 et importé en France à la fin des années 2000, dans une période où les pouvoirs publics cherchent à promouvoir l’entrepreneuriat pour tous, avec la création du statut d’autoentrepreneur en 2008. La majorité des mompreneures créent des microentreprises, dans des secteurs proches de leur précédent emploi ou dans des domaines liés à la parentalité, au coaching ou à l’expression de soi. « Ces femmes ont entre 30 et 40 ans, des enfants en bas âge et occupaient jusqu’alors un emploi salarié à responsabilité dans lequel elles étaient très engagées. Parce qu’elles sont aussi très engagées dans la parentalité, elles se sentent rapidement dépassées. Elles se disent que le statut de travailleur indépendant leur offrira une plus grande flexibilité », détaille Julie Landour, maîtresse de conférences à Paris Dauphine-PSL et autrice d’une enquête auprès de quatre cents mompreneures.
Dans les faits, ce nouveau statut demande souvent une organisation au cordeau : chez Céline Bourgoin, on retrouve deux tableaux Velleda pour planifier la répartition des tâches domestiques, des sessions de « batch cooking » pour préparer les repas de la semaine tous les dimanches, des listes de courses et un budget établis à l’euro près. Son mari, ingénieur de recherche au CNRS, assure le suivi des devoirs et s’occupe des enfants le mercredi, mais Céline se considère comme la « cheffe d’orchestre » de l’organisation familiale au quotidien.
Il vous reste 73.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.