« Le système allemand de codétermination a été le fruit d’un important mouvement de mobilisation sociale »

« Le système allemand de codétermination a été le fruit d’un important mouvement de mobilisation sociale »

Les grandes entreprises capitalistes jouent un rôle central dans les sociétés contemporaines, par leur impact significatif sur les sphères économique, sociale, politique et environnementale. A ce titre, la responsabilité de leurs principaux dirigeants ainsi que la capacité des systèmes de gouvernance des entreprises à circonscrire et délimiter efficacement l’espace discrétionnaire de ces grands patrons dans l’intérêt du bien commun sont régulièrement interrogées.

A la question de savoir dans quels intérêts l’entreprise doit être gérée, chaque pays et chaque époque trouve ses propres réponses. Car ces réponses ne s’imposent pas de façon déterministe selon de prétendues lois économiques universelles pour tous de la même façon : elles sont le résultat de processus sociaux complexes qui font, entre autres, intervenir l’action politique et la mobilisation sociale.

Les systèmes nationaux de gouvernance sont dynamiques et leur évolution particulière est partiellement influencée par des acteurs qui déclenchent de puissants mouvements sociaux et s’engagent dedans . Des acteurs politiques, économiques et sociaux peuvent donc dans une certaine mesure influencer concrètement l’organisation de la gouvernance des différents systèmes capitalistes.

L’alignement de quatre facteurs indispensables

Mais, pour qu’une telle action soit efficace, certaines conditions doivent être réunies. La réponse américaine à la question des intérêts à privilégier dans l’organisation des mécanismes de gouvernance ne s’est pas toujours résumée à la maxime bien connue de Milton Friedmann (1912-2006), pour qui « la responsabilité sociale des entreprises consiste à maximiser les profits » (dans le « New York Times » du 13 septembre 1970).

Gerald Davis et Tracy Thompson décrivaient déjà l’avènement du capitalisme financier américain, qui a succédé au capitalisme managérial dominant jusqu’au milieu des années 1980, comme le résultat d’un mouvement social (« A social movement perspective on corporate control », Administrative Science Quarterly n °39, 1994).

Le corollaire de ce capitalisme financier, la gouvernance actionnariale, apparaît ainsi comme le résultat de l’action d’un lobby d’investisseurs institutionnels dans les années 1980, qui pouvait s’appuyer sur quatre vecteurs, dont l’alignement était indispensable à la réussite de la mobilisation : 1, un contexte politique favorable (la présidence Reagan), 2, la possibilité d’établir et de légitimer un intérêt partagé par une coalition d’acteurs (non seulement l’industrie financière, mais également la foule des petits épargnants américains), 3, une infrastructure organisationnelle favorisant la mobilisation (les fonds de pension et leurs consultants), ainsi que 4, une dynamique de mobilisation menée par des acteurs visibles et influents (par exemple l’entrepreneur, financier, activiste et homme politique Robert Monks).

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LJD

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