« Le Soin des choses », de Jérôme Denis et David Pontille : Attention fragile !
« Tout comme [Giovanni] Morelli, [Sherlock] Holmes et [Sigmund] Freud, les personnes chargées de la maintenance prêtent attention à ce qui est habituellement négligé afin de trouver dans la matière des signes révélateurs », écrivent Jérôme Denis, professeur de sociologie à Mines Paris-PSL, et David Pointille, directeur de recherche au CNRS, dans Le Soin des choses. Politiques de la maintenance (La Découverte, « Terrains philosophiques », 2022).
Ce vaste essai est une invitation au voyage et à la réflexion sur le rôle essentiel de la maintenance dans notre quotidien, dans les entreprises, comme dans les politiques publiques.
L’ouvrage commence comme un roman, par une journée banale décrite à travers ses dysfonctionnements minuscules et ses traces d’usure ordinaires, un robinet qui goutte, un enchevêtrement de câbles rafistolés, un vélo en révision, etc.
Les auteurs, tous deux rattachés au centre de sociologie de l’innovation de Mines Paris-PSL, donnent une large place aux récits, comme « source de connaissance sur le monde », avec l’ambition de changer le regard sur les relations qu’entretiennent les humains avec les choses et dévoiler ainsi « la portée politique des activités de maintenance ».
En prenant l’usure des choses comme point de départ, des panneaux émaillés de la RATP à l’horloge du Panthéon en passant par un pont de Philadelphie, ils démontrent que se préoccuper de ce qui ne fait pas événement force à observer le monde avec plus d’attention pour y lire tout ce qui se joue dans une relation, dont le rapport au temps. La maintenance, au-delà de l’entretien, met en exergue les ruptures indésirables pour la continuité de l’activité et pour le progrès durable.
« Le Soin des choses. Politiques de la maintenance », de David Pontille et Jérôme Denis, La Découverte, « Terrains philosophiques », 376 p., 23 €.