Le délicat engagement des employeurs contre les addictions au travail
Interdiction de l’alcool lors des événements internes (pots, séminaires), non-remboursement de l’alcool sur les notes du frais au-delà du seuil légal du code de la route, témoignages de l’association des Alcooliques anonymes, éthylotests intempestifs sur les postes à risques… Voilà les mesures prises par la direction d’Enedis en région Pays de la Loire, en 2022, pour lutter contre les conduites addictives.
En janvier 2024, certains de ces principes ont été généralisés à l’échelle nationale. « Notre outil de suivi et de validation des notes de frais “détecte” désormais la consommation d’alcool via le contrôle automatique du taux de TVA », explique François Luciani, directeur délégué Pays de la Loire.
Dans la même région, le fabricant de camions Scania, déjà adepte du « zéro alcool », a décidé d’interdire le tabac dans son usine d’Angers (Maine-et-Loire), en septembre 2022. « On ne voulait pas aller trop rapidement dans cette démarche de santé publique : on n’était pas là pour dire aux salariés d’arrêter de fumer, donc on a proposé un accompagnement en plusieurs temps aux fumeurs inquiets », justifie Frédéric Guibert, responsable du pôle santé-sécurité.
En entreprise, les conduites addictives demeurent à un niveau élevé. Selon la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), en 2021, chez les actifs occupés, 27 % des hommes et 23 % des femmes fumaient quotidiennement ; 20 % des hommes et 8 % des femmes avaient une consommation dangereuse d’alcool.
Agriculture et bâtiment
Dans les emplois physiquement pénibles – agriculture, bâtiment – ou en contact avec le public, l’alcool demeure un outil de convivialité et un moyen de tenir. « Qu’il soit ouvrier ou encadrant de proximité, toute nouvelle recrue est incitée à consommer de l’alcool », écrit ainsi la sociologue Marie Ngo Nguene dans sa contribution à l’ouvrage Travailler aux chantiers (dir. Gwenaële Rot, Hermann, 2023), portant sur le secteur du BTP. La cocaïne est particulièrement répandue dans l’hôtellerie-restauration, ou chez les marins pêcheurs.
Que peut l’entreprise face à ces conduites qui relèvent a priori de la vie privée ? En premier lieu, comprendre qu’il y a un lien entre organisation du travail et addictions : « L’addiction, c’est la rencontre entre un produit, un individu et un environnement, résume Valérie Saintoyant, déléguée de la Mildeca. L’environnement professionnel peut favoriser les consommations à risques. » Le stress, les risques psychosociaux, les horaires atypiques, le travail isolé et le télétravail sont autant de facteurs aggravants.
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