Le cancer au travail : se taire ou en parler ?

Le cancer au travail : se taire ou en parler ?

« Suis-je en train de faire une erreur ? » Neuf mois après, Arthur Sadoun, le président du directoire de Publicis, avoue avoir été saisi par le doute au moment de publier en ligne, le 7 avril 2022, après la clôture de la Bourse, un message vidéo très personnel à l’intention des 96 000 collaborateurs du troisième groupe mondial de communication.

Blême, le cou rayé d’une longue cicatrice, le dirigeant de 50 ans y révèle qu’il a été opéré quinze jours auparavant d’une « petite tumeur qui s’est avérée cancéreuse », et qu’il va subir un « traitement de suivi ». Deux minutes vertigineuses, pour M. Sadoun au premier chef, mais aussi pour le capitalisme français : jamais aucun patron du CAC 40 n’avait admis publiquement qu’il souffrait d’un cancer. Une omerta qui contraste avec la relative transparence ailleurs dans le monde.

De Warren Buffett, le légendaire investisseur, à Lloyd Blankfein (Goldman Sachs), plusieurs figures de Wall Street ont révélé ces dernières années être traitées pour un cancer. Quand, en 2014, Jamie Dimon, le PDG de J.P. Morgan, s’est découvert un cancer de la gorge en se rasant, la banque américaine précisait même dans quel hôpital il serait soigné.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Maladie grave en entreprise : comment éviter la double peine pour le salarié

Rien, pourtant, dans le règlement de la Securities and Exchange Commission n’oblige les entreprises cotées à divulguer le bulletin de santé de leurs dirigeants-clés, sauf à ce que cette information soit susceptible d’influencer l’activité. Affaire de génération ? Les jeunes pousses tricolores semblent s’affranchir davantage du culte du secret. Laurent Perrin, cofondateur de Front, une plate-forme de communication pour les entreprises, n’a pas hésité lorsqu’il s’est vu détecter en 2016, à 35 ans, un cancer au testicule.

« Les gens me remerciaient »

« A l’époque, nous étions une vingtaine dans l’entreprise, justifie le polytechnicien. C’était impossible de disparaître sans explication. Le jour même du diagnostic, nous avons averti les salariés. » Quant à Octave Klaba, le fondateur français d’origine polonaise de l’hébergeur OVHcloud, il avait révélé avoir été soigné d’un lymphome en 2012.

« Le cancer reste trop souvent encore la maladie innommable, au sens premier, celle qui suscite la peur et le rejet, souligne la psychiatre Sarah Dauchy. Comme ceux qui guérissent n’en parlent pas, on n’apprend le cancer que lorsque quelqu’un en meurt. Plus nombreuses seront les personnes qui parleront de leur cancer comme d’une maladie grave, certes, mais d’une pathologie comme une autre, plus les représentations associées se diversifieront. »

Il vous reste 76.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.