Le burn-out peut frapper très tôt : trentenaires et déjà « cramés »
Imaginez une bougie qui, après avoir longtemps brûlé, n’offre plus qu’une flamme fragile. Ou encore un immeuble à la façade intacte mais dont les étages seraient calcinés après un incendie. Cette image de combustion intérieure est à l’origine du terme anglo-saxon « burn-out ». Elle revient aussi dans le vocabulaire et l’imaginaire employés par les victimes de ce mal sournois, qui arrive à bas bruit, par accumulation. « Je me suis cramé », résume Pierre Simonnin. A 29 ans, cet ingénieur, cofondateur d’une start-up technologique, a l’impression de s’éteindre à petit feu : « Ça a commencé par une gêne. Mes associés souhaitaient faire grossir la boîte. Moi, je ne comprenais pas cette course à la croissance. »
Sa situation se détériore jour après jour. Il dort peu, souffre de troubles de l’attention, de maux de tête de plus en plus violents et ne parle plus que de travail. « J’arrivais au bureau à 11 heures, car je ne parvenais pas à me lever avant, et je repartais à 15 h 30, essoré. Une fois chez moi, je m’installais sur le canapé et j’y restais jusqu’à la fin de la journée. » Un jour, alors qu’il sort du métro et se dirige vers son travail, il sent une pression augmenter dans sa tête à chaque pas. Arrivé au bureau, il prévient ses associés qu’il arrête et file chez le médecin, qui pose le diagnostic : burn-out. Quelques mois plus tard, il lance Journal du burn-out, un site sur lequel il poste vidéos et témoignages sur le sujet : « J’ai eu des centaines de retours, dont un nombre non négligeable de personnes que je connaissais, et qui m’ont avoué avoir aussi fait un burn-out. Le sujet reste tabou, mais concerne beaucoup de monde. »
En France, de 5 % à 10 % de la population active souffrirait de burn-out, soit entre 1,5 million et 3 millions de personnes. Les jeunes « millennials » et les femmes sont particulièrement touchés, affirme Philippe Zawieja, auteur des Rescapés du burn-out (Les Arènes, 2023) et de plusieurs livres sur le sujet.
Le psychosociologue du travail identifie différents moments à risque dans une carrière professionnelle, à commencer par l’entrée dans la vie active. « Les jeunes peuvent faire l’expérience d’une désillusion face à un métier longtemps fantasmé. Notamment quand les entreprises affichent des valeurs qui sont ensuite bafouées au quotidien, engendrant ainsi une souffrance éthique chez leurs recrues », analyse M. Zawieja. Le consultant note également un pic de burn-out après dix ans d’expérience, autour de la trentaine, en raison de paramètres démographiques : « C’est le moment où on commence à avoir des enfants, où les premiers couples se séparent. Le risque diminue ensuite avec l’ancienneté. »
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