La médecine du travail face caméra : les limites de la téléconsultation
C’est une petite révolution pour la médecine du travail du Loiret. D’ici quelques semaines, certains rendez-vous médicaux se feront par téléconsultation. Aux côtés d’une infirmière, les salariés concernés échangeront par écrans interposés avec un médecin situé à une soixantaine de kilomètres de distance. Chargée de cette expérimentation au sein du Comité interentreprise d’hygiène du Loiret (CIHL), la médecin du travail Isabelle Lepetit assurera ces consultations depuis Orléans.
« A l’origine de ce dispositif, il y a bien sûr le déficit important de temps médical dans certaines zones rurales du département », explique-t-elle. Un déficit qui découle de la diminution continue des effectifs en médecine du travail, tout particulièrement dans les territoires les moins peuplés. Dans de nombreuses régions à travers la France, on manque de professionnels de santé et la présence de quelques médecins retraités reprenant du service ne change guère la donne. Quant aux professionnels étrangers, qui représentent parfois la majorité des recrutements, « ils n’ont souvent pas d’expérience de la médecine du travail et doivent donc être formés avant de pouvoir intervenir et encadrer des équipes pluridisciplinaires », poursuit Mme Lepetit.
C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. « Nous n’en sommes qu’aux balbutiements mais le potentiel de développement est considérable au vu des problématiques de démographie médicale », reconnaît Catherine Pinchaut, chargée des questions de santé au travail à la CFDT. Un développement que le rapport Lecocq sur la santé au travail (« Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée », août 2018) a justement appelé de ses vœux, afin de « répondre aux disparités territoriales ».
De nombreuses interrogations
La médecine du travail devant la caméra : c’est déjà une réalité dans l’Oise. Micro-casque sur les oreilles, Muriel Legent mène régulièrement des consultations via ses deux écrans. Depuis 2019, son service de santé au travail, Médisis, propose des visites à distance aux caristes intérimaires qui ont l’obligation de passer devant le médecin avant la prise de poste. « S’ils n’ont pas de visite, ils n’ont pas d’emploi », résume-t-elle.
Or, comme dans le Loiret, les centres médicaux en zone rurale ont, dans l’Oise, des difficultés à répondre à toutes les demandes. Certains intérimaires doivent donc se déplacer à Beauvais pour effectuer leur visite. « Mais l’expérience montre que lorsqu’on annonce qu’il faudra faire deux heures de route pour rencontrer un médecin, certains d’entre eux ne viennent pas », explique Olivier Hardouin, directeur général de Médisis.