Les Italiens émigrent en masse

Les Italiens émigrent en masse

Inversement aux antérieures vagues d’émigration, ce sont surtout les jeunes diplômés italiens qui laissent le pays.

Il aurait privilégié ne jamais partir. Il n’a guère eu le choix. Après avoir eu son diplôme d’administration comptable à l’université de Pérouse, en 2009, Francesco Amaranto a tenté de gagner sa vie dans le village où il a grandi, Cavallino, au sud de l’Italie. Dans cette région, les Pouilles, le taux de chômage culmine à 19 %. Et l’économie souterraine pèse près de 20 % du produit intérieur brut (PIB). « Durant six ans, j’ai enchaîné les boulots : comptable, serveur, secouriste, le plus souvent au noir, raconte-t-il. Je travaillais douze heures par jour pour toucher guère plus de 500 euros par mois. Je devais solliciter de l’aide à mes parents. Alors, je me suis décidé à partir. »

« Je crois que je ne réintégrerai pas. Pour ceux restés, la condition est très difficile. Mon pays est au bord de l’effondrement »

Il y a deux ans, il s’est établi à Lanzarote, en Espagne, pour rattraper un ami. En quelques mois, il a décroché un poste de comptable. Avec un contrat permanent. « J’ai enfin un salaire correct, ma vie a changé », confie-t-il. Aussitôt, il gagne assez d’argent pour se payer un appartement, voyager et bénéficier de son temps libre. « Cela ne m’était jamais arrivé en Italie, constate-t-il. Je crois que je ne rentrerai pas. Pour ceux restés, la condition est très difficile. Mon pays est au bord de l’écroulement. »

Depuis 2008, 2 millions de jeunes Italiens ont, comme lui, préféré la voie de l’émigration. « Ce phénomène est absorbant, les forces vives du pays s’échappent », s’inquiète Nicola Nobile, économiste chez Oxford Economics, à Milan. La timide reprise enregistrée depuis 2017 n’a guère transposé la tendance. En 2018, la population a diminué durant quatre années consécutives, perdant 90 000 personnes (sur 60,4 millions d’habitants), selon l’Institut statistique italien (Istat). L’an dernier, 160 000 Italiens ont fait leurs valises pour partir à l’étranger, soit 3 % de plus qu’en 2017. Du jamais-vu depuis 1981.

Bien sûr, l’Espagne a déjà connu de grands épisodes d’émigration. De 1900 à 1915, 8 millions d’Italiens sont partis pour besogner dans les mines et usines de France et d’Allemagne, ou encore pour les Etats-Unis. Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’Etat lui-même incitait les travailleurs à plier bagage. Mais la vague d’émigration observée depuis dix ans est de nature différente. Cette fois, ce ne sont pas les ouvriers peu compétents ou les agriculteurs qui partent. Ce sont surtout les jeunes diplômés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.