« Il est nécessaire de recentrer les débats sur le salaire, qui reste le premier instrument de partage de la valeur dans les entreprises »
Dans son discours de politique générale, le 30 janvier, [le premier ministre] Gabriel Attal a insisté sur la nécessité d’enrayer le phénomène de « smicardisation ». Si 17 % des salariés se trouvent aujourd’hui au niveau du smic, rappelons que ce phénomène n’est pas nouveau et il s’explique de manière mécanique par l’indexation du smic sur l’inflation, ce qui permet un relatif maintien du pouvoir d’achat du smic. En revanche, selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques [Dares] du ministère du travail, les évolutions du salaire réel mensuel de base montrent une baisse du pouvoir d’achat des salariés au-dessus du smic, de l’ordre de 3 % depuis début 2021. Comment expliquer une telle situation ?
Il convient de lire les évolutions récentes au regard des politiques de flexibilisation et de précarisation du travail déployées par les entreprises depuis plusieurs décennies. A cela s’ajoute un mouvement de diversification et de complexification des pratiques salariales qui se manifeste, à partir des années 1980, par la montée de l’individualisation puis, à partir des années 2000, par l’expansion des dispositifs d’épargne salariale, aujourd’hui rebaptisés « partage de la valeur » dans le débat public (intéressement, participation et plan d’épargne entreprise).
L’ensemble de ces évolutions a en réalité affaibli la capacité des syndicats à obtenir des augmentations significatives de salaire lors des négociations collectives d’entreprise, quand ces dernières ont effectivement lieu. D’après la Dares, seulement 10,6 % des entreprises de dix salariés ou plus, qui emploient 51 % des salariés, ont engagé des négociations sur les salaires et les primes en 2021, et un accord a été conclu dans moins de sept cas sur dix. L’absence de négociations est par ailleurs fréquemment justifiée par l’application directe d’un accord de branche.
Effets d’aubaine
Alors que les pouvoirs publics excluent toute possibilité d’indexation des salaires sur l’inflation, l’alternative privilégiée, fréquemment mobilisée par le passé, consiste à encourager les employeurs à verser des primes exonérées partiellement ou totalement de cotisations sociales pour maintenir au moins temporairement le pouvoir d’achat. C’est ainsi que le gouvernement a instauré, durant l’été 2022, la « prime de partage de la valeur », qui a remplacé la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », dite « prime Macron », créée fin 2018 en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».
Fin 2022, le gouvernement a incité les organisations patronales et syndicales à négocier un accord national interprofessionnel sur « le partage de la valeur dans les entreprises ». Signé en février 2023 par les acteurs patronaux et syndicaux, à l’exception de la CGT, et transposé dans la loi fin novembre 2023, ce texte vise, entre autres, à généraliser les dispositifs d’épargne salariale dès 2024. La participation n’était jusqu’alors pas obligatoire dans les petites entreprises, sauf si elles optaient pour la prime de partage de la valeur.
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