En Chine, le chômage de masse chez les jeunes embarrasse Pékin
Depuis un mois, Rachel s’est installée à Shanghaï, en Chine, pour chercher du travail. « Je m’attends à gagner 6 000 ou 7 000 yuans [soit 777 euros ou 907 euros], juste assez pour payer un loyer et me nourrir, mais j’espère trouver une entreprise qui me permette de m’épanouir, dans la publicité ou le marketing », explique la jeune femme. Un métier intéressant : c’est ce que recherchent beaucoup de jeunes issus de la classe moyenne chinoise, quitte à accepter un faible salaire, ou à prendre leur mal en patience. Diplômée à l’été 2022, alors que les confinements s’enchaînaient en Chine, Rachel (elle n’a donné que son prénom anglais), 28 ans, avait passé quelques entretiens, avant de rentrer chez ses parents en attendant des jours meilleurs. Elle est presque devenue « enfant à plein temps », dit-elle en souriant, une expression apparue pour désigner les diplômés sans emploi qui décident de rester chez leurs parents et se font entretenir, parfois en échange de services. Un symptôme parmi d’autres d’une économie qui tourne au ralenti.
Le chômage des jeunes n’a jamais été aussi élevé qu’en 2023. En juin, il a atteint un record à 21,3 %. Avec une nouvelle cohorte de diplômés, les chiffres de juillet s’annonçaient pires encore. Les autorités ont décidé de ne plus diffuser le détail du chômage par classe d’âge. La manœuvre n’a pas manqué de susciter un déluge de critiques en ligne : sur le site de microblogging Weibo, le sujet a attiré 140 millions de vues en quelques heures.
Les raisons de ce phénomène sont connues : le pays ne s’est pas relevé de trois ans de politique zéro Covid drastique et connaît une année difficile. Les exportations chutent, l’immobilier connaît une crise inédite, et la consommation intérieure peine à repartir. Résultat, malgré une base de comparaison faible, l’empire du Milieu devrait à peine atteindre son objectif de croissance pour 2023, fixé « autour de 5 % » en début d’année.
Les établissements scolaires sous pression
Dans ce contexte de crise, les jeunes, qui manquent d’expérience, sont généralement les premiers affectés. Officiellement, le chômage urbain total reste faible, à 5 % en septembre, même si cette mesure est critiquée (elle exclut les travailleurs migrants, considérés comme « ruraux »). Les jeunes sont d’autant plus touchés qu’ils travaillent majoritairement dans les secteurs les plus exposés à la crise (les services, le privé, les emplois précaires), et moins dans le secteur public et l’industrie.
Facteur aggravant, les autorités chinoises ont lancé, entre 2021 et 2022, une campagne de régulation contre les plates-formes du Web, comme Alibaba, Tencent ou Meituan. Plus touché encore, le secteur du tutorat privé a été quasiment banni en juillet 2021, entraînant la suppression de centaines de milliers d’emplois d’enseignant. Dans le même temps, une campagne de réduction de l’endettement des promoteurs immobiliers a entraîné, là aussi, la disparition de centaines de milliers de postes, aussi bien d’ouvriers de la construction que d’architectes, d’agents immobiliers ou de courtiers en prêts immobiliers. Déjà échaudés par la coûteuse politique zéro Covid, les entrepreneurs chinois se demandent où frappera la prochaine campagne du Parti communiste.
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