Droit de l’activité professionnelle, salariée ou indépendante 

Droit de l’activité professionnelle, salariée ou indépendante 

« Les indépendants dont l’activité est médiatisée par des plates-formes bénéficient, par rapport aux salariés, de droits appauvris sur de multiples aspects : protection sociale, conditions de travail, risques financiers, etc. »
« Les indépendants dont l’activité est médiatisée par des plates-formes bénéficient, par rapport aux salariés, de droits appauvris sur de multiples aspects : protection sociale, conditions de travail, risques financiers, etc. » PW Illustration/Ikon Images / Photononstop
Jugeant, que l’article 20 de la loi mobilités n’apaisera pas à défendre les laborieux des plates-formes, le juriste Jacques Barthélémy et l’économiste Gilbert Cette conseillent d’utiliser les éventualités des ordonnances travail pour ouvrir de vraies contestations sociales.

Le projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM), en débat à l’Assemblée nationale, incite dans son article 20 les plates-formes digitales à prévoir des chartes « précisant les contours de leur responsabilité sociale, de manière à offrir des droits sociaux additionnels aux travailleurs indépendants qui ont recours à leurs services ». L’intention de cet article est sérieuse, mais cette approche doit être un premier (petit) pas vers une mutation plus radical.

Les indépendants dont l’activité est médiatisée par des plates-formes profitent, par rapport aux travailleurs, de droits appauvris sur de multiples aspects : protection sociale (pas de protection chômage), conditions de travail (pas de durée du travail maximum), rétributions (pas de revenu minimum équivalent au salaire minimum), droits essentiels (pas de recours possible aux prud’hommes en cas de déconnexion), risques financiers (apport fréquent de leur outil de travail)…

Malgré cela, ils peuvent, dans véritables cas, éprouver des conditions de subordination fortes, semblables à celles de salariés. Par exemple, dans le domaine des VTC ou de la livraison, il est habituel que la plate-forme donne des ordres et directives et puisse sanctionner le travailleur, ces sanctions allant de bonus-malus jusqu’à une déconnexion transitoire ou définitive. Ces éléments de faits ont d’ailleurs été retenus par la Cour de cassation dans un arrêt de novembre 2018 cassant la décision de la cour d’appel de Paris d’avril 2017 qui avait écarté un livreur de Take Eat Easy sollicitant sa requalification en salarié. L’affaire sera donc rejugée au fond devant la cour d’appel de renvoi.

Une situation complexe

La situation contemporaine est complexe. Ne rien faire serait autorisé que des laborieux parfois fermement subordonnés soient pénalisés par rapport aux salariés par des droits appauvris. On ne peut se contenter d’une telle injustice, qui abandonnerait d’ailleurs le juge décidé de requalifications en cas de subordinations trop prononcées. Avec le risque que des plates-formes ne soient dissuadées par ce risque juridique de prolonger leur activité – Take Eat Easy a d’ailleurs ainsi mis la clé sous la porte.

L’accroissement et l’emploi en seraient punis. D’autres plates-formes attendent que les progrès de la technologie les remettent du recours aux travailleurs : comment comprendre différemment qu’une entreprise comme Uber éprouve une bonne valorisation boursière (plus de 65 milliards de dollars) alors qu’elle accumule des pertes année après année ? Le véhicule autonome lui admettra, dans quelques années, de bénéficier de positions hégémoniques acquises dans de nombreuses villes sans être montrée au risque de requalification.

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LJD

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