« Dette écologique et limites planétaires caractérisent la “sociétalisation” du capitalisme »

« Dette écologique et limites planétaires caractérisent la “sociétalisation” du capitalisme »

« Le vieux monde meurt, et le nouveau monde ne peut pas encore naître. » C’est par ces mots du philosophe et homme politique italien Antonio Gramsci (1891-1937) que l’on peut définir les contours de la crise organique que traverse le capitalisme depuis le début des années 2010.

L’ancien monde, c’est celui de la « financiarisation », qui avait débuté dans les années 1970 et connu son apogée à la fin des années 1990. La « finance » s’était alors auto-instituée comme une partie prenante orientant la dynamique économique, mais aussi la pertinence des choix politiques. La financiarisation était présentée comme l’avenir radieux d’un monde global, spéculatif et hyperconsommateur. En trente années, aucun espace privé ou public ne lui a échappé, et si elle était largement critiquée, on ne voyait pas quel grand récit alternatif lui opposer. D’où sa puissance.

Elle s’épuisait pourtant intérieurement, et le krach brutal de 2008 a laissé apparaître ses dangereuses contradictions : la course au profit conduisait à un court-termisme mortifère pour l’économie ; l’accélération spéculative de la production et de la consommation siphonnait les ressources physiques et naturelles, mais aussi les ressources humaines, par un travail intensifié et vide de sens ; le complexe appareil comptable et normatif qu’elle avait engendré masquait plus de problèmes réels qu’il n’en identifiait. Ce sont donc les contradictions internes, et non un accident ou la survenue d’une contre-proposition exogène, qui menacèrent d’explosion, en 2008, un système finalement maintenu sous assistance massive et continue des Etats et des banques centrales.

N’apparaissant plus aussi efficace que supposé, la finance n’était plus crédible ni acceptable comme partie prenante dominante. Non qu’elle ait perdu son rôle puissant dans les mécanismes de l’économie : l’épargne de masse continue d’être largement allouée à l’investissement, par le truchement de l’industrie financière. Mais elle a dû abdiquer sa prétention idéologique à donner le sens à la croissance et au progrès. Si la finance demeure, la financiarisation dépérit. Et, en toute logique, c’est dans la chair de ses contradictions que se sont développés les germes d’une alternative.

Activisme économique

On les décèle dès les années 1990, avec l’émergence des notions de responsabilité sociale de l’entreprise ou d’entreprise citoyenne, comme si la logique financière nécessitait déjà un supplément de responsabilité politique. On les repère aussi dans l’inquiétude croissante sur l’urgence climatique et environnementale, ritualisée par les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et les grandes conférences internationales, comme les COP depuis 1995. On les perçoit encore dans la crise du travail, qui, à partir du milieu des années 2000, atteint un haut niveau d’intensification, débouchant sur un divorce de plus en plus prononcé entre les salariés et l’entreprise.

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LJD

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