Démissions et concurrence déloyale
Droit social. « La simple embauche, dans des conditions régulières, d’anciens salariés d’une entreprise concurrente n’est pas en elle-même fautive », a rappelé la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 septembre 2022. Elle répondait à la société A, au bord du dépôt de bilan car ayant perdu douze clients représentant 52 % de son chiffre d’affaires, à la suite de la démission (régulière : respect du préavis) de son directeur commercial qui avait ensuite recruté dans sa société B deux de ses anciennes collaboratrices.
L’entreprise A considérait leur débauchage « déloyal, car ayant ciblé le service “répartition”, crucial pour le fonctionnement de la société ». Mais « en l’absence de manœuvres déloyales de débauchage par B », il n’y a pas de faute. A l’inverse de l’embauche immédiate, sans respect du préavis, de l’essentiel d’un service.
Qu’en est-il du démarchage ultérieur des clients de A par B ? Le baron d’Allarde (1748-1809) peut se réjouir : « En vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, est libre le démarchage de la clientèle d’autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, dès lors qu’il ne s’accompagne pas d’un acte déloyal ».
Qu’est-ce qu’un acte déloyal ? Au-delà de la révélation de secrets de fabrication (deux ans et 30 000 euros d’amende), « le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l’ancien salarié d’un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l’exécution de son contrat de travail constitue un acte de concurrence déloyale » (Cass. Com. 7 décembre 2022). Peu importe que ces fichiers confidentiels (clients, fournisseurs) n’aient pas (encore) été exploités.
Le rejet de subordination
Cet arrêt rappelle donc aussi qu’un salarié, ne pouvant être à la fois collaborateur et concurrent, est tenu par l’obligation de non-concurrence inhérente à tout contrat en cours, qui s’applique évidemment aux salariés en poste créant, à côté, leur micro-entreprise (plus d’un million d’immatriculations en 2022). Pour ces salariés rejetant la subordination, un premier pas avant l’indépendance, sur un marché qu’ils connaissent bien…
Alors signer une clause de non-concurrence de six ou douze mois, applicable après la rupture du contrat ? Que pourra faire l’ex-employeur en cas de violation ? D’abord, cesser immédiatement de verser la nécessaire contrepartie financière liée à son exécution. Ensuite, notifier l’existence de la clause au concurrent : car « commet une faute délictuelle l’employeur qui, sciemment, recrute un salarié en connaissance de l’obligation de non-concurrence souscrite par ce dernier, sans qu’il soit nécessaire d’établir à son encontre l’existence de manœuvres déloyales » (Cass. Com, 1er juin 2022).
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