Comment lancer une alerte en entreprise
Droit social. Un solide réalisme est de mise lorsque l’on réfléchit au statut du « lanceur d’alerte ». Car l’auto-revendication de cette qualité s’est banalisée, bien au-delà du courageux Bayard « sans peur et sans reproche » prenant d’immenses risques personnels et judiciaires (responsabilité civile et pénale) au nom de l’intérêt général : pour faire du bruit sur les réseaux sociaux en collectant des clics monétisables, ou pour avoir son quart d’heure de célébrité. En droit, n’est donc pas « lanceur d’alerte » qui veut.
Situation par ailleurs spécifique que celle du salarié, comme l’a noté la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg le 14 février 2023, qui repose sur : « D’une part, le devoir de loyauté, de réserve et de discrétion inhérent au lien de subordination. D’autre part, la position de vulnérabilité notamment économique vis-à-vis de l’entreprise dont il dépend, ainsi que le risque de subir des représailles de la part de celle-ci. »
Vu l’importance de la réputation et ses effets sur la collectivité de travail, il faut éviter d’encourager des comportements de salariés opportunistes décrédibilisant l’idée même d’une alerte dépassant leur personne. Issue de la loi du 21 mars 2022, l’absence de « contrepartie financière directe » n’est guère rassurante. Quant à la mauvaise foi, « elle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés, et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis » (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, 13 septembre 2023).
Deuxième spécificité : existent déjà deux « droits d’alerte » internes à destination de l’employeur. Celui ouvert aux membres du comité social et économique (CSE) en cas d’atteinte aux droits des personnes et à leur santé physique ou mentale. Idem en matière de santé publique ou d’environnement, « si le salarié estime que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement ». Mieux vaut résoudre ces questions sur place, et immédiatement.
Trois procédures possibles
Troisième spécificité : l’inspection du travail, chargée de contrôler l’application des textes (141 799 lettres d’observation et 4 709 procès-verbaux ont ainsi été transmis au parquet en 2022) ; le conseil de prud’hommes statuant sur les litiges individuels, qui ne relèvent pas de l’alerte ; sans oublier les représentants du personnel, spécialement protégés et susceptibles de dépasser le cas particulier.
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