« Chez Disneyland Paris, on est artiste comme on pourrait être expert-comptable, c’est sécurisant » : enquête sur les jeunes recrues de l’empire Mickey

« Chez Disneyland Paris, on est artiste comme on pourrait être expert-comptable, c’est sécurisant » : enquête sur les jeunes recrues de l’empire Mickey

Le soleil cogne sur la tôle grise d’un ensemble de hangars situé en bordure de départementale, à Pantin, en Seine-Saint-Denis. Dans un coin, des danseuses s’échauffent sur le bitume, le tee-shirt floqué d’un numéro. Il n’est pas encore 9 h 30 et quelque 350 jeunes artistes ont déjà répondu présent à l’audition Disney qui commence tout juste. Français comme étrangers, tous espèrent décrocher un rôle dans Le Roi Lion, l’un des spectacles proposés quotidiennement aux visiteurs de Disneyland Paris, à Marne-la-Vallée. Jade, 20 ans, s’y frotte pour la deuxième fois, rêvant de « danser pour des enfants, et de voir les paillettes dans leurs yeux ». D’autres sont plus terre à terre. « J’ai besoin de travailler, je préfère signer avec Disney qu’avec Franprix », estime Jessy, 31 ans, danseur professionnel classique tout juste revenu d’Australie.

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Le parc figure parmi les vingt premiers employeurs d’artistes en France, et représente un vivier de près de 1 500 artistes intermittents, sollicités pour des missions de quelques jours comme pour des contrats de plusieurs mois. Danseurs, comédiens, chanteurs, ou encore circassiens déambulent dans le parc, costumés en Tigrou, Minnie ou Mickey. Ils animent les shows quotidiens et participent à des événements privés organisés pour le compte d’entreprises ou de clients fortunés. En revanche, on ne les retrouve pas aux premières loges du conflit social historique qui secoue actuellement le parc, porté par des salariés qui réclament de meilleures conditions de travail.

Aucun des jeunes interrogés par Le Monde n’a pris part aux manifestations, par méconnaissance et souvent par crainte de se saborder. « Les employeurs d’intermittents ont une liberté contractuelle totale, ils peuvent cesser de les faire travailler sans se justifier. Cette crainte du faux pas est forte dans un grand groupe comme Disney, où les artistes sont interchangeables », contextualise le sociologue Pierre-Michel Menger, spécialiste du travail créateur. D’autant plus quand l’entreprise représente une grande part du marché.

« Un contrat chez Disney permet souvent d’avoir suffisamment de cachets pour devenir intermittent. C’est un luxe pour un débutant. On rejoue le même spectacle six fois par jour, ce n’est pas ce qu’il y a de plus épanouissant. Mais c’est une bonne expérience, dans l’attente d’une meilleure opportunité », raconte Lucas, 22 ans, interprète d’un des personnages principaux du spectacle inspiré de La Reine des neiges. Comme toutes les personnes interrogées par Le Monde, sauf exception, il s’exprime anonymement afin de préserver sa carrière (tous les prénoms ont été modifiés).

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