« Ce que le marché du travail fait aux classes moyennes »

« Ce que le marché du travail fait aux classes moyennes »

[Les formes d’emploi flexibles et le temps partiel ne concernent plus seulement les ménages pauvres en majorité. Pierre Courtioux est professeur à Paris School of Business (PSB) et chercheur associé au Centre d’économie de la Sorbonne (CES). Il a principalement travaillé sur des questions d’emploi, d’éducation et de protection sociale, notamment en utilisant et en développant des modèles de microsimulation. Ses recherches récentes portent aussi sur les stratégies de recherche et développement (R&D) des entreprises. Il a effectué des travaux d’expertise pour diverses institutions françaises – France Stratégie, Direction générale du Trésor, Conseil d’orientation des retraites (COR), Conseil d’analyse économique (CAE), Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes) – et internationales – Bureau international du travail (BIT), Commission européenne, Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop).]

Depuis le débat américain des années 1980 sur le rétrécissement des classes moyennes (« shrinking middle class »), sociologues, économistes et politistes (par exemple Louis Chauvel, 2006 ; Dominique Goux et Eric Maurin, 2012 ; Martial Foucault, 2017) auscultent régulièrement cette catégorie de population, tant pour en analyser la diversité que pour comprendre l’évolution de leurs choix politiques (Thomas Kurer et Bruno Palier, 2019).

Dans cette perspective, la crise financière de 2008 et ses conséquences sur la résilience des classes moyennes ont fait l’objet de travaux comparatifs internationaux qui ont montré l’hétérogénéité des dynamiques à l’œuvre selon les pays et selon les réformes du marché du travail et de la protection sociale engagées (Daniel Vaughan-Whithehead, 2016 ; OCDE, 2019).

Dans ce cadre, la situation française apparaît paradoxale. En effet, alors même qu’en comparaison avec d’autres pays les classes moyennes françaises semblent avoir particulièrement bien résisté aux crises et aux transformations économiques, plusieurs mouvements sociaux récents témoignent d’un malaise diffus pour une part importante de la population, qui se cristallise à l’occasion de réformes fiscales (les « gilets jaunes » en 2018) et sociales (le mouvement social contre la réforme des retraites en 2023).

Alors que de nouvelles réformes concernant le marché du travail s’annoncent, il nous paraît important de revenir sur ce que le marché du travail fait aux classes moyennes, sur la base de travaux menés dans le cadre d’un projet international coordonné par le Bureau international du travail (BIT) (Daniel Vaughan-Whithehead, 2016 ; Pierre Courtioux et Christine Erhel, 2016 ; Pierre Courtioux et al., 2017, 2020). Ces travaux montrent que ce maintien d’une classe moyenne relativement large s’est accompagné d’une pression sur les moins aisés, concernant l’accès à l’emploi ou les formes d’emploi occupées.

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LJD

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