Handicap et futur emploi : l’alerte des associations étudiantes

« Je te rends service en ne te donnant pas le tiers-temps car, de toute façon, ceux à qui je le donne ne réussiront pas le concours. » Ce sont les propos adressés par un membre du service handicap d’une université à un étudiant témoignant dans le cadre d’une enquête sur le vécu des personnes en situation de handicap dans les études de santé. « Ce n’est pas le seul verbatim de cette nature », observe Chloé Sabatier, vice-présidente de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), partie prenante de l’enquête publiée en mars 2024 et menée avec d’autres fédérations en médecine, kinésithérapie, dentaire, science infirmière, psychomotricité, orthophonie, obstétrique, ergothérapie, et avec le réseau 100 % Handinamique.

« 48,2 % des répondants ont subi des discriminations des étudiants, des enseignants et même des missions handicap, comme ici, poursuit Chloé Sabatier. 63,2 % craignent que leur handicap nuise à leur réussite et si 70 % ont une aide pour les examens, seuls 33 % en bénéficient pour les nombreux stages exigés par leur formation. » Or, c’est la clé de leur future insertion professionnelle.

Trop d’étudiants à la peine ? Près de 60 000 d’entre eux sont accompagnés par une mission handicap et le budget de l’Etat qui leur est consacré est passé de 7,5 à 22 millions d’euros en trois ans. Toutefois, les besoins restent immenses. « Il arrive qu’il n’y ait qu’un référent handicap pour 700 étudiants dans certaines universités, rendant le soutien complexe, voire inexistant », ajoute Chloé Sabatier.

« Inégalité des aides »

Le signal d’alarme tiré par l’Anepf n’est pas isolé. L’Association nationale des étudiants en Staps (Anestaps) a aussi mené une consultation, qui sera publiée jeudi 21 novembre, sur l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap dans le monde du sport. Elle conclut qu’il est très difficile d’accéder à un emploi dans ce domaine, d’après 77 % des répondants.

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« Nous dénonçons aussi le manque de place accordé à ce sujet dans nos études, alors que nos futurs métiers nous y confronteront, mais aussi l’inégalité des aides d’une université à l’autre pour les étudiants concernés », affirme Emma Leonardi, étudiante en 3e année de licence Staps « activité physique et adaptée et santé » à Nantes, et vice-présidente de l’association. Comme Chloé, elle espère que la consultation de l’Anestaps encouragera des pratiques plus inclusives.

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Le Sénat veut pousser le gouvernement à faire travailler davantage les salariés pour financer les politiques du grand âge

Dans l’une des chambres de l’Ehpad de la résidence Kersalic, à Guingamp (Côtes-d’Armor), le 16 octobre 2024.

Travailler davantage pour renflouer des Ehpad dont les deux tiers sont en déficit, soutenir les services d’aide à domicile, amorcer le financement d’une loi pour le grand âge : pour le Sénat, il y a urgence. A l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui débute lundi 18 novembre au Palais du Luxembourg, Elisabeth Doineau, sénatrice (Union des démocrates et indépendants, UDI) de la Mayenne et rapporteuse générale du budget de la Sécurité sociale, défendra un amendement instaurant une « contribution de solidarité par le travail ».

Selon le même schéma que la « journée de solidarité » créée en 2004 après la canicule de 2003, la mesure impose sept heures de travail supplémentaires non payées chaque année aux salariés des secteurs privé et public. Elle a toute chance d’être votée par la majorité sénatoriale de droite et du centre. Les salariés pourraient décider, avec leur employeur ou par branche, la répartition, sur l’année, de ces heures supplémentaires. Leurs employeurs verseraient, en contrepartie, une fraction du montant des cotisations sociales à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui finance les politiques pour les personnes âgées et handicapées. Des efforts auxquels, assure la sénatrice, les Français consentiront, à condition qu’ils comprennent qu’ils « servent à affronter le mur du vieillissement qui est devant nous ».

La « contribution » dégagerait, selon la sénatrice, 2,5 milliards d’euros par an. Le président du Sénat, Gérard Larcher, est monté en première ligne, dimanche, pour défendre la mesure : « On ne peut pas se plaindre en permanence qu’on ne répond pas à l’enjeu de l’autonomie et du vieillissement sans répondre par une démarche de solidarité », a-t-il plaidé, dans un entretien au Journal du dimanche publié samedi 16 novembre.

Idée « judicieuse »

Le premier ministre, Michel Barnier, se montre plus dubitatif. « Je suis très réservé sur cette idée, complexe à mettre en œuvre et dont je ne suis pas sûr qu’elle rapporte ce que certains prétendent », a-t-il confié à Ouest France, jeudi 14 novembre. Selon nos informations, M. Barnier n’est, en outre, pas favorable à une introduction du dispositif par voie d’amendement. A ses yeux, une concertation préalable avec les partenaires sociaux s’impose.

De son côté, le ministre de l’économie, Antoine Armand, a jugé jeudi sur Sud Radio l’idée « judicieuse ». Laurent Saint-Martin, ministre du budget, s’y est dit « favorable » dimanche sur LCI. « Je pense que tout ce qui permet à notre pays de montrer qu’on peut travailler davantage pour participer à l’effort de redressement va dans le bon sens », avait-il déjà avancé le 29 octobre sur TF1. Mais « c’est un débat au sein du gouvernement, car le premier ministre lui-même a émis des réserves » sur la question, s’est-il repris dimanche.

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Après Michelin, ArcelorMittal envisage la fermeture de deux sites en France

Un ouvrier en tenue de protection regarde le site d’une usine d’ArcelorMittal, alors que le site fait l’objet d’un plan de réduction de son empreinte carbone à hauteur de 35 % pour 2030, à Fos-sur-Mer, le 22 février 2023.

Le sidérurgiste évoque le « contexte économique difficile » dans l’industrie et l’automobile. Après Michelin, ArcelorMittal envisage l’arrêt de deux petits sites en France, à Reims et Denain, dans le Nord, pouvant entraîner la perte de 130 emplois.

« Le 19 novembre 2024, la direction de la société ArcelorMittal Centres de services a réuni les membres de son CSE afin de les informer d’un projet de réorganisation de la société et d’adaptation de ses capacités de production. Ce projet inclut le possible arrêt des sites de production ArcelorMittal Centres de services de Reims et de Denain », a annoncé ArcelorMittal France dans un bref communiqué mardi soir.

La société ArcelorMittal Centres de services, filiale spécialisée dans le commerce de gros de métaux et minéraux aux entreprises, « est confrontée à une forte baisse d’activité chez ses clients industrie et automobile qui s’est accélérée ces derniers mois », explique le sidérurgiste.

L’annonce pourrait provoquer la perte d’environ 130 emplois, une centaine à Reims et une trentaine à Denain, ont rapporté à l’Agence France-Presse (AFP) le délégué syndical central CGT David Blaise et le coordinateur CFE-CGC Xavier Le Coq.

La direction affirme avoir « expliqué » aux représentants des salariés les « contraintes qui la conduisent à présenter ce projet » et « invite les partenaires sociaux à une prochaine réunion fin novembre dans le cadre du processus d’information-consultation ». « Des négociations avec les organisations syndicales auront lieu sur les mesures sociales afin de limiter l’impact sur l’emploi », précise le sidérurgiste.

Des actions prévues

Pour David Blaise, « comme le font toujours les capitalistes », cette décision est justifiée « par la compétitivité, les coûts fixes trop élevés, la situation économique en déclin et notamment de l’automobile ». « On a une baisse du carnet de commandes, mais (…) il y avait d’autres solutions, se diversifier vers d’autres activités » par exemple, ajoute-t-il.

« On savait bien ce qui allait se passer dans l’automobile mais rien n’a été anticipé », critique le représentant des salariés. Juste avant les fêtes de fin d’année, « pour les salariés, c’est dur ». Alors que le site de Denain se met en grève immédiatement, des actions sont prévues « sur tous les sites » ArcelorMittal lundi et mardi, a ajouté le syndicaliste.

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ArcelorMittal avec ses hauts fourneaux de Dunkerque et de Fos-sur-Mer fournit en acier en particulier les usines d’automobile et l’industrie du bâtiment et travaux publics. En septembre, la CGT d’ArcelorMittal avait mené une journée d’action pour « défendre la sidérurgie française » et spécifiquement au sein des bases françaises du deuxième sidérurgiste mondial, où nombre de salariés sont encore hantés par la douloureuse fermeture des hauts fourneaux de Florange en 2012.

Michelin, invoquant également la baisse des volumes de vente dans l’automobile, a annoncé le 5 novembre la fermeture en 2026 de ses usines de Vannes et Cholet (1 254 emplois). Tout en soulignant le besoin d’emplois dans certains secteurs industriels qui ont le vent en poupe, le ministre délégué chargé de l’industrie, Marc Ferracci, a admis samedi qu’il y aurait d’autres annonces de fermetures de sites industriels en France après celles annoncées de Michelin.

L’industrie automobile en Europe est particulièrement touchée par le ralentissement, avec 32 000 suppressions de postes annoncées au premier semestre chez les équipementiers automobiles européens.

Le Monde avec AFP

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Teleperformance veut supprimer un tiers de ses effectifs en France

C’est une mauvaise nouvelle supplémentaire sur le front de l’emploi. Après les annonces chez Michelin et chez Auchan, Teleperformance France a indiqué, mardi 19 novembre, prévoir « l’ouverture d’un plan de départs volontaires qui concernerait 598 postes », confirmant une information de La Lettre. Ce chiffre représente 32 % des effectifs (1 862 personnes) de la filiale française du numéro un mondial de la relation client. Le groupe souhaite aller vite : un accord de méthode doit être négocié avec les syndicats d’ici à la mi-décembre, et les discussions sur les modalités du plan devraient durer quatre mois.

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« Depuis plusieurs années, Teleperformance France fait face à des défis structurels significatifs qui nécessitent aujourd’hui une nouvelle organisation afin de restaurer sa compétitivité et d’assurer sa pérennité dans un environnement de plus en plus concurrentiel », justifie l’entreprise. Selon ses comptes sociaux, la société a accumulé près de 20 millions d’euros de pertes au cours des quatre dernières années. « Et les prévisions pour 2025 sont alarmantes, avec des projections de chiffre d’affaires en recul de 19,5 % », lance Karine Jan, la directrice générale de Teleperformance France, dans un e-mail adressé aux salariés.

Selon le groupe, « les investissements réalisés et les mesures entreprises ces dernières années pour retrouver de la compétitivité en France n’ont pas permis de retourner la situation ». « Depuis 2022, 50 % des contrats perdus le sont en raison de nos prix trop élevés », argumente Mme Jan. Teleperformance dit souffrir aussi de surcapacités : « plusieurs » des treize sites en France « ont des taux d’occupation inférieurs à 15 % », insiste la directrice générale.

Pas de fermeture de site

Dévoilé aux syndicats vendredi 15 novembre, le plan de départs s’intègre dans le cadre d’un « projet de transformation et de réorganisation » avec la création de quatre « pôles spécialisés d’expertise », à Bordeaux, Le Mans, Orléans et Villeneuve-d’Ascq (Nord), auxquels seraient rattachés les neuf autres sites du groupe en France – Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Belfort, Laval, Lyon, Montigny-le-Bretonneux (Yvelines), Montpellier, Niort, Reims (Marne) et Toulouse. Teleperformance assure qu’aucune fermeture de site n’est au programme.

Les syndicats redoutaient ces annonces depuis l’acquisition, en octobre 2023, par Teleperformance de Majorel, l’un des principaux concurrents français du groupe (7 500 salariés en 2024), ce qui avait eu pour conséquence de créer des doublons et de favoriser un arbitrage entre les deux filiales françaises.

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« Placée au cœur des espoirs électriques de Ford, l’usine de Cologne sera l’une des premières victimes de son plan de restructuration européen »

Une voiture reçoit sa peinture sur la chaîne de production du Ford Explorer électrique de l’usine de Cologne, dans l’ouest de l’Allemagne, le 4 juin 2024.

Ils avaient fière allure, ce 2 octobre 1930 à Cologne (Allemagne), pour la pose de la première pierre. Konrad Adenauer, le maire de la ville et futur chancelier du pays, accompagnait alors Henry Ford, l’inventeur de l’automobile moderne. Deux figures du XXe siècle réunies pour lancer la construction de la première grande usine de l’Américain sur le Vieux Continent.

Destin fascinant que celui de cette usine emblématique, témoin des ambitions planétaires américaines du début de siècle, puis du renouveau industriel allemand des années 1930, des affres de la seconde guerre mondiale (elle fut maintes fois bombardée par les alliés en 1943), de la reconstruction de l’après-guerre et, enfin, des ambitions contrariées de Ford en cette année 2024. Placée au cœur des espoirs électriques de la firme, elle sera l’une des premières victimes du plan de restructuration annoncé par le constructeur américain mercredi 20 novembre. Il prévoit la suppression de près de 4 000 emplois, soit 14 % de ses effectifs européens, d’ici à 2027, dont 2 900 en Allemagne, essentiellement à Cologne.

Depuis deux ans, l’usine, qui produisait les modèles Fiesta, s’était pourtant modernisée pour accueillir le cœur de l’offre électrique de Ford, le SUV Explorer et la plus petite Capri. Mais au moment même du lancement de l’Explorer, Berlin a retiré, en 2024, ses aides à l’achat de véhicules électriques. Le marché automobile allemand a chuté de plus de 26 % sur les dix premiers mois de cette année. Ford pointe les atermoiements des dirigeants européens. « Ce dont nous manquons en Europe, c’est d’un agenda politique clair, d’investissements en infrastructures et d’aide aux consommateurs pour réussir la transition », a assuré le directeur financier de Ford, John Lawler.

Réveil pénible

Il aurait pu ajouter la menace chinoise. Les MG, BYD et autres Geely ont conquis en deux ans un peu plus de 3 % du marché européen, soit la part de Ford, présent en Allemagne depuis 1925. Il pointe les subventions de Pékin pour expliquer cette invasion. Ce n’est pas la seule raison. Partis de rien, les Chinois ont copié le modèle Tesla à grande échelle. Les centaines de constructeurs qui se sont lancés en Chine ont provoqué une vague d’innovation sans précédent. Au prix de la faillite de la plupart d’entre eux. Les Européens et les Américains ont compris trop tard la menace de Tesla, notamment en matière de technologie de production et, plus tard, celle de ses clones chinois si inventifs.

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Un fait religieux de plus en plus présent en entreprise, plutôt accepté, mais avec des réticences en hausse

Dans un centre de distribution d’Amazon, à Bretigny (Essonne), le 22 octobre 2019.

La hausse se poursuit. Le nouveau baromètre du fait religieux en entreprise (réalisé entre avril et août 2024 et basé sur les réponses d’environ 1 300 cadres et manageurs et 1 400 salariés croyants et pratiquants), publié jeudi 21 novembre, montre que, désormais, plus de 70 % des personnes interrogées repèrent des situations marquées par le fait religieux dans leur environnement de travail. Le taux le plus haut depuis la création de ce baromètre, lancé en 2013 par l’Institut Montaigne. Les cas de tensions et de dysfonctionnements augmentent aussi, mais restent minoritaires. Dans l’ensemble, le fait religieux au travail est largement accepté.

« Les faits religieux sont multiformes et ont des conséquences qui varient fortement d’une entreprise à l’autre et au sein d’une même entreprise », précise le baromètre. Le fait le plus fréquent est le port visible de signes religieux, qui progresse fortement en 2024 (34 % des répondants, contre 21 % en 2022). Il est suivi des demandes d’aménagement de plannings, quelle que soit la religion concernée. Le rédacteur de l’étude, Lionel Honoré, professeur des universités à Brest et fondateur de l’Observatoire du fait religieux en entreprise, ajoute néanmoins que « la grande majorité des croyants invisibilise leur pratique religieuse au travail ».

Si ces faits et comportements signalés concernent toutes les religions, l’islam est la plus représentée, suivie du catholicisme, des cultes évangéliques et du judaïsme. Le port de signes religieux musulmans est ainsi en forte progression : 36 % des faits signalés en 2024 contre 19 % en 2022.

Comportements négatifs à l’égard des femmes

Plus de 90 % des salariés pratiquants disent ne pas percevoir d’effet négatif à leur engagement religieux sur leur travail ou dans leurs relations professionnelles. « Il n’existe pas de rejet global du fait religieux au travail », assure l’étude, précisant que le fait religieux « perturbe toujours marginalement le fonctionnement organisationnel » et a « rarement » des conséquences négatives.

La majorité des manageurs (64 %) considèrent que la liberté religieuse doit être prise en compte par les entreprises, avec comme limite la bonne réalisation du travail. Certains comportements sont admis : la demande d’aménagement de planning, la prière pendant les temps de pause, les discussions sur la religion entre collègues, par exemple.

L’étude précise toutefois que cette tolérance à l’affirmation religieuse est en baisse. Le nombre de personnes considérant que le principe de la laïcité devrait s’appliquer dans les entreprises privées comme dans le secteur public (77 %) est, lui, en hausse. « Les répondants n’ont pas une vision juridique de la laïcité. Ils n’appellent pas à la neutralité, mais à une tolérance. Il y a une place pour le fait religieux, à condition qu’il ne soit pas perturbateur », éclaire Lionel Honoré. Cette tolérance, pour des faits parfois plus problématiques, est plus importante chez les salariés pratiquants.

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Fermeture des usines Europhane et Holophane aux Andelys : « Ce sont les deux poumons industriels qui disparaissent »

Devant des pancartes de revendications, des employés de l’usine Europhane posent à l’entrée du site, aux Andelys (Eure), le 19 novembre 2024.

L’entreprise est située route de la Paix, mais sur place, le décor n’a plus rien de pacifique. Un mannequin de fortune, vêtu d’une combinaison blanche, est pendu par le cou à un panneau de signalisation à l’entrée de l’usine, avec écrit sur la poitrine en lettres majuscules « Salariés français sacrifiés ». Derrière lui, des banderoles sont accrochées sur les grilles : « 85 familles dans la rue » ou « Les Andelys désert industriel »… L’entreprise normande Europhane, qui fabrique depuis plus d’un demi-siècle des éclairages publics aux Andelys, dans l’Eure, doit fermer en janvier 2025. Son propriétaire, le groupe autrichien Zumtobel, l’a annoncé le 16 octobre lors d’un comité social extraordinaire.

Ce plan social de plus dans l’industrie française, après ceux annoncés chez Michelin et ArcelorMittal, a pris tout le monde de court – ouvriers, représentants syndicaux, élus locaux – et menace 85 emplois. La direction d’Europhane n’a pas voulu répondre au Monde, mais de source syndicale, Zumtobel, qui réalise plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, a choisi de réorganiser sa production en délocalisant ses usines installées en Autriche et en France vers la Serbie et le Royaume-Uni.

Aux Andelys, les ouvriers d’Europhane ont fait grève pendant trois semaines. « Mais on a dû reprendre le boulot parce que ça commençait à peser financièrement pour beaucoup de salariés », explique Frédéric Galian, le délégué syndical CFDT. Pour ces ouvriers, l’espoir de sauver leur emploi est mort, mais ils se battent pour le montant de leurs indemnités de licenciement. « On veut partir dignement et obliger la direction à prendre en compte toutes nos années passées ici », confie Frédérique Jullien, pilote de ligne lustrerie depuis trente-cinq ans à Europhane. A ses côtés, sa collègue Marie-José Lebray, monteuse-câbleuse et vingt-sept ans d’ancienneté, a du mal à masquer sa colère. « Les plans sociaux, on en entend parler à la télévision, mais là ça nous concerne, c’est très violent. On nous l’a annoncé comme ça, en quelques minutes, sans aucune humanité, boum, c’est terminé ! », s’étrangle-t-elle.

« Dumping social »

Une nouvelle réunion entre les syndicats et la direction d’Europhane est prévue jeudi 21 novembre pour tenter de négocier une prime de licenciement « supralégale ». « C’est un bras de fer qui commence, mais c’est aussi un calvaire, explique Franck Théroude, délégué syndical CGT. Sur les 85 salariés qui vont perdre leur emploi, la moyenne d’âge est de 54 ans avec trente et un ans d’ancienneté en moyenne. Autant dire qu’à ces âges, c’est très difficile de retrouver du travail dans le coin. »

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« Dans un monde où l’énergie sera de moins en moins disponible, il semble sage de privilégier les activités jugées utiles pour la société »

Avons-nous vraiment besoin de dentifrice à paillettes d’or ? D’eau de glacier en bouteille ? D’air canadien en bonbonne ou de taxis volants à Paris ? A l’heure de l’urgence climatique dans un monde en polycrise, il s’agit plutôt d’éviter que des produits et services superflus ne voient le jour.

Les exemples ci-dessus ne sont pas des biens ou services indispensables, ni même utiles, mais certains trouvent leur marché. Le seul critère de rentabilité des entreprises qui les proposent ne permet donc pas de trier entre ce qui est utile et ce qui est futile, voire dommageable. Or, dans un monde où l’énergie sera vraisemblablement de moins en moins disponible, il semble sage de privilégier les activités jugées suffisamment utiles. Les émissions de gaz à effet de serre en France doivent baisser de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 : ne faudrait-il pas allouer une partiede ce budget carbone commun à ces seules activités et services ?

Aujourd’hui, sauf dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, il n’y a pas de critère d’utilité à l’activité d’une entreprise. Est-ce qu’un Jet-Ski est beaucoup plus utile qu’un Pédalo (en dehors du sauvetage en mer) ? Hormis pour les gardes forestiers, une motocross est-elle beaucoup plus utile qu’un VTT ? Au vu de la difficulté à faire baisser les émissions incontestablement utiles des secteurs comme le logement, le transport de marchandises ou l’industrie, il serait pourtant logique d’éviter le CO2 futile causé par des biens et services inutiles. Mais différencier les activités souhaitables de celles non souhaitables revient à limiter la liberté d’entreprendre.

Décision collective

La loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose qu’il est « cependant loisible au législateur de lui apporter [à la liberté d’entreprendre] des limitations justifiées par l’intérêt général ». Sur ce principe, il est possible d’imaginer une nouvelle forme de démocratie directe et participative pour réguler la liberté d’entreprendre : les entreprises présenteraient leurs projets à un comité régional citoyen d’allocation des biens communs pour évaluation de l’utilité du service ou du produit proposés, permettant ainsi d’éviter d’allouer de l’énergie à des activités futiles et de générer des émissions de gaz à effet de serre.

Ce comité serait composé de citoyens tirés au sort et appelés pour accomplir un devoir de transition, comme les jurés aux assises. Après une formation sur les enjeux de l’énergie et du climat et sur les limites planétaires, ils seraient armés des connaissances pour comprendre les impacts potentiels de l’entreprise demanderesse sur son environnement, et pourraient émettre un avis négatif en cas de « caractère excessif de l’impact environnemental des biens et services sur le climat », comme le dispose le code de l’environnement (art. L. 229-64 à L. 229-67). Cet impact pourrait être par exemple apprécié au regard de la stratégie nationale bas carbone.

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Le sidérurgiste allemand ThyssenKrupp va supprimer 11 000 postes

La branche acier du conglomérat allemand ThyssenKrupp a annoncé, lundi 25 novembre, une réduction de 11 000 emplois d’ici à 2030 et des économies salariales, illustrant les difficultés auxquelles sont confrontés les sidérurgistes européens en raison de la concurrence chinoise.

Quelque 5 000 emplois dans la production et les services administratifs seront supprimés tandis que 6 000 seront externalisés, c’est-à-dire plus de 11 % des effectifs totaux, a annoncé le premier sidérurgiste allemand dans un communiqué. ThyssenKrupp Steel, qui accumule les pertes depuis plusieurs années, veut également réduire les coûts salariaux de 10 % en moyenne « dans les prochaines années ». Ces mesures sont « nécessaires pour améliorer la productivité et l’efficacité opérationnelle de ThyssenKrupp Steel, et pour atteindre un niveau de coûts compétitif », précise le groupe.

Ce projet est une « catastrophe pour les salariés et l’industrie de Rhénanie-du-Nord-Westphalie », berceau du groupe dans l’ouest de l’Allemagne, s’est indigné le syndicat IG Metall.

Les objectifs de transition écologique « inchangés »

En avril, le conglomérat industriel avait annoncé une restructuration de sa filiale sidérurgique, son cœur de métier, en raison la hausse des coûts de l’énergie et de la concurrence chinoise, dans le contexte d’une complexe et coûteuse transition énergétique. Selon le plan présenté lundi, les capacités de production d’acier seront ramenées entre 8,7 et 9 millions de tonnes, contre 11,5 millions aujourd’hui.

En outre, le site de Kreuztal-Eichen (ouest de l’Allemagne), qui emploie 1 000 personnes, selon la presse locale, sera fermé. En parallèle, le groupe entend toujours se séparer progressivement de ThyssenKrupp Steel, un processus accéléré en mai avec l’acquisition de 20 % des parts par Daniel Kretinsky, avec sa holding EPCG. Des discussions sont en cours sur une participation supplémentaire de 30 % pour EPCG, avec l’objectif de créer une société commune détenue à parts égales.

Le conglomérat s’était engagé un peu plus tôt, lundi, à financer sa branche acier pendant les deux prochaines années. Quant à ses projets de transition écologique, ils restent « inchangés », précise la filiale, qui souhaite démarrer en 2027 sa production d’« acier vert ».

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Le Monde avec AFP

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ArcelorMittal confirme la fermeture des sites de Reims et de Denain

Des palettes en feu devant le site d’ArcelorMittal à Saint-Brice-Courcelles, près de Reims (Marne), le 25 novembre 2024.

ArcelorMittal a confirmé, lundi 25 novembre, la fermeture de ses centres de services de Reims et de Denain, qui emploient 135 personnes, à l’issue d’un comité social et économique (CSE).

« Le projet soumis au CSE inclut la fermeture des sites d’ArcelorMittal centres de services à Reims (Marne) et Denain (Nord) et la suppression de 135 emplois, dont 113 à Reims, 21 à Denain et un à Ottmarsheim », précise le groupe dans un communiqué. Cela représente plus d’un quart des effectifs en France d’ArcelorMittal Centres de services, filiale spécialisée dans la transformation et la distribution de l’acier.

Le sidérurgiste souligne que ce projet prévoit également « la création de 19 emplois dans d’autres sites » et assure mettre « tout en œuvre pour limiter l’impact sur l’emploi ». La direction explique ces suppressions de postes par « un marché en baisse de 30 % depuis 2019 » et « les importations extra-européennes à bas prix [qui] déséquilibrent les conditions de concurrence ».

« L’arrêt de la production est prévu en juin », annonce, quant à elle, l’intersyndicale (CGT, FO, CFDT, CFE-CGC) dans un communiqué, précisant que « pour certaines fonctions support, les départs sont prévus dès avril ». « Le chagrin est vraiment pour le site de Denain », a regretté Benoît Jean-Leroy, délégué syndical CFDT d’ArcelorMittal Reims. « La direction nous a reconfirmé aujourd’hui que le site est rentable. il gagne de l’argent, donc il y a un moyen de le sauver, mais ils refusent toute offre d’achat. » Le groupe veut, selon lui, « se barrer d’Europe au profit des Etats-Unis, de l’Inde et du Brésil ».

Inquiétude à Dunkerque

ArcelorMittal avait annoncé la semaine dernière que les centres de Reims et de Denain souffraient d’une « forte baisse d’activité » dans l’industrie et l’automobile, « qui s’est accélérée ces derniers mois ».

Une centaine de salariés se sont mobilisés lundi à la mi-journée devant le site de Reims, avant la réunion du CSE, a constaté une correspondante de l’Agence France-Presse (AFP). Des salariés en tenues de travail ont allumé un feu de palettes, tandis qu’une locomotive ArcelorMittal, avertisseur bloqué, a été placée en travers de la route, perturbant la circulation.

L’intersyndicale appelle les salariés des huit sites français d’ArcelorMittal Centres de services à se mobiliser mardi. A Denain, ils doivent être rejoints par une cinquantaine de membres de la CGT d’ArcelorMittal Dunkerque, où l’inquiétude s’accroît, après les annonces faites ces derniers jours par le groupe et le gouvernement.

Le groupe y emploie « 3 200 CDI directs, entre 8 000 et 9 000 en comptant les emplois indirects », selon Gaëtan Lecocq, secrétaire général de la CGT à ArcelorMittal Dunkerque.

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ArcelorMittal a demandé lundi à l’Union européenne de protéger la compétitivité de l’acier européen, mettant dans la balance ses projets de décarbonation sur le continent, qui impliquent plusieurs milliards d’euros d’investissements. Cela inclut notamment Dunkerque, où ArcelorMittal a décidé « de reporter son investissement dans la décarbonation du site », selon le ministre délégué chargé de l’industrie, Marc Ferracci.

Le Monde avec AFP

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