La grande école mondiale du vin

Le marché du vin comme celui de l’enseignement supérieur sont tournés vers l’international

Pour devenir un expert dans un métier du vin, il faut suivre un long parcours et un improbable chemin de traverse, comme en témoigne Jing Jing, 24 ans, fraîchement diplômée d’un master en agriculture de l’université de Pékin. La jeune femme quitte en 2017 la capitale chinoise pour Shanghaï, cœur économique du pays pour la fin de son cursus. Mais sur sa route, une dernière étape est nécessaire à sa formation : un crochet à l’autre bout du monde, à Dijon, en Bourgogne. Un large détour d’une année indispensable pour peaufiner sa connaissance du vin. Ce sera au sein de la School of Wine & Spirits Business, « école dans l’école » de la Burgundy School of Business.

Comme Jing Jing, des étudiants venus du monde entier sont chaque année un peu plus nombreux à venir se former au sein des terroirs français. Alors que l’internationalisation est l’alpha et l’oméga de toute formation supérieure, « le vin, c’est la France », résume Jacques-Olivier Pesme, expert dans les métiers du vin et ancien directeur de la Wine & Spirits Academy du groupe Kedge, en Gironde. Alors c’est à Reims, Bordeaux, Angers, Dijon ou Montpellier que les wine makers et négociants de demain viennent se former.

Le vin est un produit complexe, souvent lié à un lieu, une origine et un savoir-faire spécifiques. « Gérer ce produit, ce n’est pas seulement gérer une entreprise, mais gérer collectivement une région, s’engager dans l’organisation et la promotion d’un territoire », soulignent Jérôme Gallo, directeur de la School of Wine & Spirits Business, et Steve Charters, professeur de marketing, dans leur ouvrage, Economie et management du vin (Pearson Education, 2014).

La terre, ses codes et ses traditions

Pour maîtriser ce produit et comprendre le travail de ceux qui le façonnent, on ne peut ignorer ses codes et ses traditions. « Chaque vin à une identité, une typicité en lien avec des actes techniques, des caractéristiques géologiques et climatiques », poursuit René Siret, directeur de l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers. Il faut donc apprendre à maîtriser les caractéristiques d’un produit aux multiples facettes. « Mieux vous comprendrez la terre, mieux vous en parlerez, mieux vous la vendrez », résume Jacques-Olivier Pesme.

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La France et ses terroirs sont un terrain d’apprentissage sans égal pour acquérir ces compétences. C’est « également une acculturation que les étudiants étrangers viennent trouver ici », affirme Philippe Jeandet, directeur du master vins et champagne de l’université de Reims. S’immerger dans la « culture » du vin, parler son « langage », pour être en mesure de faire des affaires avec « les gens du milieu qui vont vous reconnaître comme un membre du clan », poursuit M. Jeandet.

School of Wine & Spirits Business, une « école dans l’école » de la Burgundy School of Business, à Dijon, en Bourgogne.

Etudier les métiers du vin à Bordeaux, en Bourgogne ou en Champagne apparaît comme une évidence et représente un atout qu’écoles et universités françaises rappellent à l’envi. C’est sur les traditions et la reconnaissance internationale de ces terroirs, qu’elles construisent leurs formations, attirant un nombre croissant d’étrangers. En 2017, des étudiants de dix-sept nationalités différentes ont suivi le master 2 de la Burgundy School of Business, seize pour la Wine & Spirits Academy bordelaise.

Sur des territoires grands comme un mouchoir de poche – en comparaison avec un marché qui est, lui, planétaire –, chaque établissement rassemble « une concentration d’expériences et de richesses, liées aux métiers du vin, qui est exceptionnelle. Il y a tous les maillons de la chaîne, les gros volumes de production comme les châteaux les plus prestigieux, les négociants, les maîtres de chai, les embouteilleurs, les bouchonniers… tout est là », observe Jacques-Olivier Pesme.

Se tourner vers les marchés émergents

Si la technicité et les traditions se concentrent sur le territoire français, « le marché du vin comme celui de l’enseignement supérieur sont tournés vers l’international », remarque Jérôme Gallo. La France, l’Italie et l’Espagne demeurent les trois plus gros producteurs de vin, mais ils sont immédiatement suivis par les Etats-Unis, l’Australie et… la Chine. Les Européens sont les champions de l’exportation, mais ils sont talonnés par des pays producteurs très performants tels que le Chili, l’Australie et l’Afrique du Sud.

« Pendant longtemps, les producteurs français n’avaient qu’à pousser leurs bouteilles pour les vendre », reconnaît M. Gallo, mais depuis environ trois décennies, les acteurs émergents du Nouveau Monde « ont taillé des croupières à ceux de l’Ancien ». Alors que l’Europe ronronnait, fière de son expérience millénaire, de nouveaux vins, plus faciles à comprendre, arrivaient sur le marché. « Pas les meilleurs, mais portés par des personnes qui savent faire du business, faire du marketing avec leurs atouts », poursuit le directeur de l’école bourguignonne.

Les élèves sont formés à la macroéconomie, à la communication avec, en point d’orgue, le marketing

Parallèlement, les marchés traditionnels s’essoufflent. Les perspectives de croissance sont visibles à Singapour notamment, puis demain en Inde et en Afrique. En Chine, « seulement 1,5 % de la population boit du vin, rappelle René Siret, la marge de progression du marché est donc considérable ». A Bordeaux, Reims ou Dijon, c’est donc souvent en anglais que les écoles forment leurs élèves à leurs métiers. Si chacune d’entre elles a ses spécificités, le tronc commun reste comparable : au-delà d’un apprentissage poussé de la viticulture et la science de la vigne, les écoles de commerce comme les universités forment à la macroéconomie, aux spécificités de l’industrie viticole, au droit, à la communication, à l’observation des marchés et des goûts du public avec, en point d’orgue, le marketing. « Une politique qui fera que vous êtes capable de faire d’un vin que votre concurrent vendra 20 euros la bouteille, un produit d’exception, qu’un acheteur sera prêt à payer 50 euros », avance Philippe Jeandet.

Pas de chômage, disent les écoles

Devenus experts du savoir-faire du monde viti-vinicole français, élèves et diplômés des écoles et des universités de l’Hexagone seront les prescripteurs de demain. Ambassadeurs de traditions, ils s’enrichissent également des compétences glanées au-delà des frontières hexagonales. Ainsi, Montpellier SupAgro et l’Institut des hautes études de la vigne et du vin (IHEV) forment leurs étudiants dans le cadre « d’un cursus itinérant dans les grands bassins viticoles du monde », rapporte Bruno Blondin, directeur de l’IHEV.

Pas de chômage pour les globe-trotteurs de la vigne. Selon les établissements, 100 % des diplômés trouvent un emploi dans les semaines ou les mois qui suivent leur fin d’études. Entre les tenants de l’Ancien Monde qui se battent pour survivre ou s’imposer, et ceux du Nouveau qui veulent prendre la place, « il y a des besoins dans le monde entier, promet Jacques-Olivier Pesme, il suffit d’être ouvert, mobile et agile ». Les qualités du wine maker contemporain.

Aide à la recherche du premier emploi (ARPE) 2018 : les démarches à effectuer

L’aide à la recherche du premier emploi existe depuis l’été 2016. Ici, un salon pour l'emploi des cadres organisé par Pôle Emploi à Nantes.

D’ici à leur embauche, les jeunes diplômés de 2018 qui bénéficiaient durant leur dernière année comme étudiant d’une bourse de Crous sur critères sociaux peuvent toucher l’ARPE (aide à la recherche du premier emploi), d’un montant équivalent. Sont également concernés par cette aide créée en 2016 les diplômés par la voie de l’apprentissage aux revenus modestes, et les diplômés de l’enseignement scolaire à finalité professionnelle. Dans tous les cas, le demandeur doit être âgé de moins de 28 ans, chercher du travail et s’engager à ne pas reprendre de formation dans l’année.

Les demandes s’effectuent dans les quatre mois suivant l’obtention du diplôme, sur Internet : sont concernés les titulaires d’un CAP, d’un bac professionnel ou technologique, d’un brevet professionnel, d’un BTS, d’un DUT, d’une licence, d’un master, d’un diplôme d’ingénieur, etc., y compris si ces diplômes ont été obtenus en passant par l’apprentissage (consulter la liste des diplômes du supérieur concernés ainsi que la liste des diplômes de l’enseignement scolaire concernés).

Quel montant et quelle durée ?

Les diplômés de l’enseignement supérieur touchent un montant équivalent à celui de la bourse sur critères sociaux perçue l’année précédente (soit entre 100 euros par mois, pour l’échelon 0bis, et 551 euros par mois pour l’échelon 7). Pour les diplômés du supérieur par l’apprentissage, seuls sont concernés ceux dont le revenu brut global de leur foyer fiscal est inférieur à 33 100 euros (avis d’imposition 2017 sur les revenus 2016) et l’aide est fixée à 300 euros par mois. Pour les diplômés de l’enseignement scolaire à finalité professionnelle, l’ARPE est de 200 euros.

L’aide est versée à compter du mois suivant la demande, à chaque début de mois, mais l’an dernier, des demandeurs s’étaient plaints de retards de versement, selon cet article de L’Express. Sa durée maximale est de quatre mois. Si l’on trouve avant cette échéance un travail dont la rémunération mensuelle dépasse 78 % du smic net (soit 896 euros), il est obligatoire de prévenir l’organisme afin d’arrêter les paiements.

A savoir : cette aide ne peut pas se cumuler avec le revenu de solidarité active (RSA), la garantie jeunes ni un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

Comment faire sa demande ?

Les diplômés du supérieur doivent remplir un dossier en ligne sur Mes services.etudiant.gouv.fr (cliquer ensuite sur la case « ARPE »), tandis que les diplômés de l’enseignement scolaire doivent se connecter sur ce site.

Voici les pièces à fournir :

  • attestation de réussite au diplôme (relevé de notes…) délivrée par l’établissement ou le centre de formation d’apprentis (CFA) ;
  • copie de l’avis fiscal 2017 sur les revenus 2016 si vous êtes diplômé par l’apprentissage : celui de votre foyer fiscal de rattachement ou le vôtre si vous effectuez votre propre déclaration fiscale ;
  • attestation sur l’honneur, intégrée dans le formulaire de demande en ligne, précisant :
    – que l’on n’est plus en formation et que l’on s’engage à ne pas reprendre d’études dans l’année suivant l’obtention du diplôme ;
    – que l’on est à la recherche d’un premier emploi ;
    – que l’on ne cumule pas l’ARPE avec le RSA, la garantie jeunes, un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation ;
  • coordonnées bancaires (IBAN) ;
  • copie de la carte d’étudiant des métiers (recto verso) pour les diplômés par la voie de l’apprentissage, et de la carte d’identité pour les diplômés du secondaire.

La reprise économique de 2017 se retrouve dans les hausses de salaire de 2018

Photo prise le 22 Juin 2012 à Lille de bulletins de paie. Matignon a évoqué, ce jour auprès de l'AFP une hausse "raisonnable" du Smic, sans confirmer ni infirmer un coup de pouce de 2% mentionné par Les Echos. AFP PHOTO PHILIPPE HUGUEN / AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN

Les hausses de salaires en 2018 ont été de 2,5 % pour les cadres et de 2,2 % pour les non-cadres révèle l’étude annuelle du cabinet de conseil Deloitte, publiée lundi 27 août et réalisée à partir des bulletins de paie de 1 million de salariés de plus de 400 entreprises des principaux secteurs d’activité (grande distribution, industrie de la santé, assurance, énergie, distribution…).

En légère progression par rapport à 2017, cette évolution des rémunérations est supérieure à l’inflation et confirme une hausse du pouvoir d’achat pour les salariés augmentés en 2018. Elle inclut les augmentations générales et individuelles. Hors promotion, la hausse reste supérieure à l’inflation : les rémunérations ont alors augmenté de 2,2 % pour les cadres et de 1,9 % pour les non-cadres.

« La croissance du PIB, même revue à la baisse, est meilleure qu’il y a deux ou trois ans. La vision des entreprises est plutôt bonne et la tendance est à la confiance », commente Franck Chéron, associé chez Deloitte.

Budgets corrigés à la hausse pour 2019

L’écart salarial entre les femmes et les hommes demeure, à 3,3 % (hors temps partiel et à même niveau de responsabilité). Mais les entreprises semblent avoir anticipé le projet de loi sur « la liberté de choisir son avenir professionnel », qui prévoit une obligation de résultat sur l’égalité professionnelle.

En effet, les pratiques d’augmentation ont, cette année, légèrement favorisé les femmes (+ 0,5 point). Et dans les entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros, l’écart salarial entre les hommes et les femmes est un peu moins marqué (3,1 %). Les politiques de rattrapage amorcées depuis des années commencent doucement à porter leurs fruits : dans cette même étude annuelle, il y a dix ans, toutes choses égales par ailleurs, l’écart salarial (hors temps partiel et à même niveau de responsabilité) entre les femmes et les hommes était supérieur à 4 %.

La reprise économique…

L’assurance-chômage et la santé au travail à l’agenda social

Le président français, Emmanuel Macron, lors d’une réunion avec les partenaires sociaux à l’Elysée, le 17 juillet 2018.

C’est Philippe Martinez qui ouvre la marche, mercredi 29 août. Le secrétaire général de la CGT est le premier à être reçu à Matignon par le premier ministre, Edouard Philippe, accompagné pour l’occasion de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et de sa collègue des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Suivront, jusqu’au 4 septembre, Philippe Louis (CFTC), Pascal Pavageau (FO), François Homméril (CFE-CGC), Laurent Berger (CFDT), Eric Beynel (Solidaires), Geoffroy Roux de Bézieux (Medef), François Asselin (CPME), Alain Griset (U2P) et Christiane Lambert (FNSEA).

Ces entretiens s’inscrivent dans la suite de la réunion qui s’est tenue à l’Elysée le 17 juillet et qui a rassemblé les principaux leaders syndicaux et patronaux. Une rencontre à la configuration inédite depuis le début du quinquennat qui signait un changement de méthode pour le président de la République, accusé jusqu’à présent de prendre pour quantité négligeable les corps intermédiaires.

Dans un courrier daté du 25 août, dévoilé par Le Journal du dimanche et que Le Monde s’est procuré, le premier ministre a exposé les priorités qu’il souhaitait voir abordées. En premier lieu, « la remise à plat » du régime d’assurance-chômage. Dans son discours devant le congrès, début juillet, Emmanuel Macron avait surpris en annonçant vouloir que les partenaires sociaux renégocient une nouvelle convention Unédic. L’idée est qu’après une « phase de diagnostic partagé » le gouvernement adresse une lettre de cadrage aux organisations syndicales et patronales, qui auront jusqu’à début 2019, février au plus tard, pour tenter de se mettre d’accord.

La question du bonus-malus qui vise à pénaliser les entreprises qui abusent de contrats courts sera discutée. Ce dispositif déplaît au patronat, mais le gouvernement a prévenu qu’il le mettrait en œuvre si aucune solution n’est trouvée. Les partenaires sociaux devront aussi travailler sur les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi en activité réduite, qui permettent de cumuler une allocation en complément d’un petit salaire, et sur une nouvelle allocation pour les chômeurs de longue durée. La dégressivité des allocations-chômage des cadres proposée par le député (LRM) Aurélien Taché sera aussi au programme. « Nous n’aurons ni tabous ni présupposés », a assuré le premier ministre au JDD, dimanche 26 août. M. Philippe souhaite « un système financièrement équilibré, qui garantisse la justice ­sociale et favorise le retour à l’emploi ».

« Empilement de sujets »

Autre thématique que le chef du gouvernement entend voir traiter : celle de la santé au travail, qui pourrait faire l’objet d’une négociation interprofessionnelle, après la remise d’un rapport parlementaire sur le sujet mardi. Egalement au menu, l’organisation du système d’indemnisation d’arrêt-maladie, jugé « coûteux, inéquitable et déresponsabilisant » par Edouard Philippe. Si ce dernier a annoncé écarter « l’hypothèse d’une mesure brutale de transfert vers les entreprises » du financement des arrêts de courte durée comme envisagé cet été, il entend que cette problématique soit réglée. « En trois ans, le nombre de journées indemnisées est passé de 11 à 12 par an et par salarié du privé, a-t-il déclaré. C’est comme si notre pays avait instauré un jour de congé supplémentaire ! »

Mais, après les annonces budgétaires dévoilées dimanche, il est peu probable que les partenaires sociaux se limitent à cet ordre du jour. Le choix de ne revaloriser que très faiblement les pensions de retraite, allocations familiales et APL en a hérissé plus d’un. A la CFDT, on indique aller à ce rendez-vous « en revendiquant une politique sociale claire faite de choix de solidarité et pas d’un empilement de sujets ayant une logique budgétaire » : « Il faut que ce gouvernement dise clairement quelle est sa vision du modèle social et de la société qu’il entend construire. » Sur Twitter, dimanche, Pascal Pavageau, le secrétaire général de Force ouvrière, n’a pas mâché ses mots. « Après une année dédiée aux cadeaux pour les “premiers de cordée”, sous prétexte du budget 2019, le gouvernement poursuit sans états d’âme la destruction de notre modèle social et s’attaque maintenant frontalement à la capacité de survie des “derniers de corvée”. Honteux… », a-t-il réagi.

L’état d’esprit de la CGT n’est guère plus positif. « Quand on lit la lettre d’Edouard Philippe, on voit bien qu’il n’y a rien qui change : ce n’est pas un agenda social à bâtir, mais des injonctions et des directives du premier ministre », déplore Fabrice Angei, de la direction confédérale. Quant à François Homméril, le président de la CFE-CGC, il se dit « en colère » à la suite du choix de mettre en débat la dégressivité des allocations chômage des cadres – son cœur de cible. Du côté patronal, le nouveau président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a précisé lundi se rendre à cette rencontre avec un « esprit assez ouvert », mais avec une « ligne rouge » : « Le coût du travail ne doit pas augmenter. »

L’inquiétude croît parmi les salariés de Carrefour

Des syndicalistes de Carrefour font grève pour protester contre la menace de suppressions d’emploi et leurs conditions de travail, devant un supermarché de Lomme (Nord), près de Lille, en mars.

Fin janvier, la fermeture annoncée des 273 magasins Carrefour les plus déficitaires par le PDG du groupe, Alexandre Bompard, avait fait grand bruit. Sept mois plus tard, 244 magasins de l’ancien réseau de maxi-discompte Dia employant 2 100 salariés ont baissé le rideau, dans l’indifférence estivale. Les premiers licenciements interviendront en septembre, sauf pour ceux qui se verront proposer une autre activité.

L’échéance pour accepter ou non les offres de reclassement, adressées aux salariés jusqu’à fin juillet, était d’un mois à compter de leur réception. De sources syndicales, au 25 août, les taux de reclassement effectif n’étaient que de 6,11 % pour Paris et de moins de 10 % pour l’ensemble de la France. « On atteindra 300 reclassements au mieux, pronostique Sylvain Macé, délégué syndical CFDT Carrefour Groupe. On est loin des promesses de Bompard. C’est de la casse sociale », assène-t-il. Pourtant, en début d’année, le patron de l’enseigne avait fixé comme « objectif de reclasser au sein du groupe au moins la moitié des 2 100 collaborateurs concernés ».

Au total, ce sont plus de 1 700 salariés qui demeurent en attente de reconversion dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) signé en avril par FO, la CGC et la CFTC. « Le processus est toujours en cours », précise de son côté Carrefour. Force ouvrière dénonce pour sa part des propositions « indignes ». « Il y a de fortes disparités de qualification et des baisses de salaire allant jusqu’à 500 euros sur un salaire brut de 2 100 euros », affirme Bruno Biguet, délégué syndical FO Carrefour Proximité France.

Pour Sylvain Macé, « il y a clairement des offres qui sont faites pour être refusées, avec des postes qui ne correspondent pas aux profils, pas toujours à temps complet, car il n’y a pas assez de capacité de reclassement dans les magasins ». « La direction avait affiché une volonté de reclassement, mais…

Industrie : les dossiers minés de la rentrée

Avec le textile, la grande distribution est le secteur le plus en souffrance, come la chaîne de supermarchés Carrefour.

Ford, SNCF, Air France, La Grande Récré ou Toys’R’Us… Les dossiers industriels et sociaux s’empilent sur le bureau du gouvernement. « La vie économique étant ce qu’elle est, il y a toujours des entreprises en difficulté, mais on tente de les régler de manière ordonnée. Au premier semestre, nous avons réussi à traiter plusieurs dossiers sans drame », assure-t-on dans l’entourage de Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances.

Ainsi, à Rodez (Aveyron), les syndicats et la direction de l’usine Bosch ont signé le 4 juillet un accord de compétitivité pour pérenniser les 1 600 emplois contre un engagement à investir 14 millions d’euros. Confronté à des problèmes récurrents, le volailler Doux a été repris le 18 mai et ce, sans mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Des solutions ont été trouvées dans d’autres dossiers comme celui de la menuiserie Grégoire, en Dordogne, ou du groupe AR Industries, à Châteauroux (Indre).

  • Le textile et la distribution en souffrance

Cela ne veut pas dire que tout est réglé. « Au deuxième trimestre, nous avons constaté une légère baisse des créations d’emploi et une petite hausse des suppressions, relève David Cousquer, du cabinet Trendeo. Ces deux indicateurs évoluent dans le mauvais sens, mais le solde net reste très positif. »

« Le nombre de défaillances d’entreprise s’est stabilisé », ajoute Benoît Desteract, le directeur général de la Banque Thémis, dotée d’un observatoire des entreprises en difficulté. Au cours des sept premiers mois de l’année, 844 sociétés réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1 million d’euros ont connu une procédure collective (redressement judiciaire ou plan de sauvegarde), contre 877 en 2017.

« Les secteurs les plus en souffrance sont le textile et la distribution, qui sont confrontés à une concurrence très forte et à un changement de modèle économique radical avec la croissance de la distribution numérique », précise Cédric Colaert, du cabinet Eight Advisory. Des groupes comme Toys’R’Us ou La Grande Récré sont depuis le premier semestre en redressement judiciaire, avec des milliers de postes menacés, tandis que d’autres comme Happychic (Jules, Brice, etc.) mènent des restructurations susceptibles d’aboutir à la suppression de plusieurs centaines d’emplois.

  • Menace de grève à Air France

Dans d’autres entreprises, la rentrée est synonyme de mouvement social, comme à Air France, où les syndicats font planer la menace d’une grève. L’intersyndicale de la compagnie, qui s’est réunie lundi 27 août, n’a pas encore annoncé de mouvement. Elle a seulement prévenu qu’une « déclaration unitaire » serait lue jeudi en comité central d’entreprise (CCE), après la nomination de Benjamin Smith au poste de directeur général d’Air France-KLM, dont l’arrivée est attendue pour le 30 septembre.

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« Petit à petit, on fait monter la pression. Jeudi, on va donner une date d’ultimatum. Soit la direction lance des signaux forts, soit on repart dans le conflictuel », explique un membre de l’intersyndicale. Les neuf syndicats maintiennent leur revendication d’un « rattrapage de 5,1 % des salaires, dans les plus brefs délais, correspondant à l’inflation 2012-2017 ». C’est cette revendication qui avait provoqué quinze jours de grève en début d’année. Le conflit avait entraîné le départ du PDG, Jean-Marc Janaillac, après le refus d’une proposition d’accord salarial par une majorité de salariés.

  • Le conflit couve à la SNCF

Faut-il envisager de nouvelles perturbations sociales à la SNCF ? Le mouvement contre la réforme ferroviaire du gouvernement s’est achevé début juillet, après trois mois d’une grève inédite. Malgré l’ire des syndicats cheminots, la réforme a été votée et promulguée dans son intégralité.

Pourtant, le bouillonnement pourrait bien reprendre. Deux organisations au moins – la CGT et SUD – n’ont pas renoncé au combat contre la réforme. « Il n’y a pas eu de trêve estivale de la lutte, assure Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD-Rail. Ne serait-ce que parce qu’il a fallu s’opposer à la direction, qui menace de licencier deux de nos collègues grévistes à Rennes et à Lyon. »

La CGT, première organisation représentative à la SNCF, a invité ses homologues de l’UNSA, de SUD et de la CFDT à une réunion intersyndicale, jeudi 30 août. « Nous appellerons à faire grève lors de journées ciblées début septembre, a déclaré au Monde Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots. Nous pouvons, si le rapport de forces le permet, abolir le pacte ferroviaire. C’est encore possible ! »

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La négociation sur la future convention collective du ferroviaire reprend le mois prochain entre patronat et syndicats, avec deux journées-clés, les 18 et 27 septembre. Les sujets abordés sont explosifs : l’organisation, la rémunération des métiers du rail et les critères de désignation des salariés de la SNCF transférés à la concurrence. Autant d’occasions, pour les cheminots, d’afficher leur détermination. « Maintenant, le statut de cheminot, on le veut pour tous les travailleurs du rail », prévient M. Poncet. « SUD, FO et la CGT veulent en découdre avec le gouvernement, observe un négociateur. Au-delà des sujets purement ferroviaires, cette politisation va nourrir le conflit. »

Et ce, d’autant plus que, dans l’entreprise SNCF, le contexte social est dominé par la perspective des élections professionnelles qui se tiendront en novembre, une période préélectorale qui pèse sur le calendrier et le climat social. « Ce sont des sujets lourds, certes, mais nous ne sommes pas dans une agitation sociale anormale », tempère une source interne à la SNCF, où l’on n’a pas encore reçu, à ce jour, de préavis de grève pour la rentrée.

  • Ford Aquitaine entre angoisse et espoir

Fébriles, les 840 salariés de l’usine de boîtes de vitesses Ford Aquitaine Industries de Blanquefort (Gironde), dans la banlieue de Bordeaux, ont repris le travail le 20 août. Ils sont sous la menace d’un plan social depuis la mi-juin. Le constructeur américain a décidé que la boîte automatique actuellement produite ne serait pas remplacée. Ford s’est engagé à continuer l’activité et à payer les salaires jusqu’en 2019, mais pas au-delà.

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Toutefois, l’espoir existe : le groupe belge Punch, qui avait repris en 2013 une ancienne usine de boîtes de vitesse de General Motors à Strasbourg, serait sérieusement intéressé. « Les négociations sont confidentielles, mais elles avancent », précise un connaisseur du dossier. « Nos contacts à Strasbourg nous confirment cette information, note Philippe Poutou, délégué CGT à Ford Blanquefort. Mais il faut continuer à faire pression. Un rassemblement de toute la gauche est prévu le 4 septembre pour préparer une grande manifestation à Bordeaux le 22. »

L’exécutif nomme une nouvelle coordinatrice pour ses politiques du handicap

Le gouvernement a nommé Céline Poulet au poste de secrétaire générale du comité interministériel du handicap (CIH), selon un arrêté publié vendredi 24 août au Journal officiel.

Mme Poulet, actuellement déléguée nationale aux personnes en situation de handicap à la Croix-Rouge française, succèdera le 1er septembre à Etienne Petitmengin, qui prend sa retraite après avoir occupé la fonction depuis octobre 2015.

Elle « sera chargée de coordonner l’ensemble des actions gouvernementales menées en faveur des personnes handicapées et de suivre la mise en œuvre des décisions prises par le comité interministériel du handicap », a écrit Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, dans un communiqué.

Assurance-chômage dégressive pour les hauts revenus : une proposition réaliste ?

« Ce sont les plus âgés qui touchent en moyenne les plus hauts revenus : selon l’Insee, le déclarant fiscal des ménages à très hauts revenus avait 59 ans en moyenne en 2015. »

Revenant régulièrement dans le débat public, l’idée d’une allocation-chômage dégressive pour les hauts revenus refait surface. Dans une interview au Parisien parue le 22 août, le député La République en marche (LRM) Aurélien Taché propose de revenir sur le montant des allocations-chômage accordées aux cadres à hauts salaires, en introduisant une dégressivité de leurs indemnités au bout de six mois ou en forfaitisant leur revenu. « La France est le pays où le plafond de l’indemnisation est le plus élevé, à plus de 6 200 euros. Pour ces cadres au chômage qui touchent entre 5 000 et 6 000 euros par mois, il faut ouvrir le débat », fait-il valoir dans les colonnes du Parisien.

Maintes fois mise sur la table, cette proposition n’a jamais été suivie. Elle serait juridiquement faisable bien qu’elle suppose une importante inégalité de traitement entre les cotisants. « Le Conseil constitutionnel considère de manière constante que le principe d’égalité “ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit” », indique Me Nicolas Léger, avocat associé du département de droit social du cabinet Proskauer.

Au demeurant, le montant maximum des indemnités que peuvent toucher les allocataires est déjà plafonné, introduisant de fait une rupture d’égalité. Mais ce plafond concerne un nombre très anecdotique de cotisants : il faut avoir gagné plus de 12 000 euros par mois pour l’atteindre !

Critiques de tous bords

La proposition relancée par le député Taché est critiquée par des économistes de tous bords. « Le principe de l’assurance-chômage, c’est que vos droits dépendent des cotisations que vous versez en fonction de votre salaire, fait valoir Henri…

Ryanair démine en partie son conflit social

Des pilotes Ryanair en grève à l’aéroport de Charleroi, à Gosselies (Belgique), le 10 août.

Il aura fallu une négociation marathon, qui s’est achevée jeudi 23 août à 7 heures, mais le conflit social à Ryanair est peut-être sur le point d’être en partie réglé. La première compagnie aérienne d’Europe et le syndicat des pilotes irlandais Forsa ont ainsi trouvé un accord sur les conditions de travail.

Cette entente inédite ne résout pas le contentieux en cours dans plusieurs autres pays d’Europe

Pour l’heure, celui-ci reste fragile. Forsa doit le faire approuver par les pilotes lors d’un scrutin interne qui va prendre deux semaines à organiser. En attendant, à la demande du médiateur, ses détails demeurent secrets.

De plus, l’entente ne concerne que les pilotes irlandais et ne résout pas le contentieux en cours dans plusieurs autres pays. Il s’agit cependant d’une première pour ­Ryanair. Jamais, depuis sa création en 1985, la compagnie à bas coûts n’avait passé une convention collective. Jusqu’en décembre 2017, elle se refusait même à reconnaître le moindre syndicat.

Ryanair est agitée depuis l’an dernier par des tensions sociales grandissantes, dont la première manifestation a été l’annulation de milliers de vols à l’automne 2017, à la suite d’une mauvaise gestion des vacances des pilotes. En décembre, les pilotes allemands ont été les premiers de l’histoire de la compagnie à faire grève. Cet été, une série de débrayages en Europe (Irlande, Allemagne, Pays-Bas, Suède et Belgique) a fortement perturbé l’entreprise.

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Selon les calculs d’AirHelp (une société spécialisée dans l’aide au recouvrement des compensations pour les passagers), que Le Monde a obtenus, Ryanair doit 78 millions d’euros d’indemnisations pour les grèves de juillet et août. Au total, 270 000 passagers ont été touchés pendant les douze jours d’arrêt de travail de cette période.

Etrange fonctionnement interne

Ce genre de compensation ne semble d’ailleurs pas dans les gènes de la compagnie. Le mois dernier, elle a tenté de faire valoir que la grève était une « circonstance exceptionnelle » et qu’elle n’avait pas à dédommager les passagers, ce qui est contraire aux règles européennes. Elle a aussi envoyé plusieurs dizaines de chèques qui ont été refusés par les banques car ils n’avaient pas été signés.

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L’épreuve de force sociale a mis en exergue l’étrange fonctionnement interne de Ryanair. En effet, la plupart des pilotes ne travaillent pas directement pour l’entreprise, mais pour des agences sous-traitantes, voire en tant qu’autoentrepreneurs. Pour de nombreux pilotes établis dans le reste de l’Europe, les contrats relèvent du droit irlandais. Ces personnels revendiquent des contrats locaux, ce qui, pour l’instant, n’a pas été accepté.

Du côté des pilotes irlandais, la colère concernait l’assignation à une base. Bien que vivant en Irlande, ils peuvent aujourd’hui, presque sans préavis, être placés pour quelques jours dans une base ailleurs en Europe – Berlin ou Milan, par exemple. Cette pratique n’est pas exceptionnelle dans l’aviation, mais les critères d’assignation ne sont pas transparents et les décisions, effectuées à la dernière minute.

Les discussions entre le syndicat Forsa et la direction de l’entreprise ont été houleuses. « Ryanair n’avait jamais discuté avec les syndicats et la défiance était profonde », expliquait, début août, Bernard Harbor, de Forsa. Le PDG de la compagnie, Michael O’Leary, n’a jamais dissimulé son aversion pour les négociations sociales. En juillet, son instinct a repris le dessus, quand il a menacé de délocaliser en Pologne les emplois des grévistes irlandais. Son seul langage : les salaires. Il fait remarquer que les pilotes gagnent en moyenne 150 000 euros par an.

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Si cet accord se confirmait, Ryan­air ferait un pas de plus vers une certaine normalisation. En évitant pendant longtemps les grèves qui secouaient ses concurrents, la compagnie a pu mettre en place un modèle social parallèle qui lui a permis de gagner des parts de marché. Cette ère touche à sa fin.

Vers la fin de la grève des pilotes à Ryanair

Des avions de Ryanair à l’aéroport de Manchester, au Royaume-Uni.

Ryanair est parvenue à un accord avec le syndicat représentant ses pilotes irlandais, après une réunion marathon de vingt-deux heures entre les employés et les dirigeants de la compagnie aérienne à bas coûts.

« L’accord proposé va désormais être soumis à un vote, Forsa et ses représentants pour les pilotes de Ryanair recommandant de l’accepter », annonce le syndicat dans un communiqué publié jeudi 23 août. Le médiateur chargé de la conduite des négociations a demandé que les différentes parties s’abstiennent de tout commentaire d’ici la conclusion de ce vote.

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Cinq grèves durant l’été

La compagnie irlandaise a dû annuler de nombreux vols cet été en raison d’arrêts de travail de ses pilotes en Irlande, Allemagne, Belgique, Suède et Pays-Bas. Les pilotes basés à Dublin ont observé ce mois-ci leur cinquième grève de vingt-quatre heures depuis le début de l’été.

Les syndicats dénonçaient l’abus de contrats précaires et un dumping social consistant à embaucher le personnel navigant avec des contrats irlandais, très flexibles, même s’ils travaillent dans d’autres pays européens. Ils réclamaient des hausses de salaire, l’intégration des intérimaires et des contrats correspondant au pays de résidence.

L’annonce de cet accord fait grimper l’action Ryanair de 5,59 % dans les premiers échanges à la Bourse de Dublin. Mais, pour les passagers, la grève reste un mauvais souvenir, puisque la compagnie a refusé de verser des indemnités, considérant qu’il s’agissait de « circonstances exceptionnelles ».

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