« Ponctionnons les multinationales qui mettent en danger la santé des consommateurs ou l’environnement »

A l’heure des débats sur la répartition des 60 milliards d’euros d’effort budgétaire, une proposition reste absente : recourir aux dommages « punitifs » pour ponctionner les multinationales qui mettent en danger la santé des consommateurs ou l’environnement.

Les dommages punitifs, également appelés dommages « exemplaires », visent à sanctionner un comportement particulièrement fautif ou répréhensible. Ils peuvent être nettement supérieurs aux dommages « compensatoires », qui ont pour objectif d’indemniser une victime pour ses pertes réelles. Aux Etats-Unis, leur montant considérable confère un fort pouvoir de négociation aux autorités publiques.

Dans le scandale des moteurs diesel truqués (« dieselgate »), Volkswagen a ainsi proposé de verser 15 milliards de dollars (14 milliards d’euros) en échange de l’arrêt des poursuites. La facture totale, qui inclut non seulement les amendes civiles et pénales, mais aussi le rachat (de 5 000 à 10 000 dollars par véhicule), la réparation et l’indemnisation des clients, a dépassé 25 milliards de dollars en 2018, dont plus de 4 milliards ont directement alimenté les caisses publiques américaines. La France, où le nombre d’automobiles trafiquées était environ le double, n’a pas récolté 1 euro du constructeur à ce jour. Et pour cause : les dommages punitifs sont inexistants dans la loi française, et les dommages compensatoires sont en pratique fortement réduits.

Chaque année, grâce à un arsenal juridique qui lui confère une position avantageuse dans les négociations, la justice américaine obtient des entreprises fautives des paiements colossaux, dont une partie est utilisée pour renflouer les budgets des instances publiques. En 2023, la bourse d’échange de cryptomonnaies Binance a accepté de verser 4,3 milliards de dollars pour mettre un terme à des poursuites pour blanchiment d’argent. En 2022, trois distributeurs pharmaceutiques et le fabricant Johnson & Johnson, impliqués dans la crise des opioïdes, sont convenus de débourser 26 milliards de dollars.

Rapport de force

Pour apaiser les avocats inquiets de l’impact de cette sanction sur la trésorerie de leurs clients, le ministère de la justice a concédé d’étaler les règlements sur presque deux décennies. Il en fut de même à la fin des années 1990 lorsque l’industrie du tabac s’est engagée à verser plus de 200 milliards de dollars sur vingt-cinq ans pour indemniser 46 Etats de leurs dépenses de santé liées à la cigarette.

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« Associations, coopératives et entreprises sociales et solidaires peuvent être de formidables sources d’inspiration pour la transformation du secteur privé »

Peut-on piloter une organisation autrement qu’avec un contrôle de gestion classique, cette multitude d’indicateurs créés par les financiers pour mesurer l’efficacité de chaque service ? La question est centrale pour les structures de l’économie sociale et solidaire, terreau d’innovations précieux face à l’urgence écologique et aux défis sociaux. Associations, coopératives, entreprises sociales et solidaires ont réussi à se développer en proposant un autre rapport au travail, au collectif et au vivant, offrant ainsi des modèles d’affaires désirables, qui pourraient être de formidables sources d’inspiration pour la transformation du secteur privé lucratif.

Pourtant, confrontées à une tension croissante sur leurs ressources, notamment en raison des arbitrages budgétaires actuels, ces structures cèdent parfois à l’élan colonisateur du système capitaliste, dont elles adoptent, paradoxalement, les méthodes de gestion. Elles multiplient ainsi les reportings chiffrés censés garantir, si ce n’est la prospérité des actionnaires, du moins l’optimisation des processus. Au prix de nombreux effets pervers.

Les indicateurs, par définition, simplifient la réalité du travail. Ils minorent l’expertise opérationnelle des salariés et les incitent à privilégier quelques objectifs quantifiables au détriment des autres. Les dirigeants eux-mêmes focalisent leur attention sur les éléments les plus faciles à mesurer, en particulier ceux qui peuvent s’exprimer monétairement, en ignorant ou, pire, en cherchant à économiser sur les activités laissées dans l’ombre parce que moins chiffrables.

Un organisme de crédit à visée sociale peut ainsi mesurer prioritairement les volumes de prêts octroyés, car ceux-ci fournissent des revenus indispensables pour financer les dispositifs d’accompagnement proposés aux bénéficiaires. Lors des réunions de direction, les indicateurs pourront sembler dans le vert si les prêts sont nombreux et bien remboursés. Le pilotage est alors considéré comme satisfaisant, sans qu’on interroge la qualité des missions d’aide aux personnes en difficulté, pourtant au cœur du projet de l’organisation.

L’écueil du réductionnisme quantitatif

Les chiffres ne sont jamais neutres. Ils portent en eux une certaine vision du monde. Ils peuvent valoriser des démarches d’équité et d’inclusion, mais aussi invisibiliser, créer du silence et de l’ignorance ( « Accounting and Silence : The Unspeakable, the Unsaid, and the Inaudible », Caecilia Drujon d’Astros, Bernard Leca et Jérémy Morales, Contemporary Accounting Research n° 41/3, 2024). Ce qui ne se mesure pas n’est jamais discuté. Ce qui est mesuré devient indiscutable. C’est ainsi que la logique financière s’invite dans des espaces qui en étaient préservés et finit par s’imposer comme une évidence.

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« Avec ton premier salaire, tu entres dans ta vie d’adulte »

Le premier salaire de Lucas ? « En tout, 2 000 euros, pour un mois et demi à préparer des commandes pour un drive de supermarché, j’ai fait des heures supplémentaires », relate le jeune homme, technicien multimédia dans une grande enseigne (les témoins n’ont pas souhaité donner leur nom de famille). C’était l’été de ses 18 ans, en 2019.

« Avec les sous, j’ai emmené ma famille au resto, un buffet chinois à volonté, 120 balles. Ma mère m’avait aidé à décrocher ce boulot : elle m’a emmené là-bas trois fois, m’expliquant qu’il fallait insister dans la vie, ils ont fini par me prendre. Et mon père s’est levé à 5 heures pour me conduire chaque matin… » Il a aussi acheté un téléphone, qu’il a gardé cinq ans. « Je l’ai eu à moins 60 %, à 600 euros, plus 200 euros d’écouteurs. Mes parents ont mis 200. »

Comme Lucas, les jeunes adultes peuvent souvent parler longuement de ce qu’ils ont fait de leur première vraie paie, souvent un job d’été. Nicolas, 26 ans aujourd’hui, s’est offert un ordinateur. Maël aussi : « Je ne me voyais pas demander 1 500 euros à ma mère pour ça, je préférais le faire avec mon argent. » « Moi j’ai acheté un iPhone, mis 1 000 euros sur mon Livret A et gardé le reste pour sortir. J’étais toute contente, je me suis dit “ça y est j’ai des sous !” », s’exclame Camille T., 21 ans. Théo, 26 ans, aujourd’hui a économisé pour sa future maison.

Décryptage | Article réservé à nos abonnés Les rapports contradictoires des jeunes adultes avec l’argent

« Chacun se souvient de son premier salaire. Quand je pose la question en cours, mes étudiants se réveillent et partagent leurs souvenirs », confirme la sociologue Hélène Ducourant, enseignante-chercheuse à l’université Gustave-Eiffel. « L’argent n’est pas dépensé de la même façon selon sa provenance – héritage, premier salaire, gain au jeu, etc. Il n’est pas aussi fongible que le pensent les économistes, un euro n’est pas un euro. »

« Récompense de ton travail »

Camille D., 19 ans aujourd’hui, explique distinguer l’argent qu’elle gagne, avec lequel elle achète ce dont elle a besoin, et celui qu’on lui donne, qu’elle économise. Elle avait prévu « depuis longtemps » ce qu’elle ferait de son premier salaire, touché à l’été 2023 après avoir travaillé dans un musée parisien. « J’avais ce schéma en tête : m’acheter un téléphone et des fournitures pour la rentrée, mettre la moitié de côté et partager le reste avec mes parents. » « Le premier salaire, c’est la récompense de ton travail, ça valorise, tu entres dans ta vie d’adulte », estime encore cette étudiante de 19 ans.

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« La Vérité sur les troubles psychiques au travail » : de l’urgence de « libérer la parole »

« L’anxiété, la dépression, la sensibilité au stress, mes variations émotionnelles, l’hypersensibilité, sans compter les troubles cognitifs (concentration, attention et mémoire), sources d’épuisement et de fatigue. » Fabienne égraine la longue liste de ses « fragilités ».

Exposée à de nombreux troubles psychiques, la quinquagénaire explique qu’elle doit, en conséquence, s’investir quotidiennement dans « deux boulots : d’une part ma mission de responsable d’une base de connaissances ; d’autre part, la gestion de mes émotions et de ma fatigue afin d’assurer au mieux ma présence au travail. C’est une tâche importante sur le savoir-être ». Une tâche épuisante également, mais qui lui permet de « trouver son équilibre » et de vivre son parcours professionnel.

Au fil des pages de l’ouvrage de la sociologue Claire Le Roy-Hatala, La Vérité sur les troubles psychiques au travail (Payot, 304 pages, 21 euros), Fabienne côtoie Lise et ses « tempêtes émotionnelles », Laurence qui ne veut « pas être réduite à [sa] pathologie ». Ou encore Yohanes, qui vit « un monde s’effrondr[er] » lorsqu’un « diagnostic de maladie mentale » fut posé sur lui, considérant alors qu’il ne pourrait « plus faire confiance à [son] cerveau ».

Différents témoignages et autant de focalisations internes offerts par l’autrice au lecteur, pour mieux saisir les pathologies mentales et le rapport au travail des personnes en souffrant. C’est le premier objectif de Mme Le Roy-Hatala à travers son essai : expliquer, avec un souci pédagogique constant, ce que recouvre la maladie, déconstruisant les idées reçues, cherchant à « dissiper les peurs » sur un sujet tabou au travail – et souvent caché par ceux qu’il touche.

Sentiment d’exclusion

Elle montre ainsi l’invisible : le sentiment d’exclusion des salariés, leurs stratégies du quotidien pour dissimuler la maladie (tel ce cadre supérieur qui rentre chez lui à la pause méridienne pour se reposer, prétextant des déjeuners à l’extérieur pour ne pas manger avec ses collègues), leurs efforts, aussi, pour retrouver le chemin du travail après une crise.

Ce faisant, l’autrice souhaite « libérer la parole » sur cet « impensé organisationnel ». Parce que l’absence de communication complexifie considérablement l’intégration des personnes touchées. Et parce que le sujet implique, à ses yeux, une réelle prise de conscience, alors qu’un grand nombre d’entreprises est concerné, souvent sans le savoir. « Treize millions de personnes sont touchées par des troubles psychiques invalidants (…) et 20 % considèrent que ces troubles ont un impact sur leur vie professionnelle », rappelle Mme Le Roy-Hatala, qui précise que ces mêmes troubles sont « responsables de 35 % à 45 % de l’absentéisme au travail », selon Santé publique France.

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Retraite progressive : un compromis aux retombées incertaines

La retraite dite « progressive » va-t-elle sortir de la confidentialité ? C’est, semble-t-il, le souhait de la plupart des organisations patronales et syndicales. Dans le projet d’accord conclu, le 14 novembre, sur l’emploi des seniors, elles ont élaboré des mesures visant à faciliter l’accès à ce dispositif dont le but est de permettre aux salariés de ralentir la cadence lorsqu’ils approchent du terme de leur vie professionnelle. Les avis sur l’impact du texte sont partagés, certains le jugeant prometteur tandis que d’autres regrettent son manque d’ambitions.

Instaurée en 1988, la retraite progressive donne la possibilité de percevoir une fraction de sa pension tout en continuant une activité mais à temps partiel. L’objectif est de favoriser des transitions douces au crépuscule d’une carrière. Plusieurs lois, dont celle d’avril 2023 qui a repoussé à 64 ans l’âge légal de départ, ont tenté de promouvoir le recours à ce mécanisme. Le nombre de bénéficiaires a été multiplié par cinq depuis le milieu des années 2010, mais il demeure très faible : un peu moins de 27 000 à la fin de 2023, s’agissant du régime général, soit entre 3 % et 4 %, environ, des personnes ayant pris leur retraite cette année-là. Une marginalité due à la profonde méconnaissance de cet outil : en 2021, seuls 32 % des nouveaux pensionnés déclaraient savoir de quoi il s’agit, d’après un rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

Aujourd’hui, le gouvernement veut que ce système se développe. Le premier ministre, Michel Barnier, l’a cité parmi les pistes de chantiers qu’il compte proposer aux partenaires sociaux pour « améliorer » la réforme d’avril 2023. Une ouverture dans laquelle se sont engouffrés les syndicats et le patronat, à l’occasion de la négociation qu’ils ont conduite, à l’automne, sur le maintien en poste des « salariés expérimentés ».

« Il y a une vraie demande »

Le compromis, qu’ils ont ficelé à l’issue des discussions, le 14 novembre, entend autoriser l’accès à la retraite progressive à partir de l’âge de 60 ans, alors que la loi d’avril 2023 prévoyait de relever graduellement cette condition d’âge à soixante-deux ans – pour tenir compte du report progressif à 64 ans de l’âge légal de départ. En outre, le projet de texte, mis au point par les organisations d’employeurs et de salariés, accentue un peu le formalisme si le patron rejette la requête de son collaborateur qui désire bénéficier du dispositif. Des « missions de tutorat ou de mentorat » peuvent, par ailleurs, être confiées à ce dernier. En revanche, l’idée, défendue par les syndicats, d’un droit opposable à la retraite progressive, que le travailleur pourrait invoquer même en l’absence d’un feu vert de sa hiérarchie, a été écartée.

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Mener de front handicap et carrière

Stéphanie Vidal, infirmière dans le service de stérilisation de l’hôpital Nord Franche-Comté, et Julien Antoine, cadre du service, à Trévenans (Territoire de Belfort), le 14 novembre.

La vie de Stéphanie Vidal bascule lorsqu’elle est victime d’un accident de moto, en avril 2005. Alors âgée de 31 ans, l’infirmière de bloc opératoire au centre hospitalier Belfort-Montbéliard (devenu hôpital Nord Franche-Comté en 2017) apprend qu’elle ne remarchera plus et ne pourra plus exercer. « Passionnée par mon métier, j’ai d’emblée refusé la mise à l’écart professionnelle pour invalidité », se souvient la quinquagénaire. Après plus de deux ans d’arrêt longue maladie, elle s’équipe d’une voiture adaptée, garante de son autonomie, et se sent prête à reprendre le travail.

La chance lui sourit. Un collègue l’informe d’un poste à pourvoir dans le service de stérilisation. « Cela a bien failli ne pas se faire, faute de bureau accessible, mais le cadre en stérilisation a remué ciel et terre, raconte-t-elle. De mon côté, j’ai recherché le contact du FIPHFP [Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique] afin de financer l’adaptation de mon poste qui nécessite un fauteuil roulant et une place de stationnement spécifiques. »

Pour son retour en emploi, à l’époque, rien n’était tracé. C’était peu de temps après l’entrée en vigueur de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Depuis, grâce à l’engagement de la direction générale, des mesures d’accompagnement se sont mises en place. Stéphanie Vidal constate : « Je me sens aujourd’hui davantage soutenue au travail. » A l’écoute de ses besoins, son cadre, Julien Antoine, est la première personne qu’elle sollicite pour toute question ou demande. Elle peut aussi compter sur la référente handicap et l’ergonome.

« Le taux de chômage remonte »

Dans le secteur privé, le taux d’emploi direct en équivalent temps plein des personnes en situation de handicap était de 3,6 % en France en 2023, d’après la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. L’objectif des 6 %, qui constitue le minimum légal, semble lointain. Cette même année, 674 400 travailleurs handicapés étaient employés dans les 112 300 entreprises assujetties à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. « Ce chiffre a presque triplé en vingt ans », souligne Véronique Bustreel, directrice de l’innovation, de l’évaluation et de la stratégie pour l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

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Des collectifs de salariés poussent la question écologique dans les entreprises

Mot d’ordre : faire bouger les lignes de l’intérieur. Des collectifs de salariés – la plupart du temps sans structure juridique – ont décidé de s’emparer de la question écologique au sein de leur entreprise. En effet, même si la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a ajouté les enjeux environnementaux aux prérogatives des comités sociaux et économiques (CSE), ils sont encore peu mis en avant.

A ce jour, l’association Les Collectifs, créée en 2021, fédère des groupements présents dans 250 entreprises, dont 120 sont pleinement opérationnels. Sa mission : « Les connecter afin qu’ils puissent mener des actions en commun et s’entraider, notamment au moment de la création », explique Paul Chalabreysse, en charge de la coordination de l’association.

Ces groupes informels, dont la taille varie de 5 à 2 000 personnes selon les entreprises, réunissent des salariés bénévoles, dont les actions vont de la sensibilisation à la question écologique, par le biais d’ateliers, de conférences ou de campagnes d’information, à la transformation des métiers, en passant par des actions sur les pratiques internes de l’entreprise (économies d’énergie, promotion des mobilités douces, gestion des déchets, changement de la restauration d’entreprise… ). Parmi ces collectifs : Le Rhizome chez EDF, Planet A chez Alstom, Earthforce chez Salesforce, Suez Acts for the Planet chez Suez, Canopée chez bioMérieux, ou encore Go Green au Boston Consulting Group.

« Ce phénomène des collectifs est générationnel. Il concerne principalement des moins de 40 ans et des cadres qui, à la suite d’un déclic écologique personnel, aspirent à un travail compatible avec leurs valeurs », précise Gaëtan Brisepierre, sociologue, auteur du rapport « La mobilisation écologique des salariés », une synthèse du projet Ecotaf, de novembre 2023. « Les entreprises ayant un effet de levier sur la société, cela leur semble la méthode la plus efficace », ajoute-t-il.

Un « accueil plutôt favorable »

Côté direction, « l’accueil est plutôt favorable, constate Paul Chalabreysse, sauf si l’entreprise est mise devant le fait accompli. C’est pour elle une chance de profiter de cette mobilisation de l’intelligence collective ». Quentin Bordet, cofondateur et président de l’association Les Collectifs, poursuit : « Nous ne sommes pas dans une logique conflictuelle ou de contre-pouvoir mais dans une démarche de “pour-pouvoir”, en étant force de proposition, d’interrogation et d’action. »

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Le choix risqué de la révélation du handicap au travail

Carnet de bureau. Alexandre Bompard, le PDG du groupe Carrefour, a présenté lundi 4 novembre un plan d’action pour détecter et accompagner les salariés atteints de troubles dys ou en situation d’illettrisme.

Les « manageurs ne sont pas toujours formés pour détecter et accompagner leurs collègues vers le professionnel compétent pour les aider à résoudre leurs difficultés de lecture (…), un frein quotidien pour nombre de nos collaborateurs, a-t-il expliqué. Nous souhaitons nous confronter à ce handicap invisible, souvent tabou, et permettre aux collaborateurs concernés d‘être soutenus ». Cinq cents salariés par an sont actuellement formés à la lecture.

Mais le groupe dit vouloir passer à la vitesse supérieure et « systématiser le dispositif dans l’entreprise » avec un accompagnement ad hoc : formation, bilan orthophonique, équipement informatique, réseau d’entraide, aide à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Tous les référents handicap du groupe Carrefour vont ainsi être mobilisés pour expliquer aux salariés comment obtenir cette reconnaissance.

Freins à l’évolution professionnelle

« Depuis 2020, de plus en plus d’entreprises se tournent vers nous pour aider leurs salariés à obtenir une reconnaissance de handicap. Sur les deux dernières années, on a dû doubler nos effectifs pour répondre à la demande », témoigne Anthony Gentelet, le directeur de Pidiem, un cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement des politiques handicap au travail.

Faut-il saluer la mobilisation des entreprises en faveur d’une prise en compte du handicap au travail ou s’inquiéter d’une volonté de faire reconnaître une situation que les salariés ne tiennent pas toujours à révéler ? Impact sur l’évolution de carrière, stigmatisation, les chiffres sont têtus : dans la dernière étude de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) parue en septembre, 75 % des actifs en situation de handicap témoignent de freins à leur évolution professionnelle.

« Ma carrière s’est stoppée net » après avoir obtenu une reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée, témoigne une cadre dans l’étude APEC-Agefiph publiée le 12 novembre. D’autres reconnaissent que le regain de confiance en soi en vaut la peine, et qu’un bureau tout seul quand les autres sont en open space, ou un peu plus de télétravail comme le propose l’éditeur de logiciels ADP à ses salariés reconnus handicapés, ce n’est pas négligeable.

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Argent : « La moitié des 16-24 ans estiment que la façon de placer son épargne peut avoir un impact sur la société »

Les jeunes ont-ils un rapport différent à l’argent ? Oui, à plusieurs égards, montre la 6e édition de l’Observatoire du sens de l’argent Crédit coopératif/Viavoice, réalisée en partenariat avec l’Ecole supérieure de commerce de Paris. Mais les résultats vont parfois à l’encontre de l’image qu’a la génération Z (née entre la fin des années 1990 et des années 2000), note le sociologue Arnaud Zegierman, cofondateur de l’institut Viavoice.

Des jeunes aspirant à « se faire du fric rapido sans trop bosser », c’est un des clichés sur la génération Z. Qu’en est-il ?

Pas mal d’idées fausses circulent sur eux. Certes, notre baromètre montre que les 16-24 ans ont un rapport différent à l’argent, plus décomplexé [le sondage a été mené en ligne fin août et début septembre auprès de 1 400 personnes, dont 529 16-24 ans]. Ils nous disent que gagner le plus possible est un objectif pour réussir leur vie (76 %), être heureux (69 %) et être intégrés (51 %), bien plus que la population générale (respectivement 62 %, 60 % et 42 %).

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Qu’ils ne veulent plus bosser est en revanche faux, nos études témoignent de niveaux d’adhésion au travail équivalents à ceux de leurs aînés. Les entreprises déplorent qu’ils démissionnent plus facilement et qu’ils soient plus exigeants ? Ce qu’elles considèrent comme une évolution des valeurs relève plus du contexte.

Les jeunes sont moins nombreux, le rapport de force démographique s’est inversé. Les jeunes diplômés ont plus de choix et en profitent. Si un concurrent leur propose plus d’argent, il n’y a rien de surprenant à ce qu’ils partent, c’est aux entreprises d’apprendre à les garder. Le salaire s’avère d’autant plus crucial pour eux que la question du pouvoir d’achat est centrale avec l’inflation.

Le passeport Educfi dans certains lycées

Le passeport Educfi, module d’éducation financière expérimenté à partir de 2019 en classe de quatrième, s’étend aux élèves de secondes professionnelles et de CAP. C’est une version renforcée, explique Marguerite Collignan, de la Banque de France : « L’objectif est d’aller plus loin sur les thèmes abordés en 4e – budget, arnaques, etc. – et d’ajouter le crédit et l’impôt. » Testé dans onze lycées professionnels en 2023-2024, ce passeport renforcé est désormais accessible dans tous les établissements (l’établissement décide de s’en saisir ou non), précise-t-elle. Le module Educfi du collège a, lui, été dispensé en 2023-2024 à 340 000 collégiens, sur environ 750 000 quatrièmes, malgré la généralisation annoncée du dispositif en 2023. « Généralisation ne signifie pas obligation, les collèges ont le choix, mais le chiffre devrait être plus élevé cette année », estime Mme Collignan.

On les dépeint parfois également individualistes, fatalistes…

S’ils sont face à des enjeux colossaux, notamment écologiques, ils ne se voient pas comme une génération sacrifiée. On les imagine plus fatalistes qu’ils le sont. Sur l’évolution de leurs finances et leur avenir, ils se disent confiants à respectivement 62 % et 71 %, contre 55 % et 67 % pour la population globale. Sur l’avenir de la société française et de la planète, ils ne sont certes pas optimistes, seul environ un sur trois est confiant. Les jeunes Français restent des Français, culturellement pessimistes, mais ils le sont moins que leurs aînés.

Un peu plus que l’ensemble des personnes interrogées (60 % contre 56 %), ils estiment pouvoir changer ce qui ne va pas dans la société, d’abord par leur consommation et leur vote. Près d’un 16-24 ans sur deux (47 %) estime aussi que la façon de placer son argent peut avoir un impact, soit neuf points de plus que la population globale.

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Handicap et emploi : depuis la loi de 2005, est-on mieux accompagné ?

« Une grande loi de la République issue d’une véritable concertation avec les associations : pour la première fois, le handicap était défini et les personnes concernées devaient bénéficier des mêmes droits que celles dites “valides”, dans l’emploi comme dans tous les domaines de la vie quotidienne. » Voilà comment Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps (54 associations nationales), évoque la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Elle a constitué un tournant. « Elle a renoncé à une approche strictement médicale du handicap, puisque désormais le handicap résulte de l’interaction entre une personne qui présente une altération fonctionnelle – cognitive, visuelle, motrice – et un environnement non adapté. C’est cette discordance qui conduit à restreindre ou à limiter la liberté de choisir ou de faire des personnes », explique Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap. Désormais, ces personnes doivent pouvoir travailler autant que possible dans l’environnement professionnel « classique ».

Pour ce faire, la loi de 2005 contraint le service public à s’acquitter d’une contribution financière à un nouvel organisme, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), s’il ne remplit pas l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés d’embaucher au moins 6 % de personnes en situation de handicap. Jusqu’à présent, le service public n’était redevable de rien, contrairement aux entreprises privées de plus de 20 salariés qui devaient s’acquitter de cette contribution auprès de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), depuis la loi du 10 juillet 1987.

« Obstacles et discriminations persistent »

Deux décennies plus tard, quel est le bilan ? On dénombre 1,2 million de personnes avec une reconnaissance administrative du handicap qui sont en emploi (4,3 % de la population active) et qui peuvent bénéficier de dispositifs spécifiques. Depuis 2019, un référent handicap est obligatoire dans les entreprises de plus de 250 salariés. Dans le privé, selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques, 674 400 travailleurs handicapés étaient employés en 2023 dans les 112 300 entreprises assujetties à l’obligation d’emploi, soit un taux d’emploi direct en équivalent temps plein de 3,6 % des effectifs. Dans le secteur public, d’après le FIPHFP, ce taux atteignait 5,66 % (les taux d’emploi direct entre privé et public ne sont pas calculés de la même façon et ne sont donc pas comparables).

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