Tribune. Le jeudi 18 octobre, le collectif « J’aime ma boîte », initié par Sophie de Menthon, a décidé que ce serait la fête des entreprises, avec un slogan prometteur pour l’édition 2018 : « Fais bouger ta boîte ! » Son objectif affiché : permettre aux salariés de « montrer un autre visage de leur entreprise ». Qui ne souscrirait à un tel programme ? Qui ne voudrait le bien de l’entreprise à laquelle il participe, sur le long terme ?
Or c’est un fait que, par souci de la pérennité de son entreprise, le salarié doit parfois défendre celle-ci contre elle-même, ou plutôt contre des comportements internes, de la part d’actionnaires ou de dirigeants qui, au nom d’une maximisation de la rentabilité financière à court terme, font jouer leurs intérêts contre ceux de l’entreprise, jusqu’à y sacrifier son avenir. Confondant démarche d’entrepreneur et démarche de prédateur, ils épuisent ce qu’ils exploitent au lieu de le cultiver. Les méthodes mises en œuvre par quelques-uns pour vampiriser l’entreprise commune doivent être portées à la connaissance de tous pour faire « bouger [la] boîte ». Cela servira de révélateur : les vampires détestent la lumière du jour !
Trop d’abus perdurent à cause du silence de ceux qui pourraient parler
C’est un fait aussi que nombre d’entreprises abritent des pratiques criminelles (comme le financement du terrorisme dont Lafarge est actuellement suspecté), délictueuses (comme l’évasion fiscale, la corruption, l’entente commerciale entre « concurrents ») ou socialement condamnables (comme le management toxique, les arnaques commerciales, l’obsolescence programmée, l’optimisation fiscale, la maltraitance animale…).
Or la mise en œuvre de toutes ces pratiques nécessite la collaboration de salariés, qui doivent le 18 octobre prendre la liberté de raconter publiquement ce qu’ils savent pour enfin marquer leur désaccord. Trop d’abus perdurent à cause du silence de ceux qui pourraient parler.
C’est l’une des inconnues de la reprise du site de Ford Blanquefort. L’Etat et les collectivités territoriales doivent-ils remettre au pot, au risque de tout perdre, pour soutenir la reprise du site par Punch Powerglide ? Lundi 15 octobre, Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, a indiqué l’intention de l’Etat de mobiliser 5 millions d’euros pour soutenir la réindustrialisation du site, tandis que les collectivités locales sont prêtes à investir 12,5 millions d’euros.
Mais si tout s’arrête, que Ford met la clé sous la porte à Blanquefort, que se passera-t-il ? Le constructeur peut-il être obligé de rembourser les moyens alloués par les pouvoirs publics entre 2011 et 2013 pour maintenir, déjà, l’activité de l’usine ? A l’époque, Etat, région, département et communes de l’agglomération avaient mobilisé 15 millions d’euros pour participer à la modernisation du site et assurer, pendant cinq ans, le maintien d’un millier de postes. « Comme les engagements ont été tenus, à savoir le maintien des postes sur la période prévue, cet argent ne peut plus être réclamé », dit-on à Bercy.
A chaque annonce de fermeture d’usine, de départs, la réaction est pourtant la même chez les hommes politiques. Ils exigent le remboursement des aides publiques perçues.
Le sinistre épisode Daewoo
Tous gardent encore en mémoire l’épisode Daewoo, de sinistre mémoire. Après avoir reçu près d’une cinquantaine de millions d’euros d’aides publiques dans les années 1980 et 1990 pour revitaliser la Lorraine, le conglomérat avait décidé de fermer, en 2003, ses trois usines, supprimant au passage 1 200 emplois. Le tout sans jamais avoir remboursé un centime aux pouvoirs publics et en laissant une ardoise fiscale conséquente.
Beaucoup plus récemment, le député Olivier Falorni demandait, en 2015, le remboursement des crédits d’impôt recherche touchés par l’équipementier Delphi, qui fermait son site de Périgny, près de La Rochelle. Sans succès. De même, pendant la campagne présidentielle de 2017, le candidat socialiste Benoît Hamon avait demandé le remboursement par Whirlpool, qui annonçait alors la fermeture de son site d’Amiens, du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Là aussi, sans succès, car les crédits d’impôt ne sont pas soumis à un engagement de conserver l’outil de travail en France.
Mais l’Etat n’est tout de même pas démuni. Depuis 2015, la loi Florange, votée à l’initiative d’Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, prévoit que toute entreprise amenée à fermer un établissement en France soit obligée non seulement de chercher un repreneur, mais également, si le préfet le demande, de rembourser « des aides pécuniaires en matière d’installation, de développement économique, de recherche ou d’emploi attribuées par une personne publique à l’entreprise ».
Fin 2017, l’Etat a ainsi demandé au groupe américain Caterpillar de rembourser quelque 125 000 euros d’aides publiques (prime d’aménagement du territoire, fonds de revitalisation) après l’annonce de la fermeture de son usine d’Arras, et la suppression de 67 postes… Un moindre mal.
C’est une révolution douce, presque invisible. Le mouvement n’en est pas moins marquant : dans un capitalisme français où tout a longtemps paru se jouer entre amis, les salariés commencent à se frayer un chemin jusqu’au saint des saints : les conseils d’administration des grands groupes. Et à y faire entendre une autre voix. C’est ce que montrent les chiffres publiés mardi 16 octobre par l’Institut français des administrateurs (IFA).
Pas moins de 111 administrateurs représentant les salariés en tant que tels siègent désormais dans les conseils des 120 premiers groupes cotés en Bourse (SBF 120), selon les pointages de l’IFA. Leur nombre a bondi de 29 % en un an, et quasiment triplé depuis 2013.
Les salariés occupent ainsi 7,5 % des sièges aux conseils des grandes entreprises cotées, et même un peu plus de 9 % en incluant les salariés désignés en tant qu’actionnaires. Leur présence se révèle donc de moins en moins marginale. Un effet direct des lois Sapin de 2013 et Rebsamen de 2015, qui ont imposé la présence d’administrateurs salariés dans les grands groupes privés.
« Nous avons des convictions, nous les défendons »
« C’est important que la parole du personnel soit portée jusqu’au conseil, juge Stéphane Sauvage, un élu FO récemment nommé chez Getlink, l’ex-Eurotunnel. Cela aide à ce que les autres administrateurs gardent à l’esprit que, derrière les chiffres, l’entreprise est composée de femmes et d’hommes. » Eric Personne, qui siège chez Renault, confirme : « Avant, les administrateurs discutaient de salaire, de licenciement, dans une forme d’entre-soi. Notre seule présence modifie un peu la donne. »
Un troisième administrateur prend l’exemple d’un conseil récent. Les salariés ont voté contre un projet de la direction. « Bien sûr, nos voix n’ont pas suffi à tout bloquer. Mais nous avons des convictions, nous les défendons et, parfois, cela amène le conseil à réfléchir davantage avant une décision. »
L’annonce, le 21 septembre 2017, par le gouvernement Philippe de la réduction du nombre de contrats aidés de 320 000 en 2017 à 200 000 à partir de 2018 avait soulevé un vent de panique dans le milieu associatif. En effet, 38 % de ces contrats d’un an renouvelables deux fois étaient signés par des associations. Le projet de loi de finances n’en prévoit que 100 000 pour 2019, mais, en 2018, seuls 60 000 emplois aidés ont été utilisés. Quelles alternatives ont été mises en place ? Comment se sont adaptées les associations ?
« Assez difficilement, réagit Philippe Jahshan, le président du groupement Mouvement associatif. 12 500 associations employeuses ont disparu contre 10 800 par an en moyenne les années précédentes. » En 2017, la France comptait 1,5 million d’associations en activité, dont 163 400 associations employeuses,selon le bilan annuel publié en septembre, dans la 16e édition de « La France associative en mouvement » réalisée par l’association Recherches et solidarités.
« En 2017, le club comptait 3 emplois aidés sur une équipe de 5 personnes. On a reventilé notre dispositif, réduit le nombre d’heures, et on a fait intervenir davantage de bénévoles », Alain Rey, président du Comité du Tarn de rugby
Ce sont donc plus de 7 % des associations employeuses qui auraient disparu, les plus petites et les plus en difficulté. Selon le baromètre annuel du moral des responsables d’association, 46 % sont insatisfaits et plus de 11 % jugent leur situation « très difficile », ce qui représente plus de 140 000 associations en souffrance en 2018.
Deux secteurs sont particulièrement concernés par la réduction des emplois aidés : la culture et le sport. En 2017, le sport comptait 25 000 emplois aidés sur 82 000 emplois salariés équivalent temps plein. « La fin des emplois aidés a été une perte de ressources nette, témoigne Alain Rey, le président de l’association Comité du Tarn de rugby. En 2017,…
Dans la semaine du 4 au 12 octobre, la 13 e édition de la campagne lancée par Pôle-Emploi Auvergne-Rhône-Alpes avec presque 1.000 collaborateurs avait pour objectif de guider et d’orienter les chercheurs d’emploi dans leurs démarches digitales. Mais aussi de répondre aux besoins des recruteurs de la région. Trouver la main d’œuvres compétentes nécessaires aux entreprises et les accompagner auprès de celles-ci pour répondre aux besoins de recrutement sont les deux paris de Pôle Emploi. Durant cette semaine, l’agence de Brioude a particulièrement mis en avant les services digitaux avec une après-midi dédiée au sujet par l’animation d’un salon « Geek emploi » délocalisé à Langeac. « Avec un territoire géographiquement étendu, il est important d’accompagner nos usagers dans l’utilisation des outils digitaux afin de faciliter leurs démarches, précisait Hervé Pichon, directeur de l’antenne Pôle-Emploi de Brioude. Nous avons contacté plus de 900 personnes par e-mailing pour les inviter à venir nous rencontrer lors de cette manifestation ». Une antenne représentée par deux personnes de la société Human-Booster offrait des suivis personnalisés aux personnes qui le souhaitaient.
Au début des années 1980, pour trouver une femme architecte, il fallait chercher à la loupe : elles ne dépassaient pas 7 % des inscrits à l’ordre des architectes. Aujourd’hui, elles sont majoritaires dans la plupart des écoles, tandis que 46 % des architectes de moins de 34 ans sont des femmes, selon la dernière étude Archigraphie.
Pourtant, l’heure de l’égalité n’a pas encore sonné. Les carrières des diplômés des écoles d’architecture ne sont pas les mêmes. Les femmes sont bien plus souvent fonctionnaires ou salariées et moins souvent installées à leur compte, un statut traditionnellement perçu comme plus prestigieux – environ 75 % des architectes libéraux ou associés sont des hommes. Une situation qui se traduit dans les rémunérations, avec des salaires pour les femmes inférieurs de 44 % à ceux des hommes, selon un rapport récent du Haut Conseil à l’égalité.
Comment expliquer cette situation ? Tout d’abord par l’effet des représentations, qui n’ont pas été bouleversées. Les « starchitectes » sont presque tous des hommes. Depuis son lancement, en 1975, par le ministère de la culture, le Grand Prix national de l’architecture n’a primé qu’une seule femme (Anne Lacaton en 2008, en tandem avec son associé Jean-Philippe Vassal).
Les lignes bougent
« L’image de l’architecte, c’est celle d’un homme sur un chantier, soupire Amina Sellali, directrice de l’école d’architecture de Marne-la-Vallée. Quand vous êtes une femme, dans ce milieu, il faut fournir deux fois plus d’efforts pour être crédible… » La profession « s’est féminisée tardivement et garde une culture très rude, masculine », observe Olivier Chadoin, sociologue, spécialiste des carrières des architectes et enseignant à l’école d’architecture de Bordeaux.
Le métier présente d’autres spécificités, souligne cet expert : « Juste avant la remise d’un projet, lors des charrettes, beaucoup de jeunes travaillent comme des fous pendant toute la…
Appelons-le Bruno. L’homme est un micro-patron, opérateur d’une toute petite entreprise de fret ferroviaire installée dans l’est de la France. Bruno est aux abois. Sa structure de moins de dix salariés et de moins de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires va devoir, affirme-t-il, déposer le bilan. « On nous coupe les pattes, se désespère l’entrepreneur. Sur l’ensemble de mes pertes imputables à la grève des cheminots contre la réforme ferroviaire, ce printemps, – soit plus d’un quart de mon chiffre d’affaires –, SNCF Réseau me rembourse à peine 10 %. »
Dans ce secteur du fret ferroviaire, Bruno n’est pas le seul à souffrir depuis le mouvement sans précédent contre le pacte ferroviaire. Si tous les opérateurs de fret privés ne sont pas, comme Bruno, acculés à la faillite, tous ont subi de cruelles pertes d’exploitation qui risquent de les fragiliser durablement. Et tous ont le regard rivé sur les ultimes négociations de leurs représentants avec la SNCF à propos du montant final des compensations que pourrait leur verser le groupe public ferroviaire, des sommes cruciales pour l’avenir des petits acteurs du fret.
Pour comprendre la situation, remontons au problème : le mouvement social contre la réforme ferroviaire, soit trente-six jours de grève étalés entre la fin mars et la fin juin. Les trains de fret ont subi des annulations de parcours par dizaines. Et le mode opérationnel du mouvement – deux jours tous les cinq jours – a perturbé les circulations, y compris les jours de non-grève. Fret SNCF et ses concurrents privés – le marché du transport ferroviaire de marchandises est ouvert en France depuis 2003 – ont particulièrement souffert.
Dans le fret privé, on distingue deux catégories d’acteurs
L’Association française du rail (AFRA), qui représente les opérateurs ferroviaires alternatifs à la SNCF, s’est alors rapidement tournée vers SNCF Réseau, l’entité de la SNCF qui gère les rails, attribue les droits de circulation…
Voix d’orientation. Le Monde Campus etLa ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour fairetémoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Florent, 30 ans, Paris.
Un jour, dans mon précédent – et premier – job d’ingénieur, mon chef m’a demandé de réaliser une mission d’expertise sur un cas de pollution environnementale. Deux conclusions étaient possibles après enquête : soit on arrêtait une activité quelques jours pour réparer une fuite de gaz à fort effet de serre, soit on continuait. Cette deuxième solution évitait à l’entreprise de perdre de l’argent, mais causait l’émission d’une grande quantité de gaz dans l’atmosphère. J’ai préconisé la première solution. Pas de chance ; pour ma direction, l’argent primait sur l’environnement. On m’a donc demandé de changer ma conclusion. J’ai refusé. Mon chef l’a modifiée lui-même. J’ai refusé de signer le rapport. La situation a dégénéré et je me suis retrouvé en entretien disciplinaire. Mon chef m’a alors lancé cette phrase : « Florent, il ne faut pas laisser tes valeurs personnelles interférer avec le travail. »
Ce jour-là, je me suis rendu compte que j’avais une conception du travail à l’opposé de celle de ma hiérarchie. Pour eux, un travail sert avant tout à générer un revenu. Un bon travailleur doit faire preuve de loyauté envers son entreprise, qui le paie pour effectuer un travail précis et défendre les intérêts de l’entreprise. A leurs yeux, je faisais preuve d’ingratitude et de déloyauté. A l’inverse, pour moi, qui ai besoin d’être convaincu que mon travail contribue à rendre le monde meilleur, mes chefs étaient des mercenaires dénués de valeurs morales.
Rendre le monde plus tolérant
Quelque temps auparavant, j’avais commencé à me poser la question du sens dans mon boulot. De son utilité. Est-ce que je suis utile à la société ? Est-ce que, si je pars, quelqu’un verra une différence ? Beaucoup de gens se posent ce genre de questions. Moi, elles ne voulaient plus sortir de ma tête. J’étais ingénieur dans une grande entreprise française, ce qui représente l’Everest du monde du travail pour mes grands-parents. Je vivais confortablement et, si j’avais voulu, j’aurais pu y faire mes quarante-deux ans de carrière avant une retraite tranquille, dans une maison à la campagne avec un labrador.
Mais voilà, ce n’était pas ce que je voulais. Le « sens » au travail, c’est pour moi la sensation de participer à un projet utile aux gens, qui contribue à rendre le monde plus tolérant, plus vert, plus engagé. Pour mes chefs, le sens au travail est sans doute complètement différent : la sensation d’avoir fait grandir une entreprise ? La satisfaction d’avoir accompli un devoir avec une parfaite loyauté ? Sans doute.
Loin de moi l’idée de porter un jugement définitif sur leur vision du travail ou la mienne, je ne sais pas si l’une est meilleure que l’autre. Elles sont simplement très différentes. Et ce jour-là, j’ai compris que ces deux visions n’étaient pour moi pas compatibles. Je suis devenu obsédé par ce besoin de trouver mon utilité, une vocation. Avec un collègue, on voulait réinventer le monde. Vaste projet ! On a alors commencé par se demander pourquoi les gens n’étaient plus engagés, et comment on devient un citoyen engagé.
On a découvert qu’il y avait pas mal d’étapes à franchir avant de s’engager : être informé des problématiques de société, se faire son opinion sur ces questions, avoir des outils pour faire le premier pas vers l’engagement. Cela nous semblait compliqué. Alors, on a créé un journal, Le Drenche, qui accompagne les gens sur ce chemin de l’engagement, et permet aux lecteurs de mieux comprendre les personnes pensant différemment.
Cela nous a pris deux ans. On a travaillé le soir après le boulot, puis je suis passé à temps partiel. Et les doutes : est-ce que je suis bien sûr de ce que je fais ? C’est pas trop risqué ? Et si j’étais en train de rêver, de me bercer d’illusions ? Je me revois encore tout tremblant le jour où j’ai apporté ma démission à mon chef. Et je ne regrette pas. Parce que l’utilité que je trouve aujourd’hui me donne plus d’énergie au quotidien qu’un bon salaire et des conditions confortables. Et que je sais que si je devais reprendre un emploi salarié dans une entreprise, l’utilité sociale de la structure serait pour moi le premier critère de choix. Si vous demandez aux gens ce qui les rendra heureux sur leur lit de mort, peu vous répondront : « Une belle carrière dans une grosse boîte. »
Depuis quelques années, la mode de l’after work a transformé les terrasses de cafés en annexes du bureau. Ce rituel, consistant à se réunir entre collègues autour de pintes de bières bon marché une fois la journée de boulot terminée, fait partie de ces nouvelles zones grises que l’entreprise affectionne, voire encourage. Ce n’est ni vraiment du travail stricto sensu ni pleinement du loisir, mais un cocktail entre les deux. Ces agrégations éthyliques plus ou moins informelles peuvent aussi être le fait d’un groupe d’amis qui cherchent à développer un projet de business révolutionnaire, de type pantoufle connectée.
Tous ces cas de figure servent de cadre à une pratique en vogue : le « drinkstorming ». Contraction de drink (« boire ») et brainstorming (« phosphorer collectivement au point de produire l’équivalent d’une tempête de cerveau »), le drinkstorming pourrait se définir comme une réunion camouflée en apéro. Ou, inversement, un apéro travesti en réunion. Dans un cas comme dans l’autre, l’alcool s’invite au cœur des interactions et influe largement sur la phénoménologie des débats.
Phrases définitives, hurlées à la cantonade
Le premier attrait du drinkstorming est qu’il permet de rompre avec le format extrêmement pesant de la réunion classique, où l’on est habituellement invité à mastiquer des chouquettes dans un état semi-comateux. Cette absence de cadre contraignant, à laquelle s’ajoute une abondance de breuvage houblonné, semble, dans un premier temps, huiler les mécaniques oratoires.
On a alors le sentiment enthousiasmant que la communication se fluidifie et que l’on accède à des idées de génie, comme si elles étaient disponibles en open bar.
C’est généralement à ce moment-là du drinkstorming que l’on se met à vociférer des phrases définitives, juché sur ses certitudes d’autoproclamé solutionniste en chef. « Mais c’est ça qu’il faut faire, bordel ! On la…
Des manageurs de choc ? Des diplômés férus de nouvelles technologies ? Quels profils les recruteurs recherchent-ils à la sortie des écoles de commerce ? Quelles compétences privilégient-ils ? Leurs attentes convergent sur de nombreux points. Sur la maîtrise des savoirs fondamentaux (finance, marketing, comptabilité…), les entreprises sont satisfaites : la formation dispensée correspond à leurs besoins.
Les liens étroits qu’entretiennent les écoles avec le monde du travail y contribuent fortement. « Mais nous devons veiller à maintenir le niveau d’excellence de nos enseignements et à développer de nouvelles compétences », souligne Raphaëlle Gautier, directrice du pôle carrières et partenariats à HEC.
Des diplômés « agiles »
Entre deux candidats, la différence se fait donc ailleurs : sur la personnalité. Aptitude à communiquer, empathie, leadership… « La plupart des recruteurs mettent l’accent sur l’enthousiasme, le charisme, “les yeux qui pétillent”, la motivation, observe Marielle Lassarat, responsable du parcours carrière à EM Normandie. Ils souhaitent des candidats curieux et ouverts d’esprit. » Outre les compétences, les recruteurs attendent un certain « savoir-être ».
Attention aussi à la cohérence du parcours. « Avoir suivi une option banque-finance en troisième année ou avoir effectué un stage dans une banque peut montrer que l’on s’intéresse à nos métiers. C’est un atout, même s’il ne s’agit pas du seul critère », souligne Nadia Guermazi-Renucci, responsable recrutement, mobilité et formation France de BNP Paribas. Une spécialisation métier, avec un mastère ou un MSc par exemple, peut également aider.
« Ils doivent être prêts en permanence à changer de service ou de périmètre, à négocier de manière flexible, quitte à subir des frustrations », affirme Sylvia Di Pasquale, rédactrice en chef de Cadremploi
Rien que de très classique, donc… Ces attentes s’expriment depuis des années. Le discours des recruteurs serait-il immuable ? Un mot, pourtant, revient désormais en boucle chez les DRH : adaptabilité. « Plutôt que de purs spécialistes de nos métiers, nous recherchons des diplômés avec une forte capacité d’adaptation, poursuit Nadia Guermazi-Renucci. Nos futurs manageurs vont évoluer dans un monde en profonde mutation. Ils devront faire face à des situations inédites, s’ajuster à de nouvelles formes de travail et d’organisation. Il leur faudra raisonner juste, prendre les bonnes décisions, accompagner leurs collaborateurs et donner du sens à leurs actions. »
Avoir voyagé
Avantage, par conséquent, aux diplômés « agiles ». « Ils doivent être prêts en permanence à changer de service ou de périmètre, à négocier de manière flexible, quitte à subir des frustrations… Il leur faut de la bienveillance, de l’esprit de partage. Plus que des manageurs, ils doivent être des coachs pour leurs équipes », ajoute Sylvia Di Pasquale, rédactrice en chef de Cadremploi. « Autrefois, on recrutait des gens qui avaient beaucoup appris. Aujourd’hui, on recherche des jeunes qui ont appris à apprendre », note pour sa part Laurent Choain, DRH du groupe Mazars.
Autre impératif toujours plus répandu : l’ouverture internationale – même si l’on n’envisage pas de travailler à l’étranger. Parce que les marchés se globalisent. Mais aussi parce qu’un séjour à l’étranger, au-delà de l’acquisition des langues, permet de mûrir. « L’expérience internationale durant les études est un gage de capacité d’adaptation et d’ouverture d’esprit », souligne-t-on chez BNP Paribas. « Les DRH adorent les diplômés qui ont bourlingué, effectué des stages à l’étranger, multiplié les expériences exotiques », confirme Sylvia Di Pasquale.
Les DRH cherchent des manageurs capables de piloter la transformation numérique et d’intégrer les nouvelles stratégies liées à Internet
Ce n’est pas tout. Recruteurs et entreprises épousent forcément les évolutions de la société et cela se traduit par de nouvelles attentes sur trois points. D’abord, le numérique : « Les candidats doivent démontrer leurs capacités relationnelles avec les moyens d’aujourd’hui. Par exemple, avoir plus de 500 contacts sur LinkedIn », estime Laurent Choain. Même constat pour Marielle Lassarat : « Les employeurs recherchent des jeunes “connectés”, capables de jongler avec les nouveaux outils, et notamment de travailler en équipe à distance. »
Dans cette nouvelle ère du Web et des datas, tout le monde est à l’affût de manageurs pour piloter la transformation numérique et intégrer les nouvelles stratégies liées à Internet. Autre thématique montante chez les DRH, la « responsabilité sociétale » (éthique, environnement, développement durable…). Une exigence croissante d’ailleurs partagée par les étudiants eux-mêmes. « Aux yeux des entreprises, l’école et ses diplômés doivent avoir un impact positif sur leur environnement », note Raphaëlle Gautier d’HEC.
Enfin, et cela peut paraître paradoxal, les recruteurs s’intéressent de plus en plus à l’entrepreneuriat. « Ils apprécient l’état d’esprit lié à la création de start-up. Ils souhaitent accueillir des “intrapreneurs”, qui sauront prendre des risques, observe Raphaëlle Gautier. Et ils ont envie de mieux comprendre ce nouvel écosystème – voire de l’intégrer à leurs activités. » L’Oréal a ainsi créé une chaire sur l’entrepreneuriat à HEC ; BNP Paribas ouvre des espaces de collaboration avec des jeunes pousses…
Car si les exigences des recruteurs sont orientées à la hausse, celles de leurs futures recrues ne le sont pas moins.