KLM lutte pour protéger son autonomie vis-à-vis d’Air France

Benjamin Smith, directeur général d’Air France-KLM (au centre), et Pieter Elbers (à gauche), PDG de KLM, en visite à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, en octobre 2018.
Benjamin Smith, directeur général d’Air France-KLM (au centre), et Pieter Elbers (à gauche), PDG de KLM, en visite à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, en octobre 2018. Elodie Gregoire / Air France

Une partie des salariés de la compagnie néerlandaise redoute que le mandat de leur patron ne soit pas renouvelé par Air France-KLM en avril.

Un parfum de fronde flotte dans l’air chez KLM. Une partie des salariés de la compagnie néerlandaise se mobilise pour parvenir au renouvellement, en avril, du mandat de son président, Pieter Elbers. Une pétition lancée vendredi 1er février a déjà recueilli environ 9 000 signatures sur les 32 000 salariés de KLM.

Aux Pays-Bas, certains prêtent à Benjamin Smith, le directeur général d’Air France-KLM, la volonté de bénéficier de l’occasion pour s’en débarrasser. Une inquiétude née il y a quelques semaines, à l’occasion d’une visite à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol. Face aux cadres et aux personnels de la compagnie néerlandaise, dont il a salué les résultats, il n’a jamais prononcé le nom du patron de KLM.

En décembre, dans un entretien au site spécialisé Luchtvaartnieuws, M. Elbers avait rappelé son souhait de conserver ses fonctions « pour quatre ans de plus, au moins ». Du côté d’Air France-KLM, on fait savoir que « des discussions » ont lieu entre les deux conseils d’administration d’Air France-KLM et de KLM. Toutefois, M. Smith « n’a encore pris aucune décision ». Selon nos renseignements, celle-ci ne devrait pas intervenir avant la publication des résultats annuels du groupe, prévue le 20 février. « Il n’y a pas d’urgence. Le calendrier, c’est fin avril », fait-on savoir de bonne source.

Aux yeux du patron d’Air France-KLM, Pieter Elbers exposerait deux défauts rédhibitoires. D’une part, il a fait figure de rival potentiel. A la suite de la démission de Jean-Marc Janaillac d’Air France-KLM, en mai 2018, il a longtemps été montré comme un possible successeur. « Il n’y a pas de question d’ego », veut-on croire chez Air France-KLM. D’autre part, il serait devenu gênant sur le plan stratégique.

« Créer des synergies et de la valeur »

Depuis son arrivée, à l’été 2018, à la direction générale d’Air France-KLM, Benjamin Smith a pris les commandes d’Air France. Il a débarqué sans états d’âme deux des principaux cadres de la compagnie, le directeur général Franck Terner et le directeur des ressources humaines Gilles Gateau.

Dans la foulée, il a appelé une nouvelle équipe dirigeante, avec « la volonté de garder la main sur Air France », note un syndicaliste de la compagnie. Outre ce renouvellement des cadres, M. Smith a taillé dans les marques du groupe, actant l’éloignement de Joon et le passage sous pavillon Air France de Hop !, filiale axée sur les vols court-courriers et les transversales régionales.

« Chômage en masse mais emplois non pourvus : où est le défaut ? »

 

De nombreuses offres d’emploi restent non pourvues en France.
De nombreuses offres d’emploi restent non pourvues en France. PÔLE EMPLOI/ FLICKR/CC BY 2.0

Dans sa chronique, Gilbert Cette l’économiste estime que pour accepter de résoudre les difficultés de recrutement, il faut réformer la formation professionnelle et rendre certaines professions plus attractives.

La simultanéité des difficultés de recrutement et d’un chômage en gros soulève des interrogations sur la concordance entre la formation des actifs et les besoins des entreprises. Ce thème faisait l’objet d’une conférence structurée le 18 décembre 2018 par la direction des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail. Il ressort des travaux présentés, comme par exemple ceux de Michael Orand (DARES), que cette coexistence traduit en réalité des situations contrastées selon les secteurs, et n’appelle donc ni les mêmes réponses, ni des procès simplistes sur l’inertie des demandeurs d’emploi ou les exigences démesurées des employeurs.

Les fortes créations d’emplois sur les dernières années se sont interprétées dans de nombreux pays européens par l’augmentation depuis 2015 des difficultés de recrutement signalées par les entreprises, jusqu’à des niveaux récents depuis dix ans. Cela n’est guère étonnant dans des pays à faible taux de chômage, comme l’Allemagne, où le marché du travail est globalement en tension. Elles sont plus surprenantes en France qui pâtit toujours d’un chômage massif. Elles y font craindre l’émergence de freins à la croissance et donc aux créations d’emploi et à la baisse du chômage, qui seraient liées à un mauvais fonctionnement du marché du travail.

Fortes tensions

La « courbe de Beveridge » – du nom de l’économiste et politicien britannique William Beveridge (1879-1963), théoricien et pionnier de l’Etat-providence – fournit une représentation synthétique de la qualité de ce fonctionnement : elle associe le taux de chômage aux offres d’emploi non satisfaites. Cette relation est négative, une diminution du taux de chômage se traduisant logiquement par de plus fortes tensions. Or, comme l’a montré une nouvelle étude (Le marché du travail français est-il en tension ?, de Françoise Drumetz et Rémy Lecat, Bloc-note Eco, Banque de France), on observe un déplacement de cette courbe vers le haut sur les années récentes en France : les tensions sont plus fortes alors que le taux de chômage reste le même, ce qui certifierait de la dégradation du fonctionnement du marché

IUT, licences pro, bachelors : mutations en vue

Un rapport recommande d’allonger la scolarité des IUT à trois ans et de réformer la licence professionnelle. Des décisions sont attendues bientôt.

Alourdi et détourné de ses fonctions initiales, l’enseignement supérieur court et professionnalisant – surtout les instituts universitaires de technologie (IUT) et les licences professionnelles – est à un tournant. Le diagnostic a été posé : au lieu d’être avant tout des tremplins vers l’emploi, ces filières sont devenues des tremplins vers les études longues – tandis que les bacheliers généraux sont de plus en plus nombreux à s’y intéresser.

En en plus, les jeunes qui décident de s’insérer sur le marché du travail à bac + 2 et bac + 3 réussissent des niveaux d’emploi insuffisants, qui ne sont pas, pour 45 % d’entre eux, en adéquation avec leur formation. Alors même qu’il existe des besoins sur le marché du travail. Ces constats ont conduit le ministère de l’enseignement supérieur à décocher en octobre une concertation sur la modernisation des formations courtes postbac.

Mission d’immatriculation professionnelle

A l’issue d’une consultation de divers acteurs, un rapport a été remis à la ministre, Frédérique Vidal, le 31 janvier 2019. Il offre de réorganiser l’accueil des étudiants dans ces formations et « de faire en sorte d’améliorer leur réussite », déclare François Germinet, président de l’université de Cergy-Pontoise et corapporteur du texte. Surtout pour les bacheliers technologiques qui s’engagent dans les IUT, et s’y trouvent en concurrence avec des bacheliers généraux.

« Il s’agit de rééquilibrer progressivement à 50/50 la part des diplômés qui entrent sur le marché du travail et celle qui continue les études », François Germinet

Deuxième objectif : convenir ces formations courtes sur leur mission d’insertion professionnelle, les besoins en professions moyennes étant réels du côté des entreprises. Or, actuellement, 90 % des titulaires d’un diplôme universitaire de technologie (DUT) continent leurs études. « Il ne s’agit pas de fermer cette possibilité, mais de rééquilibrer progressivement à 50/50 la part qui entre sur le marché du travail et celle qui continue les études », énonce François Germinet.

Plusieurs passerelles

Pour mieux former les étudiants et s’aligner aux besoins du marché, les DUT, en ce moment en deux ans, devraient ainsi voir leur cursus allongé à trois ans. Un chantier qui, selon toute vraisemblance, ne débutera pas avant la rentrée 2020. Autre préconisation : les programmes auraient un plus faible caractère national (70 % des contenus, contre 80 % actuellement).

Finalement, plusieurs passerelles devraient être facilitées tout au long du cycle. Avec la question – que devra trancher le ministère – d’une certification intermédiaire à bac + 2. Un moyen de « sécuriser les parcours », différemment dit de conserver l’attractivité du DUT pour les publics les plus fragiles, qui pourraient être échaudés à l’idée de s’engager dans une voie pour trois années, « que cela soit pour des raisons sociales, financières ou géographiques », précise le rapport.

Ce nouveau DUT qui délivrera un diplôme bac +3 (« grade de licence ») sera « plus adapté à l’individualisation des parcours », déclare Rodolphe Dalle, l’autre rapporteur, président de l’Assemblée des directeurs d’IUT (Adiut). Le réseau attend aussitôt les décisions du ministère avant de s’atteler à la lourde tâche de refonte de tous les programmes.

Une licence pro étalée

Autre atelier parallèle : la réforme de la licence professionnelle. Ces formations pourraient être étalées sur trois ans (actuellement, ce ne sont que des troisièmes années de licences). Avec, selon les cas, des intégrations possibles en deuxième ou troisième année. Certaines de ces licences pro (les moins spécialisées) s’introduiraient dans les nouveaux parcours en trois ans des DUT. D’autres garderaient leur filière propre.

Reste à savoir quelles conséquences cette réorganisation aura sur le recrutement des grandes écoles. Nombre d’entre elles puisent en effet dans les viviers des BTS, DUT et licence pro pour remplir leurs promotions avec des « admissions parallèles », qui constituent souvent plus de la moitié de leurs effectifs. Au lieu d’aller chercher des candidats à la sortie des DUT, « ces écoles pourraient recruter à bac + 2 dans les doubles licences, et développer le recrutement à bac + 3 en licence générale », préconise François Germinet. Ce qui semble convenir au président de l’Adiut : « On ne peut pas demander aux IUT d’être à la fois des acteurs importants de l’insertion professionnelle tout en alimentant de manière significative les écoles en diplômés ! »

Le bachelor en attente d’un « grade de licence »

Autre sujet brûlant dans ce paysage : le bachelor. Les établissements de la Conférence des grandes écoles (CGE) sollicitent l’attribution par l’Etat du « grade de licence » (un label d’état, garant d’une certaine qualité) pour leurs programmes bachelor. A la manière du « grade de master » qu’elles ont obtenu pour leurs diplômes bac + 5.

Les bachelors, cursus postbac en trois ou quatre ans, se sont amplement développés ces dernières années dans les écoles de commerce et d’ingénieurs. Leurs diplômés peinent parfois à poursuivre leurs études, en cycle master à l’université ou à l’étranger, faute de reconnaissance officielle de leur diplôme dans le système public. Et les familles peuvent être désorientées par une offre privée foisonnante et peu contrôlée. Ce dossier est porté par la CGE depuis plusieurs années, et le ministère de l’enseignement supérieur semble désormais prêt à l’étudier.

« Diplôme roi »

« Le bachelor est venu rebattre les cartes, avec une forte appétence des jeunes et des familles, mais aussi des entreprises, pour ces formations », admet François Germinet. Mais les rapporteurs se montrent très prudents envers ces formations coûteuses, qui entrent clairement en concurrence avec les DUT, les BTS et les licences. Leurs arguments : ces bachelors sont des formations très hétéroclites du point de vue de leur qualité. L’usage du terme « bachelor » n’est en effet pas protégé (contrairement à celui de master). « Les bachelors se développent, y compris dans des établissements hors de la Conférence des grandes écoles », constate Anne-Lucie Wack, la présidente de la CGE.

« Il faut qu’un système d’accréditation garantisse la qualité de ces formations et devienne un gage de confiance pour les familles », déclare Anne-Lucie Wack

« Ce n’est guère étonnant, c’est le diplôme roi à l’international. Il faut qu’un système d’accréditation garantisse la qualité de ces formations et devienne un gage de confiance pour les familles. » Ces formations seraient observées par l’Etat selon plusieurs critères – encore à déterminer –, à débuter par la qualité académique, les liens avec l’entreprise ou le niveau d’insertion professionnelle. Ce dossier est désormais entre les mains de Jacques Biot, ancien président de Polytechnique, et Patrick Lévy, président de l’université de Grenoble-Alpes, chargés par Frédérique Vidal de redonner un rapport sur le sujet courant février.

 

A Sciences Po, une vraie face de la différence

L’Institut d’études politiques parisien multiplie les voies de recrutement, mais trouve  encore une difficulté à s’ouvrir aux jeunes des zones rurales et périphériques. Une réforme des voies d’accès en première année est prévue en 2021.

Claire l’avoue aisément. Avec ses « bons résultats sans plus » – bac ES mention « assez bien » dans un lycée privé parisien –, elle aurait eu du mal à intégrer Sciences Po Paris à la fin de son année de terminale. Aisément conseillée, elle a convaincu ses parents de la laisser partir suivre une licence de sciences politiques en Angleterre, à l’université d’York. En janvier 2017, six mois avant l’obtention de sa licence, elle postule à Sciences Po afin d’intégrer l’école en master. Non pas par le concours classique, mais par la procédure internationale, un mécanisme réservé aux étrangers et aussi – et ils sont nombreux – aux Français qui ont étudié hors de nos frontières.

Pas de bachotage durant des mois. Pas d’angoisse en  vue d’un sujet de dissertation inconnu. Pas de stress avant un entretien décisif. Juste une lettre précieusement préparée et un dossier. Quelques semaines plus tard, la réponse tombe : elle est admise à la prochaine rentrée. « Quand je suis partie en Angleterre, j’avais en tête que cette stratégie me permettrait d’intégrer une meilleure école que celle à laquelle je pouvais prétendre après le bac ou en faisant une prépa, que cela soit Sciences Po ou une école de commerce type HEC », décalre celle qui dit avoir acquis de l’autre côté de la Manche, outre un très bon niveau d’anglais, une capacité à « penser par elle-même », et qui fait un « stage dans une start-up de cosmétiques naturels », entre ses deux années de master.

La méconnue procédure internationale

Si cet action internationale permet à Sciences Po de diversifier le pedigree de ses admis, elle reste exclusivement aux connaisseurs. Des « initiés » qui savent que seuls les excellents élèves réussissent à entrer à Sciences Po après le bac. En juin 2018, 86 % des 5 680 lycéens qui se sont présentés au concours ont été recalés. Ceux qui traversent la ligne « ont rarement eu moins de 16/20 de moyenne aux épreuves anticipées du bac, détaille Bénédicte Durand, directrice des études et de la scolarité à Sciences Po. L’année dernière, 97 % de nos admis en première année ont eu une mention “bien” ou “très bien” ».

Avec 17/20 de moyenne en première et 18/20 en terminale ES, Cyann rentrait dans ces cases. Née en Ardèche, elle va au lycée à Privas, la plus petite préfecture de France. Elle se considère comme faisant partie des « privilégiés » : ses parents, enseignants tous les deux, la supportent dans ses révisions et l’aident à comprendre les critères attendus, l’inscrivent à la prépa du CNED dès la première… Soirs et week-ends sont dédié à la préparation du concours – elle se garde juste du temps pour ses cours de théâtre. « Je lisais beaucoup moins de romans qu’avant, et faisais moins de sport, voyais moins mes amis. »

 

RSA : 1 bénéficiaire sur 4 toujours pas guidé au bout de 6 mois

Une personne présente les brochures informant sur le RSA mises à la disposition des usagers dans un centre de la CAF à Paris.
Une personne présente les brochures informant sur le RSA mises à la disposition des usagers dans un centre de la CAF à Paris. FRANCOIS GUILLOT / AFP

Selon une étude de la Drees, 17 % des personnes profitant du revenu de solidarité active n’ont pas été orientées par leur conseil départemental six mois après leur inscription.

Le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) « orientés vers un parcours d’insertion » a doucement amélioré en 2017, mais près d’un quart n’était toujours pas accompagné au bout de six mois, selon une étude publiée jeudi 7 février par la Drees.

La quasi-totalité des attributaires du RSA et de leurs conjoints, soit 2,1 millions de personnes majeures, étaient fin 2017 « soumis aux droits et devoirs associés à cette prestation », rappelle le service statistique des ministères sociaux.

Mais le droit à un complément et l’obligation de recherche d’emploi restaient théoriques pour 17 % des intéressés, qui n’avaient pas été « orientés » par leur conseil départemental.

Variable selon le département

Ce rapport a doucement baissé par rapport à fin 2015 (20 %) et dépend logiquement de « l’ancienneté dans le RSA » : avant 6 mois elle culmine à 50 %, entre 6 mois et un an elle atteint 23 %, au-delà d’un an elle concerne encore 12 % des bénéficiaires.

Le taux de complément varie aussi fortement d’un département à l’autre : Paris et la Sarthe approchent du sans-faute avec 98 %, quand les Ardennes sont à la peine avec 48 %.

Les écarts sont encore plus formulés pour le délai « entre la date de demande du RSA et celle d’orientation vers un chemin d’orientation », qui était en moyenne de 94 jours en 2017, avec un minimum de 32 jours en Eure-et-Loir et un maximum de 162 jours dans l’Yonne – cette donnée n’étant disponible que pour la moitié des départements.

 

Salariés aléatoires : comment les contrats courts ont été augmenté en trente ans

Suivant les derniers chiffres de l’Insee, la proportion de salariés embauchés en contrat court s’est fixée depuis les années 2010 après avoir été multipliée par quatre.

En 2017, 1,2 million de personnes « en emploi » ont utilisé un contrat court – moins de trois mois –, que ce soit en CDD ou en mission d’intérim. Cela représente 4,4 % de tous les salariés à un instant T de l’année 2017. Cependant si, à un instant donné, les contrats courts sont très minoritaires dans l’emploi, ils représentent près de 75 % des embauches (hors intérim), contre 55 % en 2004, un salarié pouvant être embauché plusieurs fois dans l’année en contrat court.

Cette augmentation en trente-cinq ans cache d’importants écarts entre les différentes catégories socioprofessionnelles. Ainsi, chez les ouvriers, la part de contrats courts est de 10,6 %, bien plus élevée que celle que l’on retrouve chez les cadres (1,5 %). Mais, même à l’intérieur de ces catégories, les disparités peuvent apparenter à des gouffres.

Chez les ouvriers, on monte à 22,4 % chez les « ouvriers non qualifiés de type industriel » ou 15,6 % chez les ouvriers agricoles. A l’inverse, chez les cadres, cette part explose à 16,4 % dans les « professions de l’information » ou celles « des arts et des spectacles », voire la restauration, où il existe la éventualité d’embaucher en CDD d’usage (pour des besoins ponctuels ou occasionnels, il n’est soumis à aucun délai de carence et ne donne pas droit à une prime de précarité en fin de contrat).

Chez tous les salariés intéressés par les contrats courts, la proportion de ceux qui vivent avec moins de 1 000 euros par mois est plus élevée que dans le reste de la population « en emploi ». Ils sont environ 17 % à être en dessous de ce seuil, que l’Insee observe comme un seuil de pauvreté, contre 8 % pour les personnes qui occupent un emploi en France.

 

Agrégation : seulement 15 % des candidats arrive à avoir le Graal de l’enseignement

Les Ecoles normales supérieures demeurent la voie royale pour accéder à ce concours très sélectif qui ouvre un accès privilégié aux lycées et aux classes préparatoires aux grandes écoles.

Particularité française, l’agrégation du second degré est, depuis le XVIIIe siècle, le signe distinctif de l’aristocratie enseignante. « Les attentes, le référentiel de compétences d’un poste d’agrégé sont les mêmes que celui d’un certifié, mais pas le statut, plus intéressante et mieux perçu en termes de réussite sociale », résume la sociologue Géraldine Farges, auteure des Mondes enseignants (PUF, 2017).

Ce concours, qui propose aux professeurs un accès privilégié aux lycées et aux classes préparatoires aux grandes écoles, reste l’apanage d’une certaine élite scolaire. Avec un taux moyen de réussite, toutes disciplines confondues, compris entre 10 % et 13 % de 2006 à 2010 et qui tourne autour de 15 % depuis 2011 (15,03 % en 2018), l’agrégation externe, réservée aux titulaires d’un master, est le concours enseignant le plus sélectif. Avec des écarts importants selon les disciplines. Le taux est ainsi de 9 % pour la philo et de 11 % pour l’histoire, mais de 32 % pour l’agrégation de grammaire, qui attire par ailleurs peu de candidats.

Réussir l’agreg est une épreuve intellectuelle mais aussi « physique » et « psychologique », insiste Blanche Lochmann, la présidente de la Société des agrégés, elle-même agrégée de lettres classiques. Les élèves des Ecoles normales supérieures (ENS) – Ulm, Lyon, Paris-Saclay (ex-Cachan) et Rennes –, rigoureusement sélectionnés en amont à la sortie des classes préparatoires et payés durant leurs études, sont les mieux entraînés à l’affronter. Ce qui développe leur surreprésentation chaque année parmi les admis : en 2017, les normaliens constituaient un quart des 1 747 lauréats à l’agrégation externe de l’enseignement public (chiffre qui englobe aussi les admis au concours de l’agrégation spéciale, réservée aux titulaires d’un doctorat, et les auditeurs libres acceptés au sein des préparations au concours des ENS).

« Forte attractivité »

Le gros des troupes (38 %) des reçus à l’agreg sont issus de la fac, où ils ont enchaîné un master, et suivi une préparation à l’agrégation. Ces sections sont situées de préférence dans les grands établissements, dont beaucoup en région parisienne : « Paris-I et Paris-IV en histoire, Sorbonne Université ou Orsay en maths, par exemple », illustre Pierre Verschueren, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté, et agrégé d’histoire. Des préparations performantes à condition d’être justifié : « L’agrégation se joue beaucoup sur le mental, il ne faut pas lâcher. Quand on est dans une classe de 20 élèves à l’ENS Ulm, c’est moins difficile que quand on est perdu au milieu de 150 personnes à Paris-I… », Déclare-t-il.

 

l’AFPA contrainte à se joindre ou à disparaître par la Cour des comptes

Face aux difficultés financières, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) se retrouve devant à un choix très simple : soit « elle évolue en profondeur », soit « elle est vouée à disparaître ». Voilà le constat sans appel que dresse la Cour des comptes, dans son rapport annuel diffusé mercredi 6 février. La haute juridiction estime, en effet, qu’« une restructuration de grande ampleur, à mener sans délai, (…) est nécessaire pour redresser la situation » de cet établissement public, qui emploie environ 8 000 personnes et affiche « une perte d’exploitation cumulée » de près de 508 millions d’euros entre 2013 et 2017.

En 2017, les deux tiers des sans-emploi ayant effectué un stage à l’AFPA ont décroché un emploi « au cours des six mois suivants ».

Une telle défaite est difficile à admettre pour « un opérateur de référence » comme l’AFPA. Celle-ci peut se prévaloir d’un « savoir-faire dans le domaine pédagogique » qui est connu et elle dispose d’un réseau de « plateaux techniques » à travers le territoire sans équivalent. Ses performances en matière d’insertion professionnelle sont au-dessus de la moyenne : ainsi, en 2017, les deux tiers des chômeurs ayant effectué un stage à l’AFPA ont décroché un emploi « au cours des six mois suivants ». De surcroît, elle « joue un rôle important dans la formation des moins qualifiés » et anime un programme d’accompagnement en faveur de réfugiés qui produit des résultats très intéressants.

Contre tous ces atouts, l’agence est sur la pente du déclin depuis une dizaine d’années. Deux facteurs essentiels ont pesé : l’ouverture à la concurrence de la formation professionnelle et le transfert aux régions des compétences sur cette thématique. Pour l’AFPA, cette répartition des cartes s’est traduite par une baisse des commandes qui lui sont adressées. Dans le même temps, sa « compétitivité » s’est érodée, du fait de « coûts de structure trop élevés ». Les dépenses de personnel représentaient 62 % des charges d’exploitation en moyenne, sur la période 2013-2017. Un poids lié à la présence de nombreux cadres dans les effectifs (33 %, soit presque vingt points de plus que la moyenne calculée dans les autres organismes de formation professionnelle).

Des « défaillances » dans son « organisation »

La direction a essayé de corriger le tir, avec l’aide des pouvoirs publics, en engageant une « refondation » en 2012. Sans succès. Ce qui démontre « une incapacité à s’adapter ». L’AFPA est responsable de cet état de fait, avec des « défaillances » dans son « organisation » qui n’ont pas été traitées. Mais l’État n’est pas exempt de reproches puisque son action s’est bornée, durant des années, à renflouer l’AFPA en injectant des dizaines de millions d’euros, sans fixer de cap clair, aux yeux de la Cour.

« Après une décennie d’atermoiements coûteux », un « plan de transformation » a « enfin » été présenté en octobre 2018. Il prévoit, à ce stade, la suppression de 1 540 emplois et la création de 600 postes ainsi que la fermeture d’une quarantaine de sites. L’offre de services sera renouvelée, tout en restant concentrée sur le cœur de métier de l’établissement : les publics espacés de l’emploi et ceux qui évoluent vers d’autres horizons professionnels. En dépit de ces mesures, que la Cour approuve, « l’avenir de l’AFPA est loin d’être assuré », d’autant que son chiffre d’affaires va continuer de décroître, à court terme. Il lui dépendra donc de « revoir [son] modèle économique, pour le rendre compétitif » et de « restaurer [sa] rentabilité ».

De son côté, l’État devra « pleinement assumer son rôle de tutelle en accompagnant » la mutation de l’agence. Toute nouvelle aide financière qu’il lui accordera devra être préparée « à des objectifs précis de résultat financier » : s’ils ne sont pas atteints, « la fermeture » de l’opérateur sera à envisager, pour les magistrats de la rue Cambon. Difficile d’être plus clair.

 

Délit au travail détaché : la Cour des comptes appelle à une plus grande détermination

Dans son rapport annuel exposé mercredi, la juridiction financière estime que le système de sanctions de la France est trop faible contre ce type d’emploi en développement.

Des améliorations ont été accomplies pour combattre la fraude au travail détaché, mais il subsiste d’« importantes marges d’amélioration ». Dans son rapport annuel, la Cour des comptes suggère plusieurs pistes afin d’endiguer le phénomène, synonyme de droits violés pour les salariés, de concurrence déloyale pour les entreprises et de recettes perdues pour la Sécurité sociale.

En 2017, quelque 516 000 personnes ont été utilisées en France dans le cadre d’un détachement – procédure qui permet à une société européenne d’envoyer du personnel dans un autre Etat membre de l’Union, pour une mission temporaire. Les patrons intéressés sont tenus de respecter le « noyau dur » du code du travail applicable dans le pays d’accueil – c’est-à-dire un corpus de règles fondamentales sur le smic, la durée maximale de travail, etc. En revanche, le travailleur détaché reste affilié au système de protection sociale du pays d’origine, avec des taux de cotisation qui sont souvent inférieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le détachement est régulièrement critiqué, au motif qu’il inciterait l’importation de main-d’œuvre à moindre coût, au détriment d’entreprises tricolores qui ne peuvent pas lutter à armes égales.

En France, l’appel à cette forme d’emploi, qui s’est beaucoup développée depuis l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale et orientale, se révèle « significatif » dans plusieurs secteurs : l’agriculture, en tout premier lieu, mais aussi le BTP et, dans une moindre mesure, l’industrie, énumère la Cour des comptes. Ce sont les Portugais qui œuvrent le plus fréquemment sous ce régime juridique, devant les Polonais, les Allemands et les Roumains (pour l’exercice 2017). Fait très étonnant : les Français arrivent en cinquième position ; les sociétés qui les emploient de cette façon sont principalement implantées au Luxembourg, en Allemagne, en Belgique et… à Monaco !

« Ce n’est pas le statut en lui-même de travailleur détaché qui pose problème », observe la haute juridiction. Mais il se trouve que les règles encadrant le dispositif sont souvent foulées au pied : « omission de formalités obligatoires » (par exemple la « déclaration préalable »), « non-respect du “noyau dur” » du code du travail (avec des horaires à rallonge et des rémunérations dues qui ne sont pas versées), infractions plus complexes – des personnes sont détachées alors que leur activité en France est durable et ne peut donc pas relever du détachement… Précision importante : ces pratiques « font toutes intervenir un bénéficiaire final installé » dans l’Hexagone. Différemment dit, des travailleurs tricolores s’associent à de telles combines et en tirent profit.

Les entreprises doivent avoir un référent contre le harcèlement sexuel

Depuis le début de 2019, les comités sociaux et économiques (CES) nécessitent désigner leur interlocuteur au sein de l’entreprise. Cependant, cette avancée sociale est plus facile à établir dans les grandes que dans les moyennes et petites entreprises.

« La loi travail du 8 août 2016 a partiellement modifié la charge de la preuve en matière de harcèlement sexuel : c’est à l’employeur de prouver que les faits reprochés par la victime présumée de harcèlement ne sont pas fondés »
« La loi travail du 8 août 2016 a partiellement modifié la charge de la preuve en matière de harcèlement sexuel : c’est à l’employeur de prouver que les faits reprochés par la victime présumée de harcèlement ne sont pas fondés »

Tandis que l’annulation du sexisme au quotidien dont sont victimes de nombreuses femmes n’en terminent plus de pleuvoir, la loi du 5 septembre 2018 « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a apporté de nouveaux moyens d’interdire les droits des salariés victimes de harcèlement sexuel au travail. Un référent « harcèlement sexuel et agissements sexistes » doit ainsi être désigné au sein de tous les Comités sociaux et économiques (CSE) depuis le 1er janvier.

Cette nouvelle instance spécifique du personnel doit être mise en place dans toutes les entreprises d’au moins 11 salariés d’ici au 1er janvier prochain. Le référent « harcèlement sexuel et agissements sexistes » est indiqué par les membres du comité, pour la durée de son mandat. Les entreprises d’au moins 250 salariés sont doublement concernées, puisqu’elles doivent désigner un second référent « chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes », indique le texte de loi.

« Les modalités de sa désignation par l’employeur sont libres », déclare Denis Lesigne, directeur Capital Humain chez Deloitte. « La désignation de référents en matière de harcèlement sexuel dans l’entreprise est une vraie avancée, car ils peuvent être un phare dans la tempête pour les victimes, considère Me Blanvillain, avocate au sein du cabinet Aguerra avocats, spécialisé dans le droit du travail et membre du réseau Eurojuris. Cela va aussi dans le sens de la jurisprudence : l’entreprise n’a pas seulement un devoir de prévention, mais aussi de réaction ».

Implication de l’employeur

La loi travail du 8 août 2016 a relativement modifié la charge de la preuve en matière de harcèlement sexuel : c’est à l’employeur de prouver que les faits reprochés par la victime présumée de harcèlement ne sont pas fondés. Encore faut-il que les employeurs soient avertis de leurs nouvelles obligations. « Les entreprises sont à peine au courant de la nécessité de désigner des référents », regrette Me Blanvillain.