Formalités de travail : au Qatar, Vinci commence une fenêtre sur ses chantiers
Le groupe français de BTP a préparé, dans l’émirat, une visite pour la presse, alors que l’association Sherpa a reproduit sa plainte pour travail forcé et diminution en esclavage des ouvriers étrangers.
Au nord de du capital du Qatar, entre les trempas de l’île artificielle The Pearl et les tours en construction de la ville nouvelle de Lusail, des centaines d’ouvriers s’activent pour achever la gare souterraine, qui doit ajuster, à 35 mètres de profondeur, les réseaux de métro et de tramway. C’est l’un des infinis chantiers qui métamorphosent la capitale Doha pour la Coupe du monde de football, en 2022. Sur des kilomètres, des gratte-ciel à l’architecture incertaine s’élèvent entre les voies rapides et les centres commerciaux, sous les efforts de bataillons d’ouvriers indiens, népalais ou bangladais nommés dans une chaleur de four et la poussière du désert.
Casque, chaussures de sécurité, gilet, gants, rien ne manque à la panoplie des 600 travailleurs étalés sur la station de Pearl. Quelques hommes fument à l’ombre d’un abri en tôle. Des dizaines d’autres saisissent leurs déjeuners, attablés à l’intérieur d’une large tente doucement climatisée. Sur des panneaux s’affichent les consignes à respecter en cas de pic de chaleur – combinée à l’humidité, la température ressentie peut dépasser les 50 °C l’été. « On n’a eu aucun mort sur ce chantier et on affiche un taux d’accidents moitié moindre que ce qu’on peut observer en Europe », déclare Nicolas Dansette, directeur du projet de tramway de Lusail pour l’entreprise Qatari Diar Vinci Construction (QDVC).
Disposée à 51 % par le fonds souverain Qatari Diar et à 49 % par Vinci, QDVC a entassé pour 5 milliards d’euros d’accords au Qatar depuis 2007, dont 35 km de métro et les 28 km du tramway de Lusail. Mais si le numéro un mondial du BTP a déterminé, les lundi 25 et mardi 26 mars, de guider quelques journalistes sur ses chantiers qataris longtemps défendus d’accès, ce n’est pas pour vanter ses prouesses techniques. C’est pour tenter d’y présenter les conditions de travail de ses ouvriers sous un jour favorable, alors que le groupe est gravement mis en cause au Qatar. L’association française Sherpa, pourfendeuse des « crimes économiques », le reproche, depuis 2015, de travail forcé, de réduction en servitude, de traite des êtres humains et de mise en danger délibérée.
Plusieurs enquêtes de journaux, d’ONG ou de syndicats l’attestent : parmi les laborieux migrants mobilisés par centaines de milliers dans le sous-continent indien pour donner corps aux rêves de modernité du Qatar, beaucoup nécessitent payer l’équivalent d’un an de salaire à des intermédiaires, se voient confisquer leur passeport et sont totalement enchaînés à des employeurs qui les font travailler jusqu’à onze heures par jour, six jours par semaine, sans appui contre la chaleur, sans eau, et les recueillent dans des conditions indignes, accumulés dans des camps au milieu du désert.
C’est l’ultime victime en date de la « bataille de l’Atlantique » que s’offrent les compagnies aériennes low cost. La compagnie WOW Air a cessé, jeudi 28 mars, ses opérations et annulé tous ses vols. Le gouvernement islandais estime à 4 000 le nombre de voyageurs réunis – dont 1 300 en transit.
WOW Air, qui amène plus d’un tiers des voyageurs en Islande, n’avait plus aucun investisseur pour prévoir une punition depuis que sa compatriote Icelandair s’était retirée des négociations en vue d’une reprise. « WOW Air a cessé ses opérations », a avisé lapidairement le transporteur dans un communiqué.
Plan d’urgence lancé
La compétition continuellement forte des low cost sur les routes transatlantiques et le regain des cours du carburant ont miné les performances de WOW Air. La compagnie a convoqué les passagers lésés par la suppression des liaisons aériennes à « vérifier les vols disponibles avec d’autres compagnies aériennes ».
Des dizaines de passagers se sont brusquement retrouvés bloqués jeudi matin à l’aéroport de Reykjavik, où une trentaine de vols WOW Air ont été annulés, particulièrement en provenance ou à destination de Paris, New York et Montréal. Le ministre des transports islandais a annoncé à la presse le déclenchement d’un plan d’urgence à destination des voyageurs bloqués dans les aéroports, sans accorder davantage de détails.
3,5 millions de passagers en 2018
En 2018, WOW Air, qui emploie un millier de personnes, a transporté 3,5 millions de passagers vers vingt-sept destinations en Amérique du Nord, en Europe et en Israël. Mais le transporteur, déficitaire, a diminué la voilure ces derniers mois, en cédant des avions et en annulant des dizaines d’emplois. Sur les neuf premiers mois de 2018, la compagnie a proclamé une perte avant impôts de près de 42 millions de dollars (37 millions d’euros).
Après le premier repli d’Icelandair dans la course au rachat de la compagnie fin 2018, le fonds d’investissement spécialisé dans le transport aérien Indigo Partners avait touché un accord de principe pour entrer au capital de WOW Air à hauteur de 49 %. Le 21 mars, la société américaine d’investissement a toutefois abandonné à son offre de reprise tandis qu’Icelandair annonçait reprendre les contestations pour le rachat de sa compatriote… avant son retrait définitif annoncé dimanche.
La compagnie low cost avait depuis déclenché des discussions avec ses créanciers afin de trouver un accord de restructuration – dont la conversion de la dette actuelle en capital. Lundi, ses créanciers avaient concédé la conversion de leurs obligations en capital à hauteur de 49 % de la dette de la compagnie, mais celle-ci devait malgré cela encore trouver des acquéreurs pour les 51 % restants, afin d’esquiver la faillite.
« Je ne me pardonnerai jamais de ne pas avoir agi plus tôt car il est évident que WOW est une compagnie aérienne incroyable et que nous étions sur la bonne voie pour faire à nouveau de grandes choses », a regretté le directeur général et fondateur de la compagnie, Skuli Mogensen, dans une message adressée au personnel.
La ruine du transporteur, fondé en 2011, pourrait déchaîner une contraction du PIB islandais de 3 %, la chute de la couronne et un accroissement de l’inflation, selon les lancements du gouvernement. Mais certains analystes considèrent ces calculs alarmistes.