ArcelorMittal France de nouveau condamné pour discrimination syndicale

« lIs m’ont laissé complètement sur le côté », se désole ce salarié et syndicaliste CGT d’ArcelorMittal France, qui a souhaité rester anonyme. Le 17 février, son employeur a été condamné par la cour d’appel de Douai (Nord) pour discrimination syndicale envers lui et six autres de ses collègues membres de la CGT sur le site de Mardyck (Nord), qui produit des carrosseries de voiture.

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Rentré il y a plus de trente ans au sein du groupe de métallurgie, ce salarié a pris assez rapidement des mandats en tant que délégué du personnel. Il est ensuite monté en puissance dans ses responsabilités syndicales au sein de la société. « A partir du moment où mon mandat a dépassé le mi-temps du total de mon activité globale, j’ai compris que j’aurais une évolution plus difficile, raconte le salarié. Je n’avais plus d’interlocuteur au niveau de la direction, c’était très difficile d’avoir un entretien professionnel annuel. »

« Classification et rémunération très inférieures »

« A partir de leur engagement syndical, ces salariés ont vu leurs chances d’évolution dans la société décroître, l’employeur les ayant maintenus à des niveaux de classification et de rémunération très inférieurs à ceux de leurs collègues de travail non syndiqués », a commenté Me Xavier Sauvignet, leur avocat. « On me reprochait mon activité à mi-temps, alors que c’est justement une preuve de discrimination », souligne le salarié.

Le géant de la sidérurgie s’était déjà vu condamné en première instance par le conseil des prud’hommes de Dunkerque en 2020. La cour d’appel a confirmé ses décisions, revoyant à la hausse les sommes allouées aux salariés : au total, 222 000 euros de préjudice financier ainsi que 35 000 euros de préjudice moral, en plus des rappels de salaire de l’ordre de 200 000 euros.

Déjà condamné sur son site de Fos-sur-Mer

Ce n’est pas la première fois qu’ArcelorMittal France est rappelé à l’ordre pour discrimination syndicale : le géant de la sidérurgie a déjà été condamné pour le même motif sur son site de Fos-sur-Mer. ArcelorMittal France nous a affirmé ne pas vouloir faire des commentaires.

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Chargé de la défense des salariés discriminés à la CGT, François Clerc se déclare à moitié satisfait de la décision de la cour d’appel : « On a énormément progressé ces trois dernières années sur la question des discriminations, mais les sommes allouées aux salariés par la cour d’appel restent inférieures à ce que l’on demandait sur la base de la carrière telle qu’elle aurait dû être. » L’un des sept syndicalistes CGT de Mardyck vainqueurs en appel s’interroge : « On est en train d’étudier s’il faut aller plus loin ou non. »

Réforme des retraites : le gouvernement fait adopter les premières mesures de son projet au Sénat

 Le ministre du travail, Olivier Dussopt, lors de la présentation du projet de réforme des retraites, au Sénat, le 2 mars 2023.

Pris en étau entre une droite qui veut imposer ses marqueurs et une gauche monopolisant la parole pour afficher son opposition, l’exécutif est néanmoins parvenu à faire adopter les premières dispositions de sa réforme des retraites par le Sénat.

Au terme d’une quatrième journée de discussions, les sénateurs ont voté par 244 voix contre 96, dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 mars, l’article 2 sur l’« index seniors » pour les entreprises. La majorité sénatoriale de la droite et du centre a adopté un amendement pour que cet outil concerne les entreprises de plus de trois cents salariés, contre cinquante à l’Assemblée nationale, qui avait rejeté cet article 2. S’il vise à contraindre ces structures à publier chaque année des indicateurs sur leur emploi des seniors, la gauche a défendu la suppression d’un « gadget inutile » pour endiguer le chômage des seniors.

Seul au banc pour défendre le texte qui vise à reculer l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a pu aussi compter sur Les Républicains (LR) et l’Union centriste pour l’adoption, samedi 4 mars, de l’article 1er, avec 233 voix contre 99. Il met fin à certains régimes spéciaux (RATP, industries électriques et gazières, Banque de France…) pour les nouveaux embauchés, « à partir du 1er septembre ».

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« Cela suffit, maintenant ! »

Mais, tout au long du week-end, les discussions ont surtout été dominées par les tunnels d’amendements déposés par les sénateurs de gauche. Les élus socialistes, écologistes et communistes ont régulièrement tancé le ministre du travail pour son manque de « sincérité » à propos d’une réforme « mal fagotée ». Dimanche, les sénateurs ont même été jusqu’à l’interroger sur un « agenda caché » de l’exécutif, selon l’expression du communiste Fabien Gay (Seine-Saint-Denis). En cause : un article introduit à l’Assemblée, après un amendement du député Renaissance, Marc Ferracci, prévoyant que le gouvernement remette un rapport d’ici un an sur « la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite ».

Si, pour Laurence Rossignol, sénatrice socialiste de l’Oise, cet amendement « ne présage rien de bon », il est surtout symptomatique « des revirements, des ambiguïtés, des changements de pied, des volte-face » du président de la République, Emmanuel Macron, après l’abandon de son projet d’un système universel en 2020. Avec le soutien des LR et des centristes, également hostiles, l’article a été rejeté à la quasi-unanimité (par 292 voix contre 1).

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Retraites : « lI faut prendre en compte les “années blanches” de milliers de jeunes scientifiques »

Avec raison, les conséquences des réformes des retraites qui se succèdent sont analysées sous l’angle des carrières longues et de leur pénibilité. Elles sont au cœur du mouvement de contestation du report de l’âge légal de départ à 64 ans. Une proposition consiste à allonger les durées de cotisation des plus diplômés. Or, les allongements de durée de cotisation pénalisent déjà fortement une population très diplômée et au parcours spécifique : les chercheurs et les chercheuses.

Entre 1985 et 2007, des milliers de jeunes scientifiques, en particulier en sciences du vivant, ont exercé une activité de recherche rémunérée et à temps plein qui, aujourd’hui, n’est pas prise en compte pour leur retraite. Un rapport sur « les conditions de travail illégales des jeunes chercheurs » publié en 2004 l’explicitait. Avant un éventuel recrutement dans la filière de recherche française, les chercheurs effectuent un doctorat (trois ans minimum) et pour la plupart, un ou des séjours post-doctoraux (deux à cinq ans en moyenne, mais souvent plus) dans des laboratoires en France ou à l’étranger. Pour cette activité de recherche, ces scientifiques étaient payés par des « libéralités », c’est-à-dire des bourses qui n’ouvraient droit ni à la sécurité sociale ni à la retraite. Ces bourses sélectives provenaient d’associations caritatives (Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, Ligue contre le cancer, Fondation pour la recherche médicale), des régions, de l’Union européenne, d’autres pays ou d’organisations internationales (l’Organisation européenne de biologie moléculaire)

Ce système a pris fin en 2007 avec leur remplacement par des CDD. Un séjour post-doctoral de plusieurs années en France ou dans les instituts de recherche et universités étrangères les plus prestigieuses était et reste le « parcours d’excellence » considéré comme indispensable par les organismes de recherche pour prétendre à une carrière académique. Les scientifiques étaient alors rémunérés par des bourses françaises ou internationales hautement compétitives, ou par le laboratoire d’accueil à l’étranger sans que cela leur ouvre de droit à la retraite. Ces situations, quasi systématiques il y a une vingtaine d’années dans certains pays comme les Etats-Unis, perdurent. De plus, les enfants nés pendant ces années ne sont pas pris en compte dans le calcul des droits à la retraite des chercheuses.

Déficit de droits

Dans certains cas, les chercheurs post-doctorants ont contribué aux caisses de retraite du pays d’accueil sans que ces cotisations soient prises en compte dans leur relevé de carrière. Certains pays, comme le Royaume-Uni, ne reversent pas de pension pour des durées de cotisation inférieures à dix années. D’autres, comme la Suisse, conditionnent le versement de la pension à une démarche – longue et difficile – de la caisse de retraite française vers la caisse suisse. Enfin, certaines conventions bilatérales permettent de prendre en compte les années passées dans le pays étranger dans le calcul du taux de retraite en France, mais ne s’appliquent plus si la personne devient in fine agent de la fonction publique. C’est le cas de l’accord conclu entre la France et les Etats-Unis. De nombreux chercheurs en activité dans des organismes publics sont donc concernés. Aucun rachat des trimestres travaillés correspondant à l’activité financée par les libéralités ou effectuée à l’étranger n’est possible. Enfin, le rachat de trimestres d’études est souvent inabordable pour la plupart au vu des salaires dans l’enseignement supérieur et la recherche de ceux et celles ayant eu la chance d’y être recrutés.

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L’Allemagne s’assume pleinement comme « pays d’immigration » face à ses besoins en matière d’emploi

Le chancelier allemand Olaf Scholz, lors du sommet économique mondial de Davos, en janvier 2023.

« Notre message est : ceux qui veulent se retrousser les manches sont les bienvenus en Allemagne ! » Cette étonnante invitation du chancelier Olaf Scholz, formulée devant un parterre de grands patrons et de décideurs réunis à Davos (Suisse), le 18 janvier, en dit long sur l’évolution du consensus politique outre-Rhin. Longtemps hésitante à ouvrir grand ses portes, l’Allemagne de Scholz s’assume désormais pleinement comme un « pays d’immigration », saisissant les plus grandes tribunes du monde pour inviter les étrangers à rejoindre le pays.

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Certes, l’Allemagne n’a guère le choix. L’écart entre les générations nées entre 1950 et 1970 et celles, presque deux fois moins nombreuses, qui sont nées à partir des années 1990 va laisser un fossé béant dans les caisses de retraite et d’assurance sociale allemandes dans les prochaines années. Ce sont ainsi 13 millions de travailleurs qui quitteront le marché du travail au cours des quinze prochaines années, soit presque un tiers de tous les travailleurs disponibles actuellement. L’agence pour l’emploi estime à 400 000 arrivées par an le besoin d’immigration pour compenser la perte de force de travail outre-Rhin.

Au-delà de l’aspect financier, le défi humain est considérable : il faudra des milliers de personnes supplémentaires pour soigner les personnes vieillissantes, dans un contexte où la main-d’œuvre manque déjà cruellement dans presque tous les secteurs, en particulier la construction, la rénovation des bâtiments ou les travaux nécessaires à la transition énergétique. Des salariés très qualifiés seront nécessaires pour soutenir l’effort de numérisation et de décarbonation visé par l’économie. L’institut de recherche sur le travail IAB comptait, mi-2022, 1,9 million d’emplois non pourvus outre-Rhin, un record absolu dans l’histoire du pays.

Fin des tabous

La coalition sociale-démocrate, Verts et libéraux au pouvoir s’est donc entendue pour faciliter considérablement l’accueil des étrangers en Allemagne, et surtout leur envie d’y rester. Plusieurs grandes réformes sont en cours depuis l’automne 2022 afin de doter l’Allemagne d’une « législation moderne sur l’immigration », selon la formule consacrée au sein du gouvernement. Facilitation des procédures de régularisation des sans-papiers, assouplissement de la reconnaissance des diplômes étrangers, système de classement à points des candidats à l’immigration, inspiré du modèle canadien, et même réforme à venir du droit de la nationalité : tous les tabous sont en train de sauter.

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« On pense trop souvent que la question du vieillissement se résoudra avec de l’argent, mais cela appelle des réponses bien plus larges »

L’économiste Hippolyte d’Albis, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), en juillet 2021.

Directeur de recherche au CNRS, professeur à l’Ecole d’économie de Paris et coprésident du Cercle des économistes, Hippolyte d’Albis est l’auteur de l’ouvrage Les Seniors et l’Emploi (Les Presses de Sciences Po, 2022).

La question du vieillissement démographique est-elle suffisamment prise en compte dans les politiques économiques aujourd’hui ?

La démographie est présente dans beaucoup de réflexions mais elle souffre de deux clichés opposés et contradictoires. Le premier, c’est qu’on la pense comme un enjeu du très long terme. Or ce n’est pas vrai. Dans dix ans, la population des plus de 60 ans pourrait augmenter de 2,7 millions de personnes, soit 14 % de plus qu’aujourd’hui. Dix ans, c’est demain ! Le deuxième cliché, c’est l’idée que la démographie est un phénomène prévisible. En fait, ce n’est pas du tout le cas.

La démographie dépend de nombre de dimensions non maîtrisées, d’incertitudes, comme on l’a vu lors de la crise du Covid-19 ou avec la question des flux migratoires, notamment en provenance de l’Union européenne – que l’on ne peut donc pas maîtriser –, et ceux liés aux départs. Le risque n’est pas de ne pas prendre en compte la démographie, mais plutôt d’ignorer l’incertitude liée à son évolution.

Comment l’aborder ?

On pense trop souvent que la question du vieillissement se résoudra avec de l’argent. Quand on parle de dépendance, par exemple, on renvoie systématiquement au problème du financement de cette dépendance. Mais la question appelle des réponses bien plus larges. La dépendance n’est pas qu’une question d’argent, c’est tout un secteur, une industrie à développer : des logements pour héberger les personnes, des professionnels pour les accompagner, les soigner, et donc des filières de formation pour leur donner les bonnes compétences…

La question de l’attractivité des métiers du « care » est fondamentale : elle passe par des revalorisations salariales, mais pas seulement. C’est la même chose pour l’emploi des seniors, un sujet dont on parle beaucoup actuellement. Il ne s’agit pas seulement de mettre des financements ou des règles, mais plutôt de réfléchir à la formation tout au long de la vie. Il faut penser tout cela en amont.

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La France pourra-t-elle se passer de main-d’œuvre immigrée pour compenser les départs en retraite des baby-boomeurs ?

En France, la part de personnes en activité par rapport à la population totale est de 44 %. Cela signifie que moins d’une personne sur deux travaille. C’est un chiffre qui ne devrait pas beaucoup changer sur la prochaine décennie, car la progression de l’activité des femmes et des seniors compense à peu près les départs en retraite. Mais 44 %, c’est très peu et cela se traduit par le fait que les heures travaillées par habitant sont plus faibles en France qu’ailleurs.

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Le vieillissement de la population, un défi qui dépasse de loin le problème des retraites

La France vieillit, et elle vieillit vite. Rien de surprenant, au fond. Le pays a connu à l’issue de la seconde guerre mondiale le plus fort sursaut démographique d’Europe. De 1946 à 1950, il est né en France plus de 850 000 enfants par an, le record étant atteint en 1949 avec près de 900 000 naissances. La natalité ralentit un peu ensuite, mais reste élevée jusqu’au début des années 1970.

Un demi-siècle plus tard, les bébés de l’après-guerre ont bien grandi, et la natalité a chuté. Dans les rues et les squares, on croise désormais plus de cheveux gris que de tout-petits. La France de 2023 compte 26 % de personnes de plus de 60 ans, un habitant sur quatre. En 2040, ce sera près d’un sur trois. Un choc démographique qui ira s’accentuant durant les deux décennies à venir et qui pose de redoutables équations économiques et sociales. Car cette météorite, plus discrète qu’une pandémie ou que la guerre en Ukraine, mais pas moins puissante, va affecter notre économie avec des impacts multiples, dont l’interminable et âpre débat autour de la question des retraites n’est qu’un aspect, et pas forcément le plus crucial.

« Le défi majeur, c’est la dépendance », assène Alain Villemeur, directeur scientifique de la Chaire TDTE (Transitions démographiques, transition économiques), un cercle de réflexion sur l’impact du vieillissement et de la longévité sur l’économie et la société en France. Non seulement le pays vieillit, mais ses seniors sont de plus en plus âgés, et pas toujours en bonne santé. Entre 2,7 millions et 3,7 millions de personnes deviendront dépendantes dans les années qui viennent, selon les estimations du rapport Libault, publié en 2019.

Chaque année, d’ici à 2030, ce sont quelque 20 000 personnes qu’il faudra héberger dans des établissements spécialisés, soigner, entourer et accompagner jusqu’à leur fin de vie. Les Fossoyeurs, l’ouvrage de Victor Castanet qui dévoilait les pratiques scandaleuses dans certains Ehpad français, démontre l’étendue du chantier.

Les extraits du livre « Les Fossoyeurs » : Article réservé à nos abonnés « Déjà, il y avait cette odeur de pisse terrible, dès l’entrée » : extraits des « Fossoyeurs », une enquête sur le business du grand âge

Selon les estimations réalisées par la chaire TDTE, la prise en charge de ces aînés dépendants devrait coûter près de 31 milliards d’euros en 2040. Un chiffre qui s’ajoute à l’alourdissement mécanique du coût de la protection sociale lié à au vieillissement. Dans une note publiée en 2022, France Stratégie a estimé que si la France avait eu en 2019 la pyramide des âges attendue en 2040, elle aurait dû dépenser 100 milliards d’euros de plus.

Effet sur la croissance potentielle

Dans le même temps, du fait de la diminution du nombre d’actifs, les recettes auraient été inférieures de 20 milliards d’euros. Certes, ces chiffres ne sont pas des projections : dépenses et recettes évolueront aussi en fonction de la situation économique future, notamment la croissance économique et le taux de chômage. Mais ils « permettent de mesurer la pression que va exercer le vieillissement sur les finances sociales », observe Pierre-Yves Cusset, chef de projet à France Stratégie. Pour autant, selon l’expert, il n’y a pas lieu de jouer les Cassandre. L’évolution démographique ne datant pas d’hier, la protection sociale a déjà absorbé un choc d’une ampleur comparable sur les vingt dernières années. « Le système s’est adapté, explique M. Cusset. Entre la moitié et les trois-quarts de l’effet pur du vieillissement devrait être réglé par les réformes passées des régimes de retraites. »

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Morts au travail : les familles des victimes se mobilisent à Paris

Des familles se dirigent vers le ministère lors d’un rassemblement en hommage aux morts au travail organisé par le Collectif familles : stop à la mort au travail, devant le ministère du travail, à Paris, le 4 mars 2023.

Romain, Ludovic, Alban, Mohamed, Franck… Et entre chaque prénom, 100 à 200 personnes scandant à l’unisson « mort au travail ». Devant le square d’Ajaccio (Paris 7e), des proches endeuillés, pour certains très émus, brandissent des visages, presque exclusivement d’hommes, souvent jeunes. Œuvrant pour la plupart dans le bâtiment ou l’agriculture, ils ont tous en commun d’avoir perdu la vie sur leur lieu de travail ces derniers mois ou années.

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Samedi 4 mars, le jeune Collectif familles : stop à la mort au travail a souhaité mettre en lumière le drame des accidents du travail mortels, qui ont encore touché 645 salariés du privé en 2021 (pour les fonctionnaires, indépendants et autres statuts, les données sont lacunaires).

Créé il y a quelques mois sous l’impulsion de Caroline Dilly, mère de Benjamin, couvreur de 23 ans, mort à la suite d’une chute le 28 février 2022, à Chinon, et Fabienne Bérard, mère de Flavien, qui a perdu la vie le 5 mars 2022, à 27 ans, sur un chantier de forage pétrolier en Charente, ce collectif permet aux familles de se soutenir dans l’épreuve, et de s’entraider dans les longues suites administratives et judiciaires qui les attendent.

A gauche, Matthieu Lépine a aidé à la création du Collectif familles : stop à la mort au travail. A droite, Frédéric et Valérie, parents de Jeremy, 21 ans décédé il y a deux ans lors d’un stage qu’il effectuait sur un chantier.

« Dénoncer la négligence »

« On se sentait si seuls. On ne connaissait rien, on s’est rendu compte que c’est un phénomène d’ampleur. Depuis, on se soutient en allant aux procès des uns et des autres, précise Mme Bérard. Concernant [la manifestation d’] aujourd’hui, on s’est dit qu’il fallait mettre des visages sur des chiffres, et dénoncer la négligence sur la manière dont sont traités nos jeunes. »

Après des minutes de silence et d’applaudissements, le collectif a énoncé un certain nombre de doléances, avant d’être reçu au ministère du travail situé juste en face : en premier lieu, plus de transparence sur les chiffres de la mort au travail, et un meilleur accompagnement des familles de victimes.

Rassemblement en hommage aux morts au travail organisé par le Collectif Familles : stop à la mort au travail, devant le ministère du travail à Paris, le 4 mars 2023.

La plupart du temps, les proches disent avoir attendu des mois avant d’obtenir des éléments d’explication sur les circonstances de l’accident, du fait des lenteurs des enquêtes et procès. Près de trois ans après la mort de leur fils Jérémy Wasson, élève ingénieur de 21 ans, tombé d’un toit dès le troisième jour de son « stage d’observation », ses parents, qui ne font pas partie du collectif mais pourraient le rejoindre, ne savent toujours pas « ce qu’il faisait sur ce toit ». « L’entreprise a été inculpée d’homicide involontaire il y a un an, mais va faire appel », précise Valérie, sa mère :

« On est effarés de l’impunité de cet employeur et de la lenteur de la justice. On ira au bout mais on en a pour dix ans. Et pendant ce temps, l’entreprise continue à recevoir des dizaines de stagiaires de l’école de Jérémy, est-ce normal ? »

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Grève à partir du 7 mars : malgré les concessions de l’exécutif, les cheminots annoncent un durcissement du mouvement

Des agents de la SNCF à la gare Saint-Lazare, à Paris, lors de la manifestation du mardi 31 janvier 2023 contre la réforme des retraites.

Depuis plusieurs semaines, le gouvernement multiplie les annonces favorables au secteur des transports. L’objectif est double : favoriser le report des automobilistes vers le rail pour réduire les émissions de CO2, mais aussi désamorcer les raisons qui pourraient pousser les cheminots et les agents de la RATP à devenir le fer de lance de la lutte contre la réforme des retraites, en bloquant le pays.

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Ces efforts n’ont visiblement pas convaincu. Pour preuve, tous les syndicats de la SNCF appellent à une grève reconductible à partir du mardi 7 mars. Entre vendredi 24 février et lundi 27 février, les adhérents de la CFDT Cheminots ont, à 80 %, voté en faveur d’un durcissement du mouvement. A l’UNSA Ferroviaire, deuxième syndicat de la SNCF, habituellement modéré, le secrétaire général Didier Mathis menace de « mener dix jours de grève d’affilée et bloquer Paris au moins deux week-ends ». Un ton très dur, alors même que la première ministre, Elisabeth Borne, vient d’annoncer sa « nouvelle donne ferroviaire », avec un financement de 100 milliards d’euros à la clé.

Cent milliards d’ici à 2040, c’est pourtant une promesse choc, qui répond quasiment à l’euro près à la demande formulée par Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, à l’été 2022. Il avait réclamé cette somme, étalée sur quinze ans, pour moderniser les infrastructures ferroviaires et doubler la part du train dans nos déplacements. « Un combat gagné », se félicitait le ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune, au moment de l’annonce, obtenue envers et contre le ministère des finances. Bercy estime que l’Etat en a déjà assez fait en reprenant 35 milliards d’euros de dette à la SNCF il y a deux ans pour ne pas avoir à remettre la main au portefeuille.

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D’autres messages positifs ont été envoyés aux cheminots : pas un euro des bénéfices record de leur entreprise (2,4 milliards d’euros pour 2022) ne reviendra à son actionnaire, l’Etat. Tout sera réinvesti, et pas seulement les 60 % fléchés automatiquement vers la rénovation du rail. M. Beaune a aussi trouvé 5 millions d’euros pour sécuriser 130 sites sensibles du réseau en Ile-de-France.

Plans de recrutement massif

La RATP n’est pas oubliée. En décembre 2022, le ministre a accordé une rallonge budgétaire de 200 millions d’euros à Ile-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité qui finance les transports en Ile-de-France. Cette somme a permis à Jean Castex, le PDG de la RATP, de proposer une hausse de l’enveloppe salariale de 5,7 %, en assurant une augmentation mensuelle de 105 euros net à tous les agents.

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Réforme des retraites : le chômage des seniors, angle mort du débat public

Quatrième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, à Marseille, le 11 février 2023.

La réforme des retraites risque de causer des dégâts collatéraux dont il a peu été question, jusqu’à présent, dans le débat public. C’est l’une des réflexions qui vient à l’esprit à la lecture d’une étude publiée, mercredi 1er mars, par l’Unédic, l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage. Elle remet en lumière un phénomène déjà exploré par d’autres recherches : le fait de reculer l’âge d’ouverture des droits à une pension est susceptible de se traduire par un plus grand nombre de seniors sans activité.

Le document diffusé par l’Unédic s’intéresse en particulier aux incidences de la loi de novembre 2010, qui avait reporté de 60 à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite. En préambule, les auteurs de la note prennent la précaution de souligner que les résultats auxquels ils aboutissent ne peuvent pas « être projetés tels quels » sur la période à venir, notamment parce que « les générations ne sont pas comparables d’une décennie à l’autre », tout comme les « contextes économiques ». Pour autant, ce retour sur le passé apporte un éclairage sur ce qui pourrait advenir avec la réforme en cours d’examen au Sénat, puisqu’elle repousse, elle aussi, de deux années l’âge d’ouverture des droits.

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Entre la mi-2010 et la mi-2022, le nombre de bénéficiaires de l’allocation-chômage, âgés d’au moins 60 ans, s’est accru de 100 000. Quant aux indemnisations versées aux demandeurs d’emploi d’au moins 55 ans, elles ont augmenté de 38 % entre 2010 et la période allant de la mi-2021 à la mi-2022. Soit une progression très supérieure à celle observée pour les moins de 55 ans (+ 16 %). Là encore, la prudence s’impose, car « l’effet propre des réformes des retraites sur les dépenses [pour les] seniors est complexe à isoler », plusieurs facteurs entrant en ligne de compte (conjoncture économique, modification des règles de l’assurance-chômage, évolution démographique…).

Des propositions au Sénat

Ces données convergent avec celles issues d’enquêtes conduites antérieurement. Deux d’entre elles, réalisées par des directions ministérielles, ont été présentées lors d’une réunion du Conseil d’orientation des retraites en janvier 2022. L’une indique que le décalage de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans « se traduirait » par une hausse de « près de 84 000 » du nombre de bénéficiaires de l’allocation-chômage, « dont près de 60 000 » auraient 62 et 63 ans. L’autre montre qu’une telle mesure d’âge pourrait faire basculer davantage de personnes vers les minima sociaux : + 30 000 pour ce qui est du revenu de solidarité active et + 30 000, également, s’agissant de l’allocation de solidarité spécifique attribuée aux chômeurs en fin de droit – cette évolution étant très concentrée sur les tranches d’âge situées après 60 ans.

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Les députés votent le rallongement du congé pour le décès d’un enfant

Loin des polémiques qui avaient secoué l’Assemblée nationale il y a trois ans sur le sujet, les députés ont voté à l’unanimité, jeudi 2 mars en soirée, en faveur d’un allongement du congé minimum pour le décès d’un enfant, en le portant de cinq à douze jours dans le code du travail.

Un amendement La France insoumise (LFI) a été adopté en ce sens, dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi du groupe Horizons qui vise à améliorer l’accompagnement des familles d’enfants gravement malades. Frédéric Mathieu (LFI) a défendu cet allongement, nécessaire pour « accomplir les démarches administratives » et « matérielles » autour d’un décès. « Aucun jour de congé ne remplacera jamais la perte d’un enfant », a-t-il aussi souligné.

Le code du travail prévoit actuellement cinq jours pour le décès d’un enfant, ou sept jours ouvrés s’il a moins de 25 ans. Pour le décès d’un enfant de moins de 25 ans, a été ajouté en 2020 un « congé de deuil parental » de huit jours supplémentaires, fractionnable, pour partie pris en charge par la Sécurité sociale.

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Le rejet initial par l’Assemblée, il y a trois ans, d’un allongement du congé dans le code du travail, qui était proposé par Guy Bricout (UDI), avait suscité une vague d’indignation, et la ministre du travail de l’époque, Muriel Pénicaud, s’était retrouvée sur la sellette.

Le congé après annonce du handicap d’un enfant est allongé lui aussi

Les députés ont évité jeudi soir de reproduire un tel épisode, mais le rapporteur Paul Christophe (Horizons) s’est dit « assez embarrassé » que cet amendement intervienne dans le cadre d’un texte visant à « protéger les parents d’un enfant bien vivant ». Il a plutôt invité, mais en vain, à faire un bilan de la disposition de 2020. Le ministre des solidarités, Jean-Christophe Combe, a souligné qu’« on ne peut qu’être d’accord sur ce sujet » du congé deuil, et s’en est remis à la « sagesse » de l’Assemblée.

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Examinée en première lecture, la proposition de loi sur « la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap, ou victimes d’un accident d’une particulière gravité » a elle aussi été adoptée à l’unanimité et doit maintenant passer au Sénat, ainsi complétée. Elle prévoit de porter de deux à cinq jours la durée pour les parents du congé pour annonce de la survenue d’un handicap ou d’une pathologie chronique d’un enfant.

Le texte prévoit en outre d’interdire le licenciement de tout parent salarié concerné, de faciliter l’accès au télétravail ou encore le maintien dans le logement, sous conditions, en cas de renouvellement de bail. Les députés du Rassemblement national ont provoqué une large réprobation en présentant des amendements afin de réserver certaines mesures aux parents dont au moins l’un est de nationalité française. M. Combe a dénoncé une « inhumanité sans limite ».

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Le Monde avec AFP