Carnet de bureau : « L’égalité femmes-hommes à l’index »

La note moyenne de l’index égalité femmes-hommes déclarée par les entreprises en 2023 est de 88/100, a annoncé, le 8 mars, le ministère du travail. Pour Orange SA, 89/100, avec une petite faiblesse sur la parité au sein des dix plus hautes rémunérations ; 96/100 à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse ; qui dit mieux ?

L’index, que chaque entreprise de plus de cinquante salariés est obligée de brandir le 1er mars, est censé exprimer le niveau d’égalité entre les femmes et les hommes, par la mesure des écarts de salaire, de promotion et de la parité au sein des dix plus fortes rémunérations : 72 % des entreprises concernées ont publié leur index en 2023, contre 61 % en 2022 et 2021 et 54 % en 2020.

L’index, créé par la loi sur l’avenir professionnel, en 2018, apparaît désormais sur les sites des entreprises au printemps, comme les premières fleurs de l’année, essentiellement pour vanter leurs bons scores et étaler leur image de « belle boîte ». « Les résultats sont en constante progression depuis sa mise en place, en 2019 », souligne le ministère du travail. Il reste pourtant beaucoup à faire pour atteindre l’égalité professionnelle en entreprise, en particulier au sein du très masculin top 10.

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Les mauvais élèves de l’index font profil bas, d’autres évitent tout simplement de déclarer leur situation, quitte à risquer la sanction prévue par la loi. Depuis 2019, 49 pénalités financières ont ainsi été notifiées aux entreprises par l’inspection du travail, pour absence de publication de l’index, absence de définition de mesures correctrices ou du fait d’un index inférieur à 75/100 pendant plus de trois exercices consécutifs. Depuis 2020, 77 entreprises sont restées en deçà du seuil fatal de 75/100, qui déclenche la sanction.

Des conclusions sévères

Quelle est donc l’utilité de cet index ? Quatre ans après sa création, l’Institut des politiques publiques (IPP) a décidé d’en faire le bilan, et l’a présenté en conférence de presse le 6 mars. Ses conclusions sont sévères : « Une couverture limitée », « peu d’effet sur les entreprises concernées », « des règles de calcul complexes, qui permettent d’atténuer les écarts salariaux ». En clair, les entreprises ont appris à adapter l’instrument de mesure au service de leurs intérêts ou ne rentrent tout simplement pas dans le champ d’application. L’IPP a ainsi établi que les postes de travail pris en compte par l’index « ne représentent que 25,5 % de l’emploi privé ».

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Il ne faudrait pourtant pas jeter l’index aux orties, comme un vulgaire élément parasite de communication. Car, si Orange SA, par exemple, peut aujourd’hui présenter un taux de féminisation de plus de 32 % des cadres dirigeants et de 40,7 % au comité exécutif (comex), c’est bien parce que, avant la loi Rixain de 2021, qui a imposé un quota de femmes au comex des entreprises de plus de 1 000 salariés, il y avait eu la création de l’index, et, dix ans plus tôt, en 2011, la loi Copé-Zimmermann, qui introduisit des quotas dans les conseils d’administration.

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« Cadres noirs » : guerre de ressources humaines

Une entreprise organise une fausse prise d’otages pour départager des candidats : l’objectif est de recruter le cadre idéal pour mener à bien une grosse restructuration. L’intrigue est celle d’un polar de Pierre Lemaitre publié en 2010 chez Calmann-Lévy, aujourd’hui adapté en bande dessinée, après avoir été transposé en minisérie par Arte (Dérapages, 2020). Mais pas seulement.

Elle s’inspire aussi d’un sinistre fait divers bien réel. En 2005, Philippe Santini, le patron de la régie publicitaire de France Télévisions, transformait un séminaire de cadres en prise d’otages fictive – sans en avoir informé les participants – afin de tester la gestion du stress par ses équipes. Il finira condamné au pénal. Nulle surprise que Pierre Lemaitre y ait trouvé matière à tricoter un habile thriller social, lui qui a fait de la domination un des thèmes-phares de son œuvre, tous les genre confondus.

L’adaptation en BD, scénarisée par Pascal Bertho, se déploie en trois tomes, dont le deuxième vient de paraître. Et prend le temps de camper son personnage principal, Alain Delambre, un DRH lessivé par quatre ans de chômage, dessiné par Giuseppe Liotti avec un physique à la Patrick Dewaere et quelque chose dans le regard de Pierre Lemaitre lui-même.

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Aux abois, Delambre saute sur une annonce d’assistant RH pour un grand groupe et ne recule pas même devant la perspective d’organiser ce fameux kidnapping comme épreuve d’embauche. Mais quand, à quelques jours du recrutement, il découvre que le poste tant convoité est déjà pourvu et que l’éprouvante sélection à venir n’est qu’une mascarade, son sang ne fait qu’un tour. Le « jeu » de ses recruteurs va se retourner contre eux.

Un univers déshumanisé

Un engrenage se met en route, dont les rouages sont astucieusement montés dans le désordre par le scénario de Pascal Bertho, qui multiplie flash-back et détours chronologiques, comme pour mieux cerner les motivations profondes d’un homme aussi ambigu que désespéré. Car dès la couverture du premier tome, Delambre apparaît maîtrisé par les hommes du RAID, le regard traversé par une lueur de satisfaction, laissant penser que tout ce qui va suivre (son emprisonnement, son procès) est prémédité.

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Dans le deuxième volume, la bataille de l’opinion est engagée, et certains commencent à le voir comme un lanceur d’alerte sur les dérives du monde du travail. Un univers déshumanisé, où les cadres supérieurs seraient embauchés pour leur sang-froid, véritables « cadres noirs », plus proches de tueurs que de manageurs bienveillants.

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Meta va supprimer 10 000 postes de plus

Meta avait déjà annoncé en novembre la suppression de 11 000 emplois.

Meta, maison mère des réseaux sociaux Facebook et Instagram, va supprimer 10 000 postes de plus, après une première vague de 11 000 licenciements début novembre, a annoncé, mardi 14 mars, le PDG du groupe, Mark Zuckerberg.

Le géant de Menlo Park, en Californie, va en outre faire disparaître de son organigramme 5 000 postes actuellement non occupés, ajoute-t-il dans un communiqué.

La vague de licenciements annoncée en novembre, qui représentait 13 % de ses effectifs, était la première de l’histoire du groupe. Meta a vu ses revenus annuels baisser à 116,61 milliards de dollars en 2022, soit de 1 %, par rapport à 2021. Jamais, depuis son introduction en Bourse en 2012, la firme n’avait vu ses revenus annuels reculer.

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Le Monde avec AFP

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Réforme des retraites : « Très tôt, les travailleurs de l’énergie ont eu conscience de leur place éminente dans l’économie »

Comme le secteur des transports, celui de l’énergie (électriciens, gaziers, raffineurs) est aux avant-postes dans la mobilisation actuelle contre le projet gouvernemental de réforme des retraites. Dès le début du XXe siècle, « les travailleurs de l’énergie ont eu conscience de leur place éminente dans le fonctionnement général de l’économie », note le spécialiste du syndicalisme Stéphane Sirot, professeur d’histoire à l’université de Cergy-Pontoise.

Pourquoi retrouve-t-on aujourd’hui les salariés de l’énergie aux avant-postes de la mobilisation ?

Electriciens et gaziers ont encore une forte identité professionnelle. Ce sont des métiers à statut. Le statut national du personnel des industries électriques et gazières est une grande conquête sociale de l’après-seconde guerre mondiale [avec le départ anticipé à la retraite, selon la pénibilité des métiers]. Une conquête dont la libéralisation de l’énergie en Europe menace, depuis une trentaine d’années, la pérennité ou le périmètre. Ce statut, comme l’avenir de l’entreprise EDF, suscite une certaine unité syndicale, avec la CGT encore très fortement implantée et combative. Même si elle a reculé, elle demeure la première organisation syndicale [38 % des voix aux élections professionnelles des électriciens et gaziers, en 2019].

Comment expliquer le poids encore important des syndicats dans cette branche ?

Une particularité caractérise les industries électriques et gazières. Pour EDF comme pour GDF, ces deux entreprises nationalisées ont eu pour créateur… l’homme qui était jusque-là dirigeant syndical de la fédération CGT du secteur. En l’occurrence Marcel Paul, alors ministre communiste de la production industrielle dans le gouvernement du général de Gaulle [en 1946]. Cette situation a d’ailleurs longtemps généré des relations sociales particulières, avec une perception de l’intérêt général cristallisant tous les acteurs : l’Etat, les syndicats et les dirigeants de l’entreprise, dont Marcel Boiteux [directeur, puis président d’EDF entre 1967 et 1987].

En quoi le recours à la sous-traitance, très présente dans le nucléaire notamment, influe-t-il sur le champ syndical ?

Il est bien plus compliqué de mobiliser sur un même site des individus dont les entreprises, les conditions de travail, les salaires et les statuts diffèrent. La sous-traitance complexifie considérablement le travail syndical. C’est aussi pour cela qu’existe la revendication d’un statut de l’énergéticien qui pourrait être applicable à tous ceux qui interviennent dans le secteur.

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Camaïeu, San Marina, Kookaï… Désastre dans le prêt-à-porter

Ce fut une déflagration dans le secteur du prêt-à-porter : l’annonce, le 1er octobre, du placement de Camaïeu en liquidation judiciaire. Dans la foulée, le géant de l’habillement a fermé ses 511 magasins et licencié plus de 2 500 personnes. Le début d’une série noire.

San Marina, Kookaï, C & A, Go Sport… La liste est longue. Semaine après semaine, les mauvaises nouvelles pour le secteur s’accumulent – et des milliers de personnes se retrouvent sans emploi, ou menacées de le perdre. Pourquoi ces fleurons français du prêt-à-porter s’effondrent-ils ? Les nouvelles habitudes d’achat des Français, notamment sur Internet, suffisent-elles à expliquer cette crise ?

Dans cet épisode du podcast « L’Heure du Monde », Juliette Garnier, journaliste au Monde et spécialiste de l’économie du prêt-à-porter, explique la chute de ces marques, auparavant dominantes sur le marché.

Un épisode de Dorali Mensah. Réalisation Quentin Tenaud. Musiques : Amandine Robillard et Epidemic Sound. Présentation et rédaction en chef : Morgane Tual. Dans cet épisode : extraits : INA-JT Europole TV, le 23 octobre 1990 ; AFP TV, le 28 septembre et le 1er octobre 2022 ; LCI, le 3 février ; Europe 1, le 18 février ; France 2, le 20 février ; Sud Radio, 21 février 2023.

« L’Heure du Monde »

« L’Heure du Monde » est le podcast quotidien d’actualité du Monde. Ecoutez chaque jour, à partir de 6 heures, un nouvel épisode, sur Lemonde.fr ou sur Spotify. Retrouvez ici tous les épisodes.

En savoir plus sur la crise du secteur de l’habillement :

Écouter aussi Vinted : l’achat de vêtements d’occasion est-il une fausse bonne idée ?

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En Californie, le statut d’indépendant des chauffeurs de société de VTC est approuvé par un tribunal

Dans la bataille juridique de longue haleine qui l’oppose à des chauffeurs, Uber peut souffler. Une cour d’appel de Californie a jugé, lundi 13 mars, que la loi définissant le statut d’indépendant des conducteurs de sociétés de VTC n’était pas contraire à la Constitution de cet Etat de l’Ouest américain.

Uber, son concurrent Lyft, et d’autres plates-formes refusent de considérer les conducteurs comme des employés à part entière, ce qui impliquerait de leur accorder certains droits, comme des allocations-chômage ou d’éventuelles négociations collectives. L’Union internationale des employés des servicese (ou SEIU, pour Service Employees International Union, en anglais), un syndicat qui milite pour le statut de salariés, avait remporté une première bataille en août 2021, quand un juge avait déclaré la « proposition 22 » « inconstitutionnelle », parce qu’elle limitait « le pouvoir de l’assemblée » à légiférer à l’avenir sur ce sujet. Cette loi approuvée lors d’un référendum en 2020 consacrait le travail rémunéré à la tâche, même si elle accordait aux chauffeurs quelques avantages sociaux.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Uber considère les travailleurs comme un bricolage temporaire en attendant l’arrivée des voitures autonomes »

« La décision du jour est une victoire pour les travailleurs et les millions de Californiens qui ont voté pour la “proposition 22” », a réagi, lundi, Tony West, le directeur juridique d’Uber. A l’inverse, la décision de lundi est un « coup terrible », selon Nicole Moore, la présidente de Rideshare Drivers United (RDU), une association californienne de chauffeurs.

« Nous sommes tous sidérés, en colère et prêts à continuer la lutte », a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse (AFP). « L’année dernière, nous avons montré à quel point la “proposition 22” est mauvaise pour les conducteurs », a-t-elle ajouté. Selon des rapports de la RDU, moins de 10 % des chauffeurs bénéficient de l’assurance santé promise par cette loi, et ils gagnent en moyenne « 6,20 dollars de l’heure » (5,80 euros environ) après leurs frais, « ce qui est inférieur au salaire minimal fédéral », détaille-t-elle. L’association espère que le SEIU va faire appel et porter l’affaire devant la Cour suprême californienne.

Lire notre enquête : Article réservé à nos abonnés « Uber Files » : révélations sur le deal secret entre Uber et Emmanuel Macron à Bercy

Une perte nette de plus de 9 milliards de dollars en 2022

Uber défend ardemment son modèle économique, la « gig economy », ou l’économie rémunérée à la tâche, largement adoptée, mais aussi largement critiquée, dans de nombreuses grandes villes dans le monde. L’entreprise californienne a d’ailleurs dû lâcher du lest dans certains pays, comme au Royaume-Uni, où elle a ainsi dû accorder en 2021 un statut de travailleur salarié à ses conducteurs britanniques, avec salaire minimal et congés payés, une première mondiale pour l’entreprise.

Aux Etats-Unis, la plate-forme continue de résister aux différents assauts. Avec son concurrent Lyft et des services de livraison, elle avait dépensé en 2020 plus de 200 millions de dollars (plus de 187 millions d’euros) pour promouvoir le oui à la « proposition 22 ». Et trois mois avant le vote, les deux entreprises californiennes avaient menacé d’interrompre totalement leur service dans l’Etat, ce qui aurait mis au chômage des dizaines de milliers de personnes.

Les électeurs avaient voté à 58,6 % en faveur de la loi proposée par les entreprises. « Dans tout l’Etat, les chauffeurs ont dit qu’ils étaient satisfaits de la “proposition 22”, qui leur permet de profiter de nouveaux avantages tout en préservant la flexibilité du travail par les applications », a affirmé Tony West, lundi.

La plate-forme de réservation de véhicules avec chauffeur (VTC) et de livraisons de repas a enregistré une perte nette de 9,1 milliards de dollars sur l’année 2022, malgré un bénéfice net de près de 600 millions de dollars au quatrième trimestre 2022. Son titre prenait près de 5 % lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse, lundi.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés « On prend tout parce qu’on n’a pas le choix » : l’angoisse des chauffeurs VTC

Le Monde avec AFP

Déserts médicaux : « Il faut augmenter d’au moins 30 % le nombre d’étudiants admis dans le cursus médical »

L’état catastrophique de notre système de santé est connu et l’intervention du président de la République le 6 janvier est venue confirmer que tous les plans précédents n’avaient pas suffi à apporter les solutions adéquates. Mais, à nouveau, aucune mesure n’est proposée pour résoudre une des causes essentielles de la crise, la pénurie de médecins en France. C’est en effet, avec la « grande démission » des personnels soignants, la seconde explication de l’effondrement de notre système de soins.

Il manque des médecins quasiment partout dans le pays : plus de 95 % des territoires d’Ile-de-France sont considérés comme sous-dotés en généralistes, selon les données de l’agence régionale de santé (ARS) ; certaines spécialités sont complètement absentes de nombreux départements ; les postes vacants dans les hôpitaux se comptent par milliers ; et il n’y a pas une filière qui ne soit en souffrance (santé scolaire, médecine du travail, protection maternelle et infantile, etc.).

Dans l’immédiat, le « docteur Macron » et son ministre vont amplifier les soins palliatifs : ajouter des assistants médicaux, optimiser le temps de travail, déléguer des tâches à d’autres professions elles-mêmes en pénurie, faciliter la venue de médecins étrangers qui sont déjà très nombreux dans nos hôpitaux – au risque d’appauvrir encore leurs pays d’origine –, et développer de la télémédecine que beaucoup considèrent comme des soins au rabais.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’hôpital se meurt… guéri

Mais rien n’est fait pour traiter réellement l’origine de la maladie, c’est-à-dire le nombre insuffisant de médecins formés par nos universités. Le discours récurrent qui prétend que la suppression du numerus clausus va tout résoudre dans dix ans est au mieux de la pensée magique et au pire une diversion malhonnête. Les promotions d’étudiants issus de la réforme de la première année des études de médecine, qui reste très sélective, n’ont augmenté que d’à peine 15 % par rapport aux précédentes, ce qui laisse des milliers de candidats brillants et motivés sur le carreau.

Les mêmes erreurs

Les projections montrent que, dans dix ans, nous serons revenus à des effectifs de médecins équivalents à ce qu’ils étaient dans les années 2000. Une époque où on connaissait déjà des déserts médicaux. Et, surtout, les besoins de santé ne font que croître d’année en année : la population augmente et vieillit, avec plus de maladies chroniques nécessitant des prises en charge longues.

Lire la tribune : Article réservé à nos abonnés Déserts médicaux : « Au-delà du nombre de médecins, c’est l’organisation de l’offre de soins qu’il faut repenser »

Dans le même temps, les transformations de la société touchent autant les médecins que les autres professions : leur temps de travail reste élevé mais a nettement diminué, et ils aspirent à des fonctions plus souvent salariées avec des durées d’exercice encadrées.

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L’argot de bureau : le « panic hiring », gare aux erreurs de casting

Argot de bureau

Janvier 2009 : en crise de résultats sportifs, l’immense Real Madrid s’attache à la surprise générale les services de l’attaquant français Julien Faubert, aux qualités certaines mais qui ne s’imaginait pas jouer dans le plus grand club de football du monde.

Ce recrutement est considéré comme un « panic buy » : après avoir échoué à enrôler un certain nombre de talents, le club s’est précipité dans les dernières heures du mercato pour recruter un joueur qui, faute de mieux, pourrait « faire l’affaire ». Finalement, le joueur ne jouera que… deux matchs, avant de repartir.

En Bourse aussi, et plus généralement chez les consommateurs, les « achats en panique » (ou ventes précipitées pour des actions) consistent à acheter une quantité inhabituelle d’un produit, en prévision d’une augmentation du prix ou d’une pénurie, alors qu’il n’y a aucun besoin réel dans l’immédiat. Exemple : la ruée en mars 2020 sur les pâtes et le papier toilette.

Un contexte défavorable aux recruteurs

Dans le milieu des ressources humaines, force est de constater que l’après-Covid ressemble peu ou prou à cela : les Anglo-Saxons parlent de « panic hiring » pour désigner l’urgence à combler des postes vacants, et le terme trouve un léger écho en France.

Le développement d’une telle pratique est indissociable d’un contexte défavorable aux recruteurs. Le redémarrage brutal de l’économie ayant relancé l’emploi avec vigueur, nombre de corps de métier ont vite fait face à une pénurie de main-d’œuvre. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail dénombrait encore 351 100 emplois vacants en France au quatrième trimestre 2022.

Ainsi, les recruteurs peuvent être tentés de « bâcler » leur processus de recrutement pour l’accélérer. Pour remplacer Vanessa, brillante ingénieure qui a choisi de démissionner et de se réorienter à la faveur des confinements, regrettée par tous, le DRH – sous le coup de l’émotion – s’empressera de recevoir toutes les candidates prénommées Vanessa. Comme il n’y en avait que deux, il découvrira au bout de quelques jours de travail que Vanessa bis a en réalité fait des études de communication. Oups !

Comme c’est le cas pour les achats de panique en Bourse, le « panic hiring » est un comportement grégaire, fondé sur la peur de rater une opportunité. Ici, c’est la peur de prendre du retard sur la concurrence qui conduit à adopter la maxime – détournée – « Mieux vaut être mal accompagné que seul ».

Anguille sous roche

Le terme existe pour dire aux recruteurs de ne pas procéder ainsi. L’argument principal est le coût exorbitant d’un recrutement raté ; 35 % des entreprises ayant voulu recruter des cadres en 2022 ont fait face à des refus une fois la proposition d’embauche formulée, selon une étude de l’Association pour l’emploi des cadres.

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Il faut voter une loi selon laquelle « la rémunération des décideurs économiques serait proportionnelle aux accomplissements écologiques »

Sommes-nous condamnés à choisir entre écologie et économie ? Non, il existe un espoir. Il consiste à changer l’objectif des entreprises. Comment ? Par le vote d’une loi à l’Assemblée nationale qui modifierait la façon de calculer les revenus de leurs propriétaires, les actionnaires.

Trois critères gouverneraient leur rémunération : la baisse des émissions de gaz à effet de serre ; l’investissement net (comme indicateur de prospérité macroéconomique) ; et la justice sociale (sous la forme d’une réduction des inégalités salariales entre les dirigeants et le reste des employés).

Puisque ce sont les actionnaires qui nomment et révoquent les gestionnaires, on provoquerait ainsi un big bang managérial. Au lieu de viser la maximisation des profits, les entreprises chercheraient en priorité à réduire les gaz à effet de serre.

Aucun dividende en cas de hausse des émissions

En effet, des trois critères, c’est celui-ci qui dominerait, si bien que les actionnaires n’auraient droit à aucun dividende en cas de hausse des émissions. Il ne serait pas possible de compenser avec les deux autres. Mais leur présence impliquerait que la lutte contre le changement climatique devienne compatible avec la prospérité économique.

Non seulement la rémunération des décideurs économiques serait proportionnelle aux accomplissements écologiques et à l’investissement, mais il n’y aurait pas de dividende en cas de désinvestissement. Il faudrait également inclure les émissions des fournisseurs et des transporteurs dans les calculs, afin d’inciter les entreprises à se montrer vertueuses de bout en bout.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Compter sur les riches pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas »

Ce simple changement changerait tout. En ne modifiant qu’une règle, on chamboulerait le jeu tout entier. Appelons « climatisme » ce nouveau système économique. Quoique toujours fondé sur l’initiative privée, il ne tournerait plus autour des profits, mais de la conciliation entre préservation du climat et prospérité macroéconomique, puisque de l’investissement dépendent les capacités de production de l’économie dans son ensemble. En somme, il s’agit de rendre l’intérêt individuel des actionnaires compatible avec l’intérêt commun, la sauvegarde de la planète – sans lui sacrifier l’activité économique ni la justice sociale.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « L’engagement écologique de l’entreprise est un élément de plus en plus important pour les salariés »

Par là, on inciterait les entreprises à endosser la responsabilité écologique et macroéconomique de leurs activités. Cette incitation serait constante, puisqu’elle conditionnerait la rémunération des actionnaires. Les profits seraient relégués à la place qui leur convient : l’arrière-plan. Ils ne joueraient d’autre rôle que secondaire, car les règles usuelles de faillite continueraient de s’appliquer, si bien qu’en cas d’accumulation de pertes, l’entreprise cesserait d’exister.

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Un nouvel audit accable les méthodes de management de Lise Boëll chez Plon

Le siège du groupe Editis, en avril 2008.

Les conclusions de « l’analyse d’une situation sensible au sein de la maison Plon (groupe Editis) » rédigées par le cabinet d’experts de la santé psychologique au travail Stimulus semblent particulièrement alarmantes sur le management de Lise Boëll. Cette éditrice historique d’Eric Zemmour et de Philippe de Villiers a pourtant été adoubée, vendredi 3 mars, par la direction d’Editis (Vivendi, groupe Bolloré) comme seule et unique patronne à la tête de Plon, en obtenant la préférence face à sa rivale Céline Thoulouze, qui dirigeait l’autre équipe, historique, de la même maison. Depuis dix-huit mois, Plon était scindée en deux (Plon A et Plon B), chaque entité ayant ses équipes, ses locaux et ses auteurs.

Ce document confidentiel – rendu public par Mediapart vendredi 10 mars et que Le Monde a pu consulter – avait en effet été restitué oralement mercredi 1er mars aux membres du comité de pilotage et à Guillaume Dervieux, directeur délégué à la stratégie et à la transformation et directeur de la littérature d’Editis.

Trente-six des trente-sept salariés ont été auditionnés individuellement dans le cadre de cette enquête réalisée à la suite de deux alertes, l’une du comité social et économique d’Editis, l’autre de la médecine du travail. Il en ressort « des facteurs de souffrance identifiés pour les deux équipes (celles de Lise Boëll et de Céline Thoulouze) ayant des retentissements sur leurs conditions de travail et leur santé psychologique ».

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« La Cyril Hanouna de l’édition »

Une première enquête établie par le cabinet Nayan en novembre 2021 sur le management de Lise Boëll et de ses deux adjoints évoquait déjà « des humiliations répétées en public », une « infantilisation », du « dénigrement », une « remise en question des compétences professionnelles », une « absence de clarification sur le management », « une désorganisation du travail », un « management autoritaire et centralisé » ou encore « des demandes formulées dans des délais intenables ». Des accusations graves mais Lise Boëll, qui avait été clairement menacée de renvoi à la réception de ce premier audit, avait été soutenue in extremis par Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vivendi. C’est lui qui l’avait initialement imposée à la tête de Plon.

Les choses n’ont guère changé. Dans la dernière étude, l’équipe historique de Plon (Plon A) de Céline Thoulouze affirme que « cette maison bicéphale génère une concurrence interne incohérente » en termes de lignes éditoriales, mais aussi vis-à-vis des libraires, des salons, des représentants et des auteurs. Ils jugent que Lise Boëll est « en situation de complète impunité », « qu’elle est intouchable », allant jusqu’à être identifiée comme « la Cyril Hanouna de l’édition ». La direction d’Editis est pointée du doigt comme ayant « créé une situation [qui] a fait des dégâts considérables ». Le cabinet note que Plon A a opté pour une stratégie de « protection du collectif », les salariés se soutenant pour faire front face à Plon B, considérée comme une menace.

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