L’immersion professionnelle, un dispositif pour diversifier et sécuriser les recrutements

Au premier étage d’une grande maison de Château-Thierry (Aisne), au quatrième jour de son immersion dans l’aide à domicile, Laetitia Evrard semble satisfaite. Peinant à trouver du travail depuis deux ans, après avoir emménagé dans la région, cette ancienne salariée du secteur de la petite enfance âgée de 41 ans vient de trouver un CDI à temps partiel dans l’agence franchisée O2 de la ville. Petite originalité, la signature de son contrat est précédée d’une période de mise en situation en milieu professionnelle (PMSMP). Ce dispositif lui permettra de vérifier si le métier lui plaît, et à son employeur de mesurer s’il est satisfait.

Créée en 2014 par la loi relative à la formation professionnelle, la PMSMP est une forme de stage d’observation d’une semaine à un mois, durant lequel le candidat – très souvent demandeur d’emploi – n’est pas rémunéré (en plus de ses allocations-chômage, s’il en perçoit), mais où les missions ne peuvent pas remplacer celles d’un salarié absent. En 2022, 180 000 PMSMP ont été prescrites par Pôle emploi, d’une durée moyenne de quarante-deux heures.

« Cela concerne beaucoup de secteurs, pas mal de tertiaire (administrations, enseignement, social, commerce), la construction, décrit Paul Bazin, directeur adjoint de Pôle emploi, chargé de l’offre de services. On essaie de la promouvoir sur des métiers qui peinent à attirer, en les invitant à viser des profils diversifiés : l’hôtellerie-restauration et le secteur du transport, la santé. »

L’immersion concerne des métiers peu qualifiés, mais aussi des cadres. L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) peut prescrire des PMSMP depuis l’automne 2022. « Dans nos études, on observe une vraie appétence des cadres en activité à se réorienter, mais peu engagent des démarches, explique Laetitia Niaudeau, directrice adjointe de l’Apec. Ici, c’est une façon de faciliter la relation, de tester et de se faire connaître par des employeurs potentiels. C’est aussi intéressant pour les métiers qui n’ont pas une bonne réputation et les petites entreprises méconnues. »

Trois profils types

Paul Bazin identifie trois profils types pour l’immersion professionnelle, d’une fréquence sensiblement égale : « Découvrir un métier qui recrute, confirmer un projet professionnel et la situation où le demandeur est sûr de vouloir travailler dans ce métier, et voudrait voir comment ça se passe “en vrai”. »

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L’expérimentation in situ « permet à la fois au candidat de se rassurer, de se dire “c’est vraiment le métier que je veux faire”.  Et, à moi, recruteur, de dépasser la théorie, de valider ce que j’ai pu appréhender pendant les différents entretiens avec le candidat, estime Laurent Brangeon, dirigeant de l’agence O2 de Château-Thierry. Si je lance tout de suite la personne au domicile, avec un risque, quand la mission ne plaît pas, de perdre le candidat, de générer une insatisfaction client, tout le monde est perdant. J’ai fait cinq périodes d’immersion, j’ai validé quatre candidats. Le seul qui est parti, c’était son choix. » « Il y a des abandons, mais qui sont positifs, considère M. Bazin. On évite de s’enfermer dans une relation de travail qui n’est pas bonne. »

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Réformes des retraites : « De nouvelles difficultés annoncées en fin de carrière »

Carnet de bureau. Le management risque d’être compliqué pour les entreprises qui s’efforceront de maintenir les seniors en emploi jusqu’à l’âge du départ à la retraite, si le passage à 64 ans devait être appliqué. Le comité de mobilisation de l’Insee contre la réforme des retraites vient de publier son quatrième numéro d’« Analyse retraites » pour tenter d’éclairer le débat sur la pénibilité au travail.

Présenté jeudi 16 mars à Montrouge (Hauts-de-Seine) par une dizaine d’agents de la direction générale de l’Insee, ce recueil officieux est le produit d’un collectif de cinquante statisticiens, chargés d’études et mathématiciens de la fonction publique. Leurs conclusions annoncent une aggravation des difficultés en fin de carrière.

Avant la réforme, la durée moyenne en emploi après 50 ans n’est que de 9,2 ans (et non pas 14), et, en 2019, 37 % de salariés ne se sentaient déjà pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite, comme le révélait la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail le 9 mars. « Au moment du départ en retraite, indique l’étude, quasiment une personne sur quatre présente une incapacité : 8 % sont fortement limitées depuis au moins six mois dans leurs activités quotidiennes à cause d’un problème de santé et 15 % moins fortement. »

L’espérance de vie sans incapacité

L’incapacité s’accentue en fonction des catégories socioprofessionnelles. « Ces incapacités sont nettement plus fréquentes chez les ouvriers (34 %) que chez les cadres (14 %). » La durée moyenne en emploi après 50 ans est d’ailleurs de quatre ans plus courte pour les ouvriers (7,5 ans) que pour les cadres et les professions intellectuelles supérieures (11,5 ans).

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Un décalage que les statisticiens retrouvent dans la mesure de l’espérance de vie sans incapacité. Toutes catégories confondues, en 2020, l’espérance de vie sans incapacité était de 63,9 ans pour les hommes et de 65,3 ans pour les femmes. Mais « un ouvrier de 30 ans peut espérer vivre sans incapacité jusqu’à 62,4 ans en moyenne pour un homme, et 64,7 ans pour une femme, soit onze ans de moins qu’un ou une cadre du même sexe ». A 62 ans, 14 % des ouvriers sont déjà décédés, contre 6 % des cadres.

Or la réforme de 2010, qui avait reporté l’âge de départ de 60 à 62 ans, s’était accompagnée d’une hausse du nombre d’arrêts maladie après 60 ans : « Ces arrêts maladie qui se substituent à la retraite représentent un surcoût annuel de 68 millions d’euros pour l’Assurance-maladie. Ils peuvent aussi déstabiliser les collectifs de travail et amener à un report du travail sur les autres salariés. Un constat qui ne pourrait que s’aggraver avec un nouveau report de deux ans de l’âge de départ en retraite », alerte l’étude.

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A Marseille, ces trentenaires reconvertis qui gentrifient l’artisanat de bouche

Marseillais, urbains et diplômés, ces trentenaires tranchent avec le stéréotype du cadre en burn-out qui plaque tout pour en découdre avec son bullshit job. Ceux-là trouvaient plutôt du sens dans leur ancien métier : cela ne les a pas empêchés de plonger dans une tout autre activité. Par curiosité, passion ou coup de folie.

S’ils ont en commun d’avoir la tête bien faite, en plus d’un compte Instagram plutôt copieux, tous ces reconvertis ont choisi un métier de bouche en version artisanale. De leurs mains, Audrey Emery, Iris Michalon, Guillaume Strebler, Claire Hollender et Aurélien Ducloux réinventent des savoir-faire traditionnels pour proposer des produits haut de gamme à une clientèle qui cherche, comme eux, à respecter une certaine éthique dans ses modes de consommation.

« On retrouve toujours, parmi ces profils, une opposition globale à la production industrielle, dans une conception parfois fantasmée : ils pensent que la fabrication est polluante, que les produits sont standardisés, pas “naturels” et plein d’additifs, observe Antoine Dain, doctorant en sociologie à Aix-Marseille Université, qui termine sa thèse sur “la mobilité professionnelle des travailleurs qualifiés”, en comparant les reconversions dans l’artisanat de bouche et dans le bâtiment. Par contraste, eux travaillent des produits locaux qui ont souvent une épaisseur historique – comme le levain ou le blé ancien dans la boulangerie – et rejettent une forme de modernité. Ils mettent en avant des produits “d’antan” qu’il faut préserver, avec une personnalisation et une identité très marquée. »

« Viser l’excellence »

Marseille ressemble à un immense laboratoire en la matière. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le nombre de créations d’entreprises dans les métiers de bouche a augmenté de 15 % entre 2019 et 2022, selon la chambre de métiers et de l’artisanat de la région : « C’est énorme », lâche son président, Yannick Mazette, lui-même devenu artisan boulanger il y a trente ans après avoir exercé dans l’industrie du pneumatique. Dans certains secteurs, les chiffres ont explosé : + 50 % d’immatriculations dans la fabrication de produits laitiers, + 250 % dans la transformation du thé et du café. « Ces personnes en reconversion viennent avec une histoire, poursuit Yannick Mazette. Elles bousculent un peu les codes, mais c’est par la différence qu’elles vont exister. Le tout-venant n’a plus sa place, il faut viser l’excellence. »

Loin de la société industrielle, où chacun restait quarante ans dans le même métier, « l’individu privilégie désormais un changement de carrière pour son épanouissement personnel, avec la consommation comme support d’affirmation de soi », analyse Juliette Guidon, doctorante en sociologie à l’université Paris Cité, en contrat Cifre – convention industrielle de formation par la recherche – avec l’école hôtelière Ferrandi, dont la thèse porte sur les « reconversions professionnelles volontaires de cadres dans les métiers de bouche ». « L’origine sociale va beaucoup compter : dès l’enfance, ces cadres ont appris à manger bio, à aller au marché avec les parents… Ils vont se réapproprier ces habitudes familiales de consommation pendant la reconversion, de même que leurs compétences professionnelles : en tant que patrons, ils sont dans une transition horizontale plutôt que dans le déclassement. »

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A Paris, des éboueurs écœurés par les « casseurs de grève » venus du Sud

Intervention de CRS au dépôt de l’entreprise Pizzorno, à Vitry-sur-Seine, bloquée par des grévistes, le 16 mars.

La discussion avec la direction, en ce lundi 20 mars, aura été de courte durée. A la sortie, un responsable syndical résume, devant une quarantaine de salariés et militants mêlés : « Y a pas d’avancée. » Les jours de grève ne seront pas payés, c’était attendu. Mais les concessions proposées par la direction sont minimes. Personne ne semble surpris. « Ils se foutent de notre gueule, poursuit devant l’assemblée Abdelkader Mekhti, délégué central CGT du groupe Pizzorno, spécialiste de la collecte et du traitement des déchets. Ceux qui veulent continuer lèvent la main. » Les bras se dressent. La grève, entamée le 7 mars, contre la réforme des retraites mais aussi pour des hausses de salaire, est reconduite.

A Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), devant les locaux de Pizzorno Environnement, situés au milieu d’une zone industrielle, le temps des braseros et des palettes entassées est pourtant révolu. Ne restent que quelques traces sur des palissades. Ici, un autocollant citant Prévert : « Quand les éboueurs font grève, les orduriers sont indignés. » Là, un slogan tagué : « + de poubelles dans la rue, – d’ordures au pouvoir ». Le piquet de grève, la sono et les drapeaux rouges ont été démontés le 16 mars.

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Ce jour-là, plusieurs dizaines de CRS sont venus ­déloger les grévistes, syndicalistes et autres militants qui empêchaient les camions-bennes de sortir. La direction de Pizzorno, qui déplore auprès de M Le magazine du Monde le « blocage de ses activités par un collectif de personnes extérieures à l’entreprise », venait de demander, avec succès, au tribunal de Créteil d’autoriser le recours à la force pour débloquer le dépôt. Mais depuis, contrairement aux équipes du matin, moins mobilisées, les équipes du soir restent grévistes.

Avec ses quelque 250 salariés à Vitry, Pizzorno s’occupe de la collecte des déchets dans le 15e arrondissement de Paris et dans 24 communes du Val-de-Marne. Parmi les différents opérateurs privés travaillant dans une dizaine d’arrondissements de la capitale, la société, basée à Draguignan (Var), est la seule à connaître une grève d’ampleur. Ce n’est peut-être pas un hasard : au sein du groupe, le dialogue social est souvent plus que tendu.

Un système D parfaitement légal

En 2019, à Lyon, la société de 2 000 salariés avait eu recours à des intérimaires pour enrayer une grève. La pratique, illégale, avait été démasquée. Et aujourd’hui, si les grévistes de Pizzorno gardent un goût amer de l’évacuation du 16 mars, ils sont encore plus ulcérés par la stratégie de leur entreprise pour, disent-ils, « casser la grève ». En la matière, la direction n’a pas manqué d’inventivité, en faisant venir des salariés du groupe du sud de la France et de la région lyonnaise. Un système D parfaitement légal, pour un enjeu de taille.

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Aéronautique : en Occitanie, les sous-traitants bataillent pour recruter

Branle-bas de combat chez les sous-traitants pour recruter, à l’heure où toute ​la filière aéronautique retrouve des forces, portée par les cadences de production d’Airbus, le principal donneur d’ordres du territoire occitan. Problème, les candidats ne se bousculent pas, et cette difficulté oblige les entreprises​ du secteur, essentiellement concentrées autour de Toulouse, avec près de 90 000 salariés, à repenser leur mode de recrutement.

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C’est le cas de Satys Aerospace, filiale du groupe du même nom, spécialisée dans la peinture et le traitement de surface depuis Blagnac​ (Haute-Garonne), dans la banlieue toulousaine​. « Depuis un an, on vit une époque un peu incroyable, avec une reprise d’activité très forte, se félicite Grégory Mayeur, le directeur général, qui inaugurera une nouvelle salle de peinture le 21 mars. C’est reparti pour une croissance à deux chiffres sur plusieurs années. »

Si ce n’est que le dirigeant observe une pénurie « sans précédent » de peintres et d’étancheurs qualifiés sur le marché. « Les salariés se sont détournés de l’aéronautique, constate-t-il. Conséquence, post-pandémie, le profil des candidats est différent : ils sont sans emploi ou sans formation initiale. » Pour pallier leur manque d’expérience, l’entreprise, qui prévoit jusqu’à 350 recrutements par an jusqu’en 2025 pour ses 45 sites répartis dans le monde, a mis en place​ en 2022​ un processus inédit en interne.

Tuteur et « job dating »

Sur une demi-journée, les candidats potentiels sont soumis à des tests de dextérité manuelle. Leur savoir-être est ​également étudié à la loupe, tout comme leur capacité à travailler en équipe. S’ils sont sélectionnés, ils suivent une formation de six mois, en petits groupes de trois, sous l’égide d’un tuteur.

A 150 kilomètres au sud-ouest, à Tarbes, l’avionneur Daher est à la recherche d’ajusteurs, de drapeurs et de techniciens de contrôle non destructif pour produire son avion TBM de six places. Alors, le 9 mars, en matinée, l’entreprise a organisé un « job dating » dans son usine, avec à la clé 50 postes.

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« Nous sommes le premier employeur privé du département, et il n’est pas évident de trouver des gens à Tarbes. Nous cherchons toutes les idées créatives, reconnaît Jérôme Leparoux, secrétaire général de Daher, qui recrute 170 personnes en 2023 pour le site tarbais. On se dit que voir les avions qui se construisent dans nos hangars et assister à un vol d’essai est un vrai facteur de motivation et de différenciation. »

Après le choc de la crise sanitaire, qui a entraîné la perte de 6 000 postes dans la région Occitanie en 2020 et 2021, la filière est en plein rebond. « Pour assurer la hausse des cadences de production et préparer l’avion de demain, on estime que 3 000 postes sont vacants aujourd’hui. Et, d’ici douze à dix-huit mois, la filière aura besoin de 3 000 supplémentaires », constate Bruno Bergoend, le président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie d’Occitanie.

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A « Midi libre », la direction envisagerait un plan de départs contraints pour 45 salariés

Volontaire il y a encore trois mois, il pourrait être finalement contraint. En décembre 2022, la direction de Midi libre (propriété du Groupe La Dépêche du Midi depuis 2015) avait annoncé l’ouverture d’un plan de départs volontaires pour quarante-cinq postes, incluant, entre autres, dix à douze mois de formation pour les personnes partantes. C’est finalement un plan de départs contraints qui pourrait avoir lieu, la direction évoquant l’hypothèse d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

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Dans un courriel envoyé vendredi 17 mars aux salariés, Jean-Benoît Baylet, le directeur général du journal, fait peser la responsabilité de l’échec des négociations sur le Syndicat national des journalistes (SNJ), majoritaire chez Midi libre. Selon le fils de l’ancien ministre et patron de La Dépêche du Midi, Jean-Michel Baylet, le SNJ aurait « exprimé sa décision de signer » l’accord de départs avant de réclamer un délai supplémentaire à l’issue du comité social et économique du vendredi 10 mars. Le syndicat aurait ensuite soumis, mercredi 15 mars, quatre points à la négociation, dont la question des futures mutations en interne, des garanties pour les effectifs qui resteront et, surtout, l’engagement qu’il n’y ait pas de départs contraints, si le nombre de quarante-cinq départs n’était pas atteint.

« Cette demande, formulée en toute fin de négociation, est aussi soudaine qu’inexplicable », a répondu dans son courriel de vendredi Jean-Benoît Baylet, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations. Le directeur a rejeté la demande du SNJ, jugeant qu’elle menace « à court terme le retour à l’équilibre de Midi libre ». Après un déficit de 1,6 million d’euros attendu pour 2022, le titre anticipe une perte de 2,8 millions d’euros pour 2023. Aussi, M. Baylet a-t-il fait valoir aux salariés que la situation l’oblige à un plan de départs contraints, et que celui-ci devrait concerner « prioritairement les plus jeunes salariés de l’entreprise ».

Chute de la diffusion et des revenus publicitaires

Dans le détail, cela entraînerait la suppression de vingt-six postes de journalistes sur les cent vingt équivalents temps plein qui composent la rédaction, neuf assistants d’agence et dix postes techniques. La locale de Nîmes pourrait ainsi passer de quinze journalistes à huit, celle de Montpellier de onze à huit, celle d’Alès de six à quatre, celle de Béziers de sept à six, et le pôle news de vingt-deux à dix-huit journalistes. « Pour [ceux] qui resteront, c’est catastrophique, on ne sait pas comment on va pouvoir faire notre métier », réagit la déléguée SNJ Cathy Rocher, soulignant « une réorganisation affolante » et s’inquiétant des risques psychosociaux qu’elle pourrait entraîner.

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« Se doter d’une “raison d’être” précise et impliquante peut donner à l’entreprise une chance de mobiliser les énergies »

Gouvernance. En modifiant l’article 1833 du code civil, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019 a consacré la distinction entre l’intérêt social de l’entreprise et celui de ses actionnaires. La jurisprudence l’avait établie depuis longtemps mais la loi a permis de franchir une étape symbolique dans la « sociétalisation » des entreprises, c’est-à-dire dans leur devoir d’adapter leurs offres aux attentes environnementales et politiques de la société.

La notion d’intérêt social n’ayant néanmoins pas été définie, ce n’est toujours qu’a posteriori que l’on pourrait juger si une stratégie a servi l’écosystème de l’entreprise plutôt que l’intérêt actionnarial. La loi invitait donc les entreprises à clarifier a priori leur intérêt social en introduisant dans l’article 1835 du code civil, la possibilité de se doter d’une « raison d’être ».

Quatre ans plus tard, l’enthousiasme qu’avait pu susciter cette perspective est un peu retombé. Dans les faits, beaucoup de raisons d’être promulguées par les entreprises habillent de rhétoriques pompeuses des ambitions sociétales suffisamment nébuleuses pour ne pas contrarier l’activité courante… et leur être opposées en cas de litige. Les dirigeants entendent demeurer maîtres de leurs choix économiques et de leurs stratégies.

Production rentable et profit

Les plus conservateurs d’entre eux s’en félicitent, arguant que dans la dure compétition mondiale, l’économie a sa logique, celle de la production rentable et du profit ; ce principe doit rester le guide de leurs décisions. Se doter d’une raison d’être assez floue est un artifice commode permettant de poursuivre le « business as usual ».

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Or ils se trompent sur le sens de la sociétalisation. Ils n’y voient que l’expression capricieuse de groupes de pression environnementalistes ou politiques cherchant à perturber l’activité « normale » de l’entreprise pour imposer des revendications plus ou moins extravagantes.

Mais la sociétalisation ne se résume pas à des réclamations extra-économiques. Elle traduit d’abord les nouvelles tendances de la demande sur les marchés pour des produits plus durables, des services moins consommateurs d’énergie ou des pratiques plus respectueuses des personnes.

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Ces exigences anticipent une économie qui devra s’ajuster à des conditions climatiques, démographiques et géopolitiques inédites. Dans ce monde contraint, la création de valeur économique s’évaluera par l’impact positif de l’entreprise sur son écosystème.

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Les embauches redécollent dans l’aéronautique

Sur la chaîne d’assemblage de l’hélicoptère lourd H225 d’Airbus, le 26 juillet 2022.

Pour le secteur de l’aéronautique, la reprise est aussi subite que le coup d’arrêt du printemps 2020 fut brutal. Il y a trois ans, la survenue de la pandémie avait immobilisé le transport aérien. Du jour au lendemain, le ciel avait été vidé ou presque de ses avions, les aéroports désertés, et les chaînes de montage forcées de tourner au ralenti. Pour Philippe Dujaric, directeur des affaires sociales et de la formation au Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), « 2022 est la première année de grosse reprise des recrutements ».

Ces dernières semaines, les prévisions de recrutements sont tombées les unes après les autres. Les trois grands noms français de l’aéronautique, Airbus, Safran et Thales, ont annoncé des embauches massives pour 2023. Airbus veut recruter plus de 13 000 nouveaux collaborateurs, dont 3 500 en France, Safran souhaite en embaucher 12 000, dont 4 500 dans l’Hexagone, comme Thales, qui veut grossir ses rangs de 12 000 salariés supplémentaires, dont 5 500 en France. Une pluie d’embauches à la mesure des coupes claires effectuées pendant la crise et de la reprise en flèche de l’activité.

Alors que le secteur de l’aéronautique employait, en France, « environ 200 000 salariés en 2019, ils n’étaient plus que 190 000 à la fin de 2021 », rappelle M. Dujaric. Selon lui, « le retour aux effectifs de 2019 est attendu fin 2023 ». Il est vrai que les conséquences du passage du Covid-19 sont toujours présentes. Le trafic aérien est encore inférieur de 18 % à ce qu’il était il y a trois ans, tandis qu’au plus fort de la pandémie l’activité avait baissé de 30 % à 40 %.

Risque de surchauffe

Mais le retour à meilleure fortune est en vue. « Nous avons fait la moitié du chemin », constate M. Dujaric. Et certaines entreprises sont déjà revenues à leur niveau prépandémique, à l’exemple de la compagnie irlandaise à bas coûts Ryanair, qui « a retrouvé 100 % de son trafic d’avant-crise dès l’été [2022] », souligne Guillaume Hue, partenaire du cabinet de conseil Archery Strategy Consulting.

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C’est Airbus qui a donné le la de la reprise. Grâce aux aides de l’Etat et au dispositif d’activité partielle de longue durée, le numéro un mondial a moins réduit ses équipes qu’il ne le redoutait. Alors que l’avionneur européen projetait « 15 000 départs, dont 4 000 en France », sur 134 000 salariés au total, comme l’explique Mikaël Butterbach, DRH France de l’entreprise, finalement 500 licenciements ont été à déplorer en France.

En revanche, à l’international, le groupe a supprimé 10 000 emplois, principalement aux Etats-Unis. Dans la foulée d’Airbus, tous les maillons de la chaîne de sous-traitants ont entamé un régime minceur, à l’image du motoriste Safran (10 000 postes en moins dans le monde).

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Au Québec, les patrons de PME rivalisent d’inventivité pour garder leurs salariés

LETTRE DE MONTRÉAL

Sébastien Vachon, fondateur de Korem, lors de son intervention à propos du télétravail.

A l’occasion d’une rencontre en début d’année, Sébastien Vachon, PDG de Korem, une entreprise spécialisée en intelligence géospatiale, s’est présenté devant ses employés, vêtu d’un déguisement de dragon. Pas question de cracher du feu et de la bile, le créateur de cette florissante PME installée à Québec se prévaut d’avoir toujours eu comme priorité d’entretenir de bonnes relations avec ses salariés. Mais trop, c’est trop, le gentil dragon avait besoin d’exprimer ce qu’il avait sur le cœur.

Après avoir facilité la généralisation du télétravail pendant la pandémie de Covid-19, accordé depuis longtemps quatre semaines de vacances à tous ses salariés, le double de l’obligation légale en vigueur, et sur le point de mettre en place début 2024 la semaine de 32 heures sans diminution de salaire, le patron avait envie de rappeler à ses collaborateurs que « le travail n’[était] pas un conte de fées », et qu’ils ne devaient pas prendre pour acquises les « conditions exceptionnelles qui leur étaient faites ».

En échange des efforts par lui-même déployés, il réclamait de leur part un « vrai engagement dans l’entreprise », leur rappelant que « le télétravail ne d[evait] pas devenir synonyme de perte d’efficacité » et que, entre autres, un retour occasionnel dans les locaux de leur entreprise leur permettrait de transmettre à leurs enfants une autre image que celle d’un travailleur en culotte de pyjama assis devant son ordinateur.

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Mesures de « cocooning »

Son cri du cœur a rencontré un fort écho auprès des dirigeants des petites et moyennes entreprises (PME), principal moteur de l’économie québécoise. Comme partout ailleurs, ces derniers ont dû s’accommoder d’une relation au travail profondément modifiée par l’épidémie de Covid-19 ; ils ont accepté, avec enthousiasme ou réticence selon les cas, que le mode hybride domicile-travail devienne la norme. Mais ils s’inquiètent aujourd’hui du « détachement », disent-ils, induit par ces nouvelles pratiques, susceptible selon eux de mettre en péril les performances de leurs entreprises.

« Ce sont les employés qui ont aujourd’hui le gros bout du bâton », reconnaît Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec

Sauf qu’ici plus qu’ailleurs encore, la criante pénurie de main-d’œuvre – 230 000 postes restaient vacants fin 2022 au Québec – contraint les dirigeants de PME à apparaître comme les « mieux offrants » pour espérer recruter ou garder leur personnel. « Ce sont les employés qui ont aujourd’hui le gros bout du bâton », reconnaît Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec, pour souligner que les travailleurs sont actuellement en situation de force face à leurs employeurs.

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Amazon va supprimer 9 000 emplois

Nouvel épisode de licenciements massifs dans le secteur de la technologie. Amazon va supprimer 9 000 postes supplémentaires, a annoncé lundi 20 mars son directeur général, Andy Jassy, dans une lettre aux équipes du groupe, publiée sur son site. Une nouvelle salve qui vient s’ajouter aux 18 000 suppressions de postes déjà annoncées en janvier.

L’essentiel de ces nouvelles suppressions de postes concerne l’activité d’informatique à distance (cloud) Amazon Web Services (AWS), le département PXT dévolu à la gestion des ressources humaines, les effectifs consacrés à la publicité, ainsi que la plate-forme vidéo Twitch, a précisé M. Jassy. Les licenciements annoncés depuis début janvier représentent environ 1,7 % des effectifs d’Amazon, qui comptait 1,54 million d’employés dans le monde fin 2022.

Andy Jassy a justifié cette seconde vague de suppressions de postes par le fait que les analyses menées dans certains services avaient pris davantage de temps que pour d’autres, mais elle s’inscrit dans la même démarche d’économies amorcée à l’automne. « Compte tenu de l’incertitude économique et du manque de visibilité sur l’avenir proche, nous avons décidé de réduire nos coûts et nos effectifs », a expliqué le directeur général, qui a succédé au fondateur Jeff Bezos en juillet 2021.

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Ralentissement post-confinements

Le géant de Seattle (ouest des Etats-Unis) a enregistré au quatrième trimestre 2022 une chute de 98 % de son bénéfice net, ressorti très en deçà de ce que prévoyaient les analystes. « Durant plusieurs années », avant 2023, « la plupart de nos activités ont augmenté leurs effectifs de façon significative », ce qui « faisait sens (à l’époque) compte tenu de l’évolution de notre entreprise et de l’économie », a rappelé M. Jassy lundi.

Entre fin 2019 et fin 2022, Amazon a recruté, en net, 700 000 personnes, et fait ainsi augmenter de 83 % le nombre de ses employés. La fin des confinements et le retour progressif au bureau ont ralenti la trajectoire du groupe, qui avait connu une croissance insolente avec la pandémie de Covid-19 et l’accélération du commerce en ligne.

A cela s’est ajouté le cycle de resserrement monétaire de la banque centrale américaine (Fed), engagé au printemps 2022, qui a fait remonter brutalement les taux d’intérêt, auxquels est particulièrement sensible le secteur technologique du fait des besoins importants de financement.

Depuis 2022 et la fin des confinements, 1 150 entreprises de la tech ont supprimé plus de 190 000 postes. Le 20 janvier, Google annonçait à son tour la suppression de 12 000 emplois.

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Le Monde avec AFP