Pimkie va fermer 64 magasins et supprimer 257 postes d’ici à 2027

L’enseigne de prêt-à-porter féminin Pimkie a annoncé, mercredi 29 mars, son intention de fermer 64 magasins d’ici à 2027, conduisant à la suppression progressive de 257 postes, dans le cadre d’un plan de transformation de son propriétaire, Pimkinvest.

Ce « plan d’économie » s’explique par « une baisse de la fréquentation et des ventes », explique dans un communiqué la marque, rachetée à l’Association familiale Mulliez (AFM) en février par Pimkinvest, consortium mené par les groupes Lee Cooper France, Amoniss (Kindy) et Ibisler Tekstil.

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Des délégués syndicaux de Pimkie avaient alerté au début de février sur l’imminence d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), craignant alors la disparition d’environ 500 postes.

« Les leviers pour réduire le nombre de fermetures seront étudiés avec attention, à chaque fois que cela sera possible, notamment aux côtés des partenaires bailleurs de Pimkie », est-il précisé dans le communiqué. Ce plan vise à « inscrire Pimkie dans un projet de long terme, en s’appuyant sur une structure saine », affirme la direction de la marque.

Pimkie liste plusieurs chantiers dont une « modernisation de l’offre et de l’image », une « transformation digitale » ou « l’amélioration de la performance commerciale ». L’entreprise entend « tout mettre en œuvre pour proposer des solutions favorisant le repositionnement des salariés » via un « reclassement interne » et « un accompagnement personnalisé », a-t-elle assuré.

Citée dans le communiqué, la directrice générale de Pimkie, Sandrine Lilienfeld, espère « réaffirmer la place de Pimkie » dans « le top 3 des marques préférées des femmes de 18 à 25 ans ».

L’enseigne longtemps détenue par l’AFM, qui emploie 1 500 salariés et compte 232 magasins en propre et 81 en affiliation, avait annoncé en octobre être entrée en négociations exclusives en vue de son rachat. La vente a été finalisée le 22 février.

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Le Monde avec AFP

Le travail de nuit reconnu, pour la première fois, comme un facteur du cancer du sein

Dépistage du cancer du sein, à l’Institut Paoli-Calmette, à Marseille (Bouches-du-Rhône), en octobre 2017.

Ancienne infirmière à l’hôpital de Sarreguemines (Moselle), aujourd’hui retraitée, Martine sait à l’unité près combien de nuits elle a passé au travail : 873, au cours de vingt-huit années de gardes, en cardiologie et en gynécologie. Le reste du temps, la soignante travaillait le matin ou l’après-midi, alternant les trois, parfois dans la même semaine. En 2009, Martine, qui souhaite que son nom ne soit pas publié, se dit qu’elle va souffler : à 48 ans, elle obtient de travailler de jour et aspire à une vie normale.

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Espoirs douchés quand elle apprend peu après qu’elle souffre d’un cancer du sein. Quatorze ans plus tard, la sexagénaire a obtenu que cette pathologie soit reconnue comme une maladie professionnelle liée à ses années de travail de nuit. Une décision inédite, qui ouvre droit à une indemnisation et marque une victoire plus que symbolique : la CFDT des mineurs de Lorraine se bat depuis plus de cinq ans pour alerter sur les facteurs professionnels du cancer du sein.

La nouvelle, rendue publique à la fin du mois de mars, émane du conseil médical, instance départementale chargée de statuer sur les demandes de reconnaissance de maladies professionnelles dans la fonction publique. Josiane Clavelin ne boude pas son plaisir. « Ça remet un peu de peps dans notre combat », commente cette aide-soignante en retraite, membre du syndicat. En binôme avec Brigitte Clément, elle aussi syndicaliste, elle a aidé Martine à constituer son dossier.

Tumeurs malignes

Les deux femmes animent des permanences dans le pavillon du syndicat à Freyming-Merlebach (Moselle). En octobre 2021, quand Le Monde l’y avait rencontrée, Martine était arrivée pleine d’une colère rentrée, convaincue que « ce n’était même pas la peine d’y aller », tant les chances de succès lui semblaient minces. Aucun médecin n’avait voulu signer de certificat attestant d’un lien possible entre son cancer et son travail de nuit. Ensemble, elles ont retrouvé les traces de ses gardes et construit un argumentaire pour démontrer le lien de causalité.

Josiane Clavelin est une lanceuse d’alerte. Dans les années 1990 et 2000, la retraitée exerce à l’hôpital de Freyming-Merlebach. Autour d’elle, des dizaines d’infirmières et d’aides-soignantes développent des tumeurs malignes au sein. La plupart ne présentent aucun facteur de risque connu dans leur vie personnelle : antécédents génétiques, sédentarité, alcool… Josiane Clavelin a très tôt l’intuition que le cancer du sein, multifactoriel, peut prospérer sur des causes professionnelles.

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Monoprix assigne trente-neuf de ses salariés pour faire interdire toute manifestation dans ses magasins

C’est une audience qui prend une teinte particulière à l’heure ou des organisations syndicales dénoncent les réquisitions de raffineurs grévistes comme des attaques au droit de grève.

Dans une petite salle du tribunal judiciaire de Paris, ce mardi 28 mars, trente-neuf salariés du Monoprix Picpus (12e arrondissement) étaient assignés en référé – une procédure d’urgence devant un juge unique – après avoir manifesté dans leur magasin les 8 et 19 décembre 2022.

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Cela, expliquent-ils, pour dénoncer le manque de personnel et ses conséquences, alors qu’un de leur collègue, seul pour faire le travail de trois au rayon boucherie, venait d’être convoqué pour un entretien préalable au licenciement. Sur leur smartphone, certains montrent des photos de palettes de viande fraîche abandonnées des heures dans des allées non réfrigérées.

Intervention d’huissiers

Après vingt-cinq ou quarante ans « de maison », ils n’en reviennent pas de se retrouver ainsi devant la justice. Mais lors de ces deux matinées de mobilisation, Monoprix a fait venir des huissiers – une pratique de plus en plus fréquente dans les conflits sociaux – pour constater que les agissements des salariés « excédaient les limites du droit de manifester au sein de l’entreprise ».

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« Des salariés se sont livrés à une occupation partielle et non autorisée, interpellant d’autres salariés, des clients, tapant sur des caisses automatiques, scandant “Direction démission !”, ce qui a désorganisé le fonctionnement et la bonne marche du magasin », détaille à l’audience MPhilippe Bouchez El Ghozi, pour Monoprix Exploitation.

Il lance une vidéo sur son ordinateur. Tournée le 19 décembre 2022 près des caisses, on y entend une ambiance revendicative bruyante et des « Libérez Mohammed ! », le collègue alors en entretien préalable à son licenciement dans un bureau. « Si ça ce n’est pas un trouble illicite à l’ordre public, alors l’Etat de droit est menacé », lance l’avocat sans ciller.

« Prévention de la réitération »

Mais l’enjeu de l’audience est tout autre rappelle-t-il. C’est « la question de la prévention de la réitération ». Car un témoin a été entendu dire : « D’autres actions sont prévues en janvier. »

Ainsi l’entreprise demande au juge d’ordonner à tout salarié, de la société ou d’une autre, « de ne pas renouveler leur participation » à un mouvement dans un magasin Monoprix Exploitation, à Paris ou ailleurs, sous peine d’être condamné à 1 000 euros par personne et par infraction, et ce pendant trois ans. Une somme, quand la plupart des paies avoisinent le smic (1 353 euros net). Monoprix demande en sus le paiement des 1 116 euros de frais d’huissier, à titre de provision sur dommages et intérêts.

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Les entreprises au défi des violences du public envers leurs salariés

Le changement est survenu courant 2022. Agathe, caissière dans un supermarché à Paris, a constaté davantage d’agacement de la part des clients. Des remises en cause de la somme à régler, des insultes qui volent. « Les gens sont moins respectueux, ils s’emportent. Une collègue a même été menacée physiquement. » Comme dans de nombreux magasins, l’incivilité a suivi ici la courbe haussière de l’inflation. « On observe une recrudescence de l’agressivité face à la hausse des prix, abonde Sylvain Macé, délégué groupe CFDT Carrefour. Les clients font le tour du magasin et ils se déchargent en caisse. C’est dur à vivre pour les salariés, qui travaillent en état de vigilance. »

Les phénomènes d’incivilité et d’agression sont bien connus des établissements accueillant du public. Mais, ces dernières années, de nouveaux paramètres renforcent le sentiment d’insatisfaction des clients ou des usagers, et leur potentielle incivilité. Des facteurs multiples, comme le sont les secteurs touchés par ces « violences externes » : enseignement, santé, administration, médico-social, action sociale, vente…

Il s’agit par exemple de la « mise au travail » croissante qu’ont pu connaître les clients, notamment « dans les supermarchés où on leur demande de scanner leurs achats », note Valérie Langevin, psychologue du travail à l’Institut national de recherche et de sécurité. Dans un mouvement parallèle, « la digitalisation a complexifié l’accès à certains services et créé une frustration », indique Sadrina Bertrand, ingénieure conseil à la Caisse d’assurance-retraite et de santé au travail (Carsat) Languedoc-Roussillon, qui travaille à la prévention des risques en entreprise.

Des plans d’action

Les Français ont désormais de multiples occasions de « se retrouver seuls, en ligne, face à des conseillers virtuels (chatbots) qui leur proposent des réponses stéréotypées. Et parfois, toute leur exaspération pourra ressortir s’ils sont mis en contact, par la suite, avec un vrai téléopérateur », poursuit Mme Langevin.

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La place de l’usager n’est pas la seule à avoir évolué. Les sollicitations de certains organismes se sont aussi renouvelées, comme autant d’irritants potentiels pour leurs clients. Dans le secteur bancaire, par exemple, « en vingt ans, le panel de propositions de vente s’est multiplié pour les conseillers qui ont des objectifs de vente, explique Marc Durand, secrétaire général FO des banques et sociétés financières du Nord. Cela peut tendre la relation. Le client qui souhaite avoir une information sur son compte s’agace qu’on lui propose une assurance ».

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Droit de grève : les risques de la dissuasion

Carnet de bureau. Si l’entrave à la liberté du travail (article 431-1 et 431-2 du code pénal) est condamnable, l’entrave au droit de grève l’est également. Quel que soit le climat social, voire la situation économique de l’entreprise, il est toujours malavisé pour un manageur ou un employeur de vouloir dissuader les salariés de faire grève.

La société Vencorex France vient de le découvrir à ses dépens : elle a été condamnée fin février par le tribunal judiciaire de Chambéry à indemniser la CGT de son site chimique du Pont-de-Claix (Isère) pour « atteinte à la liberté syndicale et au libre choix des salariés d’exercer leur droit de grève ».

La contestation sociale ne concernait pas encore la réforme des retraites. Le syndicat avait alors appelé les salariés à faire grève pour protester contre la Loi travail. Mais, l’usine du Pont-de-Claix ayant déjà perdu plusieurs jours de production à cause des mouvements sociaux, la direction de l’entreprise, estimant avoir perdu « plusieurs millions d’euros », a cru bon d’adresser une « lettre ouverte » au représentant de la CGT du site affirmant « être choqué[e] par l’appel à la grève », soulignant « les conséquences néfastes » pour l’entreprise, qualifiant la « situation » de « regrettable » et concluant ainsi : « Nous espérons qu’elle ne se reproduira plus. » Un exercice de pédagogie, selon la défense.

Une liberté fondamentale

Le document a aussi été diffusé sur l’intranet de l’entreprise. Le propos de la direction s’adressait alors à l’ensemble des salariés, discréditant au passage l’action syndicale : « Au final, cette grève du samedi 2 avril [2022] n’a eu aucun effet sur la cause qu’elle prétendait défendre », précisait la lettre ouverte signée par le comité de direction.

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L’entrave à la liberté syndicale a vite été démontrée. Le tribunal a rappelé qu’« il n’appartient pas à une société ou à ses représentants de donner une opinion subjective sur l’utilité d’une organisation syndicale représentative au sein de l’entreprise qui tire sa légitimité d’une liberté fondamentale », que cette organisation est « en droit de déposer un préavis de grève pour contester une loi qu’elle considère comme contraire aux intérêts des salariés qu’elle défend », même en cas d’« impact sur le fonctionnement de l’entreprise ».

Quant à l’exercice du droit de grève, c’est une liberté fondamentale défendue par la Constitution. Chaque salarié doit pouvoir y recourir sans subir de pression individuelle ou professionnelle. Or la lettre de la direction mettant en parallèle « la grève » et les pertes de production, de ventes, de clients et l’énergie nécessaire à préparer un avenir commun était de nature à dissuader les salariés.

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Quatre anciens salariés grévistes de RTE condamnés à des amendes par la justice, la procédure d’exception mise en œuvre pendant l’enquête désavouée

Manifestation de soutien aux anciens salariés de RTE à l’appel de la CGT, devant le tribunal correctionnel de Paris, le 28 février 2023.

En octobre 2022, quatre anciens salariés de RTE, entreprise gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, étaient interpellés, menottés, et placés soixante-seize heures en garde à vue à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), pour « sabotage informatique ». Un crime réprimé par l’article 411-9 du code pénal évoquant « l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » et passibles de quinze ans de prison. A tort, a jugé le tribunal correctionnel de Paris, mardi 28 mars.

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Pour avoir programmé à trois reprises, en juin et juillet 2022, des « pertes de téléconduite », soit une coupure du système informatique qui permet de piloter à distance des postes électriques haute tension dans le cadre d’une mobilisation pour des augmentations de salaire, les quatre hommes n’ont été reconnus coupables que du simple délit « d’entrave au fonctionnement d’un système de traitement informatisé de données » et condamnés à des peines d’amendes. Assez lourdes au demeurant, de 5 000 à 10 000 euros.

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Mais le jugement est un désaveu cinglant pour la procédure spectaculaire utilisée contre ces agents, laquelle avait sidéré le monde syndical à l’automne. Le tribunal a en effet estimé qu’il n’y avait pas d’éléments « suffisants (…) pour mettre en œuvre cet article dérogatoire au droit commun » qu’est le 411-9, une procédure d’exception, dans ses moyens d’enquête et ses mesures de contraintes.

Aucune raison d’interpeller ces hommes pour sabotage

Et cela, parce que dès son premier contact avec la DGSI, le 29 juillet 2022, le responsable de la sûreté de RTE évoquait l’hypothèse d’actions dans le cadre d’un mouvement social, et que cette hypothèse a été confirmée par des actes d’enquête dès le mois d’août. Il n’y avait donc aucune raison d’interpeller ces hommes pour sabotage en octobre. Ce n’est qu’à l’issue de leurs soixante-seize heures de garde à vue que les faits avaient été requalifiés en délit, le sabotage informatique abandonné.

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Le tribunal a annulé tous les actes qui ont découlé du recours abusif à ce chef d’accusation, en particulier la prolongation exceptionnelle de la garde à vue et des écoutes téléphoniques. Le tribunal a également estimé « que le risque réel qu’ont fait courir ces actions au transport électrique justifiait une peine moins lourde que les réquisitions ». D’autant, a rappelé le tribunal, que les quatre hommes ont déjà été licenciés par leur employeur.

A l’issue de neuf heures d’une audience aussi technique que politique pour déterminer la gravité des faits, le 28 février, la procureure avait requis contre eux six à huit mois de prison avec sursis et 7 000 euros d’amende pour chacun.

Trois générations de garagistes racontent un métier en mutation : « Les voitures vont évoluer, et je vois ça depuis soixante ans, donc je ne m’affole pas »

Depuis la « tour de contrôle » du garage Gaud Car System de Douvaine (Haute-Savoie), Christophe Gaud, lunettes calées sur le nez, s’active pour valider la pile des factures qui se sont accumulées ces derniers jours. La neige est tombée subitement deux jours plus tôt : les dépanneuses ont été appelées une quinzaine de fois en vingt-quatre heures pour remorquer des voitures accidentées. Ce 15 décembre 2022, la température a sérieusement baissé et un courant d’air frais se fait ressentir à l’intérieur du bâtiment.

Vue sur le garage Gaud. De gauche à droite : Paul, Jean-Yves, Edouard et Christophe Gaud. A Douvaine (Haute-Savoie), le 15 décembre 2022.

Vêtu d’une doudoune noire, Jean-Yves, le frère de Christophe, traverse le hall d’exposition d’un pas décidé en direction de l’atelier. Dans ce centre de réparation, où les blagues fusent et l’énergie déborde, trois générations cohabitent. Un bonnet noir vissé sur le crâne, Paul, le fils de Jean-Yves, s’apprête à lui faire un point sur un véhicule déposé la veille. Au passage, Edouard, le patriarche, l’intercepte pour lui parler de leur contrat de gaz renégocié le jour précédent. Fondateur de l’entreprise, il a été rejoint par ses deux fils au milieu des années 1980 et par l’un de ses petits-fils en 2019. Chacun à sa manière, ils racontent leur attachement à un métier qui a connu de sérieuses mutations depuis cinquante ans.

La prochaine : la fin annoncée en 2035 de la vente des véhicules à moteurs thermiques neufs dans l’Union européenne qui n’utiliseraient pas de carburants neutres en termes d’émissions de CO2. Personne, dans la famille Gaud, ne s’en inquiète. « On a toujours su s’adapter et rebondir, aime rappeler Edouard. Qu’elle soit hybride, électrique, une voiture, c’est toujours une voiture, il faudra toujours la réparer. Ça n’a pas changé et ça ne changera jamais. » Même si, concède-t-il, « le volume de réparation risque de changer, puisqu’il n’y a plus beaucoup de mécanique dans une voiture électrique ».

Un projet « un peu fou »

A 76 ans, Edouard est convaincu que d’autres solutions vont être développées, comme des moteurs thermiques fonctionnant à l’hydrogène, qui nécessiteront davantage l’intervention d’un garagiste que les modèles électriques. Convaincu, aussi, que les constructeurs trouveront des solutions pour faciliter le recours à ce gaz hautement inflammable et difficile à stocker. « Les voitures vont évoluer, et je vois ça depuis soixante ans, donc je ne m’affole pas. »

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Sa femme, Suzanne, ne s’est pas affolée non plus en 1971, lorsque, marié depuis peu, Edouard a eu le projet « un peu fou » d’acheter à crédit la grange d’un voisin à Douvaine pour la transformer en atelier de réparation. « J’ai commencé avec rien, je travaillais quinze heures par jour, mais c’était une aventure extraordinaire », se souvient le garagiste. Tous deux originaires de cette petite ville de 6 600 habitants, située à quelques kilomètres de la frontière suisse, ils développent ensemble cette entreprise, où s’entremêlent naturellement vie professionnelle et vie familiale.

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Renouvelables : le bois énergie en quête d’employés, en Normandie comme dans toute la France

Un froissement puis le bruit sourd d’un arbre qui tombe. Dans cette forêt, près de L’Aigle, dans l’Orne, l’abatteuse tournoie presque sur elle-même dans un carré de sapins pectinés déjà clairsemé. Ses lourdes mâchoires saisissent, l’un après l’autre, des arbres desséchés – et gagnés par les scolytes –, pour les sectionner d’abord à la base, avant de les élaguer et de les couper en rondins.

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A la manœuvre, juché dans sa cabine aux vitres de Plexiglas, Romain Pernelle, comme dans un jeu vidéo, active ses joysticks, les yeux rivés sur la vue satellitaire où des cercles rouges localisent les troncs qui jonchent le sol. « Il faut une certaine dextérité pour faire ce métier, explique-t-il. Certains au bout d’un an se rendent compte qu’ils ne sont pas faits pour cela, et ils abandonnent. »

Ce bûcheron des temps modernes a rejoint depuis une dizaine d’années l’entreprise normande de bioénergie Biocombustibles, qui produit stères et plaquettes pour des chaufferies et des particuliers. « C’est un profil que l’on peut qualifier de rare », confie Benjamin Gomez, son chef de chantier, alors que le jeune homme, conducteur autodidacte, avait auparavant exercé les métiers d’agriculteur, de mécanicien et de bûcheron.

Des bûcherons « quasiment disparus »

Des expériences qui lui permettent de répondre au mieux aux exigences de sa tâche, à savoir, manœuvrer cette grue et en assurer la maintenance, en affûtant ses scies et couteaux par exemple. Tout en ayant le tempérament adéquat, un « goût certain de la solitude » et de la forêt, y compris en hiver, lorsqu’il fait nuit à 16 h 30. « Aujourd’hui, les jeunes préfèrent souvent être dans un bureau au chaud, et les profs ne leur parlent plus guère des métiers de la forêt », regrette son superviseur.

Ce dernier s’est formé en Corrèze – après un bac pro –, mais le lieu a fermé en 1998, faute d’élèves. « Il ne reste plus que cinq ou six écoles qui apprennent à conduire les engins de travaux forestiers », poursuit-il, alors que la mécanisation s’est fortement développée. Une abatteuse remplace désormais aisément le travail effectué par six à huit bûcherons. « Ces derniers ont quasiment disparu », poursuit-il, même s’ils sont pourtant toujours très recherchés, notamment pour les pièces de valeur.

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Des tas de branchages et de rondins, du bois jugé trop sec pour en faire des planches, s’empilent dans plusieurs recoins de la parcelle. Ils seront ensuite déposés en bordure de route, avant d’être broyés ou transportés dans des camions vers des plates-formes de stockage. « Avec le développement des chaufferies en biomasse, Biocombustibles prévoit de produire 200 000 tonnes de bois énergie en plus par an d’ici aux cinq à sept prochaines années », estime Mathieu Fleury, président de l’entreprise normande.

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En Allemagne, un mouvement de grève d’une ampleur exceptionnelle pour demander des augmentations de salaire

Des salariés des transports publics en grève à Francfort, en Allemagne, le 27 mars 2023.

Il est rare que les sujets sociaux fassent la « une » de l’actualité en Allemagne. Ce fut le cas lundi 27 mars. Pendant vingt-quatre heures, un mouvement de grève d’une ampleur exceptionnelle a touché la première économie européenne, principalement dans les transports, presque totalement à l’arrêt, mais également dans d’autres secteurs, comme les hôpitaux ou le ramassage des ordures, partiellement affectés.

Cette grève portait sur la question salariale. A la manœuvre, les syndicats Ver.di et EVG, qui représentent respectivement 2,5 millions de travailleurs dans les services et 230 000 employés dans les chemins de fer. Leur objectif était une augmentation des salaires de 10,5 %. Une revendication directement liée à l’inflation, qui a atteint près de 9 % sur un an outre-Rhin. Dans le secteur des transports, les employeurs ont seulement évoqué, jusqu’à présent, une éventuelle hausse de 5 %.

Un gouvernement réactif

La grève de lundi, la plus importante dans les services publics allemands depuis 1992, selon le syndicat Ver.di, s’inscrit dans une séquence tendue autour des enjeux salariaux. Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, les personnels des crèches et des écoles maternelles ont cessé le travail dans pratiquement tout le pays. Trois jours plus tard, après un long affrontement avec le syndicat Ver.di, la poste allemande a accordé à ses 160 000 salariés des hausses de salaires de 11 % à 16 %. Les 14 et 15 mars, ce sont les employés des hôpitaux et des maisons de retraite qui ont appelé à leur tour à cesser le travail.

A l’été 2022, la crainte du gouvernement allemand était celle d’un « automne chaud » et d’un « hiver de colère », agitée tout à la fois par le parti de gauche Die Linke et par l’AfD à l’extrême droite. Il n’en a finalement rien été. Quelques manifestations ont bien eu lieu, principalement dans l’est du pays, mais aucune de ces deux formations politiques n’est parvenue à mobiliser les foules. A la fois en raison de leurs propres faiblesses, mais aussi parce que la coalition dirigée par le chancelier Olaf Scholz s’est montrée très réactive face à l’inflation. Notamment en annonçant, fin septembre 2022, un plan de 200 milliards d’euros destiné à protéger les ménages et les entreprises contre la flambée des prix de l’énergie.

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Si l’automne et l’hiver ont été plus calmes que prévu, le printemps, en revanche, commence de façon relativement tumultueuse. Après la grève de lundi, les syndicats ont assuré qu’ils ne bloqueraient pas les transports pendant le week-end de Pâques, autour du 10 avril, mais ils n’excluent pas de se mobiliser de nouveau par la suite. « Les salariés en ont marre de se faire mener par le bout du nez dans les négociations collectives », a déclaré le président de Ver.di, Frank Werneke. Depuis le début de l’année, le syndicat revendique 70 000 nouveaux adhérents. « Il s’agit de la plus forte croissance que nous ayons connue depuis plus de vingt ans », affirme M. Werneke.

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