« Que sait-on du travail ? » : les « travailleurs du clic » les plus actifs sont en majorité des femmes précaires

72,1 % : c’est la part de femmes parmi les usagers les plus intensifs d’une plate-forme de microtravail en ligne, selon une étude menée en 2018 auprès des utilisateurs du site Foule Factory. Les sociologues Pauline Barraud de Lagerie, Julien Gros, Luc Sigalo Santos ont divisé les travailleurs en quatre classes en fonction de leur temps et de leur fréquence de connexion sur ce site, des moins actifs (classe 1) aux plus actifs (classe 4). Parmi cette classe 4, les femmes sont donc surreprésentées, mais c’est tout particulièrement le cas de celles en situation d’inactivité, au chômage ou à la retraite : elles représentent 43 % de la catégorie, contre 19 % de l’ensemble des travailleurs interrogés.

Comment expliquer cette surreprésentation ? Les chercheurs reviennent sur leurs principaux résultats, dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ?  » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

Les « travailleurs du clic » ont émergé au milieu des années 2000, avec le phénomène du « crowdworking » : une entreprise donneuse d’ordre découpe des missions en un grand nombre de petites tâches, exécutables rapidement et derrière leur écran par des « microtravailleurs ». Pour quelques centimes, ces derniers réalisent des sondages ou cliquent sur des images. Ils ne sont ni indépendants ni salariés, car la contrepartie financière est présentée « non pas comme une rémunération mais comme une compensation ou un dédommagement ».

En se concentrant sur une plate-forme réservée aux résidents français, les chercheurs veulent comprendre l’intérêt de ce « travail en miettes » dans un pays à fort pouvoir d’achat et doté d’une bonne protection sociale. En effet, les gains des utilisateurs sont ridicules, quelle que soit leur fréquence de connexion : les deux tiers des répondants déclarent ainsi gagner moins de cinq euros par mois, et seulement un sur dix plus de dix euros. De rares personnes atteignent cinquante euros.

Une image brouillée de la situation

Si cette somme est un revenu de complément pour une majorité d’utilisateurs – 60 % d’entre eux se connectent moins d’une fois par semaine –, les sociologues distinguent « une première ligne très minoritaire d’usagers intensifs, plus précaires et avec beaucoup plus de femmes », pour qui l’argent récolté est tout de même un enjeu. 5 % des répondants restent sur le site plusieurs heures par jour : ils constituent la « classe 4 », peu nombreuse, mais qui réalise en réalité la majeure partie des missions disponibles.

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« Qui veut gagner des centimes ? Les microtravailleurs : derrière une foule de passage, une première ligne de précaires »

[Qui sont réellement les microtravailleurs français ? Pauline Barraud de Lagerie est maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine-PSL et membre de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso, UMR CNRS-Inrae). Ses recherches portent principalement sur les entreprises multinationales et la régulation de leurs chaînes d’approvisionnement. Julien Gros est chargé de recherche au CNRS, affilié au Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires (Lisst, UMR université de Toulouse Jean-Jaurès-CNRS-Ehess-Ensfea-Institut national universitaire Champollion). Ses recherches portent principalement sur la stratification de l’emploi en France, plus précisément de l’emploi indépendant, et sur sa quantification par la statistique publique. Luc Sigalo Santos est maître de conférences en science politique à Aix-Marseille-Université, chercheur au Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST, UMR AMU-CNRS) et associé au laboratoire Triangle (Lyon). Outre ses travaux sur le crowdworking, ses recherches, qui articulent sociologies de l’action publique et du travail, portent sur l’encadrement institutionnel des parcours professionnels.]

Développé par des plates-formes numériques faisant office d’intermédiaire, le « crowdsourcing » de microtâches, aussi appelé « crowdworking », consiste à découper la mission d’une entreprise donneuse d’ordre en petites tâches et à en confier l’exécution à une foule de « microtravailleurs » en ligne (« crowdworkers »).

C’est ainsi que des entreprises peuvent sous-traiter à des internautes, rémunérés chacun quelques centimes, de vastes projets de traitement de données décomposées en microtâches (identification d’image, recherches Internet, sondages, etc.). Auprès des entreprises clientes, les plates-formes de crowdworking mettent en avant la possibilité de faire réaliser à moindre coût des tâches chronophages et rébarbatives qui, sans cela, risqueraient d’épuiser leurs équipes.

Aux microtravailleurs, les plates-formes promettent un complément de revenu ludique, accessible à tout le monde et à toute heure, au seul moyen d’un accès à internet : plutôt que de jouer au Solitaire ou de flâner sur Internet, ces derniers sont invités à mettre à profit un peu de leur temps en échange d’une petite compensation financière. Comme le résume un juriste américain, « chaque salle d’attente et chaque arrêt de bus deviennent un espace temporaire de travail » (Alek Felstiner, 2011, page 155).

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« Notre responsabilité est d’accompagner le déploiement de normes suffisamment complètes pour permettre aux entreprises et aux investisseurs d’agir pour la planète »

La façon dont les entreprises doivent rendre compte de leurs rapports entre leurs activités et l’environnement – le « reporting durable » – fait actuellement l’objet de controverses importantes dans le monde des juristes, des comptables et des experts de l’environnement. Un débat à bas bruit, alors que l’enjeu est fondamental pour atteindre les objectifs de décarbonation et de transition assignés par les gouvernements et les accords internationaux sur le climat.

Dans une tribune récente, Emmanuel Faber s’étonne des choix faits par l’Union européenne, avec l’adoption, le 16 décembre 2022, de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), entrée en application à partir du 1er janvier 2024, choix dont il dénonce le simplisme (« Comptabilité d’entreprise : “Exiger que la matérialité s’étende au-delà du domaine économique est en réalité simpliste” », Le Monde du 10 octobre).

Approche ambitieuse

A rebours de ces choix, il met en avant la décision prise par l’International Sustainability Standards Board (ISSB), l’organisme international de normalisation qu’il préside, de s’en tenir à une mesure de la « matérialité financière », c’est-à-dire à mesurer la manière dont les bouleversements climatiques en cours peuvent influencer la capacité de l’entreprise à générer des profits. Cette approche raisonne à sens unique, en laissant de côté l’impact de l’activité économique sur le changement climatique.

Emmanuel Faber a raison sur un point : l’approche européenne est ambitieuse. Elle implique en effet de prendre en compte deux types de matérialité : la matérialité financière, à laquelle s’ajoute (et non se substitue) la matérialité d’impact. Il s’agit de rendre compte des conséquences du changement climatique sur le modèle d’affaires de l’entreprise, mais aussi des effets « matériels » de l’activité de l’entreprise sur son environnement. L’ambition est alors double : permettre aux entreprises d’adapter leur modèle (matérialité financière) et les inciter à réduire leur impact (matérialité d’impact).

Pourtant, selon Emmanuel Faber, cette démarche est triplement illusoire. Tout d’abord, parce que cette matérialité d’impact n’intéresserait pas les investisseurs, et serait hors périmètre pour les marchés financiers. C’est pour le moins discutable. La décision d’investissement est prise en fonction de la trajectoire attendue de l’entreprise, de ses risques et de ses perspectives.

Cette trajectoire s’évalue au regard de nombreuses informations, sans exclure a priori l’une des deux matérialités. La normalisation de la double matérialité a ainsi l’objectif de rendre fiable et comparable une information complexe et actuellement disparate, permettant à tout actionnaire d’avoir accès à des indicateurs vérifiés et de prendre une décision éclairée. La confiance dans les marchés financiers ne peut qu’en être renforcée.

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L’argot de bureau : quand le monde du travail est devenu « toxique »

Ils sont là. Partout. Ils rôdent, prêts à vous piquer au moment où vous êtes le plus vulnérable. Ce ne sont pas des punaises de lit, mais presque : ce sont vos collègues « toxiques ». Huit personnes sur dix admettent en avoir au moins un dans leur entourage, et un tiers de ceux-ci sont capables d’en citer au moins cinq, conclut un sondage en ligne réalisé par le site MonCVParfait auprès de 1 000 salariés.

Réfléchissez un instant à qui vous pourriez accoler ce terme peu reluisant. Pensez aussi qu’il n’est pas impossible que vous soyez la punaise ou le champignon vénéneux de quelqu’un d’autre. Mais pourquoi utilise-t-on ce terme dans le monde du travail, et non « brutal », « malfaisant », « mauvais », « incompétent », « problématique » ? Sans doute car il désigne quelque chose de pas tout à fait clair, comme un nuage de fumée verdâtre dont l’odeur oscillerait entre celle de l’essence et du feutre Velleda. Pas désagréable, mais potentiellement délétère.

En effet, le toxique est subjectif et pourra désigner un collègue trop fainéant et un autre trop zélé, qui se mêle de tout ; un jeune salarié qui ne parle jamais, ne répond pas aux « bonjour ! » machinaux de tous ses congénères dans l’ascenseur, et un autre qui multiplie les potins. La tendance au commérage est d’ailleurs le trait de caractère le plus toxique, selon le sondage, devant « mentir » et « avoir une attitude toujours négative ».

Ces exemples ont en commun de ne pas convenir à la personne qui affuble quelqu’un du mot « toxique ». C’est parfois un réflexe hâtif de mécontentement face au moindre désagrément. Son succès tient à la psychologisation des rapports humains, au travail ou ailleurs, décrit la philosophe et psychanalyste Clotilde Leguil, autrice de L’Ere du toxique (PUF, 2023).

L’intention de nuire

D’ordinaire utilisé pour désigner des substances industrielles nocives, l’adjectif a glissé au début du XXIe siècle – remercions pour cela Britney Spears et sa chanson Toxic (2004) – pour désigner la capacité de l’autre à nous « intoxiquer », à petit feu. C’est d’ailleurs l’essence du mot grec toxikon, qui désigne le poison dont on imprégnait les flèches des guerriers, se diffusant si vite que seule une amputation pouvait sauver le corps meurtri.

Un management toxique, par exemple, est insidieux et se repère par une accumulation de signaux d’alerte : accuser les autres de ses propres erreurs, s’attribuer le mérite du travail de ses collègues, vouloir contrôler ces derniers… Par exemple, ce mail de votre chef : « Sauf erreur de ma part, je n’ai pas reçu ce document. Merci de me le renvoyer TOUT DE SUITE. » Pris d’une bouffée de stress, vous vous exécutez, mais, soudainement, c’est au tour de votre interlocuteur de ne plus vous répondre.

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En Chine, le chômage de masse chez les jeunes embarrasse Pékin

Depuis un mois, Rachel s’est installée à Shanghaï, en Chine, pour chercher du travail. « Je m’attends à gagner 6 000 ou 7 000 yuans [soit 777 euros ou 907 euros], juste assez pour payer un loyer et me nourrir, mais j’espère trouver une entreprise qui me permette de m’épanouir, dans la publicité ou le marketing », explique la jeune femme. Un métier intéressant : c’est ce que recherchent beaucoup de jeunes issus de la classe moyenne chinoise, quitte à accepter un faible salaire, ou à prendre leur mal en patience. Diplômée à l’été 2022, alors que les confinements s’enchaînaient en Chine, Rachel (elle n’a donné que son prénom anglais), 28 ans, avait passé quelques entretiens, avant de rentrer chez ses parents en attendant des jours meilleurs. Elle est presque devenue « enfant à plein temps », dit-elle en souriant, une expression apparue pour désigner les diplômés sans emploi qui décident de rester chez leurs parents et se font entretenir, parfois en échange de services. Un symptôme parmi d’autres d’une économie qui tourne au ralenti.

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Le chômage des jeunes n’a jamais été aussi élevé qu’en 2023. En juin, il a atteint un record à 21,3 %. Avec une nouvelle cohorte de diplômés, les chiffres de juillet s’annonçaient pires encore. Les autorités ont décidé de ne plus diffuser le détail du chômage par classe d’âge. La manœuvre n’a pas manqué de susciter un déluge de critiques en ligne : sur le site de microblogging Weibo, le sujet a attiré 140 millions de vues en quelques heures.

Les raisons de ce phénomène sont connues : le pays ne s’est pas relevé de trois ans de politique zéro Covid drastique et connaît une année difficile. Les exportations chutent, l’immobilier connaît une crise inédite, et la consommation intérieure peine à repartir. Résultat, malgré une base de comparaison faible, l’empire du Milieu devrait à peine atteindre son objectif de croissance pour 2023, fixé « autour de 5 % » en début d’année.

Les établissements scolaires sous pression

Dans ce contexte de crise, les jeunes, qui manquent d’expérience, sont généralement les premiers affectés. Officiellement, le chômage urbain total reste faible, à 5 % en septembre, même si cette mesure est critiquée (elle exclut les travailleurs migrants, considérés comme « ruraux »). Les jeunes sont d’autant plus touchés qu’ils travaillent majoritairement dans les secteurs les plus exposés à la crise (les services, le privé, les emplois précaires), et moins dans le secteur public et l’industrie.

Facteur aggravant, les autorités chinoises ont lancé, entre 2021 et 2022, une campagne de régulation contre les plates-formes du Web, comme Alibaba, Tencent ou Meituan. Plus touché encore, le secteur du tutorat privé a été quasiment banni en juillet 2021, entraînant la suppression de centaines de milliers d’emplois d’enseignant. Dans le même temps, une campagne de réduction de l’endettement des promoteurs immobiliers a entraîné, là aussi, la disparition de centaines de milliers de postes, aussi bien d’ouvriers de la construction que d’architectes, d’agents immobiliers ou de courtiers en prêts immobiliers. Déjà échaudés par la coûteuse politique zéro Covid, les entrepreneurs chinois se demandent où frappera la prochaine campagne du Parti communiste.

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En Grèce, dans la banlieue d’Athènes, le lent redémarrage des chantiers navals d’Eleusis

Les chantiers navals d’Eleusis, en Grèce, le 17 octobre 2023.

A la sortie des chantiers navals d’Eleusis, à une vingtaine de kilomètres d’Athènes, une dizaine d’ouvriers, épuisés, s’agenouillent sur le bitume en attendant leur bus. Ils ont repris le travail depuis le mois de février lorsque l’entreprise américaine Onex a fait une offre sur les chantiers navals à l’activité très erratique depuis 2010.

Après plus de sept mois d’attente, la justice grecque a approuvé, jeudi 19 octobre, le rachat. Onex prévoit de mobiliser 124 millions de dollars (117 millions d’euros) pour développer le site. Un soulagement pour certains salariés. « Un grand jour s’est levé pour nous tous, les travailleurs », se réjouit sur Facebook le groupe des travailleurs des chantiers navals d’Eleusis.

« Aujourd’hui, la renaissance des chantiers navals grecs en tant qu’industrie prend forme. Les plus grands gagnants sont et seront les employés qui, pendant des années, se sont battus », a réagi dans les médias grecs le PDG d’Onex en Grèce, Panos Xenokostas. L’entreprise a annoncé vouloir réparer jusqu’à deux cents navires de tous types par an, en mettant l’accent sur ceux qui transportent du gaz non liquéfié (GNL). Un terminal a été inauguré à proximité et, depuis la guerre en Ukraine, la Grèce a décidé de devenir un hub pour le GNL, afin de permettre aux pays de la région de se défaire de leur dépendance au pétrole russe.

Pour le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis, cette reprise est érigée en symbole. En avril, lors d’un événement sur le chantier naval, le ministre du développement et des investissements, Spyridon-Adonis Georgiadis, s’était dit « fier » de la reprise des activités dans cette zone pauvre de la banlieue athénienne, où le chômage frôle toujours les 20 %. « Les investissements en Grèce ont augmenté de 45 % au cours des quatre dernières années », avait-il insisté.

« Conventions collectives supprimées »

Dimitris, qui n’a pas souhaité donner son nom, est ravi. Employé depuis dix ans, il a vécu « des galères », dû prendre d’autres petits boulots à côté pour s’en sortir. « Pendant plusieurs années, nous ne recevions pas notre salaire en entier, c’est-à-dire, 850 euros net, mais 500 euros un mois, puis 300 euros un autre mois… Et ce, parce que l’ancien propriétaire avait d’énormes dettes et ne pouvait plus nous payer. Maintenant, c’est un retour à la normale, nous pouvons revivre », estime le quadragénaire.

Près de 570 personnes travaillent sur le chantier naval d’Eleusis, et le nouveau propriétaire estime que, dans quelques années, 2 500 nouveaux emplois directs et indirects pourraient être créés grâce à l’activité de construction navale.

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« Monsieur le Président Macron, face au chômage de longue durée, ne reculez pas ! »

Nous sommes des directrices et directeurs d’entreprises à but d’emplois (EBE) qui, partout à travers la France, salarient des personnes privées d’emploi dans le cadre de l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Nous les accompagnons dans le développement de leurs compétences et créons des activités utiles localement pour leur donner une place à travers le travail.

Des milliers de personnes en France participent désormais à cette expérimentation unique en son genre. Votre gouvernement a décidé cet été de réduire sa contribution au développement de l’emploi de 7 %, impactant directement et fortement le modèle économique des EBE, qui réalisent pourtant d’immenses efforts pour atteindre une stabilité financière.

Le défi du retour à l’emploi est immense et, comme pour gagner une Coupe du monde de rugby, nous accompagnons nos équipes à se renforcer dans bien des secteurs « de jeu » : stopper et faire reculer le poids des discriminations, dépasser les obstacles liés au handicap ou à la parentalité, tenir le choc physique et psychique de la reprise d’activité souvent plus effrayante qu’un haka des All Blacks, rester groupés pour avancer individuellement et collectivement vers de nouveaux savoir et compétences.

Entreprises, associations et de collectivités locales pour l’emploi

Aux côtés d’autres structures d’insertion, nous nous battons pour remporter une compétition que la France n’a plus gagnée depuis trop longtemps : celle de la lutte contre le chômage de longue durée. Celui qui écrase plus particulièrement les personnes en situation de handicap, les femmes en responsabilités monoparentales, et plus généralement les gens qui n’ont pas eu de chance. Ce sont nos équipes, et elles nous emplissent de fierté.

À deux reprises, l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée a été votée à l’unanimité au Parlement, signe qu’il existe encore des défis qui peuvent fédérer le pays et l’ensemble de ses représentants. Car toutes et tous sont conscients que non seulement pour certaines personnes le retour à l’emploi exige des moyens supplémentaires mais aussi que dans les territoires, villages comme quartiers, où nous recrutons massivement, le pouvoir d’achat augmente, la dynamique économique reprend, les solidarités se développent et l’espoir revient. Autour de nous, c’est tout un tissu d’entreprises, d’associations et de collectivités locales qui se mobilise pour l’emploi de toutes et tous.

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Pour autant, alors que notre expérimentation fait ses preuves dans sa capacité d’inclusion et d’innovation, votre gouvernement vient de décider d’en réduire les moyens : avec une baisse de 7 % de votre contribution aux salaires de nos structures, vous nous envoyez un bien étrange signal en même temps que sont également réduits les moyens alloués à l’insertion. Quelle équipe de haut niveau pourrait remporter la moindre compétition en réduisant son effort de 7 % ?

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Dominique Méda : « Les outils d’intelligence artificielle peuvent désormais surveiller et analyser les performances physiques au travail »

Il existe une vaste littérature concernant les conséquences du développement de l’intelligence artificielle (IA) sur l’emploi, allant des publications les plus pessimistes aux plus enchantées. Si la plupart des prédictions effrayantes annonçant la disparition des emplois ont jusqu’ici été démenties – à l’instar de celles des économistes américains Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, qui indiquaient, en 2013, que l’automatisation pourrait entraîner la disparition de la moitié des emplois américains en une ou deux décennies –, il pourrait en aller autrement dans les années à venir.

Une étude du département de la recherche de l’Organisation internationale du travail parue en août montre qu’à certaines conditions (notamment un dialogue social renforcé), la diffusion de l’IA pourrait créer des emplois, mais que des risques non négligeables pesaient sur l’emploi des femmes dans les pays à revenus élevés.

Mais ce sont sans nul doute les effets du développement de l’IA sur le travail humain lui-même, plus que sur l’emploi, qui méritent la plus grande attention. Depuis plusieurs années, de nombreuses recherches ont mis en évidence la diffusion à grande vitesse d’un « management algorithmique », c’est-à-dire d’une gestion des conduites humaines et des relations de travail à l’aide d’instructions encapsulées dans un logiciel. Par exemple, les chauffeurs VTC ou les livreurs à vélo qui utilisent les applications des plates-formes numériques voient leur parcours guidé et analysé par un algorithme, qui incite à l’adoption de certains comportements et peut générer des sanctions telles que la déconnexion.

« Boîtes noires »

Mais ni les chauffeurs ni les livreurs à vélo n’ont connaissance des critères utilisés : ils réclament depuis longtemps d’avoir accès à ces « boîtes noires ». La directive proposée par la Commission européenne en décembre 2021 prévoit plusieurs avancées essentielles pour celles et ceux qui travaillent via les plates-formes numériques, parmi lesquelles une présomption de salariat, une meilleure transparence des algorithmes et le droit de contester les décisions automatisées. Mais elle se heurte à un lobbying farouche de la part des plates-formes.

Si elle vise à encadrer et à surveiller les comportements de celles et ceux dont le travail est guidé par des applications numériques, la mobilisation des algorithmes ne s’arrête pas là. Les chercheurs Valerio De Stefano et Simon Taes montrent que le management algorithmique engendre non seulement un contrôle des travailleurs d’une ampleur qui aurait été impensable il y a quelques années, mais aussi la collecte et le traitement de quantités considérables de données personnelles relatives à leur vie et à leur travail (« Management algorithmique et négociation collective », Notes de prospective de l’Institut syndical européen n° 10, mai 2021).

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Le Portugal reste une terre d’émigration

Après avoir travaillé dans un cabinet médical au Portugal, Alexandre Gouveia, généraliste, s’est s’installé à Lausanne (Suisse), ici à la Policlinique de médecine générale Unisanté, le 13 octobre 2023.

Ana Santos s’était promis de ne pas suivre la voie de son frère. De ne jamais faire pleurer sa mère comme lui lorsque, ce matin de septembre 2012, Antonio prit l’avion pour le Brésil. « Elle savait qu’il ne reviendrait sûrement jamais et, surtout, qu’il n’avait pas le choix : c’était la crise, les ingénieurs ne trouvaient plus de travail à Lisbonne », raconte d’une voix douce la jeune femme de 21 ans. A l’époque, elle en avait 10. « Moi, j’étais la fille qui resterait au pays et ne ferait jamais couler les larmes de notre mère. »

Cet été, pourtant, elle s’est résolue à faire ses valises à son tour pour intégrer un cursus de biologie à Londres. « Depuis la crise due au Covid-19, je rêve de travailler dans la recherche », confie-t-elle. Mais les laboratoires où elle aimerait postuler un jour sont tous en Europe du Nord ou aux Etats-Unis. « Pour réussir, il me fallait partir. »

Monica Marques, elle, s’est installée à Sydney, en Australie, à la fin de la pandémie. Là où ses parents avaient émigré avant elle dans les années 1970, avant de revenir à Setubal, la petite ville au sud de Lisbonne où elle a grandi. « J’adore mon pays et il me manque, raconte cette professeure de portugais de 33 ans. Mais un salaire y suffit à peine pour payer les factures. Je voulais offrir à mon fils de meilleures opportunités d’avenir. »

En 2021, 60 000 Portugais sont partis vivre à l’étranger, soit 15 000 de plus qu’en 2020, selon les derniers chiffres de l’Observatoire de l’émigration portugais. Après la pause liée à la crise sanitaire, les départs ont repris, principalement vers le Royaume-Uni, la Suisse, l’Espagne ou la Scandinavie. « Malgré la reprise économique, nos jeunes continuent de partir », se désole Armindo Monteiro, le patron de la Confédération portugaise des entreprises.

Une « constante structurelle de l’histoire » du pays

Certes, le rythme est inférieur à celui observé pendant la crise de 2010, où plus de 80 000 personnes faisaient leurs valises chaque année. Mais il reste préoccupant pour ce petit pays vieillissant de 10 millions d’habitants. Selon les Nations unies, il est celui qui, en Europe occidentale, recense le plus d’émigrés (deux millions de personnes au total) en proportion de sa population résidente. Et pour cause : « L’émigration est une constante structurelle de son histoire, rappelle Victor Ferreira, chercheur à l’Institut d’histoire contemporaine de l’Université nouvelle de Lisbonne. Longtemps, le Portugal n’a pas eu suffisamment de ressources pour nourrir toute sa population. »

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Le poste de travail, la face cachée du coût du collaborateur

Le coût du poste de travail augmente de 9,4 % en 2022 par rapport à 2021, indique la dernière étude de l’IDET (Inspirer et développer les environnements de travail), l’association des directeurs de l’environnement de travail. Publiée le 17 octobre, elle a été réalisée d’avril à octobre 2023 auprès d’un panel de 118 sites des entreprises adhérentes (dont 51 % hors Ile-de-France) représentant près de 100 000 postes de travail, 2 millions de mètres carrés et 124 000 collaborateurs.

Dérapage ? Il faut plutôt y voir la conséquence d’un rattrapage. Le coût annuel total d’un poste de travail en 2022 – qui englobe notamment l’immobilier (loyer et assurances), les coûts d’exploitation afférents (propreté, énergie, maintenance des locaux…), les moyens et équipements au service des collaborateurs (déplacements professionnels, voitures de fonction, téléphonie, conciergerie, fournitures de bureau…) – est de 13 658 euros, revenant quasiment à son niveau pré-Covid. Durant les confinements, les employeurs pouvaient en effet se dispenser de financer le chauffage de bureaux vides comme les déplacements…

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Ces 13 658 euros correspondant à une moyenne, cela signifie que le coût du poste de travail d’un simple employé de bureau travaillant dans le très cher quartier des Champs-Elysées, à Paris, peut représenter une bonne part du salaire qu’il perçoit.

Des plans sobriété

L’étude s’attache à répertorier les évolutions des différentes composantes du poste de travail. Sans surprise, la plus forte augmentation en 2022 concerne les coûts d’exploitation, du fait, notamment, de l’envolée des prix du gaz et de l’électricité. Conséquence ? « Sans initiatives, l’énergie peut peser rapidement davantage que la sécurité-sûreté, la maintenance technique ou la propreté dans les coûts d’exploitation », détaille Séverine Pilverdier, présidente de l’IDET et directrice de l’environnement de travail chez BNP Paribas Real Estate.

Mais, là encore, il faut relativiser : en 2022, les entreprises adhérentes de l’IDET ont dépensé 518,70 euros pour l’énergie, qui pèse donc moins de 5 % du coût total du poste de travail. Reste que cette ligne budgétaire mobilise une bonne partie de leurs efforts, car toute baisse de la consommation d’énergie limite la hausse de la facture et contribue à réduire leur empreinte carbone.

Pour parvenir à faire d’une pierre deux coups, les entreprises ont mis en place des plans sobriété en 2022. « Celles qui inaugurent de nouveaux locaux installent des systèmes qui coupent la lumière et le chauffage de manière centralisée à partir d’une certaine heure. D’autres instaurent le télétravail le vendredi pour tout le personnel, ce qui permet de réduire la facture d’énergie trois jours d’affilée et d’être plus “vert” », observe Séverine Pilverdier.

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