A la Banque de France, le suicide de deux salariés empoisonne le dialogue social
Le climat social se tend à la Banque de France. Au cours d’un comité social et économique (CSE) qui se réunit mercredi 11 octobre, les représentants des salariés devraient voter une demande d’expertise « pour danger grave et imminent ». L’enquête serait confiée au cabinet Technologia. Cette demande d’expertise intervient après que deux salariés ont mis fin à leurs jours en juin, deux drames qui n’auraient pas, selon les représentants syndicaux contactés, suscité de réponse adaptée de la part de la direction de l’établissement. Sollicitée, celle-ci n’a pas souhaité s’exprimer officiellement en amont du CSE.
Les deux salariés en question travaillaient pour la filière fiduciaire, qui est chargée de l’impression des billets de banque d’abord, et de leur tri ensuite, opération qui vise à retirer de la circulation les exemplaires abîmés ou les faux billets. Tous deux étaient élus du personnel : l’un était en poste dans le Nord, l’autre au centre de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). « Ces deux suicides n’ont pas eu lieu sur le lieu de travail, mais l’un des deux collègues décédés a laissé une lettre incriminant ses conditions de travail », explique un document de la CGT-Banque de France.
A la suite de ces deux drames, la Banque de France a mis en place une cellule psychologique et lancé une enquête paritaire en interne sur le deuxième suicide, et dont les conclusions sont attendues pour fin octobre. L’affaire, déjà dramatique en soi, a pris un tour plus socialement sensible le 11 septembre.
« Une forme de mépris »
Ce jour-là se tenait un CSE extraordinaire consacré aux conditions de travail, en présence de l’inspection du travail. Or, ni le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ni aucun des deux sous-gouverneurs, Denis Beau ou Agnès Benassy-Quéré, n’étaient présents. « Nous avons vu cela comme une forme de mépris, de désintérêt », explique Yannick Guillemaud, élu du Syndicat national autonome du personnel de la Banque de France (SNABF-Solidaires) et représentant des salariés au conseil général de la banque – l’équivalent du conseil d’administration. « On voulait donner sa chance au dialogue », regrette Benoît Chauvet, secrétaire général du SNABF-Solidaires, deuxième syndicat de la Banque de France, derrière la CGT. Les deux organisations rassemblent environ 70 % des voix, la CFE-CGC représentant environ 23 % des suffrages exprimés lors des dernières élections, en mars.
« Entre juin et septembre, la banque n’a fait aucune communication générale », fait également remarquer Hugo Coldeboeuf, délégué syndical de la CGT-Banque de France. Ce dernier n’hésite pas à faire le parallèle avec la situation qui a mené 35 salariés de France Télecom à se donner la mort entre 2008 et 2009. « L’épuisement du corps social est très palpable, ça craque », insiste-t-il.
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