A la mer ou à la montagne, plongée dans la bulle festive mais éreintante des jeunes saisonniers
En quelques mois, la vie de Lucille Hamel s’est « accélérée » comme jamais elle ne l’aurait imaginé. Depuis 2022, cette Vendéenne de 26 ans enchaîne les contrats saisonniers dans des clubs de vacances Lookéa, en tant qu’animatrice : six mois en Andalousie, six mois au Sri Lanka, six mois en Grèce. Elle y a donné des cours d’aquagym, créé des spectacles de danse, animé des blind-tests, organisé des jeux à la piscine… « J’ai énormément travaillé, sans compter mes heures, mais j’ai l’impression de vivre intensément. J’ai fait du saut à l’élastique sur le canal de Corinthe, vu des éléphants, visité Mikonos… », évoque cette titulaire d’un master de communication, qui avait aussi passé, plus jeune, le BAFA. Pour chacun de ses CDD, elle a gagné « 1 200 euros par mois, logée nourrie », ce qui lui a permis de « mettre de côté ». Elle se voit bien continuer quelques années cette vie nomade, ponctuée de sauts de puce chez ses parents. « Je ne cherche pas spécialement de CDI. Je n’aime pas me sentir enchaînée. Pour la suite, il existe des formations pour devenir chef de village, travailler pour le siège du groupe… Je me laisse porter, on verra. »
Thomas, 22 ans, employé cet hiver pour la première fois dans un magasin de ski à Arêches-Beaufort (Savoie), fait aussi partie des heureux saisonniers du secteur touristique – ces jeunes, âgés de 18 à 30 ans, qui acceptent de se prêter à la précarité de contrats courts pour vivre une expérience intense et conserver une certaine liberté. Titulaire d’une licence professionnelle en chaudronnerie, Thomas aurait pu décrocher sans difficulté un emploi stable dans l’industrie. « Je ne me voyais pas commencer direct avec un CDI. J’ai envie de voyager. Pas en mode intensif, mais en prenant mon temps », explique le jeune homme. Il est logé dans l’appartement de ses grands-parents, et son patron lui paie ses heures supplémentaires. « Autour de moi, c’est loin d’être le cas pour tout le monde », reconnaît-il.
Travailler au pays des vacances ? La proposition peut sembler séduisante. « Vous vivez dans un cadre festif, vous voyagez, vous rencontrez de nouvelles personnes, vous mettez de l’argent de côté », énumère Regis Lord, directeur de Klaxon rouge, école spécialisée dans la formation d’animateurs pour les villages de vacances et campings, à Loctudy (Finistère). « Mais ce ne sont pas des métiers faciles », poursuit-il.
Positif, flexible, polyvalent
Pour réussir dans ces univers, tout est question de « savoir-être » : se montrer toujours positif, flexible, polyvalent. Accepter que la vie professionnelle empiète sur son univers personnel, qu’être en couple implique souvent d’entretenir une relation à distance. « Il faut une grosse discipline pour tenir le rythme », résume Régis Lord. « On peut très vite se laisser déborder par les fêtes », confirme Kory (elle n’a pas souhaité donner son nom de famille), 21 ans, qui a travaillé au cours de deux étés dans des campings de Vendée et du Lot. « La fatigue peut être intense. On fait pas mal d’heures en plus, en particulier pour répéter les spectacles. Mais, s’il y a une bonne cohésion d’équipe, ce sont des super moments », affirme-t-elle.
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