« Notre responsabilité est d’accompagner le déploiement de normes suffisamment complètes pour permettre aux entreprises et aux investisseurs d’agir pour la planète »

« Notre responsabilité est d’accompagner le déploiement de normes suffisamment complètes pour permettre aux entreprises et aux investisseurs d’agir pour la planète »

La façon dont les entreprises doivent rendre compte de leurs rapports entre leurs activités et l’environnement – le « reporting durable » – fait actuellement l’objet de controverses importantes dans le monde des juristes, des comptables et des experts de l’environnement. Un débat à bas bruit, alors que l’enjeu est fondamental pour atteindre les objectifs de décarbonation et de transition assignés par les gouvernements et les accords internationaux sur le climat.

Dans une tribune récente, Emmanuel Faber s’étonne des choix faits par l’Union européenne, avec l’adoption, le 16 décembre 2022, de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), entrée en application à partir du 1er janvier 2024, choix dont il dénonce le simplisme (« Comptabilité d’entreprise : “Exiger que la matérialité s’étende au-delà du domaine économique est en réalité simpliste” », Le Monde du 10 octobre).

Approche ambitieuse

A rebours de ces choix, il met en avant la décision prise par l’International Sustainability Standards Board (ISSB), l’organisme international de normalisation qu’il préside, de s’en tenir à une mesure de la « matérialité financière », c’est-à-dire à mesurer la manière dont les bouleversements climatiques en cours peuvent influencer la capacité de l’entreprise à générer des profits. Cette approche raisonne à sens unique, en laissant de côté l’impact de l’activité économique sur le changement climatique.

Emmanuel Faber a raison sur un point : l’approche européenne est ambitieuse. Elle implique en effet de prendre en compte deux types de matérialité : la matérialité financière, à laquelle s’ajoute (et non se substitue) la matérialité d’impact. Il s’agit de rendre compte des conséquences du changement climatique sur le modèle d’affaires de l’entreprise, mais aussi des effets « matériels » de l’activité de l’entreprise sur son environnement. L’ambition est alors double : permettre aux entreprises d’adapter leur modèle (matérialité financière) et les inciter à réduire leur impact (matérialité d’impact).

Pourtant, selon Emmanuel Faber, cette démarche est triplement illusoire. Tout d’abord, parce que cette matérialité d’impact n’intéresserait pas les investisseurs, et serait hors périmètre pour les marchés financiers. C’est pour le moins discutable. La décision d’investissement est prise en fonction de la trajectoire attendue de l’entreprise, de ses risques et de ses perspectives.

Cette trajectoire s’évalue au regard de nombreuses informations, sans exclure a priori l’une des deux matérialités. La normalisation de la double matérialité a ainsi l’objectif de rendre fiable et comparable une information complexe et actuellement disparate, permettant à tout actionnaire d’avoir accès à des indicateurs vérifiés et de prendre une décision éclairée. La confiance dans les marchés financiers ne peut qu’en être renforcée.

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LJD

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