L’encadrement de l’usage de l’intelligence artificielle par les salariés a commencé
« Avant ChatGPT, la position des dirigeants sur l’intelligence artificielle était “n’ayez pas peur” ; maintenant que les collaborateurs s’en emparent, on leur dit “faites attention”. » Voici, résumée par Yann Ferguson, la dissonance qui frappe notamment les directions des ressources humaines depuis un an. « Ce sont d’abord les travailleurs qui s’en sont emparés dans leur situation de travail réel, sous les radars », rappelle cet enseignant-chercheur à l’Institut catholique des arts et métiers de Toulouse, responsable scientifique du LaborIA, un laboratoire de recherche-action créé en 2021 pour appréhender les effets de l’intelligence artificielle sur l’avenir du travail.
Comment les DRH évaluent-ils ces effets, dès aujourd’hui ? Une douzaine d’entre eux en a discuté mardi 10 octobre, à Paris et à distance, lors des Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management créé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup Talent Solutions et Malakoff Humanis.
En préambule, Yann Ferguson est revenu sur dix ans de prédiction sur les effets – souvent annoncés dévastateurs – de l’intelligence artificielle (IA) sur les emplois. En 2013, une étude de l’université d’Oxford place la moitié des emplois américains dans une « haute probabilité d’automatisation », notamment les métiers de la vente et de l’administration. En 2018, une étude française conclut que les tâches manuelles sont les plus menacées. En juillet 2023, l’OCDE indique presque le contraire : les cols blancs sont les plus concernés par l’IA, et 32 % des emplois sont appelés à évoluer profondément. En somme, peu de métiers disparaîtront, mais la majorité sont appelés à se transformer. L’intelligence artificielle générative (IAG), vulgarisée par ChatGPT, marque une étape supplémentaire, puisqu’elle permet de générer du texte et des images en quelques secondes.
Les employeurs ont bien compris qu’il était impensable de rater la « révolution » de l’IA, et adoptent une même ligne : laisser les salariés s’approprier ces outils, tout en évitant les dérives, notamment leur confier des données de l’entreprise. « L’enjeu, c’est “comment on arrive à mettre un peu de cadre mais pas trop”, explique Juliette Couaillier, chief talent officer d’Havas. Nos salariés vont souvent plus vite qu’on ne l’imagine, et on a la conviction que cela permet aux métiers créatifs de devenir encore meilleurs, mais on ne peut pas utiliser directement les résultats de l’IA. » La direction juridique a rédigé une charte pour préciser ce que les salariés peuvent partager.
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