Développement durable : « Nous sommes au fait des limites du système sur lequel est ancrée la création de valeur de nos entreprises »
L’humanité « a ouvert les portes de l’enfer ». C’est le constat lucide qu’a fait le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors du sommet qui aurait dû être celui de l’ambition climatique, le 20 septembre à New York. Pourtant, ses mots, pas plus que ceux des ONG, ne semblent être entendus. Trop alarmistes pour infléchir, dans la « vie réelle », les décideurs ?
Si les politiques peinent à changer de paradigme, des acteurs d’entreprise peuvent-ils jouer un autre rôle que celui de soutenir une situation intenable, qui consiste à appuyer sur la pédale de frein de l’action climat en même temps qu’ils signent des engagements de décarbonation à 2050 ?
Les illustrations de cette cacophonie ne manquent pas. Côté finance, la confusion est maintenue par la Commission européenne, qui rechigne à permettre de distinguer un investissement « vert clair » d’un « vert foncé », alimente le flou ambiant vis-à-vis des fonds dits « durables », alors que nulle réglementation n’est suffisante pour freiner le financement des bombes climatiques.
Côté mobilité, les normes de pollution sont fragilisées au niveau européen, quand la question de la mise sur le marché des véhicules thermiques est balayée au Royaume-Uni. Côté agriculture, si la reculade concernant l’interdiction du glyphosate concentre toute l’attention, d’autres fléaux pour la biodiversité et notre santé continuent de s’infiltrer dans les sols et les politiques publiques. Et les pionniers de l’agriculture bio, sans soutien, sont découragés.
La fenêtre d’Overton est grande ouverte
Côté immobilier, tandis qu’en France on envisage de reculer sur la location des passoires thermiques, en Allemagne on assouplit les règles d’efficacité énergétique pour les constructions résidentielles neuves. Sur l’énergie : outre le blanc-seing politique pour de nouvelles exploitations pétrolières offert à notre champion national sur nombre de continents, des annonces de nouveaux permis d’exploitation en mer ouvrent de facto la boîte de Pandore au niveau européen.
La fenêtre d’Overton, telle que l’a définie le politologue et juriste américain Joseph P. Overton (1960-2003) – c’est-à-dire le périmètre de ce qui peut être discuté, et donc envisageable, puisque envisagé au sein de la société –, est pourtant grande ouverte. Si nous profitions de ce courant d’air pour choisir de changer radicalement le discours ambiant, et donc les champs des possibles ?
La lutte contre le changement climatique ferait subir aux citoyens un lourd poids de conséquences économiques et sociales ? Certes. Le problème est que, plus on décale l’action, plus ces conséquences seront importantes, avec une double peine à la clé : d’une part, les citoyens devront in fine payer les dégâts ; d’autre part, ils devront également payer pour l’adaptation.
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