« Nous les ouvriers », sur France 2 : un siècle et demi d’une aventure humaine, douloureuse et solidaire
FRANCE 2 – MARDI 10 OCTOBRE À 21 H 10 – DOCUMENTAIRE
Après Nous paysans (5,5 millions de téléspectateurs en novembre 2022), le réalisateur Fabien Béziat s’attelle, cette fois avec Hugues Nancy, à retracer un siècle et demi d’histoire de la classe ouvrière. Sur le même principe : les séquences d’images d’archives commentées en voix off, selon une progression chronologique, alternent avec les entretiens réalisés auprès d’une trentaine d’ouvriers, apprentis, actifs ou retraités – sur leur lieu de travail, chez eux ou dans des entrepôts désaffectés.
Intéressante, la partie historique se révèle toutefois sans surprise, surtout pour ceux qui se souviennent du Temps des ouvriers (série de Stan Neumann, 2020). A l’image de l’utilisation d’un extrait de La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (1895), des frères Lumière, en introduction et en conclusion. A la narration, le comédien Anthony Bajon (La Prière, de Cédric Kahn, 2018) prend des intonations de lutte des classes et s’exprime à la première personne du pluriel. « C’est nous qui… fabriquons, faisons, manifestons, nous battons… pour des droits dont tous profitent », dit-il. Le manque de reconnaissance est présent tout au long du film.
Le travail des enfants est dénoncé, comme les cadences insoutenables, mais on y souligne la fierté, la solidarité et les acquis sociaux, au fil des deux conflits mondiaux (avec pour conséquences l’emploi des femmes et d’immigrés), des grèves de 1936 puis des grèves insurrectionnelles de 1947-1948 – que le commentaire déclare « oubliées » – et de Mai 68. Si les années 1970 marquent l’apogée de la classe ouvrière, la fin des « trente glorieuses » annonce les fermetures massives. « J’ai tant pleuré pour y aller. Après j’ai tant pleuré parce qu’on n’y allait plus », résume Martine Geselle, de la filature Leurent, à Tourcoing (Nord).
Conditions de travail
Emouvants et sincères, les témoignages donnent tout son intérêt au film. Jean-Pol Massina raconte sa peur à son arrivée dans la mine à 14 ans ; Christian Corouge « incarne » l’usine Peugeot de Sochaux ; Aimable Patin, les Charbonnages de France ; Pascale Gloaguen et Nicole Lesage, la sardinerie de Douarnenez. Denise Bailly-Michels montre une photo de son père, Charles Michels, syndicaliste et militant communiste. Elle lit la lettre envoyée avant qu’il soit fusillé par les nazis, le 22 octobre 1941 : « Nous nous sommes battus pour que les travailleurs aient une vie meilleure. Cela viendra. »
Les conditions de sécurité et de travail se sont effectivement améliorées pour les 5 millions d’ouvrières et d’ouvriers d’aujourd’hui. Leur nombre devrait augmenter, boosté par les relocalisations – comme celle de la filature Emanuel Lang à Hirsingue (Haut-Rhin) – et la transition écologique. Indispensables ouvriers : pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis, un président, Joe Biden, a apporté son soutien aux grévistes de l’usine General Motors du Michigan, le 26 septembre.
Nous les ouvriers, documentaire de Fabien Béziat et Hugues Nancy (Fr., 2023, 90 min), suivi de « La Nuit du documentaire », consacrée au travail, à partir de 22 h 50.