Un salarié contrôlé par un client mystère a été licencié

Droit social. Il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne moyennant rémunération. Il a été déduit de cette définition jurisprudentielle du contrat de travail un pouvoir d’organisation du travail. Il s’y ajoute, selon la formule du célèbre arrêt Poliet-Chausson de la Cour de cassation du… 16 juin 1945, encore reprise en substance en 1987, que l’on ne peut « priver le patron d’un pouvoir disciplinaire, inhérent à sa qualité (…) sous la seule réserve du contrôle de l’autorité judiciaire ».
Le législateur a encadré, notamment par la loi Auroux du 4 août 1982, ce pouvoir disciplinaire. Toutefois, sauf pour des motifs discriminatoires, des agissements de harcèlement moral ou des faits de harcèlement sexuel qui sont qualifiés par la loi de « faute », il s’est bien gardé – et c’est logique – de dresser une liste exhaustive de comportements fautifs. Il appartient à l’employeur de démontrer la réalité du fait, puis de qualifier celui-ci d’agissement fautif ou d’abstention fautive, pour ensuite appliquer une sanction devant figurer au règlement intérieur de l’entreprise, tout en suivant une procédure décrite dans le code du travail.
Il se pose dès lors la question de la preuve de ce qui déclenche ce pouvoir disciplinaire. Il ne fait guère de doute que l’essor et la démocratisation des technologies de contrôle à distance des appareils numériques, de vidéosurveillance ou de géolocalisation ont conduit à renouveler le cadre d’appréciation de l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Circonstances déloyales
Le contentieux lié à l’utilisation de ces technologies comme mode de preuve est abondant. Les tribunaux écartent classiquement les preuves obtenues dans des circonstances déloyales ou par un procédé portant une atteinte injustifiée ou disproportionnée aux droits et libertés du salarié.
C’est un moyen pour le moins original qui a conduit à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 6 septembre 2023 : le recours à un rapport fait par un client mystère à l’appui d’une sanction. Ce dernier est chargé par une entreprise ou un prestataire de se faire passer pour un client ordinaire pour tester la qualité des services de toute structure recevant du public. Le client mystère se rend sur les lieux pour observer et évaluer la prestation, en fonction d’un cahier des charges et d’une série de critères, éventuellement avec un scénario défini par le commanditaire.
Un salarié, employé dans le domaine de la restauration, avait fait l’objet d’une visite d’un client mystère, lequel a relevé à cette occasion de graves manquements à la procédure d’encaissement des repas. Sur la base des faits constatés lors de ce contrôle, l’employeur a déclenché une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié en cause qui a conduit à un licenciement.
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