En Antarctique, les volontaires de l’institut polaire français en froid avec leur employeur
En ce mois de septembre, l’hiver polaire touche à sa fin en terre Adélie, dans l’est de l’Antarctique. Louis trouve un charme fou à son cadre de travail. Autour de la station Dumont-d’Urville, à deux pas des colonies de manchots, l’été sera bientôt là, avec ses pics à 5 °C qui finiront de dissiper la glace de mer. « C’est un plaisir d’être ici », glisse par téléphone l’électronicien, qui préfère ne pas donner son nom de famille.
Louis a débarqué sur la base française en 2022. Le jeune homme avait postulé trois fois sans succès aux offres de l’Institut polaire français Paul-Emile-Victor (IPEV), un organisme public créé en 1992 pour piloter la recherche dans les pôles. Chaque année, entre 600 et 700 candidats tentent leur chance. Comme trente à quarante jeunes par an, Louis a fini par décrocher le Graal : un an de mission au pôle Sud. De lui dépend l’envoi de données à des chercheurs du monde entier, notamment sur les mouvements de la croûte terrestre.
Ces derniers mois, pourtant, un feu inédit couve sous la glace : la naissance d’un conflit social. L’institut confie ses programmes en Antarctique à des volontaires de service civique (VSC), un statut qui permet d’effectuer des missions d’intérêt général mais qui ne relève pas du droit du travail.
Or, depuis juin, 36 volontaires actuels ou passés, souvent bardés de diplômes, dénoncent un statut précaire inadapté aux responsabilités qui leur sont confiées. « L’IPEV traîne cette casserole depuis longtemps. Il est temps que cela change », assène Louis. Dans une mise en demeure envoyée à la direction le 4 septembre, les membres du collectif demandent à devenir salariés. Un séisme pour l’institut, qui persiste à penser que le caractère extraordinaire des missions est la meilleure des rétributions.
Les « petites mains » des terres australes
Pendant des années, les volontaires ont partagé ce point de vue. Quand il s’engage, en 2022, dans les pas de Paul-Emile Victor, l’explorateur des pôles, Virgile Legendre réalise un rêve. Ce chimiste de l’atmosphère de 29 ans décolle pour La Réunion. S’ensuivent près de vingt jours de mer, escales comprises, puis un vol en hélicoptère jusqu’à l’île Amsterdam, un caillou volcanique fouetté par les vents des quarantièmes rugissants, où l’IPEV possède une base.
Le statut de VSC et sa maigre rémunération – autour de 1 050 euros net par mois, 300 euros en dessous du smic – lui paraissaient certes incongrus, compte tenu de ses compétences : diplôme d’ingénieur, master au Royaume-Uni, expérience au Commissariat à l’énergie atomique… « Mais je m’en fichais un peu car aucun d’entre nous ne se lance dans cette aventure pour l’argent », se souvient-il.
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