Dominique Méda : « La responsabilité des entreprises dans le changement climatique comme dans son atténuation doit être reconnue et mesurée »
Alors que juillet a été le mois le plus chaud jamais enregistré sur la planète et que se multiplient les signes d’un dérèglement climatique plus rapide que prévu, le gouvernement doit présenter, avant la fin de l’année, l’actualisation de sa feuille de route, la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Cette SNBC-3, qui fixe la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, doit prendre en compte les nouveaux engagements européens. Il s’agit de réduire les émissions de 55 %, entre 1990 et 2030, et non plus de 40 %, ce qui signifie pour la France une baisse de 5 % par an.
Si nous voulons y parvenir, tous les acteurs doivent fournir un gigantesque effort. L’Etat, d’abord : en définissant une trajectoire dotée d’objectifs précis et surtout de moyens pour contrôler leur réalisation, en investissant massivement, notamment dans les transports, qui restent le secteur dont les émissions augmentent le plus, et en ajustant ses aides et ses prélèvements aux comportements des ménages et des entreprises.
Les ménages, ensuite, et en particulier les plus aisés d’entre eux, en adoptant des pratiques de sobriété, puisque, comme l’indique le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, « la consommation ostentatoire des riches est à l’origine d’une grande partie des émissions dans tous les pays, liée aux dépenses consacrées à des choses telles que les voyages en avion, le tourisme, les gros véhicules privés et les grandes maisons ».
Mais une part essentielle revient aux entreprises, dont la responsabilité dans le changement climatique comme dans son atténuation doit être reconnue et mesurée. La thèse de l’économiste américain Milton Friedman (1912-2006), défendue en 1970 dans le New York Times, selon laquelle il y aurait « une et une seule responsabilité sociétale de l’entreprise – utiliser ses ressources et s’engager dans des activités conçues pour augmenter ses profits » est en effet de plus en plus remise en cause et de moins en moins justifiable.
Double matérialité
L’idée que le dirigeant serait l’« agent » des actionnaires, considérés comme les propriétaires de l’entreprise, et aurait pour seule fonction de maximiser la valeur de celle-ci pour eux sans avoir de comptes à rendre aux autres parties prenantes a fait l’objet de nombreuses critiques. En France, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019 a d’ailleurs introduit dans le droit français la reconnaissance des impacts sociaux et environnementaux de l’entreprise, et permis à certaines de se déclarer « entreprise à mission » en spécifiant les objectifs qu’elles poursuivent.
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