Salariés CGT d’Enedis poursuivis en justice : « Quand on fait tout dans les règles, on ne voit aucun retour sur nos revendications »
Ils ont attendu leur tour plus de quatre heures. Après deux affaires de violences conjugales, un vol aggravé, une détention de psychotrope et une conduite en état d’ivresse, le décalage était frappant avec les faits reprochés aux quatre salariés CGT d’Enedis et au secrétaire général de la CGT-Energie 93, et leurs motivations.
Des faits d’ailleurs, il en fut très peu question devant le tribunal correctionnel de Bobigny, vendredi 20 janvier, puisque leur avocat avait persuadé les prévenus de les reconnaître dès le début de l’audience. Oui, ces cinq-là ont bien, par une nuit de février 2022, dégonflé les pneus de trente-neuf véhicules garés sur le parking du site Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). « Dégradation légère », a retenu le procureur. Ils ont aussi arraché les trente-neuf plaques d’immatriculation. Ils affirment les avoir laissées sur place. Mais Enedis ne les a pas retrouvées. Voilà pour le « vol aggravé », car commis « en réunion », puisqu’ils ont agi de concert.
Ils encouraient pour cela jusqu’à sept ans de prison. Mais « la peine doit prendre en compte la gravité intrinsèque des faits », a rappelé le procureur. Enedis ne s’étant pas porté partie civile et n’étant pas présent à l’audience, c’est donc « que le préjudice n’était pas si important que cela », a déduit ce dernier. En s’interrogeant alors sur le poids du « contexte ».
Là prenait corps la défense des cinq hommes, âgés de 25 à 39 ans, tous techniciens, élus au comité social et économique (CSE) ou permanents syndicaux.
« C’était plus symbolique qu’autre chose »
« On était dans une bataille pour les salaires, rappelle Nicolas N. Depuis dix ans, on a entre 0 % et 0,3 % d’augmentation générale par an. Et là, malgré l’inflation, on ne nous a encore proposé que 0,3 % ! Alors, on a bloqué le site, mais ça n’a ouvert aucune discussion avec la direction. » Une action a donc été décidée lors d’une assemblée générale. « On a choisi de la faire nous-même pour limiter les dégradations. » « C’était plus symbolique qu’autre chose, précise Malek B. Mais notre direction a pris l’habitude de nous poursuivre pour tout et n’importe quoi. » Lui et Yoann R. ont déjà été mis à pied un mois sans salaire pour cette action-là.
N’y avait-il pas une autre façon d’agir ?, interroge le président du tribunal. « Quand on fait tout dans les règles, on ne voit aucun retour sur nos revendications, déplore Romain R. Alors, les salariés, exaspérés, veulent que l’on tape plus fort. Notre rôle, c’est de maîtriser et de ne pas laisser libre cours à des actes de vandalisme isolés. » Après des mois de conflit, les salariés d’Enedis ont fini par obtenir 3,3 % d’augmentation générale en novembre 2022.
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