Emploi des seniors : le double discours des recruteurs
C’est l’un des arguments employés par l’exécutif pour convaincre les Français de la nécessité de réformer le système de retraite : la France compte parmi les pays développés dans lesquels les seniors – comprendre les salariés âgés de plus de 55 ans – travaillent le moins. En 2022, le taux d’emploi des 55-64 ans était de 56 % environ. Certes, une hausse spectaculaire par rapport à un point bas de 29 % atteint à la fin des années 1990, mais bien moins qu’en Scandinavie, où environ 90 % des seniors participent au marché du travail.
Autre limite à cette amélioration, elle concerne principalement les moins de 60 ans. Le taux d’emploi des 55-59 ans est ainsi passé de 38 % début 2008 à 73 % en 2020, selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), en raison notamment de la réforme des retraites de 2010, qui a fait passer l’âge légal de départ de 60 à 62 ans. En France, une fois soufflées les soixante bougies, une personne sur trois seulement reste sur le marché du travail. Au Japon ou en Suède, la proportion s’inverse : deux sexagénaires sur trois environ sont en activité.
Si les seniors sont si peu nombreux à rester actifs dans l’Hexagone, ce n’est pas uniquement parce que les Français manifesteraient un goût plus prononcé que d’autres pour la retraite. Malgré les innombrables rapports ou plaidoyers qui se succèdent autour de l’emploi des seniors, les entreprises ne se pressent pas pour recruter des salariés âgés.
« Les freins à l’emploi des seniors sont à chercher à la fois du côté des entreprises et du côté des salariés âgés », conclut une note rédigée par trois économistes de la Direction générale du Trésor. Parmi les facteurs identifiés qui freinent l’appétit des recruteurs pour les seniors : la perte d’employabilité, « en raison des conditions physiques ou d’un manque de formation », et le niveau des salaires, « en particulier la rémunération à l’ancienneté parfois décorrélée de la productivité ». Enfin, ajoutent les auteurs de cette note, « il peut exister des effets de discrimination liés à l’âge ».
Réticences
Les enquêtes de terrain auprès des recruteurs confirment ces réticences. Une étude menée par Indeed, l’un des principaux moteurs de recherche d’emploi au monde et publiée en novembre 2022 est particulièrement édifiante. Quatre chefs d’entreprise sur dix interrogés indiquent qu’ils ne prévoient pas d’embaucher un candidat de plus de 45 ans dans un proche avenir – d’ailleurs, 18 % disent « n’en avoir jamais recruté ». A curriculum vitæ équivalent, un sur quatre dit privilégier le candidat plus jeune. Pourtant, ces mêmes recruteurs n’hésitent pas à affirmer, à 68 %, que « les plus de 45 ans ne sont pas assez valorisés dans le monde professionnel français ». Dans une autre enquête Indeed publiée en octobre 2022, un salarié sur quatre disait s’être vu reprocher son âge lors d’un recrutement.
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