Retraites : la bataille manquée du gouvernement avec l’opinion
Le majestueux sapin haut de 4 mètres trône encore dans le vestibule de l’hôtel du Châtelet, qui abrite le ministère du travail. A chaque fois qu’Olivier Dussopt y passe, le ministre jette un œil aux épines grisonnantes qui s’affaissent sous le poids des globes dorés. Et dire que le projet de réforme des retraites était déjà mûr lorsque l’arbre de Noël rayonnait, début décembre 2022… Sa présentation avait été reportée au 10 janvier pour épargner les fêtes de fin d’année.
Le temps est venu, désormais, d’affronter la tempête. Pour un pouvoir en place, « ce n’est jamais plaisant », a consenti le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, mercredi 4 janvier, après le premier conseil des ministres de l’année.
Peu avant, Emmanuel Macron s’était fait sombre en appelant le gouvernement à « ne pas céder aux professionnels de la peur » et à « la conjuration des esprits tristes », tandis que la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne, priait les ministres de « résister aux vents contraires ». La veille à Matignon, elle-même, Olivier Dussopt et le patron de la CFDT, Laurent Berger, ont passé en revue le ballet qui va s’ouvrir, avec ses menaces et ses lignes rouges, et dont, au fond, personne ne veut vraiment.
Personne, sauf Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat entend bien accrocher la réforme maudite au tableau de son second quinquennat et conserver l’habit réformateur qu’il revendique. Avec l’ambition de « continuer de transformer notre pays face aux corporatismes » ou « à la tentation de l’esprit de défaite », a-t-il insisté dans ses vœux aux Français. Mercredi, le président réélu il y a huit mois a demandé à Elisabeth Borne et à ses ministres de « l’audace ». Ces derniers s’apprêtent à dévoiler une réforme sans surprise ni chamboulement : il s’agit de maintenir le système à flot, pas de le refonder.
Préserver emploi et compétitivité
Jusqu’au bout, la cheffe du gouvernement aura tenu à jouer la concertation, dans une chorégraphie renouvelée de rendez-vous à Matignon avec les syndicats et les responsables politiques. Trois mois de discussions ponctués de deux dîners élyséens, où le chef de l’Etat a jaugé les équilibres au sein de son camp et, entre les huîtres et le fromage, tranché sur la manière de procéder. Le temps de trouver un étroit terrain d’entente avec les partenaires sociaux sur des contreparties, comme la pénibilité ou la pension minimale à 85 % du smic.
Le pouvoir a ainsi focalisé le débat public tantôt sur la méthode – amendement au budget de la Sécurité sociale ou projet de loi à part ? Recours au 49.3 ou vote parlementaire ? – tantôt sur l’âge à atteindre pour percevoir sa retraite à taux plein. Les deux têtes de l’exécutif ont évoqué soit 65 ans, soit 64 ans couplé à l’accélération de la réforme Touraine – elle porte la durée de cotisation à quarante-trois ans d’ici à 2035.
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