Archive dans 2023

« Santé et travail dans les TPE » : des douleurs passées sous silence

C’est le paradoxe des très petites entreprises (TPE). Dans ces organisations qui regroupent moins de dix salariés, la santé des travailleurs est, à en croire la statistique publique, meilleure qu’ailleurs. Pourtant, « la présence des risques professionnels y est plus forte, et (…) la prévention (…) très peu développée », soulignent Emilie Legrand et Fanny Darbus, maîtresses de conférences en sociologie.

Afin d’éclairer cette contradiction, les deux universitaires ont mené une enquête dans ces petites structures, dans des secteurs d’activité (coiffure, restauration, bâtiment) où salariés comme patrons sont particulièrement exposés. Une étude minutieuse, conduite sur un terrain peu exploré jusqu’alors par la recherche, et dont elles livrent les conclusions dans un essai : Santé et travail dans les TPE (Erès).

L’ouvrage démontre rapidement que « ces métiers mettent (…) la santé à rude épreuve ». Voir ces petites structures comme des espaces préservés est une illusion. Station debout prolongée, port de charges lourdes, risque de chute, de brûlure… Les dangers et les pénibilités sont multiples, les pathologies rencontrées tout autant. Les douleurs chroniques (dos, mains…) sont fréquentes et peuvent toucher les plus jeunes.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Santé au travail : les promesses de l’intelligence artificielle pour améliorer la prévention

Souffrir au travail fait partie du quotidien des collaborateurs. C’est même une norme intégrée par nombre d’entre eux. Les risques sont « identifiés comme des composantes incontournables, sinon identitaires, du métier et souvent acceptés comme une fatalité », expliquent les autrices.

Une pénibilité acceptée

L’endurance est souvent célébrée. En conséquence, la plupart des salariés poursuivent leur activité même en cas de douleurs. Les problèmes de santé sont ainsi invisibilisés, les arrêts de travail sont rares, leur étude ne pouvant, par conséquent, permettre de saisir la réalité du terrain.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Des salariés satisfaits mais tendus : l’intensification du travail a augmenté la charge mentale

Pourquoi une telle acceptation de la pénibilité et des risques ? Différents ressorts sont à l’œuvre. L’endurance et la résistance à la douleur sont des marqueurs culturels communs à de nombreux salariés, tout particulièrement ceux issus des classes populaires. Certains collaborateurs souhaitent, par ailleurs, soutenir la santé économique de l’entreprise, toute absence pouvant entraver sa bonne marche. Une solidarité peut d’ailleurs être à l’œuvre dans ces TPE où, souvent, « l’état du collectif de travail et la vitalité de l’entreprise passent avant la santé de chaque individu, et a fortiori celle des plus vulnérables ».

Pour éviter que les corps ne souffrent trop, des stratégies peuvent toutefois être déployées par les salariés. Elles sont souvent informelles : jouer sur le planning des rendez-vous dans les salons de coiffure, placer les tâches les plus exigeantes en fin de journée dans le bâtiment… De même, pour limiter la souffrance psychique et faire accepter les pénibilités, la cohésion apparaît essentielle. « S’assurer de la “bonne ambiance” au sein de l’équipe » semble agir comme un « antalgique », constatent les sociologues. Cette ambiance représente donc un « enjeu hautement stratégique » pour certains patrons de TPE, appelés à travailler leur management en conséquence.

Il vous reste 15.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Le problème des inégalités de genre ne peut se résoudre que lorsqu’un profond changement de mentalité a lieu »

Eliza Reid, première dame d’Islande, et le président, Gudni Thorlacius Johannesson, à Reykjavik, le 27 juin 2020.

Depuis plus d’une décennie, l’Islande figure en tête du classement sur l’égalité femmes-hommes du Forum économique mondial : le congé parental est presque pris à parts égales entre les deux parents, le taux d’emploi des femmes est de dix points supérieur à celui observé dans l’Union européenne… Mais quel est donc le secret égalitaire de cette petite île ?

Journaliste et écrivaine d’origine canadienne, Eliza Reid, devenue première dame d’Islande en 2016, lorsque son époux, Gudni Thorlacius Johannesson, a été élu président, tente d’y répondre dans un ouvrage aujourd’hui publié en France, Les Secrets des Sprakkar. Ces femmes qui changent le monde (Michel Lafon, 288 pages, 19,95 euros). Elle y dresse le portrait d’Islandaises de divers horizons, tout en soulignant les progrès que son pays d’adoption doit encore accomplir en la matière.

Qui sont les « sprakkar » évoquées dans votre livre ?

Sprakkar est le pluriel de sprakki, un ancien mot islandais signifiant « femme exceptionnelle ». Il est aujourd’hui tombé en désuétude, mais j’ai tenu à l’utiliser lorsque je l’ai découvert, pour une raison bien simple : il n’existe aucun mot équivalent en anglais ni dans la plupart des langues de ma connaissance. Au contraire, les qualificatifs utilisés pour désigner les femmes y sont plutôt connotés négativement.

Qu’est-ce qui, en matière d’égalité des sexes, vous a le plus surprise lorsque vous vous êtes installée à Reykjavik ?

J’ai grandi dans une ferme au Canada, et j’ai vécu plusieurs années au Royaume-Uni avant de m’installer sur cette île, à la vingtaine. A mon arrivée, j’ai travaillé dans une petite start-up de logiciels, dont le salariat était très masculin. La présidente du conseil d’administration était une femme. Un jour, je l’ai aperçue en train d’allaiter son bébé pendant une réunion.

Personne ne détournait le regard de façon gênée ni ne faisait de plaisanterie embarrassante, y compris les hommes : tout le monde se comportait comme si c’était absolument naturel. J’ai alors pensé qu’il devrait toujours en être ainsi, et pas seulement en Islande ! Ce souvenir s’est gravé dans ma mémoire.

Pourquoi dédier aujourd’hui un livre au sujet ?

Dans mon passé de journaliste, j’ai toujours été sensible à la question de l’égalité femmes-hommes. Durant la pandémie de Covid-19, lorsque nos quotidiens ont été bouleversés, j’ai pensé que venant d’un autre continent, j’étais peut-être bien placée, avec un regard extérieur, pour dresser le portrait de cette société plus proche de l’égalité que ne l’est aucune autre.

Il vous reste 78.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Filière bois : les autorités françaises dans le piège du « chantage à l’emploi »

L’usine Fibre Excellence de Tarascon (Bouches-du-Rhône), le 30 juin 2014.

Paper Excellence est un groupe canadien qui a racheté, en 2010, deux usines de pâte à papier en France, à Tarascon (Bouches-du-Rhône) et Saint-Gaudens (Haute-Garonne), à travers sa filiale Fibre Excellence, et se bat depuis pour poursuivre leur activité. Le tout dans un marché mondial très concurrentiel et face à des normes environnementales toujours plus exigeantes. Difficile équation.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le tour de passe-passe de deux groupes pour dévorer le marché mondial du papier

Voilà en tout cas l’histoire telle que Fibre Excellence la raconte. Ce que ne dit pas le groupe, c’est qu’il est en réalité contrôlé par le riche indonésien Asia Pulp and Paper (APP), comme le démontre l’enquête « Deforestation Inc » menée par Le Monde avec le Consortium international des journalistes d’investigation.

Ces révélations éclairent d’un jour nouveau les tractations incessantes entre Paper Excellence et les autorités locales et nationales. Depuis une dizaine d’années, le papetier bénéficie d’une certaine mansuétude des pouvoirs publics, malgré plusieurs entorses à ses obligations environnementales et fiscales, au nom de la préservation des emplois. Mais est-il vraiment le bienfaiteur qu’il prétend être ?

« Deforestation Inc. », une enquête internationale

Mettre fin à la déforestation d’ici à 2030. C’est l’engagement pris par une centaine de pays à la COP26 en Ecosse, fin 2021, mais sa réalisation reste très incertaine. Failles dans les réglementations, industriels et certificateurs peu scrupuleux… L’enquête internationale « Deforestation Inc. » dévoile les mécanismes qui rendent la prédation environnementale possible. Cent quarante journalistes d’une quarantaine de médias partenaires au sein du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde, ont travaillé sur ce projet.

Premier pollueur, dernier payeur

Un exemple illustre bien les pratiques agressives du groupe. L’usine Fibre Excellence de Tarascon (Bouches-du-Rhône) rejette de grandes quantités de polluants dans l’eau, à cause des procédés utilisés pour blanchir sa pâte à papier, notamment en utilisant du chlore – elle fait d’ailleurs partie des sites de contamination présumée aux « polluants éternels » (PFAS), selon une récente enquête du Monde. En vertu du principe du pollueur-payeur, le site doit s’acquitter de la plus importante redevance pollution industrielle à l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, comprise entre 2 et 3,5 millions d’euros par an.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés « Polluants éternels » : le plan de bataille des industriels pour éviter l’interdiction du « poison du siècle »

Depuis le rachat de l’usine par le groupe canadien, l’industriel rechigne à payer son dû. « Les relations étaient extrêmement tendues. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour contester leur impôt », raconte Laurent Roy, directeur général de l’établissement public. Fibre Excellence parvient à faire annuler sa contribution pour l’année 2011 devant les tribunaux pour vice de forme. De 2012 à 2017, la filiale française refuse de la payer, jusqu’à accumuler 17,3 millions d’euros de passif.

Paper Excellence fait pression sur les autorités, menace de fermer son site. Qualifiée par certains de véritable « chantage à l’emploi », cette stratégie fonctionne. L’agence de l’eau lui propose un arrangement : en échange d’engagements environnementaux, l’entreprise ne paiera que la moitié de son ardoise dans l’immédiat, puis un million d’euros par an jusqu’en 2025. Le site de Tarascon s’acquitte alors d’un peu plus de 8 millions d’euros et entame la conversion de sa production vers de la pâte à papier écrue, avec un procédé moins polluant. « Ce qui comptait pour nous à l’époque, c’était de récupérer la part la plus importante possible de la redevance [non payée] », plaide Laurent Roy.

Il vous reste 58.06% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avis sur le Village de l’Emploi: Opportunités, formations et expériences

Qu’est-ce que le village de l’emploi et quelles sont les opportunités qu’il offre aux jeunes diplômés? Quelles formations sont proposées et quels avis émergent des expériences vécues par ceux qui ont utilisé ce système grandissant? Explorons ensemble cet environnement innovant où entreprises, diplômés et experts du monde professionnel se rencontrent.

Qu’est-ce que le Village de l’Emploi ?

Le Village de l’Emploi est un organisme qui offre aux jeunes diplômés et aux entreprises une plateforme pour trouver des emplois et des carrières. Il propose également un parcours spécialisé pour aider les jeunes à développer leurs compétences et à se préparer à la recherche d’emploi.

Histoire et origine du Village de l’Emploi

Le Village de l’Emploi a été créé en 2016 par une initiative volontaire, avec le soutien financier et technique des principaux groupe industriels français et européens. Cet outil numérique favorise la mise en relation directe entre les jeunes diplômés et les employeurs, tout en proposant des services et des outils qui permettent aux jeunes diplômés de se former à la recherche d’emploi.

avis village emploi

Quels sont les avantages du Village de l’Emploi?

Le Village de l’Emploi offre un grand nombre d’avantages aux jeunes diplômés : ils peuvent consulter les offres d’emploi disponibles sur le marché, postuler directement en ligne ou encore bénéficier d’un accompagnement personnalisé pour trouver un emploi. De plus, grâce aux formations proposées par le village, ils peuvent acquérir les compétences nécessaires pour réussir un entretien d’embauche, gérer efficacement leurs demandes d’emploi ou encore maîtriser différents aspects techniques liés au domaine choisi.

Comment le Village de l’Emploi peut-t-il aider les jeunes diplômés ?

Le village de l’emploi offre une variété de services et d’outils qui peuvent être très utiles aux jeunes diplômés. En particulier, il offre des conseils pratiques pour préparer un CV ou une lettre de motivation efficace, mettre en place un plan d’action pour trouver un emploi ou encore apprendre à gérer son temps.

De plus, grâce à sa base de données professionnelles mise à jour régulièrement, il permet aux jeunes diplômés d’accumuler des informations sur le secteur qu’ils souhaitent intégrer et ceux-ci ont donc plus de chances d’être embauchés.

Quels sont les avis sur le Village de l’Emploi ?

Les avis sur le village sont généralement très positifs. Les jeunes diplômés apprécient l’opportunité unique offerte par le village, la disponibilité et l’attention des responsables et l’ambiance agréable qui y règne.

Quels sont les avis des professionnels sur le Village de l’Emploi ?

Les professionnels sont également enthousiastes et louent la qualité des services proposés par le Village de l’Emploi. Ils considèrent qu’il s’agit d’un outil précieux pour les jeunes diplômés qui souhaitent trouver un emploi ou une carrière ainsi que pour les entreprises qui souhaitent recruter cette population.

avis village emploi
avis village emploi

Quels sont les avis des jeunes diplômés sur le Village de l’Emploi ?

Les jeunes diplômés sont très satisfaits du système mis en place par le village. Ils font part de leur satisfaction quant à la disponibilité et sollicitude des responsables, ainsi qu’à la qualité des formations proposées et aux ressources mises à disposition.

Quels sont les avis des experts sur le Village de l’Emploi ?

Les experts sont globalement favorablement impressionnés par ce système. Ils soulignent sa capacité à offrir aux jeunes diplômés une opportunité unique, à travers un accompagnement personnalisé et une formation spécialisée.

Comment le Village de l’Emploi peut-il aider les jeunes diplômés à trouver un emploi?

Le village de l’emploi propose plusieurs outils et services pour aider les jeunes diplômés à trouver un emploi : il met à disposition une base de données actualisée régulièrement, organisée par secteur d’activité et offrant toutes sortes d’informations concernant chaque poste ; un module de connexion personnelle permettant aux jeunes diplômés de se connecter directement aux entreprises ; et enfin une rubrique « Conseils » offrant des informations utiles pour faciliter la recherche d’emploi.

Quels sont les outils et services proposés par le Village de l’Emploi ?

La Base de Données: Il propose une base de données actualisée régulièrement, organisée par secteur d’activité et fournissant une multitude d’informations telles que profil recherché, salaire et conditions liées au poste, etc.

Le Module de Connexion Personnelle: Les jeunes diplômés peuvent se connecter directement aux entreprises et postuler pour des emplois dans leur domaine.

Conseils: le village propose également un certain nombre de conseils pratiques pour faciliter la recherche d’emploi, notamment en termes de CV ou de lettres de motivation.

Quels sont les conseils pour trouver un emploi grâce au Village de l’Emploi?

Élaborer un CV clair et percutant: Il faut être conscient que le premier contact que vous avez avec votre employeur potentiel est votre CV et qu’il doit refléter fidèlement vos compétences et expériences professionnelles.

Rédiger une lettre de motivation bien construite: La lettre de motivation doit être pertinente, précise et convaincante. Elle ne devrait pas excéder une page et doit mettre en avant vos qualités personnelles ainsi que votre motivation pour le poste.

Garder toujours à l’esprit son objectif professionnel: Devenir conscient des attentes des employeurs et veiller à ce que toute candidature soit adaptée à cette perspective est essentiel si l’on souhaite obtenir des résultats positifs.

Mettre à jour régulièrement sa base de données: Garder une trace des offres d’emploi qu’on a consulté, postulé ou refusé est important. Cela aide à suivre les progrès effectués et donne une meilleure idée du type d’offres qui correspondent le mieux à nos compétences.

Le Village de l’Emploi offre aux jeunes diplômés un espace unique pour trouver un emploi ou une carrière.

Au quotidien « La Montagne », des rotativistes en colère

Le siège du journal « La Montagne », à Clermont-Ferrand, en septembre 2019.

Voilà bientôt deux mois que la tension grimpe à La Montagne. Une colère qui gronde particulièrement au sein de l’imprimerie de Morel-Ladeuil, à Clermont-Ferrand, un des deux centres d’impression du groupe de presse Centre France. Des rotativistes du journal clermontois se sont mis en grève ou ont débrayé à plusieurs reprises depuis la mi-janvier pour manifester contre des conditions de travail et de rémunération qu’ils jugent insatisfaisantes, ainsi que pour afficher leurs craintes découlant de la construction d’une nouvelle imprimerie en 2024.

Quatre numéros de La Montagne ne sont pas sortis des rotatives depuis le jeudi 19 janvier, ainsi que plusieurs journaux du groupe imprimés sur le même site comme Le Populaire du Centre, Le Berry républicain, L’Eveil de la Haute-Loire. Trois représentants du syndicat Filpac-CGT − majoritaire à l’imprimerie de Morel-Ladeuil − et un de FO ont été reçus par la direction adjointe et les responsables de l’imprimerie, mardi 28 février, pour demander le paiement des jours de grève et une augmentation des salaires à l’imprimerie. Jugeant que cette réunion n’avait permis aucune avancée, les rotativistes ont fait un nouveau débrayage dans la nuit de mardi à mercredi, ce qui a rendu impossible l’impression de l’édition de la métropole clermontoise pour la troisième fois.

Les discussions sur les négociations annuelles obligatoires (NAO) 2022 n’ont pas aidé à apaiser les tensions. La direction de Centre France a refusé une augmentation générale des salaires pour ses 1 850 employés, mettant en avant la fragilité du modèle économique de la presse dans un contexte inflationniste. Comme d’autres titres de presse quotidienne régionale en 2022, le groupe présent dans quinze départements a souffert de l’explosion du coût du papier journal et des coûts de production (énergie, encres, distribution…). Un moment d’autant plus délicat que le modèle économique des huit titres quotidiens et des neuf hebdomadaires reste très dépendant du journal imprimé, alors que celui-ci se vend de moins en moins bien. Aujourd’hui, environ 85 % du chiffre d’affaires du groupe Centre France serait en provenance de l’édition imprimée, alors que seuls 15 % viendraient des abonnés à la version numérique.

Déclenchement d’un droit d’alerte

Malgré ce contexte difficile, le groupe s’apprêterait à clôturer ses comptes 2022 à la fin du mois de mars en étant légèrement bénéficiaire, mais la direction aurait averti les syndicats du « risque d’un exercice financier déficitaire en 2023 ». S’inquiétant de la gestion des comptes de l’entreprise, le CSE de La Montagne et plusieurs autres entités du groupe ont déclenché un droit d’alerte afin d’en savoir plus.

Il vous reste 33.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La directrice du régime de garantie des salaires licenciée pour « faute lourde »

Houria Aouimeur-Milano, ex-directrice nationale du régime de garantie des salaires, à Paris, le 17 février 2023.

La sanction, qui était attendue, vient de tomber. Houria Aouimeur-Milano, la directrice nationale du régime de garantie des salaires, a été licenciée pour « faute lourde ». Restée confidentielle jusqu’à présent, cette mesure disciplinaire a été notifiée le 23 février en invoquant de « graves manquements » : train de vie dispendieux, prestations de service conclues au mépris des règles, etc. La mise en cause conteste la décision et soutient, par la voix de ses avocats, qu’il s’agit d’un acte de « représailles », après les signalements qu’elle a effectués sur de graves dérives au sein du secteur où elle évolue.

Le régime de garantie des salaires, connu sous l’acronyme AGS, constitue une entité singulière dans notre système de protection sociale. Il assure la rémunération des femmes et des hommes employés dans des entreprises en difficulté (redressement, liquidation, etc.). Les sommes sont mises à disposition des mandataires judiciaires qui les redistribuent ensuite aux personnels concernés. La gouvernance du dispositif incombe à « l’association AGS », dans laquelle siègent exclusivement des représentants de mouvements patronaux – dont le Medef, qui a un poids prépondérant. Les opérations concrètes, elles, sont menées à bien par la délégation Unédic AGS (DUA), qui est un « établissement » de l’Unédic, l’association gérant l’assurance-chômage.

Fin 2018, Mme Aouimeur-Milano est nommée à la tête de la DUA. Quelques mois plus tard, un audit réalisé par le cabinet EY révèle des dysfonctionnements susceptibles d’engager la responsabilité du prédécesseur de la directrice nationale, Thierry Météyé. Celui-ci se voit reprocher – entre autres – d’avoir attribué de façon « massive et anormale » des dossiers à une avocate. Il est placé à la retraite puis licencié pour faute lourde.

Lire aussi l’enquête : Article réservé à nos abonnés Faillites d’entreprises : une lanceuse d’alerte dénonce le scandale des milliards envolés

Une première série de plaintes est déposée en mars 2019 par plusieurs protagonistes, parmi lesquels le Medef et l’Unédic, pour « vol, corruption et prise illégale d’intérêt ». Très vite, les soupçons de malversations s’étendent à d’autres acteurs – en particulier à des administrateurs et mandataires judiciaires qui auraient trempé dans des combines avec l’ancienne direction de la DUA. Comme le dit à l’époque un haut responsable patronal, « on ne sait pas où est allé l’argent » avancé, dans certaines procédures, à ces professionnels servant d’intermédiaires. Un autre audit est commandé au cabinet Advolis qui s’interroge sur la destination finale de milliards d’euros ayant transité entre les mains de mandataires judiciaires entre 2013 et 2018.

Il vous reste 46.08% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Etre lanceur d’alerte en entreprise n’est plus un combat vain, mais fait beaucoup de victimes

Maureen Kearney (Isabelle Huppert) et Anne Lauvergeon (Marina Foïs) dans « La Syndicaliste », de Jean-Paul Salomé.

Un simple salarié peut-il défendre l’intérêt général ? C’est la question posée par l’histoire de Maureen Kearney, digne d’un roman d’espionnage, relatée dans La Syndicaliste, de Caroline Michel-Aguirre (Stock, 2019) et interprétée par Isabelle Huppert, dans le film de Jean-Paul Salomé qui sort dans les salles de cinéma, ce mercredi 1er mars. L’ex-secrétaire du comité de groupe européen d’Areva est la lanceuse d’alerte qui avait dénoncé un contrat prévoyant un transfert massif de technologies vers la Chine.

« Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement », dit la loi Waserman, adoptée en 2022 pour renforcer leur protection. Mais a-t-il une réelle marge de manœuvre ?

A écouter les témoignages de ceux qui ont divulgué les scandales d’évasion fiscale chez UBS, de la Dépakine chez Sanofi ou celui d’Areva, les pressions sont considérables pour réduire leur pouvoir d’agir. « Plusieurs personnes avaient essayé de m’arrêter dans mon rôle, jusqu’à quelques jours avant l’agression. J’avais l’intention de porter plainte pour harcèlement moral, mais je n’en ai pas eu le temps », témoigne Maureen Kearney.

En 2012, elle a été sauvagement agressée dans son appartement, quelques jours après avoir fait voter le renvoi devant la justice de son PDG, Luc Oursel, pour non-consultation du comité de groupe sur la stratégie d’Areva. A l’époque, les lanceurs d’alerte n’avaient aucune protection. Elle raconte : « J’étais dans ma salle de bains, quelqu’un est arrivé, m’a mis une cagoule sur la tête, m’a attachée, m’a baissé les collants et a commencé à me couper le ventre. A cet instant, j’ai perdu connaissance. Par la suite, il m’a violée en me disant que c’était le dernier avertissement. »

Lire aussi : « LuxLeaks » : la CEDH reconnaît le Français Raphaël Halet comme lanceur d’alerte et condamne le Luxembourg

Elle a évidemment porté plainte pour viol. Résultat : classement sans suite. « J’ai été protégée pendant trois semaines par des gendarmes à domicile. Puis, j’ai été considérée comme folle. » Mise en examen pour « délit imaginaire », Maureen Kearney sera finalement innocentée en procédure d’appel. Mises en garde, menaces, puis mises en accusation voire agressions continuent d’être le modus vivendi que subissent les lanceurs d’alerte en 2023, comme en 2012.

Il vous reste 59.4% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« En quatre semaines, le gouvernement détruit tout » : les salariés de l’IRSN mobilisés contre la réforme de la gouvernance du nucléaire

Des salariés en grève de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) manifestent à l’appel des syndicats pour protester contre la disparition programmée de l’institut, à Paris, le 28 février 2023.

Les premières précisions et les grands principes énoncés par le gouvernement n’ont pas suffi à rassurer les salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Mardi 28 février, une grande partie d’entre eux ont répondu à un nouvel appel à la mobilisation pour protester contre le projet de réforme de la gouvernance du nucléaire, qui prévoit l’absorption de leur établissement par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Au moins 700 personnes, selon l’intersyndicale – sur environ 1 700 employés –, ont manifesté à Paris alors que le projet de loi d’accélération du nucléaire, par lequel doit être introduite cette réforme, entamait son examen en commission à l’Assemblée.

« D’habitude nous ne sommes pas des gens qui descendons dans la rue, l’IRSN est un établissement très feutré, rappelle Delphine Pellegrini, cheffe du service recherche et expertise sur les déchets radioactifs. Mais là, nous défendons nos valeurs et notre métier. » « C’est pour le cœur de notre métier que nous sommes inquiets, abonde Jean-François Barbier, ingénieur dans le domaine de la sûreté des installations. On a galéré pendant des décennies à construire cet établissement au service de la protection des citoyens et à établir la confiance, et en quatre semaines, le gouvernement détruit tout. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Sûreté nucléaire : inquiétudes et appel à la grève après l’annonce d’une réforme des organismes de contrôle

La gouvernance du nucléaire repose jusqu’ici sur deux piliers : l’IRSN, chargé de l’expertise et de la recherche, et l’ASN, responsable du contrôle et des décisions. La décision de démanteler le premier pour créer un pôle unique de sûreté a été annoncée de manière inattendue, le 8 février, dans la foulée d’un conseil de politique nucléaire. Selon le gouvernement, cette fusion vise à « renforcer les moyens et l’indépendance de l’ASN » alors que celle-ci va être confrontée à une charge de travail inédite.

« Fluidifier » les échanges

« Cette décision n’est pas du tout une critique du système actuel mais s’inscrit dans l’objectif d’une optimisation maximale dans le cadre de la relance du nucléaire », assure le ministère de la transition énergétique, qui met en avant la nécessité de « fluidifier » les échanges et de gagner en efficacité. « Dans le nouveau dispositif, les expertises techniques pourront être présentées directement au collège de l’ASN, permettant ainsi des décisions éclairées par la science plus rapides », précise-t-il.

L’annonce soudaine de cette réforme majeure a toutefois soulevé de vives inquiétudes. Pour tenter d’y répondre, le ministère a annoncé, le 23 février, que les compétences en matière de recherche et d’expertise seraient bien maintenues ensemble au sein de l’ASN, plutôt qu’éclatées entre l’ASN et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), comme prévu à l’origine. « La philosophie générale est de dire qu’il y a aujourd’hui une synergie entre l’expertise et la recherche et qu’il faut transférer cela en bloc de l’IRSN vers l’ASN », précise le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher.

Il vous reste 49.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

ChatGPT ou le miroir du savoir mondain

Entreprises. Avec l’accès de tous au système ChatGPT, le débat sur les dangers de l’intelligence artificielle (IA) a atteint le grand public. Dans de nombreux domaines, l’IA a déjà dépassé les capacités humaines. Mais ce qui trouble dans ChatGPT, ce n’est plus la puissance de raisonnement ou de calcul, mais sa capacité à mobiliser une grande masse de textes pour répondre, selon les règles communes du discours, à toutes les questions qu’on lui pose.

Observateurs, entreprises et enseignants se sont alors inquiétés de voir le système élaborer des synthèses professionnelles ou des devoirs académiques perçus comme « satisfaisants ». Mais n’est-ce pas cette satisfaction que ChatGPT nous impose plutôt d’interroger ?

A ses débuts, l’IA visait la captation des savoirs techniques et spécialisés. Les systèmes experts des années 1980 fournissent des diagnostics médicaux, aident les réparateurs de machines ou à la conduite des robots. Le savoir qu’ils capturent est celui d’un raisonnement mobilisant les faits et les règles d’un métier. Cette approche connaît sa percée la plus spectaculaire avec les logiciels d’échecs ou de jeu de go, qui battront les plus grands maîtres.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Avec ChatGPT et l’irruption de l’intelligence artificielle, la question de la raréfaction du travail et de l’avenir des retraites est relancée »

La seconde étape de l’IA adopte une démarche inverse. Au lieu de partir du savoir d’un expert, on va tenter de générer celui-ci en entraînant un algorithme à partir de bases de données gigantesques. La reconnaissance faciale est emblématique de cette approche. L’IA peut alors apprendre à imiter un style littéraire ou musical et à générer des formes complexes à partir de millions d’exemples.

Un parfait rhéteur

Or, il n’a pas fallu longtemps aux usagers perspicaces de ChatGPT pour se rendre compte que le système raisonne et calcule mal. De même qu’il se révèle, par exemple, un piètre joueur d’échecs. Pourtant, il peut aisément disserter sur la théorie de la relativité générale d’Einstein, donner les règles d’une société civile immobilière ou aborder avec pondération un dilemme moral.

ChatGPT agit donc comme un parfait rhéteur, qui, sans comprendre ce dont il parle, cherche dans sa mémoire – bien supérieure à celle d’un humain – les phrases les plus établies, donc les lieux communs, qu’il agencera ensuite en une réponse convaincante.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « On va gagner tellement de temps » : les apprentis sorciers de ChatGPT

Cette rhétorique fascinante place les manageurs en attente de rapports et les professeurs correcteurs de dissertations devant un miroir inquiétant : doivent-ils encore se satisfaire de synthèses humaines, si elles répètent, comme ChatGPT, ce que disent les textes ?

Mais s’ils doivent solliciter, au contraire, des propositions originales, seront-ils capables de les reconnaître et d’y répondre eux-mêmes ? Une recherche expérimentale récente montre que pour qu’un leader ou un professeur puisse accueillir des propositions innovantes ou surprenantes, il faut qu’il soit lui-même capable de détecter les biais de son propre savoir et les limites de son processus créatif (Justine Boudier, Modéliser et expérimenter un « leader défixateur » en situation de fixations hétérogènes, thèse PSL, MinesParis, 2022)

Il vous reste 11.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Fermeture de « Vice France » : la direction évoque des finances « préoccupantes », les salariés dénoncent une mauvaise stratégie

Vice France n’existera plus d’ici la fin du mois de mars. Paul Douard, le rédacteur en chef du pure player, ainsi que plusieurs membres de la rédaction ont annoncé l’avis de décès du bureau français de Vice après quinze ans d’existence, lundi 27 février sur Twitter. Vingt-cinq personnes en contrat à durée indéterminée devraient ainsi être licenciées d’ici la fin du mois prochain pour « motif économique ».

Le média 100 % numérique nourrissait également son site en faisant appel à des journalistes pigistes, qui feront bientôt les frais de cette disparition soudaine. Avec sa ligne éditoriale alliant des enquêtes sérieuses et des témoignages originaux, notamment reconnaissable par ses titres accrocheurs et un ton libre, voire irrévérencieux, le pure player à destination des 15-35 ans avait su se distinguer de ses concurrents Brut, Slate, Le HuffPost ou encore Konbini.

Cette annonce intervient quatre jours après la démission de la directrice générale de Vice Media, Nancy Dubuc, alors que le groupe ne parvient pas à monétiser son audience et chercherait à être racheté. Valorisé à 5,7 milliards de dollars en 2017, il vaudrait considérablement moins aujourd’hui, autour de 1,5 milliard, selon le Wall Street Journal.

Lire aussi : Vice France va cesser ses activités, annonce son rédacteur en chef

« Œillères » et « condescendance »

Contactée, l’entreprise n’a pas souhaité faire de commentaire, mais fait notamment valoir dans un courrier envoyé à ses salariés et que Le Monde a pu consulter qu’elle fait « face à une situation financière préoccupante depuis plusieurs années » et que « la crise sanitaire liée au Covid-19 a renforcé les difficultés existantes ». Vice Media fait le choix de fermer sa filiale française, après son bureau espagnol en 2020, estimant que la situation économique va continuer à se détériorer en 2023.

Mais cette version est difficile à digérer pour les salariés du média français. En interne, sous le couvert de l’anonymat, on déplore de « mauvais choix stratégiques » comme la fermeture de la régie publicitaire Virtue en 2020 ou la voilure réduite pour la verticale i-D, une plate-forme mettant en avant les talents dans la mode, la culture et la jeunesse. L’ancien rédacteur en chef adjoint Louis Dabir a par ailleurs jugé sur Twitter lundi que Vice France avait été « très mal exploité par les dirigeants américains et anglais, enchaînés par leurs œillères et leur condescendance ».

Si le chiffre d’affaires de la publicité de la branche française avait diminué de 5 millions à 4 millions d’euros entre 2021 et 2022, il repartait à la hausse depuis le début de l’année 2023, assurent plusieurs sources. Des arguments qui n’ont pas convaincu Vice Media. La directrice Europe des ressources humaines a convoqué les salariés pour un appel en ligne le 3 février pour leur annoncer, le jour même, les intentions du groupe américain, fondé au Canada en 1994. Une décision officiellement confirmée aux salariés le 23 février.

Il vous reste 15.46% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.