Le vieillissement de la population, un défi qui dépasse de loin le problème des retraites
La France vieillit, et elle vieillit vite. Rien de surprenant, au fond. Le pays a connu à l’issue de la seconde guerre mondiale le plus fort sursaut démographique d’Europe. De 1946 à 1950, il est né en France plus de 850 000 enfants par an, le record étant atteint en 1949 avec près de 900 000 naissances. La natalité ralentit un peu ensuite, mais reste élevée jusqu’au début des années 1970.
Un demi-siècle plus tard, les bébés de l’après-guerre ont bien grandi, et la natalité a chuté. Dans les rues et les squares, on croise désormais plus de cheveux gris que de tout-petits. La France de 2023 compte 26 % de personnes de plus de 60 ans, un habitant sur quatre. En 2040, ce sera près d’un sur trois. Un choc démographique qui ira s’accentuant durant les deux décennies à venir et qui pose de redoutables équations économiques et sociales. Car cette météorite, plus discrète qu’une pandémie ou que la guerre en Ukraine, mais pas moins puissante, va affecter notre économie avec des impacts multiples, dont l’interminable et âpre débat autour de la question des retraites n’est qu’un aspect, et pas forcément le plus crucial.
« Le défi majeur, c’est la dépendance », assène Alain Villemeur, directeur scientifique de la Chaire TDTE (Transitions démographiques, transition économiques), un cercle de réflexion sur l’impact du vieillissement et de la longévité sur l’économie et la société en France. Non seulement le pays vieillit, mais ses seniors sont de plus en plus âgés, et pas toujours en bonne santé. Entre 2,7 millions et 3,7 millions de personnes deviendront dépendantes dans les années qui viennent, selon les estimations du rapport Libault, publié en 2019.
Chaque année, d’ici à 2030, ce sont quelque 20 000 personnes qu’il faudra héberger dans des établissements spécialisés, soigner, entourer et accompagner jusqu’à leur fin de vie. Les Fossoyeurs, l’ouvrage de Victor Castanet qui dévoilait les pratiques scandaleuses dans certains Ehpad français, démontre l’étendue du chantier.
Selon les estimations réalisées par la chaire TDTE, la prise en charge de ces aînés dépendants devrait coûter près de 31 milliards d’euros en 2040. Un chiffre qui s’ajoute à l’alourdissement mécanique du coût de la protection sociale lié à au vieillissement. Dans une note publiée en 2022, France Stratégie a estimé que si la France avait eu en 2019 la pyramide des âges attendue en 2040, elle aurait dû dépenser 100 milliards d’euros de plus.
Effet sur la croissance potentielle
Dans le même temps, du fait de la diminution du nombre d’actifs, les recettes auraient été inférieures de 20 milliards d’euros. Certes, ces chiffres ne sont pas des projections : dépenses et recettes évolueront aussi en fonction de la situation économique future, notamment la croissance économique et le taux de chômage. Mais ils « permettent de mesurer la pression que va exercer le vieillissement sur les finances sociales », observe Pierre-Yves Cusset, chef de projet à France Stratégie. Pour autant, selon l’expert, il n’y a pas lieu de jouer les Cassandre. L’évolution démographique ne datant pas d’hier, la protection sociale a déjà absorbé un choc d’une ampleur comparable sur les vingt dernières années. « Le système s’est adapté, explique M. Cusset. Entre la moitié et les trois-quarts de l’effet pur du vieillissement devrait être réglé par les réformes passées des régimes de retraites. »
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