Archive dans 2023

Le vieillissement de la population, un défi qui dépasse de loin le problème des retraites

La France vieillit, et elle vieillit vite. Rien de surprenant, au fond. Le pays a connu à l’issue de la seconde guerre mondiale le plus fort sursaut démographique d’Europe. De 1946 à 1950, il est né en France plus de 850 000 enfants par an, le record étant atteint en 1949 avec près de 900 000 naissances. La natalité ralentit un peu ensuite, mais reste élevée jusqu’au début des années 1970.

Un demi-siècle plus tard, les bébés de l’après-guerre ont bien grandi, et la natalité a chuté. Dans les rues et les squares, on croise désormais plus de cheveux gris que de tout-petits. La France de 2023 compte 26 % de personnes de plus de 60 ans, un habitant sur quatre. En 2040, ce sera près d’un sur trois. Un choc démographique qui ira s’accentuant durant les deux décennies à venir et qui pose de redoutables équations économiques et sociales. Car cette météorite, plus discrète qu’une pandémie ou que la guerre en Ukraine, mais pas moins puissante, va affecter notre économie avec des impacts multiples, dont l’interminable et âpre débat autour de la question des retraites n’est qu’un aspect, et pas forcément le plus crucial.

« Le défi majeur, c’est la dépendance », assène Alain Villemeur, directeur scientifique de la Chaire TDTE (Transitions démographiques, transition économiques), un cercle de réflexion sur l’impact du vieillissement et de la longévité sur l’économie et la société en France. Non seulement le pays vieillit, mais ses seniors sont de plus en plus âgés, et pas toujours en bonne santé. Entre 2,7 millions et 3,7 millions de personnes deviendront dépendantes dans les années qui viennent, selon les estimations du rapport Libault, publié en 2019.

Chaque année, d’ici à 2030, ce sont quelque 20 000 personnes qu’il faudra héberger dans des établissements spécialisés, soigner, entourer et accompagner jusqu’à leur fin de vie. Les Fossoyeurs, l’ouvrage de Victor Castanet qui dévoilait les pratiques scandaleuses dans certains Ehpad français, démontre l’étendue du chantier.

Les extraits du livre « Les Fossoyeurs » : Article réservé à nos abonnés « Déjà, il y avait cette odeur de pisse terrible, dès l’entrée » : extraits des « Fossoyeurs », une enquête sur le business du grand âge

Selon les estimations réalisées par la chaire TDTE, la prise en charge de ces aînés dépendants devrait coûter près de 31 milliards d’euros en 2040. Un chiffre qui s’ajoute à l’alourdissement mécanique du coût de la protection sociale lié à au vieillissement. Dans une note publiée en 2022, France Stratégie a estimé que si la France avait eu en 2019 la pyramide des âges attendue en 2040, elle aurait dû dépenser 100 milliards d’euros de plus.

Effet sur la croissance potentielle

Dans le même temps, du fait de la diminution du nombre d’actifs, les recettes auraient été inférieures de 20 milliards d’euros. Certes, ces chiffres ne sont pas des projections : dépenses et recettes évolueront aussi en fonction de la situation économique future, notamment la croissance économique et le taux de chômage. Mais ils « permettent de mesurer la pression que va exercer le vieillissement sur les finances sociales », observe Pierre-Yves Cusset, chef de projet à France Stratégie. Pour autant, selon l’expert, il n’y a pas lieu de jouer les Cassandre. L’évolution démographique ne datant pas d’hier, la protection sociale a déjà absorbé un choc d’une ampleur comparable sur les vingt dernières années. « Le système s’est adapté, explique M. Cusset. Entre la moitié et les trois-quarts de l’effet pur du vieillissement devrait être réglé par les réformes passées des régimes de retraites. »

Il vous reste 71.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Morts au travail : les familles des victimes se mobilisent à Paris

Des familles se dirigent vers le ministère lors d’un rassemblement en hommage aux morts au travail organisé par le Collectif familles : stop à la mort au travail, devant le ministère du travail, à Paris, le 4 mars 2023.

Romain, Ludovic, Alban, Mohamed, Franck… Et entre chaque prénom, 100 à 200 personnes scandant à l’unisson « mort au travail ». Devant le square d’Ajaccio (Paris 7e), des proches endeuillés, pour certains très émus, brandissent des visages, presque exclusivement d’hommes, souvent jeunes. Œuvrant pour la plupart dans le bâtiment ou l’agriculture, ils ont tous en commun d’avoir perdu la vie sur leur lieu de travail ces derniers mois ou années.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Accidents du travail : une réalité persistante

Samedi 4 mars, le jeune Collectif familles : stop à la mort au travail a souhaité mettre en lumière le drame des accidents du travail mortels, qui ont encore touché 645 salariés du privé en 2021 (pour les fonctionnaires, indépendants et autres statuts, les données sont lacunaires).

Créé il y a quelques mois sous l’impulsion de Caroline Dilly, mère de Benjamin, couvreur de 23 ans, mort à la suite d’une chute le 28 février 2022, à Chinon, et Fabienne Bérard, mère de Flavien, qui a perdu la vie le 5 mars 2022, à 27 ans, sur un chantier de forage pétrolier en Charente, ce collectif permet aux familles de se soutenir dans l’épreuve, et de s’entraider dans les longues suites administratives et judiciaires qui les attendent.

A gauche, Matthieu Lépine a aidé à la création du Collectif familles : stop à la mort au travail. A droite, Frédéric et Valérie, parents de Jeremy, 21 ans décédé il y a deux ans lors d’un stage qu’il effectuait sur un chantier.

« Dénoncer la négligence »

« On se sentait si seuls. On ne connaissait rien, on s’est rendu compte que c’est un phénomène d’ampleur. Depuis, on se soutient en allant aux procès des uns et des autres, précise Mme Bérard. Concernant [la manifestation d’] aujourd’hui, on s’est dit qu’il fallait mettre des visages sur des chiffres, et dénoncer la négligence sur la manière dont sont traités nos jeunes. »

Après des minutes de silence et d’applaudissements, le collectif a énoncé un certain nombre de doléances, avant d’être reçu au ministère du travail situé juste en face : en premier lieu, plus de transparence sur les chiffres de la mort au travail, et un meilleur accompagnement des familles de victimes.

Rassemblement en hommage aux morts au travail organisé par le Collectif Familles : stop à la mort au travail, devant le ministère du travail à Paris, le 4 mars 2023.

La plupart du temps, les proches disent avoir attendu des mois avant d’obtenir des éléments d’explication sur les circonstances de l’accident, du fait des lenteurs des enquêtes et procès. Près de trois ans après la mort de leur fils Jérémy Wasson, élève ingénieur de 21 ans, tombé d’un toit dès le troisième jour de son « stage d’observation », ses parents, qui ne font pas partie du collectif mais pourraient le rejoindre, ne savent toujours pas « ce qu’il faisait sur ce toit ». « L’entreprise a été inculpée d’homicide involontaire il y a un an, mais va faire appel », précise Valérie, sa mère :

« On est effarés de l’impunité de cet employeur et de la lenteur de la justice. On ira au bout mais on en a pour dix ans. Et pendant ce temps, l’entreprise continue à recevoir des dizaines de stagiaires de l’école de Jérémy, est-ce normal ? »

Il vous reste 38.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Grève à partir du 7 mars : malgré les concessions de l’exécutif, les cheminots annoncent un durcissement du mouvement

Des agents de la SNCF à la gare Saint-Lazare, à Paris, lors de la manifestation du mardi 31 janvier 2023 contre la réforme des retraites.

Depuis plusieurs semaines, le gouvernement multiplie les annonces favorables au secteur des transports. L’objectif est double : favoriser le report des automobilistes vers le rail pour réduire les émissions de CO2, mais aussi désamorcer les raisons qui pourraient pousser les cheminots et les agents de la RATP à devenir le fer de lance de la lutte contre la réforme des retraites, en bloquant le pays.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Grève à la SNCF : les leçons d’un mouvement social 2.0

Ces efforts n’ont visiblement pas convaincu. Pour preuve, tous les syndicats de la SNCF appellent à une grève reconductible à partir du mardi 7 mars. Entre vendredi 24 février et lundi 27 février, les adhérents de la CFDT Cheminots ont, à 80 %, voté en faveur d’un durcissement du mouvement. A l’UNSA Ferroviaire, deuxième syndicat de la SNCF, habituellement modéré, le secrétaire général Didier Mathis menace de « mener dix jours de grève d’affilée et bloquer Paris au moins deux week-ends ». Un ton très dur, alors même que la première ministre, Elisabeth Borne, vient d’annoncer sa « nouvelle donne ferroviaire », avec un financement de 100 milliards d’euros à la clé.

Cent milliards d’ici à 2040, c’est pourtant une promesse choc, qui répond quasiment à l’euro près à la demande formulée par Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, à l’été 2022. Il avait réclamé cette somme, étalée sur quinze ans, pour moderniser les infrastructures ferroviaires et doubler la part du train dans nos déplacements. « Un combat gagné », se félicitait le ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune, au moment de l’annonce, obtenue envers et contre le ministère des finances. Bercy estime que l’Etat en a déjà assez fait en reprenant 35 milliards d’euros de dette à la SNCF il y a deux ans pour ne pas avoir à remettre la main au portefeuille.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La SNCF signe un bénéfice record en 2022, porté par la reprise du trafic TGV et par sa filiale Geodis

D’autres messages positifs ont été envoyés aux cheminots : pas un euro des bénéfices record de leur entreprise (2,4 milliards d’euros pour 2022) ne reviendra à son actionnaire, l’Etat. Tout sera réinvesti, et pas seulement les 60 % fléchés automatiquement vers la rénovation du rail. M. Beaune a aussi trouvé 5 millions d’euros pour sécuriser 130 sites sensibles du réseau en Ile-de-France.

Plans de recrutement massif

La RATP n’est pas oubliée. En décembre 2022, le ministre a accordé une rallonge budgétaire de 200 millions d’euros à Ile-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité qui finance les transports en Ile-de-France. Cette somme a permis à Jean Castex, le PDG de la RATP, de proposer une hausse de l’enveloppe salariale de 5,7 %, en assurant une augmentation mensuelle de 105 euros net à tous les agents.

Il vous reste 64.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Réforme des retraites : le chômage des seniors, angle mort du débat public

Quatrième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, à Marseille, le 11 février 2023.

La réforme des retraites risque de causer des dégâts collatéraux dont il a peu été question, jusqu’à présent, dans le débat public. C’est l’une des réflexions qui vient à l’esprit à la lecture d’une étude publiée, mercredi 1er mars, par l’Unédic, l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage. Elle remet en lumière un phénomène déjà exploré par d’autres recherches : le fait de reculer l’âge d’ouverture des droits à une pension est susceptible de se traduire par un plus grand nombre de seniors sans activité.

Le document diffusé par l’Unédic s’intéresse en particulier aux incidences de la loi de novembre 2010, qui avait reporté de 60 à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite. En préambule, les auteurs de la note prennent la précaution de souligner que les résultats auxquels ils aboutissent ne peuvent pas « être projetés tels quels » sur la période à venir, notamment parce que « les générations ne sont pas comparables d’une décennie à l’autre », tout comme les « contextes économiques ». Pour autant, ce retour sur le passé apporte un éclairage sur ce qui pourrait advenir avec la réforme en cours d’examen au Sénat, puisqu’elle repousse, elle aussi, de deux années l’âge d’ouverture des droits.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Réforme des retraites : le Sénat attend des « clarifications » de la part du gouvernement

Entre la mi-2010 et la mi-2022, le nombre de bénéficiaires de l’allocation-chômage, âgés d’au moins 60 ans, s’est accru de 100 000. Quant aux indemnisations versées aux demandeurs d’emploi d’au moins 55 ans, elles ont augmenté de 38 % entre 2010 et la période allant de la mi-2021 à la mi-2022. Soit une progression très supérieure à celle observée pour les moins de 55 ans (+ 16 %). Là encore, la prudence s’impose, car « l’effet propre des réformes des retraites sur les dépenses [pour les] seniors est complexe à isoler », plusieurs facteurs entrant en ligne de compte (conjoncture économique, modification des règles de l’assurance-chômage, évolution démographique…).

Des propositions au Sénat

Ces données convergent avec celles issues d’enquêtes conduites antérieurement. Deux d’entre elles, réalisées par des directions ministérielles, ont été présentées lors d’une réunion du Conseil d’orientation des retraites en janvier 2022. L’une indique que le décalage de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans « se traduirait » par une hausse de « près de 84 000 » du nombre de bénéficiaires de l’allocation-chômage, « dont près de 60 000 » auraient 62 et 63 ans. L’autre montre qu’une telle mesure d’âge pourrait faire basculer davantage de personnes vers les minima sociaux : + 30 000 pour ce qui est du revenu de solidarité active et + 30 000, également, s’agissant de l’allocation de solidarité spécifique attribuée aux chômeurs en fin de droit – cette évolution étant très concentrée sur les tranches d’âge situées après 60 ans.

Il vous reste 34.21% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les députés votent le rallongement du congé pour le décès d’un enfant

Loin des polémiques qui avaient secoué l’Assemblée nationale il y a trois ans sur le sujet, les députés ont voté à l’unanimité, jeudi 2 mars en soirée, en faveur d’un allongement du congé minimum pour le décès d’un enfant, en le portant de cinq à douze jours dans le code du travail.

Un amendement La France insoumise (LFI) a été adopté en ce sens, dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi du groupe Horizons qui vise à améliorer l’accompagnement des familles d’enfants gravement malades. Frédéric Mathieu (LFI) a défendu cet allongement, nécessaire pour « accomplir les démarches administratives » et « matérielles » autour d’un décès. « Aucun jour de congé ne remplacera jamais la perte d’un enfant », a-t-il aussi souligné.

Le code du travail prévoit actuellement cinq jours pour le décès d’un enfant, ou sept jours ouvrés s’il a moins de 25 ans. Pour le décès d’un enfant de moins de 25 ans, a été ajouté en 2020 un « congé de deuil parental » de huit jours supplémentaires, fractionnable, pour partie pris en charge par la Sécurité sociale.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Le deuil d’un enfant est et restera toujours intolérable »

Le rejet initial par l’Assemblée, il y a trois ans, d’un allongement du congé dans le code du travail, qui était proposé par Guy Bricout (UDI), avait suscité une vague d’indignation, et la ministre du travail de l’époque, Muriel Pénicaud, s’était retrouvée sur la sellette.

Le congé après annonce du handicap d’un enfant est allongé lui aussi

Les députés ont évité jeudi soir de reproduire un tel épisode, mais le rapporteur Paul Christophe (Horizons) s’est dit « assez embarrassé » que cet amendement intervienne dans le cadre d’un texte visant à « protéger les parents d’un enfant bien vivant ». Il a plutôt invité, mais en vain, à faire un bilan de la disposition de 2020. Le ministre des solidarités, Jean-Christophe Combe, a souligné qu’« on ne peut qu’être d’accord sur ce sujet » du congé deuil, et s’en est remis à la « sagesse » de l’Assemblée.

Lire aussi : Nouveau congé spécifique à l’annonce d’un cancer ou d’une maladie chronique chez l’enfant

Examinée en première lecture, la proposition de loi sur « la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap, ou victimes d’un accident d’une particulière gravité » a elle aussi été adoptée à l’unanimité et doit maintenant passer au Sénat, ainsi complétée. Elle prévoit de porter de deux à cinq jours la durée pour les parents du congé pour annonce de la survenue d’un handicap ou d’une pathologie chronique d’un enfant.

Le texte prévoit en outre d’interdire le licenciement de tout parent salarié concerné, de faciliter l’accès au télétravail ou encore le maintien dans le logement, sous conditions, en cas de renouvellement de bail. Les députés du Rassemblement national ont provoqué une large réprobation en présentant des amendements afin de réserver certaines mesures aux parents dont au moins l’un est de nationalité française. M. Combe a dénoncé une « inhumanité sans limite ».

Lire aussi : Comment organiser l’avenir d’un enfant fragile ?

Le Monde avec AFP

A Lyon, la direction d’Euronews annonce deux cents licenciements et le « redéploiement des équipes de journalistes »

Le siège lyonnais de la chaîne de télévision d’information multilingue Euronews, dans le quartier Confluence de Lyon, en novembre 2018.

« C’est un jour terrible, nous avons l’impression que le rêve d’une chaîne européenne vole définitivement en éclats », confie Charles (prénom d’emprunt), jeudi 2 mars, devant le siège d’Euronews, à Lyon, alors que la direction de la chaîne européenne vient tout juste d’annoncer 198 licenciements, au cours d’un conseil social et économique (CSE) extraordinaire. Le journaliste quadragénaire préfère ne pas donner son nom, compte tenu du contexte social.

« L’esprit de cette maison, c’était de réunir des journalistes de toutes nationalités dans un même lieu, pour qu’ils croisent leurs regards. Tout cela est démantelé. Humainement, c’est extrêmement dur », poursuit Charles, le visage marqué, persuadé qu’il vit « la fin de quinze ans de travail, passionné ». Dans le hall et les couloirs des six étages de l’immeuble des bords de Saône, les mines sont accablées.

Les salariés ont connu trois plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) en six ans, dans cette entreprise aux trente nationalités. Les mesures de celui-ci sont sans précédents. Il est question de supprimer près de la moitié des effectifs, actuellement constitués de 478 salariés.

Lire aussi : Chez Euronews, les motifs d’inquiétude se multiplient au sein de la rédaction

Une version européenne de CNN

Selon un communiqué interne de la section locale du syndicat national des journalistes (SNJ), cette suppression « massive de postes » s’accompagne d’un « redéploiement des équipes de journalistes », « dans un délai de six mois ». La direction envisage l’ouverture d’une rédaction centrale à Bruxelles, ainsi que six bureaux à Rome, Berlin, Lisbonne, Madrid et Londres, le principe étant de renvoyer les journalistes dans leurs pays d’origine.

Resteraient à Lyon des journalistes de nationalité française. Mais aussi russe, iranienne et turque, en raison des dangers à exercer leur métier dans leur pays. Ce qui représenterait un effectif de 142 personnes maintenues à Lyon. « Le démantèlement de notre chaîne à Lyon est désormais quasiment total », estime le SNJ.

La cession du célèbre immeuble à la façade métallique vert pomme ne fait plus de doute. Un mandat de vente a été activé en début d’année pour commercialiser les 10 000 mètres carrés du site. Un coup dur pour la ville de Lyon, tant l’implantation du siège d’Euronews symbolisait la reconversion du quartier futuriste de Confluence, au sud de l’agglomération. Créée en 1993 à Ecully, à l’ouest de Lyon, la chaîne avait déménagé dans ce nouveau siège, se voulant une version européenne de CNN. Le plan annoncé aujourd’hui prévoit l’externalisation de plusieurs services, comme la régie finale, la production des magazines, ou le service des plannings.

Il vous reste 48.45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Si l’on veut endiguer le Rassemblement national, il faut comprendre les fondements sociologiques de sa dynamique politique »

Il y a des phrases politiques qui restent dans l’histoire comme des symboles d’une défaite. Il y avait le fameux « l’Etat ne peut pas tout », de Lionel Jospin, face aux salariés de Michelin en 2000, deux ans avant l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. Il pourrait y avoir bientôt les étonnants propos d’Elisabeth Borne, rapportés dans Le Monde du 7 janvier. « Si on avait la recette… Elle est très insaisissable », a dit la première ministre en commentant la dynamique politique du Rassemblement national (RN) et de sa cheffe, comme un aveu d’impuissance.

Assise sur ses 42 % de voix obtenues au second tour de l’élection présidentielle et ses 88 députés, l’extrême droite n’a objectivement jamais été aussi proche du pouvoir sous la Ve République. La grande banalisation du RN s’est achevée avec son entrée dans les institutions. Alors qu’il avait cahin-caha fonctionné lors de toutes les élections précédentes, le front républicain s’est effondré lors des législatives, et le RN y a percé son plafond de verre. En 2017, La République en marche avait remporté plus de 90 % des duels qui l’opposaient au RN dans les circonscriptions. Aux législatives de 2022, la coalition présidentielle en a perdu plus de la moitié.

Lire la tribune : Article réservé à nos abonnés « L’habitude de voter Rassemblement national s’enracine dans une partie du corps électoral »

La conjoncture sert les desseins politiques du RN, la crise du pouvoir d’achat alimentant les colères qui nourrissent l’extrême droite. Nul besoin d’avoir fait de longues études d’histoire pour savoir comment, à la suite de la crise de 1929, l’inflation et l’appauvrissement des classes moyennes ont contribué à l’avènement du fascisme en Europe. Une majorité de Français disent aujourd’hui « s’en sortir difficilement » avec les revenus dont ils disposent. Cette majorité peut désormais rendre une droite extrême majoritaire.

Du renoncement au ressentiment

Les difficultés face au coût de la vie, l’impopularité de la réforme des retraites, la perception que le gouvernement l’impose de manière brutale sans comprendre les Français nous font changer de temporalité, et passer du grand renoncement au grand ressentiment. Le renoncement (au vote par exemple) était un retrait individuel, un repli résigné sur soi et son cercle proche. Le ressentiment, c’est-à-dire le fait d’en vouloir à un tiers, ici le gouvernement, pour les torts subis, est une colère sourde, aux effets politiques plus dévastateurs. Ce ressentiment enfle : on le lit dans le fait que 60 % des Français et 67 % des actifs comprendraient aujourd’hui le blocage du pays pour faire plier le gouvernement. Le basculement des classes moyennes est la clé d’une future conquête du pouvoir pour Marine Le Pen. Le ressentiment pourrait bien accélérer les ralliements.

Il vous reste 55.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Retraites : le lien entre l’âge légal de départ et le chômage des seniors confirmé par une étude

Manifestation, au cinquième jour des rassemblements nationaux organisés depuis le début de l’année, contre une refonte des retraites profondément impopulaire, à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 16 février 2023

L’âge légal de départ à la retraite et les règles de l’assurance-chômage ont-ils un impact sur la stratégie des entreprises – parfois partagées par les syndicats et les salariés concernés – pour se séparer des séniors ? Selon une étude de l’Unédic, publiée mecredi 1er mars, cette hypothèse tend à se confirmer.

L’âge légal de départ à la retraite entraîne en effet un pic de ruptures conventionnelles trois ans avant, ce qui correspond à la durée d’indemnisation chômage dont pouvaient bénéficier les plus de 55 ans, selon une étude de l’Unédic.

Lire aussi : Petites pensions, carrières longues, impact pour les femmes : les questions pour comprendre la réforme des retraites

Dans cette dernière, l’association observe en 2021 une nette hausse à 59 ans de ces ruptures « d’un commun accord », qui donnent droit au chômage, alors que l’âge légal de départ à la retraite est de 62 ans et que les plus de 55 ans pouvaient être indemnisés pendant trois ans.

Alors que 17 % des ouvertures de droit au chômage à 56 ans le sont à la suite d’une rupture, ce chiffre grimpe à 25 % à 59 ans, un taux « qui remonte au niveau de celui que l’on observe pour les trentenaires, catégorie d’âge la plus concernée par les ruptures conventionnelles », constate l’Unédic. En 2010, alors que l’âge légal de départ était encore de 60 ans, ce pic était atteint autour de 57-58 ans.

Ce pic devrait se décaler à l’avenir sous l’effet des nouvelles règles d’assurance chômage qui ont réduit depuis le 1er février la durée d’indemnisation maximale de 25 % pour les nouveaux entrants au chômage, soit 27 mois au lieu de 36 pour les plus de 55 ans.

Le gouvernement est aussi favorable, dans la réforme des retraites débattue au Parlement, à ce que les ruptures conventionnelles avant l’âge légal de départ soient soumises au même forfait social de 30 % que celles intervenant après alors qu’il n’est pour l’instant que de 20 %.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Réforme des retraites : « La sortie précoce des seniors du marché de l’emploi n’est pas une fatalité »

Selon l’étude, le report de l’âge légal de 60 à 62 ans a entraîné entre 2010 et 2022 une hausse de 100 000 du nombre d’allocataires de plus de 60 ans. Parmi ces indemnisés supplémentaires, 65 000 ont 60 ou 61 ans du fait du décalage de l’âge légal. Et 20 000 ont 65 ou 66 ans, du fait du décalage de l’âge d’annulation de la décote (de 65 à 67 ans) et de la hausse de la durée de cotisation.

Enfin l’étude s’intéresse à une disposition qui permet, sous conditions, de continuer à être indemnisé par l’assurance-chômage au-delà de trois ans, jusqu’à l’accès à une retraite à taux plein, au plus tard à 67 ans. Fin juin 2022, sur les 72 000 allocataires indemnisés de 62 ans ou plus, 21 000 sont bénéficiaires de ce dispositif.

Notre sélection d’articles sur la réforme des retraites

Le Monde avec AFP

« En matière de parité, l’Islande bat tous les records »

« Je suis forte ! Je suis courageuse ! Je suis puissante ! » Encouragées par leur maîtresse, les petites élèves de maternelle crient ces mots, tout en lançant des bûches. Elles occupent la moitié de la cour, l’autre étant réservée aux garçons – ce qui évite que ces derniers ne monopolisent la totalité de l’espace central et relèguent les filles dans les coins, comme dans la plupart des écoles. Du foot à la poupée, qu’ils soient catalogués comme masculins ou féminins, les jeux sont ici pratiqués indifféremment par tous les enfants.

Cette école islandaise applique le modèle éducatif Hjalli, comme seize autres dans le pays. Diffusé récemment sur France 24, un documentaire de la journaliste Mélina Huet révèle comment ces établissements s’appliquent à ne pas enfermer les enfants dans les stéréotypes de genre. Margret Pala Olafsdottir, la pédagogue qui a développé cette méthode, a été décorée par le gouvernement pour sa contribution à la construction d’une société plus paritaire.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « La parité, priorité oubliée de la réforme de la haute fonction publique »

De fait, l’Islande bat à peu près tous les records en la matière. Elle caracole depuis plus de dix ans en tête du classement sur l’égalité femmes-hommes du Forum économique mondial. Son Parlement est le plus féminin d’Europe, avec 47,6 % d’élues. Le taux d’emploi des Islandaises est très élevé (77,5 % en 2021, contre 67,5 % dans la zone euro), et le congé parental est pris quasiment à parts égales entre les deux parents.

Lois contraignantes

Mais quel est donc le secret de l’île volcanique ? Chaque année, à l’approche de la Journée internationale du droit des femmes du 8 mars, tous les regards se tournent vers l’Islande pour tenter de le percer. « Beaucoup de facteurs entrent en jeu », éclaire Eliza Reid, sa première dame, qui publie justement l’ouvrage sur la question Les Secrets des Sprakkar. Ces femmes qui changent le monde (Michel Lafon, 288 pages, 19,95 euros). « Le principal d’entre eux est la conscience largement partagée que travailler vers plus d’égalité profite à tous. Que ce n’est pas pour les femmes au détriment des hommes, mais un progrès déterminant pour bâtir une société meilleure pour l’ensemble de ceux qui y vivent. »

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés Egalité femmes-hommes en entreprise : « On ne peut se payer de mots »

En Islande, cette conscience est ancienne et tient sans doute en partie au faible nombre d’habitants (370 000), relativement homogène. Mais pas seulement. Ses lois sont aussi bien plus contraignantes qu’ailleurs. Depuis 2018, les entreprises islandaises de plus de 25 salariés comme les administrations sont en effet contraintes de respecter une norme d’égalité salariale à travail égal. Un organisme indépendant vérifie qu’elles répondent aux critères définis par la loi et leur accorde une certification, à renouveler tous les trois ans. Celles qui ne les respectent pas encourent une amende de 50 000 couronnes (330 euros) par jour, au plus. Un système bien plus efficace que l’index Pénicaud en vigueur en France, peu contrôlé et facilement contournable.

Il vous reste 29.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Réforme des retraites : « Il est temps de passer à une nouvelle étape, plus sociale, du quinquennat »

La réforme des retraites, du moins le report de l’âge de départ à 64 ans, est massivement rejetée par les Français. Ceux-ci la trouvent injuste et ils ne souhaitent pas travailler plus longtemps. Nécessaire pour assurer le financement de nos régimes de retraite et pour augmenter le taux d’emploi des seniors, cette réforme ternit l’image du gouvernement et participe du climat morose que nous connaissons.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « L’actuelle réforme des retraites est d’abord une renonciation à une réforme universelle »

Il est temps de passer à une nouvelle étape du quinquennat, à une étape plus sociale.

Il convient, en premier lieu, d’accompagner les seniors qui devront travailler plus longtemps. Il faut changer les mentalités, notamment celles des employeurs : on n’est pas vieux passé 60 ans. La formation professionnelle continue doit donc bénéficier massivement aux seniors. Il faut mettre l’accent sur le renforcement de la formation professionnelle au service des transitions professionnelles, notamment pour la dernière partie de carrière, ceci en renforcement des politiques de ressources humaines adaptées. Ainsi, l’entretien de mi-carrière à 45 ans pourrait être renouvelé à 55 ans. Tout cela s’inscrit dans une réaffirmation du dialogue social, tant au niveau des entreprises que des branches professionnelles. Faisons pour les seniors ce que les gouvernements d’Emmanuel Macron ont réussi à faire pour les jeunes avec la réforme de l’apprentissage.

Un véritable revenu jeunes

Mais il faut aller plus loin, redonner de l’espoir au pays. Cela passe par des efforts significatifs pour les jeunes. Après le plan 1 jeune, 1 solution et la réforme de l’apprentissage, adoptons un pacte pour la jeunesse qui favorise l’insertion des jeunes dans l’emploi et les aide à maintenir leur niveau de vie. Ce pacte doit comporter une réforme du lycée professionnel, déjà entamée mais qui doit être poursuivie, un système de bourses plus efficace et un véritable revenu jeunes, sur le modèle danois, qui aille au-delà du contrat d’engagement jeunes.

Lire l’entretien : Article réservé à nos abonnés Pierre Rosanvallon : « Le débat sur la réforme des retraites est le signe d’un ébranlement de notre démocratie »

Ce pacte doit également comporter une véritable réforme de l’école. L’école est trop absente de nos débats. Nous ne devons plus être une des écoles les moins performantes et les plus égalitaires de l’Organisation de coopération et de développement économiques, comme le disent les classements du Programme international pour le suivi des acquis des élèves. Nous ne devons pas en rester au dédoublement des classes de CP et de CE1, ni au retour de l’enseignement des mathématiques, deux mesures fondamentales qui doivent être complétées : il faut n’affecter en zones prioritaires que des enseignants ayant au moins deux ans d’ancienneté, en usant largement du recrutement sur postes à profil ; recourir au looping, c’est-à-dire au suivi des élèves par le même maître du CP au CE2 ; adopter un grand plan de formation au calcul mental et résolutions de problèmes ; créer des réseaux de conseillers pédagogiques en mathématiques dans les écoles…

Il vous reste 39.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.