Archive dans 2023

La parité de salaires stagne dans l’OCDE, les femmes souffrent d’une « pénalité de maternité »

A ce rythme, il faudra 50 ans pour atteindre la parité, estime le cabinet. Les progrès vers l’égalité de salaires entre hommes et femmes dans les pays de l’OCDE ont été « excessivement faibles » ces dix dernières années, selon une étude de PriceWaterhouseCooper . L’enquête « Les femmes au travail » (Women in Work Index) affiche notamment un écart de salaire persistant de 14%, qui n’a reculé que de 2,5 points de pourcentage depuis 2011, détaille PwC dans un communiqué publié mardi 7 mars.

D’autant que les améliorations « au cours de l’année passée découlent davantage de la reprise post-covid sur le marché du travail que de progrès authentiques », précise PwC.

La firme de conseil estime qu’une « pénalité de maternité », soit une perte de rémunération au cours de la vie pour les femmes qui élèvent des enfants, est le principal facteur expliquant cet écart de salaire.

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Elle est due à une progression de carrière plus lente lorsque celles-ci retournent travailler après une naissance, et à la part « injustement faible des soins et de l’éducation des enfants prise par les pères » à travers le monde.

L’enjeu du coût des gardes d’enfants

L’étude s’attarde notamment sur le Royaume-Uni, parlant d’une « crise des gardes d’enfants devenues inabordables et d’une faible part des hommes qui prennent des congés parentaux », forçant « une part croissance des femmes à ne plus travailler ». « Un coût abordable des gardes d’enfants est essentiel pour atténuer les pressions sur les mères et les familles et réduire la charge de travail non rémunérée des femmes ».

« Repenser les politiques de congés parentaux pour soutenir un modèle de “deux salaires, deux carrières” aiderait à modifier les attitudes sociétales » sur le rôle des pères et des mères et bénéficierait économiquement à la société entière, insiste PwC.

Au sein des pays de l’OCDE, le Royaume-Uni a perdu cinq places dans l’indice de PwC sur l’égalité salariale entre femmes et hommes, passant de la 9e en 2020, en pleine pandémie, à la 14e place un an plus tard, la dernière année de données disponibles. Le pays reste malgré tout en tête des pays du G7, devant le Canada (18e place), les Etats-Unis (25), la France (23), l’Allemagne (21), le Japon (28) et l’Italie (30).

Luxembourg, Nouvelle-Zélande et Slovénie ressortent aux trois premières places de l’indice, avec la plus forte avancée marquée par la Hongrie, désormais 13e, et la plus forte chute par la Suisse (20e).

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Le Monde avec AFP

Pour les salariés itinérants, le temps du déplacement professionnel peut désormais être rémunéré

Droit social. Le droit européen peut-il compléter, en certains points, le code du travail français ? L’article 31 de la Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne (UE) dispose que « tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire (…) ».

Il est précisé dans les traités européens que « l’Union soutient et complète l’action des Etats membres dans le domaine de l’amélioration du milieu de travail, pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs » : cette compétence d’attribution subsidiaire a conduit, entre autres, à l’élaboration d’un droit européen du temps de travail.

Ainsi, la directive européenne 2003/88 impose notamment aux Etats membres de l’UE un temps de travail hebdomadaire limité, un certain temps de pause, une période minimale de repos journalier ou encore une période minimale de repos hebdomadaire. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, dans un arrêt de 2021, considéré que les Etats membres ne peuvent déterminer unilatéralement la portée de la notion de « temps de travail », qui doit être définie selon des caractéristiques objectives et en accord avec la finalité de la directive.

Droit français inverse

En 2015 déjà, la CJUE avait, en se fondant sur l’article 2 de la directive européenne 2003/88, décidé que « dans des circonstances dans lesquelles les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du “temps de travail”, au sens de cette disposition, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur ».

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Le droit français ne voit pas les choses de la même manière : l’article L. 3121-4 du code du travail pose à l’inverse en principe que « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif (…) », sauf à percevoir, sous conditions, « une contrepartie ».

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C’est dans ce contexte qu’une cour d’appel a fait prévaloir la lecture du juge européen sur le texte français. Elle avait constaté qu’un salarié n’avait pas de lieu de travail habituel, et que son employeur lui demandait d’intervenir avec un véhicule de la société dans le cadre d’un parcours de visites programmé sur un secteur géographique très étendu.

A la disposition de l’employeur

La cour a aussi constaté que le salarié devait, pendant les temps de déplacement domicile-clients, se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles : ces temps sont dès lors du temps de travail effectif à rémunérer.

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Pour l’industrie nucléaire, l’enjeu d’un recrutement massif en vue de la relance du secteur

Malgré la grève et les occupations de sites, l’Université des métiers du nucléaire a maintenu son rendez-vous. Du lundi 6 au vendredi 10 mars, en dépit de la forte mobilisation de salariés contre la réforme des retraites, cette alliance d’industriels organise la première édition de la Semaine des métiers du nucléaire. Visites, témoignages de salariés, mise en relation avec des entreprises : quelque deux cents événements sont prévus à travers la France, en collaboration avec Pôle emploi.

C’est que cette filière a grand besoin de recruter. Et donc, au préalable, de renforcer son attractivité. Surtout après de mauvaises nouvelles, dans un passé encore proche. Fukushima et l’accident nucléaire, à la suite d’un tsunami, en 2011, au Japon. Mais aussi, sur un tout autre registre, Fessenheim (Haut-Rhin) et la fermeture de cette centrale alsacienne, en 2020, sur décision politique du gouvernement.

Depuis, la perspective industrielle a changé dans le pays, tout comme la nécessité de formation et d’embauche. Ce même gouvernement a promis, en février 2022, la construction d’au moins six nouveaux réacteurs. « Le souci principal n’est pas tant de créer des offres de formation que de faire connaître celles déjà existantes du CAP au bac +5 », souligne Hélène Badia, présidente de cette « université » lancée en 2021, et par ailleurs salariée d’EDF, l’exploitant du parc nucléaire français.

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Emmanuelle Galichet, maîtresse de conférences au Conservatoire national des arts et métiers, observe une inversion de tendance : « Pour l’année en cours, vingt-sept élèves de première année suivent ma formation d’ingénieurs dans le génie nucléaire, contre vingt-cinq en deuxième année, et… onze en troisième année. » Avec un nouvel argument entendu, par rapport aux décennies antérieures : en tant qu’électricité bas carbone, le nucléaire contribue à la lutte contre le réchauffement climatique.

Techniciens ou ingénieurs, à chaque métier sa temporalité

Les postes à pourvoir s’annoncent nombreux, entre le grand carénage des cinquante-six réacteurs existants et la perspective de chantiers annoncée par le gouvernement. De quoi recruter chaque année, d’ici à la fin de la décennie 2020, entre 10 000 et 15 000 personnes. Une promesse de renouvellement massif pour la filière.

Celle-ci englobe quelque 220 000 emplois directs et indirects, selon son recensement de 2019 – près de 7 % de l’emploi industriel en France. Ce qui en fait « la troisième filière industrielle française », d’après le ministère chargé de l’industrie. Les cadres et les techniciens concentrent quatre cinquièmes des effectifs, lesquels sont en grande majorité masculins, comme dans l’industrie en général. A chaque métier sa temporalité. Dans l’immédiat, le grand carénage et la maintenance du parc actuel exigent des techniciens ; en 2022, il avait fallu appeler des soudeurs nord-américains en renfort.

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Pierre-Olivier Monteil, philosophe : « En même temps que la retraite, c’est le travail qui est à repenser »

Le débat sur les retraites a notamment fait émerger l’idée que le problème de fond était moins le projet de réforme que le travail lui-même. Pour une proportion croissante de salariés, ce dernier est aujourd’hui synonyme d’insatisfaction et de manque de sens.

En attestent les manifestations de désengagement que sont l’absentéisme, le turnover [le départ et l’entrée de personnel], la démotivation face à des conditions d’exercice difficiles, les difficultés à recruter… Il n’y faut voir aucune « paresse », mais une critique en actes du travail que l’on fait, au nom de celui que l’on aime. Les salariés ne se résignent donc pas sans aigreur à occuper – parce qu’il faut bien vivre – un emploi essentiellement alimentaire.

Sous ce prisme, le départ à la retraite leur apparaît comme le moment de la « grande compensation » où l’on solde les comptes. D’un côté, c’est la légitime exigence de justice évoquée à propos de l’inégale durée de cotisation, rapportée à l’inégale espérance de vie. De l’autre, on peut cependant se douter que, pour le plus grand nombre, le compte n’y sera jamais. Car, quelles qu’en soient les conditions, comment la pension pourrait-elle remplacer ce qui n’a pas de prix, c’est-à-dire un travail sensé et épanouissant ?

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L’opposition à la réforme recouvre, à cet égard, un débat escamoté jusqu’ici. Celui qui oppose les partisans d’un signal de « bonne gestion » à adresser aux marchés et les tenants d’une certaine idée de la solidarité qui, à la suite du sociologue Marcel Mauss (1872-1950), considèrent les pensions comme un contre-don versé par la nation à ses retraités, en réponse au don qu’ils ont fourni quand ils étaient en activité.

Le sentiment d’être utile

Ce clivage entre raison gestionnaire et reconnaissance symbolique recoupe celui qui oppose, dans la sphère du travail, culture du résultat et éthique du métier, capitalisme prédateur et aspiration à donner de soi. On comprend, dès lors, l’amertume de ceux que l’argumentaire gouvernemental contraint de se soumettre à une logique qui, à leurs yeux, détourne de l’essentiel.

En même temps que la retraite, c’est donc le travail qui est à repenser, en sorte qu’il soit gratifiant en tant que tel et permette, en définitive, une activité qui humanise. Après tout, travailler consiste à produire, certes, mais ce faisant, c’est aussi nous-mêmes qu’en travaillant nous produisons.

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A ce titre, le travail devrait favoriser l’autonomie, à l’opposé du néo-taylorisme qui désapprend la responsabilité. Il pourrait être une expérience qui prépare au vivre-ensemble en privilégiant la commune appartenance à l’équipe, au métier, à la société, au lieu de la concurrence et de l’individualisation à outrance qui dissolvent les solidarités. Il devrait accréditer chez chacun le sentiment d’être utile, en permettant le travail bien fait et le sentiment du devoir accompli, aujourd’hui empêchés par l’obsession du chiffre. Une contribution majeure à cet égard peut être celle d’un management exerçant sa mission loyalement, au lieu de privilégier l’évitement en se dissimulant dans des dispositifs anonymes d’inspiration productiviste (production à flux tendu, numérisation…).

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Pacte enseignant : les discussions entre ministère et syndicats dans l’impasse

Cette fois, les représentants des enseignants ont joint les actes à la parole et signifié leur désaccord en envoyant un message politique fort. Alors que les négociations salariales approchent de leur terme et à la veille d’une importante mobilisation contre les retraites, l’intégralité des organisations syndicales représentatives, y compris les moins enclines à la politique de la chaise vide, ont quitté, lundi 6 mars, la deuxième réunion consacrée au « pacte enseignant », à peine une heure après son ouverture.

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Ce dispositif, par lequel le gouvernement entend proposer aux professeurs de nouvelles missions rémunérées, selon le projet formulé par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle de 2022, est au cœur du bras de fer entre la rue de Grenelle et les syndicats depuis le début des négociations, dont une partie porte aussi sur une revalorisation sans condition. Le front syndical réunissant la FSU, l’UNSA, le SGEN-CFDT, le SNALC et Sud Education – FO et la CGT boycottant déjà les réunions depuis janvier – ont conjointement fustigé, lundi, un « instrument qui ne répond en rien aux attentes des collègues et aux besoins de l’école ».

L’esprit du dispositif présenté le 9 février reste le même, malgré la vive opposition des organisations représentatives : à partir de la rentrée 2023, les enseignants souhaitant bénéficier de la rémunération prévue pour le « pacte » devront accomplir des missions supplémentaires. Certaines d’entre elles devront être assurées « en priorité » : le remplacement de courte durée dans le second degré, et l’intervention sur la nouvelle heure de soutien en 6e pour les professeurs des écoles.

« La balle est dans le camp du ministère »

Quelques adaptations ont été présentées lundi. Alors que le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, avait initialement évoqué un volume de 72 heures annuelles pour avoir droit à la rémunération, le ministère prévoit désormais un pacte « modulable », divisé en trois « tranches ». Le « pacte minimal » consisterait en 24 heures « devant les élèves » (remplacement, devoirs faits, intervention en 6e…), rémunérés 1 250 euros brut. Peuvent s’ajouter ensuite deux autres « tranches » de missions pour atteindre le « pacte standard », payé 3 750 euros.

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Les divergences de fond ne sont cependant en rien dépassées par ces ajustements techniques. Tous les syndicats rejettent la logique du « travailler plus pour gagner plus » et revendiquent une revalorisation « ambitieuse et sans contreparties pour tous les personnels ». Outre « l’usine à gaz » pour les établissements et le risque d’aggravation des inégalités hommes-femmes, les syndicats alertent sur l’angle mort politique de la charge de travail.

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ArcelorMittal France de nouveau condamné pour discrimination syndicale

« lIs m’ont laissé complètement sur le côté », se désole ce salarié et syndicaliste CGT d’ArcelorMittal France, qui a souhaité rester anonyme. Le 17 février, son employeur a été condamné par la cour d’appel de Douai (Nord) pour discrimination syndicale envers lui et six autres de ses collègues membres de la CGT sur le site de Mardyck (Nord), qui produit des carrosseries de voiture.

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Rentré il y a plus de trente ans au sein du groupe de métallurgie, ce salarié a pris assez rapidement des mandats en tant que délégué du personnel. Il est ensuite monté en puissance dans ses responsabilités syndicales au sein de la société. « A partir du moment où mon mandat a dépassé le mi-temps du total de mon activité globale, j’ai compris que j’aurais une évolution plus difficile, raconte le salarié. Je n’avais plus d’interlocuteur au niveau de la direction, c’était très difficile d’avoir un entretien professionnel annuel. »

« Classification et rémunération très inférieures »

« A partir de leur engagement syndical, ces salariés ont vu leurs chances d’évolution dans la société décroître, l’employeur les ayant maintenus à des niveaux de classification et de rémunération très inférieurs à ceux de leurs collègues de travail non syndiqués », a commenté Me Xavier Sauvignet, leur avocat. « On me reprochait mon activité à mi-temps, alors que c’est justement une preuve de discrimination », souligne le salarié.

Le géant de la sidérurgie s’était déjà vu condamné en première instance par le conseil des prud’hommes de Dunkerque en 2020. La cour d’appel a confirmé ses décisions, revoyant à la hausse les sommes allouées aux salariés : au total, 222 000 euros de préjudice financier ainsi que 35 000 euros de préjudice moral, en plus des rappels de salaire de l’ordre de 200 000 euros.

Déjà condamné sur son site de Fos-sur-Mer

Ce n’est pas la première fois qu’ArcelorMittal France est rappelé à l’ordre pour discrimination syndicale : le géant de la sidérurgie a déjà été condamné pour le même motif sur son site de Fos-sur-Mer. ArcelorMittal France nous a affirmé ne pas vouloir faire des commentaires.

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Chargé de la défense des salariés discriminés à la CGT, François Clerc se déclare à moitié satisfait de la décision de la cour d’appel : « On a énormément progressé ces trois dernières années sur la question des discriminations, mais les sommes allouées aux salariés par la cour d’appel restent inférieures à ce que l’on demandait sur la base de la carrière telle qu’elle aurait dû être. » L’un des sept syndicalistes CGT de Mardyck vainqueurs en appel s’interroge : « On est en train d’étudier s’il faut aller plus loin ou non. »

Réforme des retraites : le gouvernement fait adopter les premières mesures de son projet au Sénat

 Le ministre du travail, Olivier Dussopt, lors de la présentation du projet de réforme des retraites, au Sénat, le 2 mars 2023.

Pris en étau entre une droite qui veut imposer ses marqueurs et une gauche monopolisant la parole pour afficher son opposition, l’exécutif est néanmoins parvenu à faire adopter les premières dispositions de sa réforme des retraites par le Sénat.

Au terme d’une quatrième journée de discussions, les sénateurs ont voté par 244 voix contre 96, dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 mars, l’article 2 sur l’« index seniors » pour les entreprises. La majorité sénatoriale de la droite et du centre a adopté un amendement pour que cet outil concerne les entreprises de plus de trois cents salariés, contre cinquante à l’Assemblée nationale, qui avait rejeté cet article 2. S’il vise à contraindre ces structures à publier chaque année des indicateurs sur leur emploi des seniors, la gauche a défendu la suppression d’un « gadget inutile » pour endiguer le chômage des seniors.

Seul au banc pour défendre le texte qui vise à reculer l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a pu aussi compter sur Les Républicains (LR) et l’Union centriste pour l’adoption, samedi 4 mars, de l’article 1er, avec 233 voix contre 99. Il met fin à certains régimes spéciaux (RATP, industries électriques et gazières, Banque de France…) pour les nouveaux embauchés, « à partir du 1er septembre ».

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« Cela suffit, maintenant ! »

Mais, tout au long du week-end, les discussions ont surtout été dominées par les tunnels d’amendements déposés par les sénateurs de gauche. Les élus socialistes, écologistes et communistes ont régulièrement tancé le ministre du travail pour son manque de « sincérité » à propos d’une réforme « mal fagotée ». Dimanche, les sénateurs ont même été jusqu’à l’interroger sur un « agenda caché » de l’exécutif, selon l’expression du communiste Fabien Gay (Seine-Saint-Denis). En cause : un article introduit à l’Assemblée, après un amendement du député Renaissance, Marc Ferracci, prévoyant que le gouvernement remette un rapport d’ici un an sur « la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite ».

Si, pour Laurence Rossignol, sénatrice socialiste de l’Oise, cet amendement « ne présage rien de bon », il est surtout symptomatique « des revirements, des ambiguïtés, des changements de pied, des volte-face » du président de la République, Emmanuel Macron, après l’abandon de son projet d’un système universel en 2020. Avec le soutien des LR et des centristes, également hostiles, l’article a été rejeté à la quasi-unanimité (par 292 voix contre 1).

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Retraites : « lI faut prendre en compte les “années blanches” de milliers de jeunes scientifiques »

Avec raison, les conséquences des réformes des retraites qui se succèdent sont analysées sous l’angle des carrières longues et de leur pénibilité. Elles sont au cœur du mouvement de contestation du report de l’âge légal de départ à 64 ans. Une proposition consiste à allonger les durées de cotisation des plus diplômés. Or, les allongements de durée de cotisation pénalisent déjà fortement une population très diplômée et au parcours spécifique : les chercheurs et les chercheuses.

Entre 1985 et 2007, des milliers de jeunes scientifiques, en particulier en sciences du vivant, ont exercé une activité de recherche rémunérée et à temps plein qui, aujourd’hui, n’est pas prise en compte pour leur retraite. Un rapport sur « les conditions de travail illégales des jeunes chercheurs » publié en 2004 l’explicitait. Avant un éventuel recrutement dans la filière de recherche française, les chercheurs effectuent un doctorat (trois ans minimum) et pour la plupart, un ou des séjours post-doctoraux (deux à cinq ans en moyenne, mais souvent plus) dans des laboratoires en France ou à l’étranger. Pour cette activité de recherche, ces scientifiques étaient payés par des « libéralités », c’est-à-dire des bourses qui n’ouvraient droit ni à la sécurité sociale ni à la retraite. Ces bourses sélectives provenaient d’associations caritatives (Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, Ligue contre le cancer, Fondation pour la recherche médicale), des régions, de l’Union européenne, d’autres pays ou d’organisations internationales (l’Organisation européenne de biologie moléculaire)

Ce système a pris fin en 2007 avec leur remplacement par des CDD. Un séjour post-doctoral de plusieurs années en France ou dans les instituts de recherche et universités étrangères les plus prestigieuses était et reste le « parcours d’excellence » considéré comme indispensable par les organismes de recherche pour prétendre à une carrière académique. Les scientifiques étaient alors rémunérés par des bourses françaises ou internationales hautement compétitives, ou par le laboratoire d’accueil à l’étranger sans que cela leur ouvre de droit à la retraite. Ces situations, quasi systématiques il y a une vingtaine d’années dans certains pays comme les Etats-Unis, perdurent. De plus, les enfants nés pendant ces années ne sont pas pris en compte dans le calcul des droits à la retraite des chercheuses.

Déficit de droits

Dans certains cas, les chercheurs post-doctorants ont contribué aux caisses de retraite du pays d’accueil sans que ces cotisations soient prises en compte dans leur relevé de carrière. Certains pays, comme le Royaume-Uni, ne reversent pas de pension pour des durées de cotisation inférieures à dix années. D’autres, comme la Suisse, conditionnent le versement de la pension à une démarche – longue et difficile – de la caisse de retraite française vers la caisse suisse. Enfin, certaines conventions bilatérales permettent de prendre en compte les années passées dans le pays étranger dans le calcul du taux de retraite en France, mais ne s’appliquent plus si la personne devient in fine agent de la fonction publique. C’est le cas de l’accord conclu entre la France et les Etats-Unis. De nombreux chercheurs en activité dans des organismes publics sont donc concernés. Aucun rachat des trimestres travaillés correspondant à l’activité financée par les libéralités ou effectuée à l’étranger n’est possible. Enfin, le rachat de trimestres d’études est souvent inabordable pour la plupart au vu des salaires dans l’enseignement supérieur et la recherche de ceux et celles ayant eu la chance d’y être recrutés.

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L’Allemagne s’assume pleinement comme « pays d’immigration » face à ses besoins en matière d’emploi

Le chancelier allemand Olaf Scholz, lors du sommet économique mondial de Davos, en janvier 2023.

« Notre message est : ceux qui veulent se retrousser les manches sont les bienvenus en Allemagne ! » Cette étonnante invitation du chancelier Olaf Scholz, formulée devant un parterre de grands patrons et de décideurs réunis à Davos (Suisse), le 18 janvier, en dit long sur l’évolution du consensus politique outre-Rhin. Longtemps hésitante à ouvrir grand ses portes, l’Allemagne de Scholz s’assume désormais pleinement comme un « pays d’immigration », saisissant les plus grandes tribunes du monde pour inviter les étrangers à rejoindre le pays.

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Certes, l’Allemagne n’a guère le choix. L’écart entre les générations nées entre 1950 et 1970 et celles, presque deux fois moins nombreuses, qui sont nées à partir des années 1990 va laisser un fossé béant dans les caisses de retraite et d’assurance sociale allemandes dans les prochaines années. Ce sont ainsi 13 millions de travailleurs qui quitteront le marché du travail au cours des quinze prochaines années, soit presque un tiers de tous les travailleurs disponibles actuellement. L’agence pour l’emploi estime à 400 000 arrivées par an le besoin d’immigration pour compenser la perte de force de travail outre-Rhin.

Au-delà de l’aspect financier, le défi humain est considérable : il faudra des milliers de personnes supplémentaires pour soigner les personnes vieillissantes, dans un contexte où la main-d’œuvre manque déjà cruellement dans presque tous les secteurs, en particulier la construction, la rénovation des bâtiments ou les travaux nécessaires à la transition énergétique. Des salariés très qualifiés seront nécessaires pour soutenir l’effort de numérisation et de décarbonation visé par l’économie. L’institut de recherche sur le travail IAB comptait, mi-2022, 1,9 million d’emplois non pourvus outre-Rhin, un record absolu dans l’histoire du pays.

Fin des tabous

La coalition sociale-démocrate, Verts et libéraux au pouvoir s’est donc entendue pour faciliter considérablement l’accueil des étrangers en Allemagne, et surtout leur envie d’y rester. Plusieurs grandes réformes sont en cours depuis l’automne 2022 afin de doter l’Allemagne d’une « législation moderne sur l’immigration », selon la formule consacrée au sein du gouvernement. Facilitation des procédures de régularisation des sans-papiers, assouplissement de la reconnaissance des diplômes étrangers, système de classement à points des candidats à l’immigration, inspiré du modèle canadien, et même réforme à venir du droit de la nationalité : tous les tabous sont en train de sauter.

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« On pense trop souvent que la question du vieillissement se résoudra avec de l’argent, mais cela appelle des réponses bien plus larges »

L’économiste Hippolyte d’Albis, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), en juillet 2021.

Directeur de recherche au CNRS, professeur à l’Ecole d’économie de Paris et coprésident du Cercle des économistes, Hippolyte d’Albis est l’auteur de l’ouvrage Les Seniors et l’Emploi (Les Presses de Sciences Po, 2022).

La question du vieillissement démographique est-elle suffisamment prise en compte dans les politiques économiques aujourd’hui ?

La démographie est présente dans beaucoup de réflexions mais elle souffre de deux clichés opposés et contradictoires. Le premier, c’est qu’on la pense comme un enjeu du très long terme. Or ce n’est pas vrai. Dans dix ans, la population des plus de 60 ans pourrait augmenter de 2,7 millions de personnes, soit 14 % de plus qu’aujourd’hui. Dix ans, c’est demain ! Le deuxième cliché, c’est l’idée que la démographie est un phénomène prévisible. En fait, ce n’est pas du tout le cas.

La démographie dépend de nombre de dimensions non maîtrisées, d’incertitudes, comme on l’a vu lors de la crise du Covid-19 ou avec la question des flux migratoires, notamment en provenance de l’Union européenne – que l’on ne peut donc pas maîtriser –, et ceux liés aux départs. Le risque n’est pas de ne pas prendre en compte la démographie, mais plutôt d’ignorer l’incertitude liée à son évolution.

Comment l’aborder ?

On pense trop souvent que la question du vieillissement se résoudra avec de l’argent. Quand on parle de dépendance, par exemple, on renvoie systématiquement au problème du financement de cette dépendance. Mais la question appelle des réponses bien plus larges. La dépendance n’est pas qu’une question d’argent, c’est tout un secteur, une industrie à développer : des logements pour héberger les personnes, des professionnels pour les accompagner, les soigner, et donc des filières de formation pour leur donner les bonnes compétences…

La question de l’attractivité des métiers du « care » est fondamentale : elle passe par des revalorisations salariales, mais pas seulement. C’est la même chose pour l’emploi des seniors, un sujet dont on parle beaucoup actuellement. Il ne s’agit pas seulement de mettre des financements ou des règles, mais plutôt de réfléchir à la formation tout au long de la vie. Il faut penser tout cela en amont.

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La France pourra-t-elle se passer de main-d’œuvre immigrée pour compenser les départs en retraite des baby-boomeurs ?

En France, la part de personnes en activité par rapport à la population totale est de 44 %. Cela signifie que moins d’une personne sur deux travaille. C’est un chiffre qui ne devrait pas beaucoup changer sur la prochaine décennie, car la progression de l’activité des femmes et des seniors compense à peu près les départs en retraite. Mais 44 %, c’est très peu et cela se traduit par le fait que les heures travaillées par habitant sont plus faibles en France qu’ailleurs.

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