Dans la bataille juridique de longue haleine qui l’oppose à des chauffeurs, Uber peut souffler. Une cour d’appel de Californie a jugé, lundi 13 mars, que la loi définissant le statut d’indépendant des conducteurs de sociétés de VTC n’était pas contraire à la Constitution de cet Etat de l’Ouest américain.
Uber, son concurrent Lyft, et d’autres plates-formes refusent de considérer les conducteurs comme des employés à part entière, ce qui impliquerait de leur accorder certains droits, comme des allocations-chômage ou d’éventuelles négociations collectives. L’Union internationale des employés des servicese (ou SEIU, pour Service Employees International Union, en anglais), un syndicat qui milite pour le statut de salariés, avait remporté une première bataille en août 2021, quand un juge avait déclaré la « proposition 22 » « inconstitutionnelle », parce qu’elle limitait « le pouvoir de l’assemblée » à légiférer à l’avenir sur ce sujet. Cette loi approuvée lors d’un référendum en 2020 consacrait le travail rémunéré à la tâche, même si elle accordait aux chauffeurs quelques avantages sociaux.
« La décision du jour est une victoire pour les travailleurs et les millions de Californiens qui ont voté pour la “proposition 22” », a réagi, lundi, Tony West, le directeur juridique d’Uber. A l’inverse, la décision de lundi est un « coup terrible », selon Nicole Moore, la présidente de Rideshare Drivers United (RDU), une association californienne de chauffeurs.
« Nous sommes tous sidérés, en colère et prêts à continuer la lutte », a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse (AFP). « L’année dernière, nous avons montré à quel point la “proposition 22” est mauvaise pour les conducteurs », a-t-elle ajouté. Selon des rapports de la RDU, moins de 10 % des chauffeurs bénéficient de l’assurance santé promise par cette loi, et ils gagnent en moyenne « 6,20 dollars de l’heure » (5,80 euros environ) après leurs frais, « ce qui est inférieur au salaire minimal fédéral », détaille-t-elle. L’association espère que le SEIU va faire appel et porter l’affaire devant la Cour suprême californienne.
Une perte nette de plus de 9 milliards de dollars en 2022
Uber défend ardemment son modèle économique, la « gig economy », ou l’économie rémunérée à la tâche, largement adoptée, mais aussi largement critiquée, dans de nombreuses grandes villes dans le monde. L’entreprise californienne a d’ailleurs dû lâcher du lest dans certains pays, comme au Royaume-Uni, où elle a ainsi dû accorder en 2021 un statut de travailleur salarié à ses conducteurs britanniques, avec salaire minimal et congés payés, une première mondiale pour l’entreprise.
Aux Etats-Unis, la plate-forme continue de résister aux différents assauts. Avec son concurrent Lyft et des services de livraison, elle avait dépensé en 2020 plus de 200 millions de dollars (plus de 187 millions d’euros) pour promouvoir le oui à la « proposition 22 ». Et trois mois avant le vote, les deux entreprises californiennes avaient menacé d’interrompre totalement leur service dans l’Etat, ce qui aurait mis au chômage des dizaines de milliers de personnes.
Les électeurs avaient voté à 58,6 % en faveur de la loi proposée par les entreprises. « Dans tout l’Etat, les chauffeurs ont dit qu’ils étaient satisfaits de la “proposition 22”, qui leur permet de profiter de nouveaux avantages tout en préservant la flexibilité du travail par les applications », a affirmé Tony West, lundi.
La plate-forme de réservation de véhicules avec chauffeur (VTC) et de livraisons de repas a enregistré une perte nette de 9,1 milliards de dollars sur l’année 2022, malgré un bénéfice net de près de 600 millions de dollars au quatrième trimestre 2022. Son titre prenait près de 5 % lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse, lundi.
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