Archive dans 2023

Camaïeu, San Marina, Kookaï… Désastre dans le prêt-à-porter

Ce fut une déflagration dans le secteur du prêt-à-porter : l’annonce, le 1er octobre, du placement de Camaïeu en liquidation judiciaire. Dans la foulée, le géant de l’habillement a fermé ses 511 magasins et licencié plus de 2 500 personnes. Le début d’une série noire.

San Marina, Kookaï, C & A, Go Sport… La liste est longue. Semaine après semaine, les mauvaises nouvelles pour le secteur s’accumulent – et des milliers de personnes se retrouvent sans emploi, ou menacées de le perdre. Pourquoi ces fleurons français du prêt-à-porter s’effondrent-ils ? Les nouvelles habitudes d’achat des Français, notamment sur Internet, suffisent-elles à expliquer cette crise ?

Dans cet épisode du podcast « L’Heure du Monde », Juliette Garnier, journaliste au Monde et spécialiste de l’économie du prêt-à-porter, explique la chute de ces marques, auparavant dominantes sur le marché.

Un épisode de Dorali Mensah. Réalisation Quentin Tenaud. Musiques : Amandine Robillard et Epidemic Sound. Présentation et rédaction en chef : Morgane Tual. Dans cet épisode : extraits : INA-JT Europole TV, le 23 octobre 1990 ; AFP TV, le 28 septembre et le 1er octobre 2022 ; LCI, le 3 février ; Europe 1, le 18 février ; France 2, le 20 février ; Sud Radio, 21 février 2023.

« L’Heure du Monde »

« L’Heure du Monde » est le podcast quotidien d’actualité du Monde. Ecoutez chaque jour, à partir de 6 heures, un nouvel épisode, sur Lemonde.fr ou sur Spotify. Retrouvez ici tous les épisodes.

En savoir plus sur la crise du secteur de l’habillement :

Écouter aussi Vinted : l’achat de vêtements d’occasion est-il une fausse bonne idée ?

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En Californie, le statut d’indépendant des chauffeurs de société de VTC est approuvé par un tribunal

Dans la bataille juridique de longue haleine qui l’oppose à des chauffeurs, Uber peut souffler. Une cour d’appel de Californie a jugé, lundi 13 mars, que la loi définissant le statut d’indépendant des conducteurs de sociétés de VTC n’était pas contraire à la Constitution de cet Etat de l’Ouest américain.

Uber, son concurrent Lyft, et d’autres plates-formes refusent de considérer les conducteurs comme des employés à part entière, ce qui impliquerait de leur accorder certains droits, comme des allocations-chômage ou d’éventuelles négociations collectives. L’Union internationale des employés des servicese (ou SEIU, pour Service Employees International Union, en anglais), un syndicat qui milite pour le statut de salariés, avait remporté une première bataille en août 2021, quand un juge avait déclaré la « proposition 22 » « inconstitutionnelle », parce qu’elle limitait « le pouvoir de l’assemblée » à légiférer à l’avenir sur ce sujet. Cette loi approuvée lors d’un référendum en 2020 consacrait le travail rémunéré à la tâche, même si elle accordait aux chauffeurs quelques avantages sociaux.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Uber considère les travailleurs comme un bricolage temporaire en attendant l’arrivée des voitures autonomes »

« La décision du jour est une victoire pour les travailleurs et les millions de Californiens qui ont voté pour la “proposition 22” », a réagi, lundi, Tony West, le directeur juridique d’Uber. A l’inverse, la décision de lundi est un « coup terrible », selon Nicole Moore, la présidente de Rideshare Drivers United (RDU), une association californienne de chauffeurs.

« Nous sommes tous sidérés, en colère et prêts à continuer la lutte », a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse (AFP). « L’année dernière, nous avons montré à quel point la “proposition 22” est mauvaise pour les conducteurs », a-t-elle ajouté. Selon des rapports de la RDU, moins de 10 % des chauffeurs bénéficient de l’assurance santé promise par cette loi, et ils gagnent en moyenne « 6,20 dollars de l’heure » (5,80 euros environ) après leurs frais, « ce qui est inférieur au salaire minimal fédéral », détaille-t-elle. L’association espère que le SEIU va faire appel et porter l’affaire devant la Cour suprême californienne.

Lire notre enquête : Article réservé à nos abonnés « Uber Files » : révélations sur le deal secret entre Uber et Emmanuel Macron à Bercy

Une perte nette de plus de 9 milliards de dollars en 2022

Uber défend ardemment son modèle économique, la « gig economy », ou l’économie rémunérée à la tâche, largement adoptée, mais aussi largement critiquée, dans de nombreuses grandes villes dans le monde. L’entreprise californienne a d’ailleurs dû lâcher du lest dans certains pays, comme au Royaume-Uni, où elle a ainsi dû accorder en 2021 un statut de travailleur salarié à ses conducteurs britanniques, avec salaire minimal et congés payés, une première mondiale pour l’entreprise.

Aux Etats-Unis, la plate-forme continue de résister aux différents assauts. Avec son concurrent Lyft et des services de livraison, elle avait dépensé en 2020 plus de 200 millions de dollars (plus de 187 millions d’euros) pour promouvoir le oui à la « proposition 22 ». Et trois mois avant le vote, les deux entreprises californiennes avaient menacé d’interrompre totalement leur service dans l’Etat, ce qui aurait mis au chômage des dizaines de milliers de personnes.

Les électeurs avaient voté à 58,6 % en faveur de la loi proposée par les entreprises. « Dans tout l’Etat, les chauffeurs ont dit qu’ils étaient satisfaits de la “proposition 22”, qui leur permet de profiter de nouveaux avantages tout en préservant la flexibilité du travail par les applications », a affirmé Tony West, lundi.

La plate-forme de réservation de véhicules avec chauffeur (VTC) et de livraisons de repas a enregistré une perte nette de 9,1 milliards de dollars sur l’année 2022, malgré un bénéfice net de près de 600 millions de dollars au quatrième trimestre 2022. Son titre prenait près de 5 % lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse, lundi.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés « On prend tout parce qu’on n’a pas le choix » : l’angoisse des chauffeurs VTC

Le Monde avec AFP

Déserts médicaux : « Il faut augmenter d’au moins 30 % le nombre d’étudiants admis dans le cursus médical »

L’état catastrophique de notre système de santé est connu et l’intervention du président de la République le 6 janvier est venue confirmer que tous les plans précédents n’avaient pas suffi à apporter les solutions adéquates. Mais, à nouveau, aucune mesure n’est proposée pour résoudre une des causes essentielles de la crise, la pénurie de médecins en France. C’est en effet, avec la « grande démission » des personnels soignants, la seconde explication de l’effondrement de notre système de soins.

Il manque des médecins quasiment partout dans le pays : plus de 95 % des territoires d’Ile-de-France sont considérés comme sous-dotés en généralistes, selon les données de l’agence régionale de santé (ARS) ; certaines spécialités sont complètement absentes de nombreux départements ; les postes vacants dans les hôpitaux se comptent par milliers ; et il n’y a pas une filière qui ne soit en souffrance (santé scolaire, médecine du travail, protection maternelle et infantile, etc.).

Dans l’immédiat, le « docteur Macron » et son ministre vont amplifier les soins palliatifs : ajouter des assistants médicaux, optimiser le temps de travail, déléguer des tâches à d’autres professions elles-mêmes en pénurie, faciliter la venue de médecins étrangers qui sont déjà très nombreux dans nos hôpitaux – au risque d’appauvrir encore leurs pays d’origine –, et développer de la télémédecine que beaucoup considèrent comme des soins au rabais.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’hôpital se meurt… guéri

Mais rien n’est fait pour traiter réellement l’origine de la maladie, c’est-à-dire le nombre insuffisant de médecins formés par nos universités. Le discours récurrent qui prétend que la suppression du numerus clausus va tout résoudre dans dix ans est au mieux de la pensée magique et au pire une diversion malhonnête. Les promotions d’étudiants issus de la réforme de la première année des études de médecine, qui reste très sélective, n’ont augmenté que d’à peine 15 % par rapport aux précédentes, ce qui laisse des milliers de candidats brillants et motivés sur le carreau.

Les mêmes erreurs

Les projections montrent que, dans dix ans, nous serons revenus à des effectifs de médecins équivalents à ce qu’ils étaient dans les années 2000. Une époque où on connaissait déjà des déserts médicaux. Et, surtout, les besoins de santé ne font que croître d’année en année : la population augmente et vieillit, avec plus de maladies chroniques nécessitant des prises en charge longues.

Lire la tribune : Article réservé à nos abonnés Déserts médicaux : « Au-delà du nombre de médecins, c’est l’organisation de l’offre de soins qu’il faut repenser »

Dans le même temps, les transformations de la société touchent autant les médecins que les autres professions : leur temps de travail reste élevé mais a nettement diminué, et ils aspirent à des fonctions plus souvent salariées avec des durées d’exercice encadrées.

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L’argot de bureau : le « panic hiring », gare aux erreurs de casting

Argot de bureau

Janvier 2009 : en crise de résultats sportifs, l’immense Real Madrid s’attache à la surprise générale les services de l’attaquant français Julien Faubert, aux qualités certaines mais qui ne s’imaginait pas jouer dans le plus grand club de football du monde.

Ce recrutement est considéré comme un « panic buy » : après avoir échoué à enrôler un certain nombre de talents, le club s’est précipité dans les dernières heures du mercato pour recruter un joueur qui, faute de mieux, pourrait « faire l’affaire ». Finalement, le joueur ne jouera que… deux matchs, avant de repartir.

En Bourse aussi, et plus généralement chez les consommateurs, les « achats en panique » (ou ventes précipitées pour des actions) consistent à acheter une quantité inhabituelle d’un produit, en prévision d’une augmentation du prix ou d’une pénurie, alors qu’il n’y a aucun besoin réel dans l’immédiat. Exemple : la ruée en mars 2020 sur les pâtes et le papier toilette.

Un contexte défavorable aux recruteurs

Dans le milieu des ressources humaines, force est de constater que l’après-Covid ressemble peu ou prou à cela : les Anglo-Saxons parlent de « panic hiring » pour désigner l’urgence à combler des postes vacants, et le terme trouve un léger écho en France.

Le développement d’une telle pratique est indissociable d’un contexte défavorable aux recruteurs. Le redémarrage brutal de l’économie ayant relancé l’emploi avec vigueur, nombre de corps de métier ont vite fait face à une pénurie de main-d’œuvre. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail dénombrait encore 351 100 emplois vacants en France au quatrième trimestre 2022.

Ainsi, les recruteurs peuvent être tentés de « bâcler » leur processus de recrutement pour l’accélérer. Pour remplacer Vanessa, brillante ingénieure qui a choisi de démissionner et de se réorienter à la faveur des confinements, regrettée par tous, le DRH – sous le coup de l’émotion – s’empressera de recevoir toutes les candidates prénommées Vanessa. Comme il n’y en avait que deux, il découvrira au bout de quelques jours de travail que Vanessa bis a en réalité fait des études de communication. Oups !

Comme c’est le cas pour les achats de panique en Bourse, le « panic hiring » est un comportement grégaire, fondé sur la peur de rater une opportunité. Ici, c’est la peur de prendre du retard sur la concurrence qui conduit à adopter la maxime – détournée – « Mieux vaut être mal accompagné que seul ».

Anguille sous roche

Le terme existe pour dire aux recruteurs de ne pas procéder ainsi. L’argument principal est le coût exorbitant d’un recrutement raté ; 35 % des entreprises ayant voulu recruter des cadres en 2022 ont fait face à des refus une fois la proposition d’embauche formulée, selon une étude de l’Association pour l’emploi des cadres.

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Il faut voter une loi selon laquelle « la rémunération des décideurs économiques serait proportionnelle aux accomplissements écologiques »

Sommes-nous condamnés à choisir entre écologie et économie ? Non, il existe un espoir. Il consiste à changer l’objectif des entreprises. Comment ? Par le vote d’une loi à l’Assemblée nationale qui modifierait la façon de calculer les revenus de leurs propriétaires, les actionnaires.

Trois critères gouverneraient leur rémunération : la baisse des émissions de gaz à effet de serre ; l’investissement net (comme indicateur de prospérité macroéconomique) ; et la justice sociale (sous la forme d’une réduction des inégalités salariales entre les dirigeants et le reste des employés).

Puisque ce sont les actionnaires qui nomment et révoquent les gestionnaires, on provoquerait ainsi un big bang managérial. Au lieu de viser la maximisation des profits, les entreprises chercheraient en priorité à réduire les gaz à effet de serre.

Aucun dividende en cas de hausse des émissions

En effet, des trois critères, c’est celui-ci qui dominerait, si bien que les actionnaires n’auraient droit à aucun dividende en cas de hausse des émissions. Il ne serait pas possible de compenser avec les deux autres. Mais leur présence impliquerait que la lutte contre le changement climatique devienne compatible avec la prospérité économique.

Non seulement la rémunération des décideurs économiques serait proportionnelle aux accomplissements écologiques et à l’investissement, mais il n’y aurait pas de dividende en cas de désinvestissement. Il faudrait également inclure les émissions des fournisseurs et des transporteurs dans les calculs, afin d’inciter les entreprises à se montrer vertueuses de bout en bout.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Compter sur les riches pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas »

Ce simple changement changerait tout. En ne modifiant qu’une règle, on chamboulerait le jeu tout entier. Appelons « climatisme » ce nouveau système économique. Quoique toujours fondé sur l’initiative privée, il ne tournerait plus autour des profits, mais de la conciliation entre préservation du climat et prospérité macroéconomique, puisque de l’investissement dépendent les capacités de production de l’économie dans son ensemble. En somme, il s’agit de rendre l’intérêt individuel des actionnaires compatible avec l’intérêt commun, la sauvegarde de la planète – sans lui sacrifier l’activité économique ni la justice sociale.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « L’engagement écologique de l’entreprise est un élément de plus en plus important pour les salariés »

Par là, on inciterait les entreprises à endosser la responsabilité écologique et macroéconomique de leurs activités. Cette incitation serait constante, puisqu’elle conditionnerait la rémunération des actionnaires. Les profits seraient relégués à la place qui leur convient : l’arrière-plan. Ils ne joueraient d’autre rôle que secondaire, car les règles usuelles de faillite continueraient de s’appliquer, si bien qu’en cas d’accumulation de pertes, l’entreprise cesserait d’exister.

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Un nouvel audit accable les méthodes de management de Lise Boëll chez Plon

Le siège du groupe Editis, en avril 2008.

Les conclusions de « l’analyse d’une situation sensible au sein de la maison Plon (groupe Editis) » rédigées par le cabinet d’experts de la santé psychologique au travail Stimulus semblent particulièrement alarmantes sur le management de Lise Boëll. Cette éditrice historique d’Eric Zemmour et de Philippe de Villiers a pourtant été adoubée, vendredi 3 mars, par la direction d’Editis (Vivendi, groupe Bolloré) comme seule et unique patronne à la tête de Plon, en obtenant la préférence face à sa rivale Céline Thoulouze, qui dirigeait l’autre équipe, historique, de la même maison. Depuis dix-huit mois, Plon était scindée en deux (Plon A et Plon B), chaque entité ayant ses équipes, ses locaux et ses auteurs.

Ce document confidentiel – rendu public par Mediapart vendredi 10 mars et que Le Monde a pu consulter – avait en effet été restitué oralement mercredi 1er mars aux membres du comité de pilotage et à Guillaume Dervieux, directeur délégué à la stratégie et à la transformation et directeur de la littérature d’Editis.

Trente-six des trente-sept salariés ont été auditionnés individuellement dans le cadre de cette enquête réalisée à la suite de deux alertes, l’une du comité social et économique d’Editis, l’autre de la médecine du travail. Il en ressort « des facteurs de souffrance identifiés pour les deux équipes (celles de Lise Boëll et de Céline Thoulouze) ayant des retentissements sur leurs conditions de travail et leur santé psychologique ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Chez Plon, Lise Boëll bientôt seule à la tête de la maison d’édition

« La Cyril Hanouna de l’édition »

Une première enquête établie par le cabinet Nayan en novembre 2021 sur le management de Lise Boëll et de ses deux adjoints évoquait déjà « des humiliations répétées en public », une « infantilisation », du « dénigrement », une « remise en question des compétences professionnelles », une « absence de clarification sur le management », « une désorganisation du travail », un « management autoritaire et centralisé » ou encore « des demandes formulées dans des délais intenables ». Des accusations graves mais Lise Boëll, qui avait été clairement menacée de renvoi à la réception de ce premier audit, avait été soutenue in extremis par Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vivendi. C’est lui qui l’avait initialement imposée à la tête de Plon.

Les choses n’ont guère changé. Dans la dernière étude, l’équipe historique de Plon (Plon A) de Céline Thoulouze affirme que « cette maison bicéphale génère une concurrence interne incohérente » en termes de lignes éditoriales, mais aussi vis-à-vis des libraires, des salons, des représentants et des auteurs. Ils jugent que Lise Boëll est « en situation de complète impunité », « qu’elle est intouchable », allant jusqu’à être identifiée comme « la Cyril Hanouna de l’édition ». La direction d’Editis est pointée du doigt comme ayant « créé une situation [qui] a fait des dégâts considérables ». Le cabinet note que Plon A a opté pour une stratégie de « protection du collectif », les salariés se soutenant pour faire front face à Plon B, considérée comme une menace.

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Après la mise à l’arrêt de l’usine de pizzas Buitoni de Caudry, dans le Nord, la crainte d’une fermeture définitive

L’usine Buitoni de Caudry (Nord), le 15 septembre 2022.

L’annonce a fait l’effet d’un coup de tonnerre et pris tout le monde de court. Le 2 mars, les salariés de l’usine de pizzas Buitoni de Caudry, dans le Nord, apprennent que leur site est mis à l’arrêt « jusqu’à nouvel ordre ». Propriété de Nestlé France, il s’est retrouvé au cœur d’un scandale sanitaire en mars 2022, après la mort de deux enfants et l’intoxication de dizaines d’autre part la bactérie Escherichia coli.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Bactérie E. coli : comment des pizzas Buitoni ont été débusquées par les autorités sanitaires

Les victimes avaient consommé des pizzas surgelées à pâte crue de la gamme Fraîch’Up fabriquées sur ce site. Une première inspection des services sanitaires avait révélé « de nombreuses anomalies graves en matière de nettoyage et d’entretien général des locaux et matériels (…), ainsi que la présence de rongeurs au niveau de l’atelier boulangerie », justifiant la décision de fermeture du site, prise par le préfet du Nord, le 1er avril 2022.

L’usine a rouvert partiellement à la mi-décembre 2022, mais seule la ligne de pizzas à pâte cuite, non concernée par le scandale, a été autorisée à redémarrer. « Nestlé a fait 2 millions d’euros de travaux pour remettre le site aux normes sanitaires. Il est au top aujourd’hui », note Frédéric Bricout, le maire (divers droite) de Caudry, pour qui « la crise a été très mal gérée » par le géant agroalimentaire. Le porte-parole de Nestlé explique la décision d’arrêter la production par « des prévisions de commandes fortement dégradées ».

« Notre usine est désormais nickel »

Il ajoute que « le marché de la pizza surgelée a chuté de 20 % en un an et a d’autant plus impacté la marque Buitoni, en première ligne de cette crise ». Des arguments qui viennent rouvrir une plaie ouverte chez les salariés. « Notre usine est désormais nickel. Tous les tests faits depuis la réouverture le confirment. Et cent quarante personnes vont perdre leur boulot ? », questionne Stéphane Derammelaere, délégué Force Ouvrière, très pessimiste sur une reprise de l’activité après le 30 mars.

Lire aussi : Pizzas Buitoni : le PDG de Nestlé France annonce un fonds pour les victimes

C’est la date qu’a donnée Nestlé « pour revenir vers les partenaires sociaux », précisant qu’« à ce stade, aucune décision n’a été prise pour le futur de l’usine ». Pas de quoi rassurer les salariés, persuadés que le couperet tombera à la fin du mois. « On nous a fait croire que ça repartirait et, du jour au lendemain, plus rien. Moi, je n’y crois plus », se désespère Caroline Teixeira, 45 ans, agent de production depuis dix ans.

Sa collègue Nathalie (qui n’a pas souhaité donner son nom), 54 ans, est dévastée. « On a tout donné pour assurer le nettoyage, et on en arrive là… Nous, on n’a rien fait, ça n’est pas de notre faute. Si on avait repéré un problème, on l’aurait fait remonter. » La voix étranglée par l’émotion, elle ajoute : « On est juste des pions. » Caroline et Nathalie racontent comme elles ont mal vécu d’être pointées du doigt après la mort des deux enfants contaminés par la bactérie.

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« Créer du lien est au cœur de chaque métier du soin »

Pour accompagner dignement les personnes fragiles, âgées ou en situation de handicap, nous devrons collectivement attirer d’ici cinq ans plusieurs centaines de milliers de professionnels.

La formation est un bon moyen d’y parvenir, car elle constitue le premier pan visible pour quiconque envisage d’exercer un métier d’aide ou de soin. Créer un parcours simple qui reflète la réalité vécue au quotidien et motiver sur le long cours relèvent en théorie du b.a.-ba Pourtant, avec près de soixante diplômes différents dans le secteur, nous en sommes encore très loin.

La construction actuelle du secteur, avec une frontière nette entre le secteur du « prendre soin » et celui du soin, ne facilite pas la réflexion. Nous avons ici rendez-vous avec l’histoire.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Il ne faut pas « envisager les aidants familiaux comme des corps exclusivement souffrants ou victimisés »

Depuis plusieurs décennies, ces deux secteurs sont disjoints et on ignore leur promiscuité au point de fermer les yeux sur de nombreux glissements de tâches quotidiens qui ne sécurisent ni les professionnels ni les personnes fragiles. Nous devons y mettre un terme et abolir ces chasses gardées.

Réduire le champ des diplômes

Car une solution existe, et s’impose de plus en plus comme la réponse logique aux écueils actuels : elle consiste à réduire le champ des diplômes et à mettre en avant une montée en compétences claire, avec trois niveaux de qualification échelonnés sur plusieurs années.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Grand âge : « Pour une aide active à bien vieillir »

Le premier niveau serait une formation courte pour « mettre le pied à l’étrier », permettant d’obtenir un diplôme d’Etat inspiré de titres existants – formation des assistantes/assistants de soins en gérontologie (ASG), assistant(e) de vie aux familles (ADVF), etc. – et que nous pourrions appeler « accompagnateur du prendre soin ». Cela évitera l’embauche de personnels non formés, de plus en plus fréquente.

Le deuxième niveau correspondrait à la fusion des diplômes d’auxiliaire de vie et d’aide-soignant : il favoriserait la jonction entre le « prendre soin » et le soin.

Troisième étape, le diplôme d’infirmier, aujourd’hui bien circonscrit. En somme, trois niveaux clairs, que nous pouvons mettre en avant très tôt pour engager dans la durée.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Il est primordial de développer un véritable service public de la prise en charge de la perte d’autonomie »

Allons encore plus loin en considérant que le premier point commun à faire émerger entre tous ces métiers devrait être leur dimension humaine, car ils consistent au premier chef à aider chacun à préserver ou recouvrer son autonomie. Dit autrement, créer du lien est au cœur de chaque métier et les gestes techniques, s’ils sont bien sûr différents, constituent une occasion de créer ce lien singulier, si essentiel pour la personne aidée.

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Derrière l’engouement pour le yoga, le maquis des formations et le quotidien précaire des professeurs

Des drapeaux de prière tibétains ont fait leur apparition le long du canal Saint-Martin. Ce territoire d’à peine cinq kilomètres de long, en plein centre de Paris, concentre les toutes dernières tendances : boutiques à la mode, bars à cocktails et, depuis 2020, un centre de 420 mètres carrés consacré au yoga jivamukti.

Développée dans les années 1980 à New York par deux défenseurs des droits des animaux, cette discipline allie exercices physiques et enseignement philosophique, et attire une jeunesse désireuse de renouer avec une forme de spiritualité.

Fin février, une trentaine d’élèves assistait au cours donné par Ian Szydlowksi-Alvarez, professeur d’origine chilienne, passé par Berlin, Munich ou Barcelone, avant de rallier Paris : « J’ai commencé le yoga en 1988. A l’époque, il n’y avait pas vraiment d’écoles, c’était une discipline marginale, à laquelle m’a initié ma mère, qui était hippie. Aujourd’hui, ça explose : j’ai travaillé dans un studio à New York où on accueillait 500 personnes tous les jours. » Au début du cours, l’enseignant fait vibrer son harmonium et invite la classe à chanter, après lui, des mots en sanskrit antique. « Il s’agit de versets tirés des Yoga-sutras de Patanjali, un recueil d’aphorismes. Le jivamukti est une pratique physique, éthique et spirituelle », précise-t-il, avant de passer à un enchaînement de postures plutôt sportives.

« Chaque cours comporte des chants, de la méditation, de la respiration et de la récitation de textes anciens », explique Sonia Gabriel. La trentenaire s’est plongée dans le yoga il y a plus de dix ans, après le décès de son père. En 2019, elle démissionne de son poste de professeure d’économie à l’université de Beyrouth pour ouvrir le studio Jivamukti à Paris, qui reçoit près de 5 000 personnes chaque mois – des femmes majoritairement, jeunes, souvent très diplômées, et désireuses d’approfondir leur passion.

« Renouer avec son humanité »

Alors que la pratique du yoga a plus que triplé ces dix dernières années, passant de trois millions à plus de dix millions de pratiquants en France, selon une enquête menée par le Syndicat national des professionnels du yoga (SNPY), de plus en plus de yogis s’inscrivent à des formations professionnalisantes.

« Je pratique le yoga depuis mon adolescence. J’ai découvert le jivamukti il y a quelques années, à Amsterdam, grâce à une amie rencontrée à Bali. C’est bien plus qu’un simple sport », témoigne Francesca Dunne, 36 ans. Cette ancienne chargée de communication a quitté son poste chez L’Oréal en 2022 pour devenir professeure de yoga.

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Le compte personnel de formation victime de son succès

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. Le Monde publie une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

Le compte personnel de formation (CPF) va-t-il être bridé ? Afin de réduire son impact sur les finances publiques, l’exécutif a discrètement déposé, fin 2022, un amendement au projet de loi des finances 2023, instaurant un reste à charge pour les bénéficiaires. Face à la bronca des partenaires sociaux et des élus, y compris au sein de la majorité, le décret d’application, qui doit notamment fixer le montant de ce reste à charge, est encore dans les tiroirs.

L’objectif du dispositif

Un statu quo sans doute provisoire pour ce dispositif, né sous la présidence Hollande, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle de 2014. Rattachant le droit à la formation à la personne et non plus à son emploi, l’objectif du CPF était d’inciter les actifs à se former davantage, et tout au long de la vie, afin de lutter contre le chômage. Il a remplacé sous une autre forme le droit individuel à la formation (DIF).

Le CPF, mobilisable directement par une application, peut être utilisé pour financer le permis de conduire ou une formation de langue par exemple.

Le CPF permet de financer une formation qualifiante ou certifiante, un bilan de compétences ou encore une validation des acquis de l’expérience (VAE), sans avoir à passer par son employeur. Il peut être utilisé pour financer le permis de conduire ou une formation de langue, par exemple. Après l’élection du président Macron en 2017, le tout jeune dispositif a été réformé. Depuis 2019, le CPF n’est plus exprimé en nombre d’heures mais en euros et est mobilisable directement par une application.

Le fonctionnement

Depuis 2019, un salarié à temps plein ou au moins à mi-temps voit son compte alimenté à hauteur de 500 euros par année de travail (ou 800 euros pour les actifs peu ou pas qualifiés ou en situation de handicap), dans la limite d’un plafond de 5 000 euros (8 000 euros pour les peu ou pas qualifiés ou en situation de handicap). En dessous, le budget alloué est calculé en fonction de la durée de travail. Dans le secteur public, le dispositif diffère. L’autorisation de l’employeur reste nécessaire et le CPF demeure crédité en heures : 25 heures par an, jusqu’à 150 heures maximum.

Le déblocage du CPF est relativement simple : le demandeur sélectionne une formation sur le site Internet Moncompteformation.fr ou l’application ad hoc et réserve la session souhaitée. Après acceptation de son dossier par l’organisme, le financement de sa formation est automatiquement débité de son CPF. D’autres acteurs peuvent aider le bénéficiaire à financer sa formation : son employeur, les opérateurs de compétences (OPCO), Pôle emploi, le conseil régional… Le montage du dossier se fait entièrement en ligne.

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