Archive dans 2023

Les entreprises au défi des violences du public envers leurs salariés

Le changement est survenu courant 2022. Agathe, caissière dans un supermarché à Paris, a constaté davantage d’agacement de la part des clients. Des remises en cause de la somme à régler, des insultes qui volent. « Les gens sont moins respectueux, ils s’emportent. Une collègue a même été menacée physiquement. » Comme dans de nombreux magasins, l’incivilité a suivi ici la courbe haussière de l’inflation. « On observe une recrudescence de l’agressivité face à la hausse des prix, abonde Sylvain Macé, délégué groupe CFDT Carrefour. Les clients font le tour du magasin et ils se déchargent en caisse. C’est dur à vivre pour les salariés, qui travaillent en état de vigilance. »

Les phénomènes d’incivilité et d’agression sont bien connus des établissements accueillant du public. Mais, ces dernières années, de nouveaux paramètres renforcent le sentiment d’insatisfaction des clients ou des usagers, et leur potentielle incivilité. Des facteurs multiples, comme le sont les secteurs touchés par ces « violences externes » : enseignement, santé, administration, médico-social, action sociale, vente…

Il s’agit par exemple de la « mise au travail » croissante qu’ont pu connaître les clients, notamment « dans les supermarchés où on leur demande de scanner leurs achats », note Valérie Langevin, psychologue du travail à l’Institut national de recherche et de sécurité. Dans un mouvement parallèle, « la digitalisation a complexifié l’accès à certains services et créé une frustration », indique Sadrina Bertrand, ingénieure conseil à la Caisse d’assurance-retraite et de santé au travail (Carsat) Languedoc-Roussillon, qui travaille à la prévention des risques en entreprise.

Des plans d’action

Les Français ont désormais de multiples occasions de « se retrouver seuls, en ligne, face à des conseillers virtuels (chatbots) qui leur proposent des réponses stéréotypées. Et parfois, toute leur exaspération pourra ressortir s’ils sont mis en contact, par la suite, avec un vrai téléopérateur », poursuit Mme Langevin.

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La place de l’usager n’est pas la seule à avoir évolué. Les sollicitations de certains organismes se sont aussi renouvelées, comme autant d’irritants potentiels pour leurs clients. Dans le secteur bancaire, par exemple, « en vingt ans, le panel de propositions de vente s’est multiplié pour les conseillers qui ont des objectifs de vente, explique Marc Durand, secrétaire général FO des banques et sociétés financières du Nord. Cela peut tendre la relation. Le client qui souhaite avoir une information sur son compte s’agace qu’on lui propose une assurance ».

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Droit de grève : les risques de la dissuasion

Carnet de bureau. Si l’entrave à la liberté du travail (article 431-1 et 431-2 du code pénal) est condamnable, l’entrave au droit de grève l’est également. Quel que soit le climat social, voire la situation économique de l’entreprise, il est toujours malavisé pour un manageur ou un employeur de vouloir dissuader les salariés de faire grève.

La société Vencorex France vient de le découvrir à ses dépens : elle a été condamnée fin février par le tribunal judiciaire de Chambéry à indemniser la CGT de son site chimique du Pont-de-Claix (Isère) pour « atteinte à la liberté syndicale et au libre choix des salariés d’exercer leur droit de grève ».

La contestation sociale ne concernait pas encore la réforme des retraites. Le syndicat avait alors appelé les salariés à faire grève pour protester contre la Loi travail. Mais, l’usine du Pont-de-Claix ayant déjà perdu plusieurs jours de production à cause des mouvements sociaux, la direction de l’entreprise, estimant avoir perdu « plusieurs millions d’euros », a cru bon d’adresser une « lettre ouverte » au représentant de la CGT du site affirmant « être choqué[e] par l’appel à la grève », soulignant « les conséquences néfastes » pour l’entreprise, qualifiant la « situation » de « regrettable » et concluant ainsi : « Nous espérons qu’elle ne se reproduira plus. » Un exercice de pédagogie, selon la défense.

Une liberté fondamentale

Le document a aussi été diffusé sur l’intranet de l’entreprise. Le propos de la direction s’adressait alors à l’ensemble des salariés, discréditant au passage l’action syndicale : « Au final, cette grève du samedi 2 avril [2022] n’a eu aucun effet sur la cause qu’elle prétendait défendre », précisait la lettre ouverte signée par le comité de direction.

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L’entrave à la liberté syndicale a vite été démontrée. Le tribunal a rappelé qu’« il n’appartient pas à une société ou à ses représentants de donner une opinion subjective sur l’utilité d’une organisation syndicale représentative au sein de l’entreprise qui tire sa légitimité d’une liberté fondamentale », que cette organisation est « en droit de déposer un préavis de grève pour contester une loi qu’elle considère comme contraire aux intérêts des salariés qu’elle défend », même en cas d’« impact sur le fonctionnement de l’entreprise ».

Quant à l’exercice du droit de grève, c’est une liberté fondamentale défendue par la Constitution. Chaque salarié doit pouvoir y recourir sans subir de pression individuelle ou professionnelle. Or la lettre de la direction mettant en parallèle « la grève » et les pertes de production, de ventes, de clients et l’énergie nécessaire à préparer un avenir commun était de nature à dissuader les salariés.

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Quatre anciens salariés grévistes de RTE condamnés à des amendes par la justice, la procédure d’exception mise en œuvre pendant l’enquête désavouée

Manifestation de soutien aux anciens salariés de RTE à l’appel de la CGT, devant le tribunal correctionnel de Paris, le 28 février 2023.

En octobre 2022, quatre anciens salariés de RTE, entreprise gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, étaient interpellés, menottés, et placés soixante-seize heures en garde à vue à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), pour « sabotage informatique ». Un crime réprimé par l’article 411-9 du code pénal évoquant « l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » et passibles de quinze ans de prison. A tort, a jugé le tribunal correctionnel de Paris, mardi 28 mars.

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Pour avoir programmé à trois reprises, en juin et juillet 2022, des « pertes de téléconduite », soit une coupure du système informatique qui permet de piloter à distance des postes électriques haute tension dans le cadre d’une mobilisation pour des augmentations de salaire, les quatre hommes n’ont été reconnus coupables que du simple délit « d’entrave au fonctionnement d’un système de traitement informatisé de données » et condamnés à des peines d’amendes. Assez lourdes au demeurant, de 5 000 à 10 000 euros.

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Mais le jugement est un désaveu cinglant pour la procédure spectaculaire utilisée contre ces agents, laquelle avait sidéré le monde syndical à l’automne. Le tribunal a en effet estimé qu’il n’y avait pas d’éléments « suffisants (…) pour mettre en œuvre cet article dérogatoire au droit commun » qu’est le 411-9, une procédure d’exception, dans ses moyens d’enquête et ses mesures de contraintes.

Aucune raison d’interpeller ces hommes pour sabotage

Et cela, parce que dès son premier contact avec la DGSI, le 29 juillet 2022, le responsable de la sûreté de RTE évoquait l’hypothèse d’actions dans le cadre d’un mouvement social, et que cette hypothèse a été confirmée par des actes d’enquête dès le mois d’août. Il n’y avait donc aucune raison d’interpeller ces hommes pour sabotage en octobre. Ce n’est qu’à l’issue de leurs soixante-seize heures de garde à vue que les faits avaient été requalifiés en délit, le sabotage informatique abandonné.

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Le tribunal a annulé tous les actes qui ont découlé du recours abusif à ce chef d’accusation, en particulier la prolongation exceptionnelle de la garde à vue et des écoutes téléphoniques. Le tribunal a également estimé « que le risque réel qu’ont fait courir ces actions au transport électrique justifiait une peine moins lourde que les réquisitions ». D’autant, a rappelé le tribunal, que les quatre hommes ont déjà été licenciés par leur employeur.

A l’issue de neuf heures d’une audience aussi technique que politique pour déterminer la gravité des faits, le 28 février, la procureure avait requis contre eux six à huit mois de prison avec sursis et 7 000 euros d’amende pour chacun.

Trois générations de garagistes racontent un métier en mutation : « Les voitures vont évoluer, et je vois ça depuis soixante ans, donc je ne m’affole pas »

Depuis la « tour de contrôle » du garage Gaud Car System de Douvaine (Haute-Savoie), Christophe Gaud, lunettes calées sur le nez, s’active pour valider la pile des factures qui se sont accumulées ces derniers jours. La neige est tombée subitement deux jours plus tôt : les dépanneuses ont été appelées une quinzaine de fois en vingt-quatre heures pour remorquer des voitures accidentées. Ce 15 décembre 2022, la température a sérieusement baissé et un courant d’air frais se fait ressentir à l’intérieur du bâtiment.

Vue sur le garage Gaud. De gauche à droite : Paul, Jean-Yves, Edouard et Christophe Gaud. A Douvaine (Haute-Savoie), le 15 décembre 2022.

Vêtu d’une doudoune noire, Jean-Yves, le frère de Christophe, traverse le hall d’exposition d’un pas décidé en direction de l’atelier. Dans ce centre de réparation, où les blagues fusent et l’énergie déborde, trois générations cohabitent. Un bonnet noir vissé sur le crâne, Paul, le fils de Jean-Yves, s’apprête à lui faire un point sur un véhicule déposé la veille. Au passage, Edouard, le patriarche, l’intercepte pour lui parler de leur contrat de gaz renégocié le jour précédent. Fondateur de l’entreprise, il a été rejoint par ses deux fils au milieu des années 1980 et par l’un de ses petits-fils en 2019. Chacun à sa manière, ils racontent leur attachement à un métier qui a connu de sérieuses mutations depuis cinquante ans.

La prochaine : la fin annoncée en 2035 de la vente des véhicules à moteurs thermiques neufs dans l’Union européenne qui n’utiliseraient pas de carburants neutres en termes d’émissions de CO2. Personne, dans la famille Gaud, ne s’en inquiète. « On a toujours su s’adapter et rebondir, aime rappeler Edouard. Qu’elle soit hybride, électrique, une voiture, c’est toujours une voiture, il faudra toujours la réparer. Ça n’a pas changé et ça ne changera jamais. » Même si, concède-t-il, « le volume de réparation risque de changer, puisqu’il n’y a plus beaucoup de mécanique dans une voiture électrique ».

Un projet « un peu fou »

A 76 ans, Edouard est convaincu que d’autres solutions vont être développées, comme des moteurs thermiques fonctionnant à l’hydrogène, qui nécessiteront davantage l’intervention d’un garagiste que les modèles électriques. Convaincu, aussi, que les constructeurs trouveront des solutions pour faciliter le recours à ce gaz hautement inflammable et difficile à stocker. « Les voitures vont évoluer, et je vois ça depuis soixante ans, donc je ne m’affole pas. »

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Sa femme, Suzanne, ne s’est pas affolée non plus en 1971, lorsque, marié depuis peu, Edouard a eu le projet « un peu fou » d’acheter à crédit la grange d’un voisin à Douvaine pour la transformer en atelier de réparation. « J’ai commencé avec rien, je travaillais quinze heures par jour, mais c’était une aventure extraordinaire », se souvient le garagiste. Tous deux originaires de cette petite ville de 6 600 habitants, située à quelques kilomètres de la frontière suisse, ils développent ensemble cette entreprise, où s’entremêlent naturellement vie professionnelle et vie familiale.

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Renouvelables : le bois énergie en quête d’employés, en Normandie comme dans toute la France

Un froissement puis le bruit sourd d’un arbre qui tombe. Dans cette forêt, près de L’Aigle, dans l’Orne, l’abatteuse tournoie presque sur elle-même dans un carré de sapins pectinés déjà clairsemé. Ses lourdes mâchoires saisissent, l’un après l’autre, des arbres desséchés – et gagnés par les scolytes –, pour les sectionner d’abord à la base, avant de les élaguer et de les couper en rondins.

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A la manœuvre, juché dans sa cabine aux vitres de Plexiglas, Romain Pernelle, comme dans un jeu vidéo, active ses joysticks, les yeux rivés sur la vue satellitaire où des cercles rouges localisent les troncs qui jonchent le sol. « Il faut une certaine dextérité pour faire ce métier, explique-t-il. Certains au bout d’un an se rendent compte qu’ils ne sont pas faits pour cela, et ils abandonnent. »

Ce bûcheron des temps modernes a rejoint depuis une dizaine d’années l’entreprise normande de bioénergie Biocombustibles, qui produit stères et plaquettes pour des chaufferies et des particuliers. « C’est un profil que l’on peut qualifier de rare », confie Benjamin Gomez, son chef de chantier, alors que le jeune homme, conducteur autodidacte, avait auparavant exercé les métiers d’agriculteur, de mécanicien et de bûcheron.

Des bûcherons « quasiment disparus »

Des expériences qui lui permettent de répondre au mieux aux exigences de sa tâche, à savoir, manœuvrer cette grue et en assurer la maintenance, en affûtant ses scies et couteaux par exemple. Tout en ayant le tempérament adéquat, un « goût certain de la solitude » et de la forêt, y compris en hiver, lorsqu’il fait nuit à 16 h 30. « Aujourd’hui, les jeunes préfèrent souvent être dans un bureau au chaud, et les profs ne leur parlent plus guère des métiers de la forêt », regrette son superviseur.

Ce dernier s’est formé en Corrèze – après un bac pro –, mais le lieu a fermé en 1998, faute d’élèves. « Il ne reste plus que cinq ou six écoles qui apprennent à conduire les engins de travaux forestiers », poursuit-il, alors que la mécanisation s’est fortement développée. Une abatteuse remplace désormais aisément le travail effectué par six à huit bûcherons. « Ces derniers ont quasiment disparu », poursuit-il, même s’ils sont pourtant toujours très recherchés, notamment pour les pièces de valeur.

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Des tas de branchages et de rondins, du bois jugé trop sec pour en faire des planches, s’empilent dans plusieurs recoins de la parcelle. Ils seront ensuite déposés en bordure de route, avant d’être broyés ou transportés dans des camions vers des plates-formes de stockage. « Avec le développement des chaufferies en biomasse, Biocombustibles prévoit de produire 200 000 tonnes de bois énergie en plus par an d’ici aux cinq à sept prochaines années », estime Mathieu Fleury, président de l’entreprise normande.

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En Allemagne, un mouvement de grève d’une ampleur exceptionnelle pour demander des augmentations de salaire

Des salariés des transports publics en grève à Francfort, en Allemagne, le 27 mars 2023.

Il est rare que les sujets sociaux fassent la « une » de l’actualité en Allemagne. Ce fut le cas lundi 27 mars. Pendant vingt-quatre heures, un mouvement de grève d’une ampleur exceptionnelle a touché la première économie européenne, principalement dans les transports, presque totalement à l’arrêt, mais également dans d’autres secteurs, comme les hôpitaux ou le ramassage des ordures, partiellement affectés.

Cette grève portait sur la question salariale. A la manœuvre, les syndicats Ver.di et EVG, qui représentent respectivement 2,5 millions de travailleurs dans les services et 230 000 employés dans les chemins de fer. Leur objectif était une augmentation des salaires de 10,5 %. Une revendication directement liée à l’inflation, qui a atteint près de 9 % sur un an outre-Rhin. Dans le secteur des transports, les employeurs ont seulement évoqué, jusqu’à présent, une éventuelle hausse de 5 %.

Un gouvernement réactif

La grève de lundi, la plus importante dans les services publics allemands depuis 1992, selon le syndicat Ver.di, s’inscrit dans une séquence tendue autour des enjeux salariaux. Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, les personnels des crèches et des écoles maternelles ont cessé le travail dans pratiquement tout le pays. Trois jours plus tard, après un long affrontement avec le syndicat Ver.di, la poste allemande a accordé à ses 160 000 salariés des hausses de salaires de 11 % à 16 %. Les 14 et 15 mars, ce sont les employés des hôpitaux et des maisons de retraite qui ont appelé à leur tour à cesser le travail.

A l’été 2022, la crainte du gouvernement allemand était celle d’un « automne chaud » et d’un « hiver de colère », agitée tout à la fois par le parti de gauche Die Linke et par l’AfD à l’extrême droite. Il n’en a finalement rien été. Quelques manifestations ont bien eu lieu, principalement dans l’est du pays, mais aucune de ces deux formations politiques n’est parvenue à mobiliser les foules. A la fois en raison de leurs propres faiblesses, mais aussi parce que la coalition dirigée par le chancelier Olaf Scholz s’est montrée très réactive face à l’inflation. Notamment en annonçant, fin septembre 2022, un plan de 200 milliards d’euros destiné à protéger les ménages et les entreprises contre la flambée des prix de l’énergie.

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Si l’automne et l’hiver ont été plus calmes que prévu, le printemps, en revanche, commence de façon relativement tumultueuse. Après la grève de lundi, les syndicats ont assuré qu’ils ne bloqueraient pas les transports pendant le week-end de Pâques, autour du 10 avril, mais ils n’excluent pas de se mobiliser de nouveau par la suite. « Les salariés en ont marre de se faire mener par le bout du nez dans les négociations collectives », a déclaré le président de Ver.di, Frank Werneke. Depuis le début de l’année, le syndicat revendique 70 000 nouveaux adhérents. « Il s’agit de la plus forte croissance que nous ayons connue depuis plus de vingt ans », affirme M. Werneke.

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Pourquoi le CPF finance davantage le permis B en ville et le permis poids lourd à la campagne

Si l’engouement pour le Compte personnel de formation (CPF) a touché ces dernières années l’ensemble du territoire français, les urbains l’ont davantage mobilisé que les ruraux. En 2021, 5,5 % des actifs occupés résidant dans les espaces fortement peuplés ont utilisé leur CPF, contre près de deux fois moins (2,9 %) dans les espaces peu denses et 2,2 % seulement dans les espaces très peu denses, révèle une étude parue dans le dernier numéro de Questions politiques sociales – Les études.

Ses auteurs, Gabin Langevin et Ronan Mahieu, deux statisticiens de la Caisse des dépôts, ont cherché à déterminer s’il y avait un lien entre le lieu de résidence et le recours au CPF. Jusque-là, les différences de recours au CPF avaient été expliquées par l’âge ou la catégorie socioprofessionnelle. Selon leurs conclusions, la densité de peuplement des territoires est aussi un facteur déterminant.

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Tout d’abord, les formations suivies dans les zones rurales « sont moins onéreuses « , tout en étant « plus courtes », a fait valoir Gabin Langevin lors de la conférence de presse du 21 mars consacrée à la présentation des résultats. Il « existe un écart de près de 10 euros [par heure de formation financée par le CPF] entre les espaces les moins denses et les plus denses. » Les formations poursuivies sont plus souvent liées à l’exercice d’un métier : en tête, le permis cariste (Caces), les formations à l’hygiène alimentaire ou le permis poids lourds.

Caractéristiques socio-démographiques

En revanche, les zones urbaines sont très consommatrices de formations « consacrées aux langues étrangères » et de financement du permis de conduire : dans les espaces les plus denses, 19 % des bénéficiaires mobilisent leur CPF afin de maîtriser la conduite, contre seulement 3 % dans les espaces ruraux. « Le permis de conduire est rapidement nécessaire dans les zones rurales, bien avant d’avoir acquis des droits CPF suffisants », avance Gabin Langevin en guise d’explication.

Y aurait-il un effet d’aubaine chez les citadins, plus prompts à mobiliser leur CPF pour financer des formations dont ils n’ont pas réellement besoin ? Le statisticien dresse un constat « un peu plus complexe », soulignant que « les écarts s’expliquent d’abord par les caractéristiques socio-démographiques et l’activité économique d’un territoire. »

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Ainsi, si Paris et la Seine-Saint-Denis sont deux territoires densément peuplés, les auteurs de l’étude relèvent que le taux de recours au CPF pour financer le permis B est plus de deux fois supérieur dans le département du 93 à ce qu’il est dans Paris intra-muros. Une différence que Gabin Langevin explique par « un réseau de transports en commun moins efficace » et une « accessibilité financière » du permis globalement moindre pour les habitants de la Seine-Saint-Denis.

Un employeur peut-il interdire l’accès de ses salariés à un réseau social ?

Droit social. Dans notre « village mondial », il faut avoir bonne réputation. Or jamais si peu de personnes maîtrisant les réseaux sociaux n’ont pu causer autant de dégâts à une entreprise médiatisée. Un employeur peut-il alors interdire à ses salariés de les utiliser ?

Ecartons d’abord les règles impératives émanant de la puissance publique. Après de nombreux pays (Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni) et les institutions de l’Union européenne (UE), interdisant désormais à leurs fonctionnaires d’installer TikTok, avec son 1,7 milliard d’abonnés, sur les instruments professionnels, le gouvernement français a suivi pour les fonctionnaires d’Etat le vendredi 24 mars. Nombre d’entreprises travaillant pour la défense font légitimement de même.

Mais au-delà d’éventuelles manipulations politiques, s’agissant d’espionnage, voire de kompromat [en russe, dossier compromettant], TikTok est-il vraiment plus dangereux que LinkedIn, où des cadres sur des postes très sensibles, à l’esprit non pas ouvert mais hélas béant, échangent avec des inconnus sous les prétextes les plus divers, permettant entre autres l’installation de logiciels malveillants ? L’intelligence économique est aussi une culture.

Dans le secteur bancaire, certaines communications professionnelles doivent être légalement conservées pour des raisons probatoires : l’employeur peut donc exclure l’usage de messageries instantanées et autres boucles WhatsApp privées.

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Mais dans le secteur privé classique ? Propriétaire des outils professionnels et légitimement obnubilé par la sécurité informatique, l’employeur peut, au titre de son pouvoir de direction, interdire l’installation et le cas échéant l’usage de certains réseaux à risques. En l’évoquant dans le règlement intérieur, mais aussi en évitant toute liste, afin de ne pas devenir techno-captif, et se limiter à l’utilisation de certaines technologies seulement.

Mieux vaut prévenir que sévir

Deux limites. L’interdiction ne peut viser le portable personnel du collaborateur, a fortiori utilisant une connexion extérieure ; mais peut exclure toute synchronisation automatique avec les comptes professionnels.

Par ailleurs, nombre d’entreprises sont très ambivalentes à l’égard des réseaux sociaux aux centaines de millions d’abonnés, devenus instruments essentiels de leur marketing, y compris social (par exemple, au niveau du recrutement). Certaines demandant même à leurs collaborateurs de retweeter ou repartager les informations des collègues ou de leurs « ambassadeurs », ces salariés encouragés à promouvoir la « marque employeur ». A vocation pédagogique, les « chartes » se sont donc multipliées pour rappeler les règles basiques : confidentialité, téléchargements, photographies, nom des collègues, etc.

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Quand le travail s’invite dans les manifestations : le trio impromptu grillades, livres et cocktails

Chacun son chronomètre : pour les manifestants mobilisés contre la réforme des retraites, ce jeudi 23 mars, le coup d’envoi a été donné à 14 heures. Pour Fatiha, qui préfère ne pas communiquer son nom de famille, il démarre à 11 h 45. Le dos courbé entre plusieurs sacs remplis de viande, de légumes et de thermos, elle est en train de déployer deux brouillons de stands montés sur un chariot. Son frère, chauffeur de poids lourds, doit bientôt arriver pour l’aider. « Revenez un peu plus tard », dit-elle, encore incertaine de l’emplacement. L’intensité des fumées de grillades qui commencent à envelopper la place de la Bastille lui sert de minuteur.

Avec ses sandwichs à 5 euros, sauces incluses, et ses gâteaux coco maison à un euro, cette retraitée de 65 ans (900 euros de pension) était présente à d’autres mobilisations parisiennes pour gagner quelques centaines d’euros. Celle qui se déplace ponctuellement pour des concerts pressent déjà un débit plus modéré : « On est en fin de mois. Les gens ont moins d’argent. »

Autour d’elle, le rond-point s’anime : des barnums se déplient, des arrières de camionnette se retrouvent agrémentés d’une table, une crêperie sur roues suit un vélo « Monsieur Hot dog ». Un vendeur de sifflets couleurs flashy à 2 euros la pièce se fraie un chemin.

Des rares PV

Avec une tolérance officieuse de la préfecture, des particuliers se mêlent ainsi aux commerçants ambulants dotés d’une carte professionnelle et aux syndicalistes venus remplir les caisses de grève.

Coiffées d’un bonnet phrygien, « symbole de Paris et de la révolte », deux sœurs Souheyla et Scillia, souhaitant garder l’anonymat, glissent des morceaux de charbon dans le bac de leur grill. L’une est, à 36 ans, propriétaire d’une baraque à frites aux puces de Vanves (Hauts-de-Seine), et la seconde, 29 ans, est restauratrice dans le 18e arrondissement de Paris. Elles vendent pour la première fois une soixantaine de sandwichs avant de réfléchir à se glisser parmi les manifestants.

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Avec son food truck planté sur le trottoir du boulevard Beaumarchais, face à une foule de plus en plus compacte, Serge, qui préfère garder également son anonymat, mise quant à lui sur ses 70 kilos de frites maison. Accompagné de son fils et d’un employé, il restera jusqu’au passage de la voiture-balai. « Pour une journée de ce type, si les ventes sont bonnes, cela peut monter jusqu’à 1 500 euros », souffle le gérant. Autre avantage : à la différence d’autres lieux événements où il faut payer un droit de place ou verser un pourcentage de la recette, les PV se font plutôt rares.

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