Archive dans 2023

Les partenaires sociaux concluent trois accords nationaux en cinq mois

Carton plein pour les partenaires sociaux. Mardi 27 juin, les instances de la CFE-CGC ont décidé de signer l’accord national interprofessionnel sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles. La centrale de l’encadrement était la dernière organisation impliquée dans l’élaboration de ce texte à officialiser sa position. Elle se situe sur la même ligne que les trois mouvements patronaux et les quatre autres syndicats qui avaient participé aux travaux – parachevés durant la nuit du 15 au 16 mai.

Une telle unanimité est rare dans ce type d’exercice, la CGT refusant, bien souvent, d’apposer son paraphe même si elle s’implique beaucoup dans la réflexion collective. Cette fois-ci, la confédération dirigée par Sophie Binet a donné son imprimatur car elle estime, tout comme les sept autres signataires, que l’accord en question peut améliorer le système d’indemnisation des victimes de maladies ou d’accidents liés à leur activité professionnelle (moyens accrus en faveur de la prévention, consolidation des pouvoirs dévolus aux représentants des travailleurs et des employeurs, etc.).

Cet accord national interprofessionnel retient également l’attention car il s’ajoute à deux textes du même type, finalisés à quelques semaines d’intervalle. L’un, en date du 10 février, concerne le « partage de la valeur » et promeut des mécanismes (intéressement, participation, etc.) qui visent à étoffer la rémunération des salariés – notamment dans les petites et moyennes entreprises. Il a été entériné par l’ensemble du patronat et par quatre syndicats sur cinq (la CGT ayant dit non).

L’autre « deal », ficelé le 11 avril, entend encourager les bonnes pratiques en matière de transition écologique. Là encore, tous les mouvements d’employeurs l’ont validé, tandis que deux confédérations seulement (CFDT et CFTC) ont fait un choix identique (la CFE-CGC, la CGT et FO optant pour le refus).

Patronat à l’unisson

Les protagonistes se réjouissent, fort logiquement, de cette succession d’accords nationaux interprofessionnels. « Elle met en lumière la vitalité du dialogue social, sur des thèmes choisis par les acteurs en présence ou proposés par l’exécutif mais en lien étroit avec nos demandes », confie Marylise Léon, la nouvelle secrétaire générale de la CFDT. Ce qui compte en premier lieu, d’après elle, « c’est le contenu » : « Je pense notamment au texte sur le partage de la valeur, qui prévoit de véritables avancées pour les personnes employées dans les PME, précise-t-elle. La diversité des sujets abordés montre aussi que les organisations de salariés et d’employeurs peuvent être force de propositions sur des enjeux cruciaux pour les travailleurs. »

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Le quotidien allemand « Bild » réduit ses coûts et mise sur l’intelligence artificielle

A Berlin, le 9 mars 2012.

Que restera-t-il de Bild, le quotidien emblématique du groupe médias conservateur Axel Springer ? Le tabloïd le plus lu d’Allemagne (1,09 million d’exemplaires vendus début 2023), longtemps un organe de presse au pouvoir politique énorme, s’est lancé dans une sévère cure d’amaigrissement. Environ un tiers des 600 emplois devraient disparaître, a annoncé le groupe, certaines fonctions devant être remplacées par des applications… d’intelligence artificielle (IA), dans laquelle le groupe veut investir.

« Les fonctions de rédacteur en chef, de maquettiste, de correcteur, d’éditeur et de rédacteur photos n’existeront plus à l’avenir comme nous les connaissons aujourd’hui », a expliqué la rédaction en chef du groupe dans un courriel envoyé aux salariés le 19 juin.

Sans préciser à quel horizon ces applications d’IA pourront effectivement remplacer ces fonctions, ni quand les robots pourront faire le travail de manière efficace, le journal a déjà annoncé la fermeture de rédactions régionales, passant de dix-huit à douze bureaux, de petits sites, ou la réduction du nombre de rédacteurs en chef.

Une économie de 100 millions d’euros d’ici à 2025

Le plan d’Axel Springer s’inscrit dans un large programme de réduction des coûts et de numérisation au sein des deux titres phares du groupe en Allemagne : le tabloïd Bild et le quotidien plus sérieux Die Welt devront réaliser une économie de 100 millions d’euros d’ici à 2025, avait annoncé le directeur d’Axel Springer, Mathias Döpfner, en février.

Cette annonce sonne comme une remise en cause de la stratégie de développement des deux titres menée ces dernières années. M. Döpfner avait misé sur une croissance de Bild et Die Welt, imaginée numérique, conservatrice et, surtout, rentable. Au prix d’investissements importants, les deux quotidiens historiques du groupe avaient développé une offre multicanal. Le résultat n’a apparemment pas été à la hauteur des attentes. Bild, qui vendait 2,4 millions d’exemplaires par jour fin 2014, n’a pas réussi à enrayer le déclin, malgré la forte hausse des abonnements payants en ligne sur la même période (650 000 fin 2022).

La nouvelle directrice du tabloïd, Marion Horn, tente donc de redresser la rentabilité en réduisant les coûts et en misant sur l’automatisation. Le groupe précise que l’intelligence artificielle ne fera que « soutenir » le travail des journalistes. « Nous voyons dans l’IA générative un grand potentiel pour offrir à nos lecteurs et utilisateurs des produits encore plus attrayants et adaptés à leurs besoins », a déclaré Samir Fadlallah, responsable du développement de l’intelligence artificielle chez Axel Springer, à l’agence Reuters, le 22 juin.

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Quand les DRH parlent de « sens au travail »

Carnet de bureau. Près d’un tiers (29 %) « des Français ne perçoivent ni le sens ni l’utilité de leur emploi », mentionne le rapport « Du sens à l’ouvrage. Comprendre les nouvelles aspirations dans le travail », présenté le 22 juin au siège de Renault et réalisé par Jean-Baptiste Barfety, également rédacteur du rapport Notat-Senard, qui a inspiré la création de la « raison d’être » en entreprise. Depuis le Covid, après la « Great Resignation » des Etats-Unis en 2021, suivie par une forte hausse des démissions en France à partir de 2022, la question du sens revient comme un boomerang se coincer dans la porte des DRH.

« La logique de récompense ne suffit plus et la promesse de bien-être ne convainc pas », poursuit le texte réalisé dans le cadre du « Projet Sens », créé par dix grandes entreprises « désireuses d’étudier le sujet ». Outre Renault, le collectif de leurs directions des ressources humaines regroupe la RATP, la SNCF, le Groupe ADP, AG2R La Mondiale, la MAIF, le Crédit mutuel alliance fédérale, Dassault Systèmes et Orange. Au cœur de leurs préoccupations : « 43 % des actifs envisagent de quitter leur emploi pour un autre qui ait plus de sens dans les deux prochaines années », selon une étude OpinionWay de juin 2022.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les DRH confrontés au phénomène insidieux du « quiet quitting »

Mais de quel sens parle-t-on ? De récents travaux d’économistes ont extrait la notion de sens d’un contexte impressionniste où l’avaient plongée les très nombreux témoignages qui ont nourri les débats depuis le Covid sur la quête de travail respectueux de l’éthique, de la planète, en cohérence si possible avec les valeurs des salariés. Témoignages certes authentiques mais qui ne reflètent que des cas particuliers.

« Ressenti » et « vécu »

Les deux chercheurs Thomas Coutrot et Coralie Perez, cités dans le rapport, ont ainsi objectivé la question du sens à partir des statistiques sur les enjeux de transformation de soi et du monde (développement des compétences, utilité pour la société). Leurs études ont établi un lien solide entre « sens au travail », conditions qui permettent de faire un travail de qualité et sortie de l’entreprise (abandons de poste, démissions, etc.).

Lire l’analyse de Thomas Coutrot et Coralie Perez pour le projet du Liepp : Article réservé à nos abonnés « Le sens du travail, enjeu majeur de santé publique »

Les DRH et les dirigeants du « Projet Sens » n’ont pas tout à fait la même approche de cette notion. « Nous la définissons comme l’alignement ressenti entre ce qui se passe dans l’entreprise et ce qui est vécu et attendu par le salarié », annonce le rapport Barfety. Il ne s’agit donc plus du travail réel du salarié, susceptible (ou pas) de renforcer ses compétences ou d’améliorer le sort de ses semblables à travers les services ou les produits créés, mais de « ressenti » et de « vécu ».

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La transparence des salaires est un atout-clé pour recruter, mais elle reste délicate à manier

« Dans les offres d’emploi, on voit encore trop souvent les composantes du package de rémunération (50 % de la carte de transport, douze jours de RTT, 60 % de la mutuelle), mais pas le salaire en lui-même. C’est une perte de temps pour tout le monde, estime Nayla Glaise, présidente de l’organisation syndicale Eurocadres. La directive européenne va aider à réduire cette opacité. » Le 24 avril, le Conseil de l’Union européenne a adopté une directive sur la transparence des salaires, à transposer dans le droit français sous trois ans, qui prévoit notamment que les employeurs informent les demandeurs d’emploi du montant de départ ou de la fourchette de rémunération initiale des postes publiés.

Cette directive devrait accélérer une évolution déjà à l’œuvre : entre janvier 2019 et mars 2023, la part d’offres publiées sur le site Indeed mentionnant une rémunération chiffrée a doublé en France, atteignant 49,5 %. Ce sont des professions qui peinent à recruter qui ont connu la plus forte augmentation de la part d’offres « avec salaire » : hôtellerie-restauration, soins à domicile ou encore pharmacie. A contrario, 46 % des salariés français ne répondent pas aux offres d’emploi si le salaire n’est pas indiqué, selon une enquête du cabinet Robert Half menée en avril.

Les entreprises ne s’y trompent pas : afficher un salaire, ou au minimum une fourchette, est un atout-clé pour susciter des candidatures et recruter plus vite. « Quand un candidat entre dans notre processus, il sait très vite à quel salaire exact il peut prétendre, ce qui évite trois semaines de négociation », se réjouit Paul Sauveplane, directeur des ressources humaines (DRH) d’Alan. Cette start-up spécialisée dans la santé, qui compte 525 salariés en France, en Belgique et en Espagne, applique une transparence totale des salaires depuis sa création en 2016. Une grille accessible à tous indique les rémunérations avec deux facteurs : l’expérience professionnelle, et un niveau exprimé en lettre (de A à J) qui objective les compétences.

Inégalités limitées voire supprimées

Chez Lucca, une entreprise de 500 personnes qui propose des logiciels RH, la transparence est également de mise depuis l’origine : un logiciel interne permet de consulter la rémunération de chaque individu. « Il y a une grille, mise à jour tous les six mois en fonction des salaires du marché, détaille Charles de Fréminville, DRH. Ça plaît à tout le monde, beaucoup de candidats viennent pour cela. »

Les deux DRH expliquent aussi que la transparence a permis de limiter, voire de supprimer, les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes.

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« Aux Etats-Unis, les projets de loi se multiplient pour faciliter l’emploi des jeunes de moins de 16 ans »

Encore un effet pervers de la pandémie de Covid-19, les projets de loi se multiplient aux Etats-Unis pour faciliter l’emploi des jeunes de moins de 16 ans. Une remise en cause de l’un des grands acquis du New Deal : la loi de 1938, le Fair Labor Standards Act, qui limite la durée du travail des enfants et la nature des tâches qui peuvent leur être demandées. Le phénomène avait commencé avant même la pandémie : depuis 2018, les infractions à la législation sur le travail des enfants ont augmenté de 69 %, selon le ministère du travail américain (DOL). Et la pandémie l’a accentué.

Confrontées à une pénurie de candidats – plus de 2 millions de salariés manquent à l’appel –, les entreprises ne demandent qu’à recruter une main-d’œuvre peu regardante sur les horaires et les salaires : comme les jeunes, et principalement les migrants. Plus de 125 000 mineurs non accompagnés sont arrivés d’Amérique centrale en 2022. Une manne pour l’industrie agroalimentaire, la sous-traitance mécanique, la manutention…

En 2002, le DOL a épinglé 835 entreprises employant illégalement 3 860 mineurs. Les noms de grandes entreprises ont été cités : McDonald’s, Dunkin Donuts ou encore Hyundai. Leurs responsables plaident qu’ils n’y sont pour rien, expliquant que les recrutements sont opérés par leurs franchises ou par des agences de travail intérimaire. En février, le secrétaire au travail, Marty Walsh, a accusé le monde patronal de complaisance coupable. « Tout le monde a une responsabilité, a-t-il sermonné. Le travail des enfants n’est pas un problème du XIXe siècle, mais un problème d’aujourd’hui. »

Le plus important scandale révélé par le ministère concernait 102 enfants, âgés de 13 à 17 ans, employés illégalement par Packers Sanitation Services, une entreprise de nettoyage d’abattoirs, dans treize usines de conditionnement de viande appartenant aux géants de la viande comme Tyson Foods ou Cargill dans huit Etats. Les enfants travaillaient la nuit à nettoyer des machines, à découper les os avec des produits chimiques dangereux et présentaient des brûlures caustiques aux mains. Plusieurs étaient arrivés récemment du Guatemala. Packers Sanitation Services, qui appartient depuis 2018 à la firme d’investissement Blackstone, a été condamné à une amende de 1,5 million de dollars (1,4 million d’euros).

Sans autorisation parentale

Pour contourner la loi de 1938, les industriels comptent sur l’aide du monde politique. Dans les Etats républicains, les bonnes volontés abondent. L’Arkansas, sous la houlette de sa nouvelle gouverneure, l’ancienne porte-parole à la Maison Blanche de Donald Trump Sarah Huckabee Sanders, a été le premier Etat à adopter, en mars, un texte pour faciliter le travail des enfants.

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Les maladies professionnelles des « salariés âgés » ne pénaliseront plus leurs employeurs

Droit social. La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites (LFSS-R) est l’outil législatif destiné aux questions financières de l’année, mais organise ici une modification durable des paramètres essentiels de prestations de Sécurité sociale.

Mais elle ne porte pas uniquement, comme son nom pourrait le laisser croire, sur les pensions de retraite : elle aborde aussi les règles des cotisations payées par les seuls employeurs au régime d’indemnisation des risques professionnels. On trouve en effet dans le fourre-tout de la LFSS-R un article 5 qui concerne la charge financière d’une maladie professionnelle pour les salariés âgés.

Chaque entreprise paie une cotisation au titre des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), avec un taux variable, fonction de l’effectif de personnes exerçant sous une même autorité et en un certain lieu, du secteur professionnel de l’entité concernée, et de sa sinistralité.

« Sinistralité directe »

Ce paramètre (la « sinistralité »), dit « taux net », reflète la fréquence et la gravité des maladies et accidents survenus : il est calculé soit au niveau national, par agrégation du nombre d’accidents dans les petits établissements d’un même secteur d’activité, soit en fonction des accidents et des maladies professionnels effectivement survenus dans l’établissement – on parle alors de « sinistralité directe ».

Ce « taux net » finance les prestations. Il sanctionne ou récompense le niveau et l’évolution de la sinistralité de l’entreprise. Il a aussi pour but d’inciter l’employeur à adapter l’organisation du travail pour la rendre plus sûre et de prévenir accidents et maladies professionnelles.

S’ajoutent à ce premier facteur quatre majorations uniformes et donc déconnectées de la sinistralité de l’établissement. Elles n’ont donc pas d’effet incitatif à la prévention.

Ainsi, certaines maladies professionnelles ne sont pas imputées au compte AT-MP de l’employeur, mais sont inscrites à un compte spécial, mutualisé entre tous les employeurs, car financé par une de ces majorations forfaitaires, dite « M3 ».

Un compte spécial mutualisé

La réforme de 2023 consiste à affecter les coûts liés aux maladies professionnelles, « dont l’effet est différé dans le temps », à ce compte spécial mutualisé : celles-ci ne seraient donc plus comptabilisées au titre du taux net. Cette mesure est censée favoriser l’emploi de salariés âgés, qui sont nécessairement statistiquement plus frappés par des maladies qu’ils
ont pu contracter dans un emploi précédent ou dont les maladies se révèlent avec l’âge.

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« Chez Disneyland Paris, on est artiste comme on pourrait être expert-comptable, c’est sécurisant » : enquête sur les jeunes recrues de l’empire Mickey

Le soleil cogne sur la tôle grise d’un ensemble de hangars situé en bordure de départementale, à Pantin, en Seine-Saint-Denis. Dans un coin, des danseuses s’échauffent sur le bitume, le tee-shirt floqué d’un numéro. Il n’est pas encore 9 h 30 et quelque 350 jeunes artistes ont déjà répondu présent à l’audition Disney qui commence tout juste. Français comme étrangers, tous espèrent décrocher un rôle dans Le Roi Lion, l’un des spectacles proposés quotidiennement aux visiteurs de Disneyland Paris, à Marne-la-Vallée. Jade, 20 ans, s’y frotte pour la deuxième fois, rêvant de « danser pour des enfants, et de voir les paillettes dans leurs yeux ». D’autres sont plus terre à terre. « J’ai besoin de travailler, je préfère signer avec Disney qu’avec Franprix », estime Jessy, 31 ans, danseur professionnel classique tout juste revenu d’Australie.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La grève, nouvelle attraction de Disneyland Paris

Le parc figure parmi les vingt premiers employeurs d’artistes en France, et représente un vivier de près de 1 500 artistes intermittents, sollicités pour des missions de quelques jours comme pour des contrats de plusieurs mois. Danseurs, comédiens, chanteurs, ou encore circassiens déambulent dans le parc, costumés en Tigrou, Minnie ou Mickey. Ils animent les shows quotidiens et participent à des événements privés organisés pour le compte d’entreprises ou de clients fortunés. En revanche, on ne les retrouve pas aux premières loges du conflit social historique qui secoue actuellement le parc, porté par des salariés qui réclament de meilleures conditions de travail.

Aucun des jeunes interrogés par Le Monde n’a pris part aux manifestations, par méconnaissance et souvent par crainte de se saborder. « Les employeurs d’intermittents ont une liberté contractuelle totale, ils peuvent cesser de les faire travailler sans se justifier. Cette crainte du faux pas est forte dans un grand groupe comme Disney, où les artistes sont interchangeables », contextualise le sociologue Pierre-Michel Menger, spécialiste du travail créateur. D’autant plus quand l’entreprise représente une grande part du marché.

« Un contrat chez Disney permet souvent d’avoir suffisamment de cachets pour devenir intermittent. C’est un luxe pour un débutant. On rejoue le même spectacle six fois par jour, ce n’est pas ce qu’il y a de plus épanouissant. Mais c’est une bonne expérience, dans l’attente d’une meilleure opportunité », raconte Lucas, 22 ans, interprète d’un des personnages principaux du spectacle inspiré de La Reine des neiges. Comme toutes les personnes interrogées par Le Monde, sauf exception, il s’exprime anonymement afin de préserver sa carrière (tous les prénoms ont été modifiés).

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Carrefour précise l’ampleur et le périmètre de ses réductions d’effectifs

L’ensemble des représentants du personnel de Carrefour avait été convié, lundi 26 juin, à l’initiative de la direction au siège mondial du groupe à Massy-Palaiseau, dans le département de l’Essonne. Objectif du distributeur : préciser les contours de la prochaine cure d’amaigrissement de ses effectifs et la nouvelle organisation interne qui en découle. Et surtout, officialiser le nombre de postes concernés par ce cinquième plan de réduction des effectifs depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard aux commandes du distributeur, en juillet 2017. C’est dans ce même bâtiment que Carrefour avait regroupé en 2018, lors d’un plan de départ volontaire concernant les sièges du groupe, les équipes travaillant auparavant dans douze immeubles différents.

« Carrefour a confirmé qu’un nombre maximum de 979 départs seraient susceptibles d’intervenir » et qu’ils auraient lieu « dans le cadre de la rupture conventionnelle collective en cours de négociation avec les partenaires sociaux », a précisé l’entreprise. Une diminution d’effectifs qui se fera « sur la base du strict volontariat ». Et ne concernera pas les salariés « des magasins ou entrepôts », mais uniquement « les salariés des sièges », a souligné Carrefour, qui possède notamment des bâtiments à Massy et Evry (Essonne), mais aussi en région, comme à Mondeville (Calvados). C’est quasiment 14 % de personnels en moins sur les 7 046 salariés travaillant dans les sièges, d’après le syndicat FGTA-FO. Dans les différents bureaux du groupe en France, on dénombre 12,28 % d’employés, 13,89 % d’agents de maîtrise et 73,83 % de cadres, selon ce syndicat.

L’annonce de nouvelles coupes dans les effectifs fait partie du plan stratégique pour quatre ans baptisé « Carrefour 2026 », que le PDG du groupe implanté dans près de quarante pays avait laissé entrevoir, le 8 novembre 2022. Alexandre Bompard avait annoncé sa volonté de mettre en place une nouvelle organisation – « un choc de simplification », selon le dirigeant – qui permettrait au distributeur de retrouver davantage de compétitivité. Avec, à la clé, « des réductions d’effectifs significatives » dans les sièges du groupe et dans chaque pays, qui seraient synonymes de réductions de coûts. Cette transformation devant permettre au distributeur de dégager 4 milliards d’euros d’économies à l’échelle du groupe.

« On en n’est qu’au début de la négociation »

Ce projet s’est concrétisé début juin par l’ouverture d’un dialogue avec les partenaires sociaux autour du projet de transformation de ses sièges français. Le 15 juin, un accord de méthode « relatif à l’information consultation des comités sociaux et économiques et à la négociation de mesures d’accompagnement fondées sur le volontariat des collaborateurs » a été signé, souligne l’entreprise.

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Les effets des ordonnances Macron de 2017 sur les licenciements étudiés

La réforme du code du travail au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron a-t-elle eu comme incidence d’augmenter les licenciements pour faute ? Cette hypothèse est avancée dans une étude que la très sérieuse revue Droit social datée du mois de juin vient de publier, sous forme de synthèse. Ses deux autrices se montrent prudentes : à ce stade, notent-elles, il est impossible d’affirmer de façon certaine qu’un lien de causalité existe.

Julie Valentin, maîtresse de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, et Camille Signoretto, maîtresse de conférences à l’université Paris-Cité, ont cherché à cerner l’impact des ordonnances de septembre 2017. Ces textes avaient pour ambition de « libérer » la capacité d’initiative des entreprises et de mieux « protéger » les travailleurs, avec comme ligne directrice de favoriser les créations de postes.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le plafonnement des indemnités prud’homales devant la justice

Pour savoir si la réforme a eu la répercussion escomptée, Julie Valentin et Camille Signoretto ont collecté de nombreuses statistiques, qui mettent en évidence une inflexion notable : entre la fin de 2017 et la fin de 2021, le nombre de licenciements pour faute s’est accru de 32,3 % ; c’est un rythme plus soutenu que celui observé entre le troisième trimestre de 2015 et le troisième trimestre de 2017 (+ 28,4 %), avant l’entrée en vigueur des ordonnances.

Un petit nombre de professions concernées

Cette accélération de la hausse « peut être envisagée comme un effet » des changements décidés en 2017. Deux dispositions seraient concernées. L’une plafonne les dommages-intérêts accordés par la justice prud’homale à un salarié ayant fait l’objet d’un licenciement injustifié. Le but était de « sécuriser » les employeurs et de « lever la peur de l’embauche » en rendant prévisible le coût d’une rupture du contrat du travail, en cas de contentieux. Ce mécanisme a eu pour conséquence de faire baisser un peu le montant des sommes qu’une juridiction octroie à une personne injustement congédiée par son patron.

L’autre mesure citée par les deux économistes résulte d’un décret de septembre 2017, qui a augmenté le montant des indemnités légales versées par une entreprise quand elle licencie un ou plusieurs membres de son personnel.

Julie Valentin et Camille Signoretto se demandent si la combinaison de ces deux dispositions n’a pas conduit des employeurs à privilégier les licenciements pour faute. Dans ce dernier cas, ils ne sont pas tenus d’indemniser leur salarié. Celui-ci peut, certes, contester la rupture du contrat de travail, mais si les prud’hommes lui donnent gain de cause, les dommages-intérêts peuvent s’avérer bien moins importants, donc, qu’avant la réforme. Autrement dit, le patron aurait un intérêt financier à procéder de la sorte. Cependant, pour pouvoir établir le lien de causalité, des investigations complémentaires seraient nécessaires, insistent les deux autrices de l’article dans Droit social.

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