Archive dans décembre 2023

Est-ce que l’algorithme des CAF pénalise les plus vulnérables ? Comprendre en trois minutes

La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), l’organisme qui coiffe toutes les CAF, dispose de 700 agents assermentés pour vérifier la situation des 13,8 millions de foyers français bénéficiaires d’aides. Avec un ratio d’un contrôleur pour 20 000 foyers environ, sa marge d’action est limitée. Elle a donc conçu un algorithme censé déterminer les profils d’allocataires risquant le plus de commettre des erreurs ou de frauder, dont elle a généralisé l’utilisation à partir de 2010.

Une enquête du Monde en partenariat avec le collectif de journalistes Lighthouse Reports révèle que ce programme pénalise les allocataires les plus vulnérables, comme les mères célibataires, les personnes en situation de handicap ou encore les étudiants en alternance. La CNAF, dont la mission est d’apporter un soutien aux familles dans leur vie quotidienne, semble aujourd’hui contribuer à la discrimination de ces foyers. Nos explications dans cette vidéo de trois minutes.

Pour une analyse plus approfondie du sujet, nous vous invitons à consulter l’enquête ci-dessous.

« Comprendre en trois minutes »

Les vidéos explicatives qui composent la série « Comprendre en trois minutes » sont produites par le service Vidéos verticales du Monde. Diffusées en premier lieu sur les plates-formes telles que TikTok, Snapchat, Instagram ou Facebook, elles ont pour objectif de remettre en contexte les grands événements dans un format court et de rendre l’actualité accessible à tous.

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Salaires : dans les grandes entreprises, les jeunes diplômés ont la cote

Oublié, la peur du chômage, les lettres de candidature demeurées sans réponse, les stages à rallonge payés au lance-pierre… Du moins, pour les jeunes les plus favorisés. Du fait de la pénurie de personnel qualifié, les nouveaux diplômés peuvent élever leurs exigences, et cela vaut notamment pour les rémunérations. En atteste l’enquête 2023 de la division capital humain du groupe WTW, menée auprès de 12 300 jeunes diplômés bac + 2 à bac + 5 depuis moins de deux ans et travaillant dans un panel de soixante-trois grandes entreprises.

Le salaire annuel brut médian des plus favorisés, à savoir les bac + 5 toutes filières confondues, progresse de 7 %, à 42 000 euros cette année. « C’est plus que l’inflation prévue (+ 5,8 %, selon l’Insee) et que ce qu’ont perçu l’ensemble des cadres (+ 4,1 %). Les jeunes diplômés voient donc leur pouvoir d’achat réel augmenter en dépit de l’inflation », relève Radia Rafil, consultante senior en rémunération et avantages sociaux chez WTW.

Certains secteurs offrent même des progressions supérieures à cette moyenne de 7 %. Recrutée par un géant américain de l’informatique sur un poste commercial en 2021 à l’issue de sa période d’alternance, Louise (tous les prénoms ont été modifiés) ne regrette en rien son choix : cette jeune diplômée d’une école de commerce a vu en deux ans son salaire fixe brut augmenter de 20 %, pour approcher les 60 000 euros, sans compter le variable. « On est autonomes et bien payés, mais il faut fournir des résultats », résume la jeune femme, par ailleurs régulièrement sollicitée par des cabinets de recrutement.

Pénurie de compétences

Même scénario pour Violette, une ingénieure qui a commencé sa carrière en 2022 dans le conseil : les missions « pas assez techniques » ne l’enthousiasmaient guère, ce qui l’a amenée à demander, au grand étonnement de son employeur, la prolongation de sa période d’essai. Ceci afin de pouvoir partir sans préavis : « J’ai vite trouvé le poste qui me correspondait à la Société générale. La banque m’a proposé + 30 % par rapport à mon emploi précédent, soit davantage que ce que j’avais demandé lors de l’entretien d’embauche. »

Outre le secteur d’activité et le métier, le classement de l’école continue d’influer sur la rémunération. L’enquête WTW constate 13 % d’écart, soit 5 000 euros par an, entre un jeune diplômé issu d’une école de commerce de premier rang (43 000 euros) ou de troisième rang (38 000 euros). Mais les différences tendent à s’écraser vers le bas du classement, qu’il s’agisse d’écoles d’ingénieurs ou de commerce, « car il est plus facile de justifier un écart entre les formations de tête et le reste du peloton », explique Radia Rafil.

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« Que les normes européennes soient présentes dans un référentiel mondial transformant le fonctionnement des marchés financiers, et vice versa, est un succès commun »

Deux facteurs sont nécessaires pour réussir l’indispensable transition écologique et sociale. D’une part, des politiques publiques ambitieuses, aussi globales que possible, aux objectifs clairs et reposant sur des mécanismes incitatifs. D’autre part, la transformation des marchés financiers, par essence mondiaux, intégrant désormais dans leur langage comptable les risques et les opportunités liés à ces transitions, de sorte qu’ils puissent exercer leur fonction de financement de la transformation de l’économie en y allouant les capitaux par le mécanisme des prix. Si ces deux conditions sont réunies, marchés financiers et politiques publiques formeront une alliance puissante au service de la transition.

La directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD) propose une vision politique de cette transition. Lancée dans l’enthousiasme du Pacte vert de la Commisssion européenne, elle a résisté à la crise de la pandémie, à des conflits géopolitiques, au retour de l’inflation. Il aura fallu pour ses artisans de la vision, de la détermination et du leadership. La fenêtre d’opportunité dans laquelle la CSRD a pu devenir une réalité était étroite.

La tribune que j’ai publiée dans ces colonnes le 10 octobre a suscité beaucoup de réactions et de questionnements. J’y évoquais ce que les spécialistes savent : les effets systémiques du reporting à l’ensemble des parties prenantes mettront beaucoup de temps à se faire sentir et la transition ne peut attendre. La matérialité économique, sur laquelle l’International Sustainability Standards Board (ISSB) se focalise, et qui est présente dans la CSRD, est donc une fondation indispensable. Son ancrage dans l’ADN même du marché financier est le véritable gage de pérennité de la CSRD face aux aléas politiques. Mon propos n’est pas de mettre en cause l’ambition de la « double matérialité », mais de la remettre en perspective.

Nous gagnerions donc à cesser d’opposer ces approches car l’une est le socle de l’autre, d’autant plus que la norme fondamentale de l’ISSB a entre-temps fait bouger des frontières et ouvert la voie à une vision régénératrice de l’économie au niveau global : « L’entreprise et ses ressources et relations tout au long de sa chaîne de valeur forment ensemble un système interdépendant (…), ce qui contribue à leur préservation, leur régénération et leur développement, ou à leur dégradation et leur épuisement. (…) Sa capacité à créer de la valeur pour elle-même est inextricablement liée à la valeur qu’elle crée, protège ou érode pour les autres. »

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« Alors que nos modèles économiques mettent en péril l’habitabilité de la planète, de quoi l’entreprise doit-elle être comptable ? »

Loin d’être un enjeu strictement technique, la nouvelle directive européenne de reporting extrafinancier CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) pose avant tout une question politique. Alors que nos modèles économiques mettent en péril l’habitabilité de la planète, de quoi l’entreprise doit-elle être comptable ? Au-delà du pilotage financier de l’entreprise, la comptabilité révèle ce que la société s’accorde à valoriser. La définition de ces règles est un enjeu politique majeur.

Le rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », rendu au gouvernement en 2018, le pointait déjà : pour tenir effectivement compte des enjeux sociaux et environnementaux en économie, une évolution des normes comptables est indispensable. En installant de nouvelles normes de reporting, la CSRD va justement obliger les entreprises à rendre compte de leur contribution au bien commun dans leurs publications annuelles.

Les débats sur la manière de s’y prendre se cristallisent autour d’un thème : la double matérialité. Issue du secteur de l’audit, la notion de matérialité représente le seuil au-delà duquel des erreurs comptables peuvent avoir un impact significatif sur la vérité des comptes audités. En comptabilité, dire d’une information qu’elle est matérielle, c’est donc tout simplement dire qu’elle est importante.

Changer de paradigme

Voilà tout le sujet du débat : qu’est-ce qui est important ? Jusqu’ici, cette matérialité portait exclusivement sur les aspects financiers. La nouvelle directive européenne y ajoute une dimension extrafinancière : une double matérialité, qui intégrera les impacts négatifs ou positifs significatifs de l’entreprise sur l’environnement social et environnemental. Sans surprise, c’est bien là que ça coince : il s’agit de changer de paradigme pour réguler l’économie.

Les tenants de la matérialité simple revendiquent l’autorégulation du marché basée sur la bonne volonté des acteurs, à condition qu’ils intègrent dans leurs risques et opportunités les facteurs climatiques. Ils doutent de la faisabilité et de la pertinence de la double matérialité. Selon eux, un monde à + 5 °C serait devenu suffisamment mauvais pour les affaires pour que les acteurs transfèrent sans contrainte leurs investissements vers des activités durables…

Certes, ces nouvelles normes demandent un temps d’adaptation, mais elles sont tout simplement indispensables. La communauté scientifique le rappelle très bien, à l’image de la réponse de la Chaire de comptabilité écologique à la consultation de l’International Sustainability Standards Board : sans cette double matérialité, nous n’atteindrons pas nos objectifs et continuerons de mettre en péril la vie sur Terre.

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« Les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans la transition écologique et doivent disposer des informations les plus complètes possibles pour faire les bons choix »

Avec la mise en œuvre progressive, à partir de janvier 2024, de la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD), transposée en droit français mercredi 6 décembre, nous nous apprêtons à écrire une nouvelle page de notre grammaire économique.

Le XXe siècle a été celui d’une puissante normalisation de la comptabilité internationale pour accompagner l’essor d’une économie mondialisée et financiarisée, particulièrement efficace pour se développer, mais aveugle quant à l’impact de ses activités sur les humains et la nature. A l’heure de l’urgence environnementale, des textes tels que CSRD permettront à notre siècle d’être celui de la définition de normes « extra-financières » pour mieux guider nos économies sur les rails de l’indispensable transition.

Concrètement, la directive va amener dès 2025 les entreprises européennes de plus de 250 salariés à publier des informations sur leurs impacts environnementaux, sociaux ou encore sur leur gouvernance. De la même manière que les informations financières, ces données devront s’appuyer sur des normes internationales, être contrôlées par un tiers indépendant et publiées chaque année par les entreprises.

A la veille de sa mise en œuvre, le 1er janvier 2024, ce texte européen a fait l’objet de critiques par les tenants d’une approche anglo-saxonne des données extrafinancières. Alors que ces derniers souhaitent que ces normes se limitent à mesurer les impacts écologiques et sociaux du monde extérieur sur la performance de l’entreprise (matérialité « simple » ou matérialité financière), l’approche européenne retient, elle, une logique de « double matérialité » et vise à mesurer – également – les impacts écologiques et sociaux de l’entreprise sur le monde extérieur (« matérialité d’impact »).

Mesurer le chemin à parcourir

Cette double matérialité, c’est-à-dire cette préoccupation des conséquences de l’activité des entreprises sur le vaste monde, constitue à nos yeux un pas en avant considérable. Bien sûr, cette approche représente un défi technique majeur. La méthodologie d’évaluation des impacts n’est pas encore stabilisée, et il serait utopique d’assurer que la double matérialité permettrait la comptabilisation exhaustive des impacts d’une entreprise.

Il est, par exemple, encore difficile de mesurer aussi précisément l’impact d’une entreprise sur la biodiversité que sur le climat. Bien sûr aussi, ce reporting extrafinancier n’impose pas directement aux entreprises de changer leurs comportements puisqu’il n’est qu’un outil de transparence.

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« L’Europe doit faire preuve de fermeté et rehausser les normes mondiales en matière de durabilité »

L’Europe est sur le point d’adopter un plan audacieux en deux parties pour réglementer les relations entre entreprises et droits humains. La directive sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD), adoptée il y a un an, transposée mercredi 6 décembre dans le droit français et qui entrera progressivement en vigueur à partir du 1er janvier 2024, oblige les entreprises à rendre compte publiquement des risques sociaux et environnementaux. La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, CSDD), qui sera bientôt finalisée, obligera les entreprises à prévenir activement ces risques ou à les atténuer. Ce nouveau régime juridique pourrait être révolutionnaire, à condition que l’Union européenne (UE) résiste aux tentatives d’affaiblissement de chacune de ces deux parties.

La première directive exige des entreprises qu’elles signalent tout risque social ou environnemental qui peut affecter soit les propriétaires de l’entreprise, soit la société dans son ensemble. Cette approche judicieuse et novatrice, qui porte le nom technique de « double matérialité », s’oppose à celle de l’International Sustainability Standards Board, organisme international de standardisation des critères de durabilité, dite « de simple matérialité financière », selon laquelle les entreprises n’auraient à signaler ces risques que lorsqu’ils menacent la seule valeur financière de l’entreprise pour ses propriétaires.

Or, cette vision étroite de la matérialité est précisément ce qui entrave le développement de l’investissement « socialement responsable », c’est-à-dire prenant en compte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), comme le montre une étude récente du Stern Center for Business and Human Rights de la New York University (« Making ESG Real », Michael Goldhaber, novembre 2023).

Coûts imposés

La plupart des mécanismes et procédures ESG actuels évaluent la manière dont les risques environnementaux ou sociaux pourraient nuire à l’entreprise et à ses actionnaires. Or, les entreprises peuvent souvent nuire à l’environnement ou à la société sans pour autant nuire aux actionnaires, si cela s’avère rentable et si les conséquences juridiques ou réputationnelles sont minimes ou inexistantes. L’immoralité dans les affaires peut être parfaitement rentable, légale et à l’abri du scandale ! Il peut être financièrement rationnel pour certaines entreprises d’assumer scandales et responsabilités juridiques.

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A Romorantin, un des principaux employeurs privés prépare une vague de licenciements : « C’est un vrai coup dur »

Dans l’usine de recyclage automobile d’Indra à Romorantin (Loir-et-Cher), le 9 septembre 2021.

Patricia Maligne, 45 ans et Romorantinaise (Loir-et-Cher) de naissance, est entrée chez le courtier en assurances Colonna en 2005. « J’ai donc eu la chance d’être là quand on a remporté l’appel d’offres de mutuelles pour les aider à gérer leurs adhérents issus de la branche hôtels, cafés et restaurants. J’étais employée de gestion pour la partie prévoyance. Répondre aux appels de 8 heures à 17 heures, ouvrir des dossiers d’arrêt de travail, d’invalidité ou de décès, s’assurer que toutes les pièces soient présentes pour que les versements aient lieu très rapidement… C’était mon quotidien jusqu’à ce que j’évolue récemment comme cheffe de projet. »

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés A Romorantin, les PME de l’usinage au bord du précipice

Le 18 octobre, Colonna a annoncé publiquement la fin imminente de son mandat de délégation de gestion des frais de santé et prévoyance pour le secteur hôtels, cafés et restaurants, sur décision de ses clients Malakoff Humanis et Klesia. Ces derniers avaient informé la direction de Colonna de leur désengagement dès le 29 juin 2022. « Sauf meilleur accord entre nous, nos relations s’éteindront le 31 décembre 2023. » Colonna n’a cessé, depuis, de contester cette décision. « Notre travail a toujours été plébiscité et n’a jamais été critiqué, ni par les partenaires sociaux, ni par les salariés, ni par les entreprises de la branche », martelait l’entreprise.

Mi-janvier les salariés de Colonna connaîtront tous les détails d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui prévoit de supprimer au moins 99 CDI et 20 CDD à Romorantin. « On veillait à ne rien sous-traiter, on numérisait nous-mêmes tous les courriers papier des adhérents, on imprimait et envoyait d’ici toutes les cartes de tiers payant. La garantie que tous nos employés vivent en France était également notre argument. Toute cette chaîne de valeur patiemment bâtie va disparaître. Quel gâchis… », déplore Mathieu Naquin, directeur du site de Romorantin.

« Poignardé au cœur »

En vingt ans, Colonna aura prospéré, racheté et rénové cinq bâtiments pittoresques du centre-ville de Romorantin. Ainsi, la salle d’impression jouxte l’école catholique Notre-Dame et fait face au centre des finances publiques. Chaque midi, des salariées fréquentent les restaurants autour de la place de la Paix puis font halte à la célèbre boucherie Véron et au Monoprix, en fin de journée. Pour le maire, Jeanny Lorgeoux, « Colonna a fortement contribué à réhabiliter et maintenir la vitalité du centre-ville » : « Je connais toutes les familles qui y travaillent, depuis trente-huit ans que je suis maire. C’est un vrai coup dur… On est poignardés au cœur. »

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Les Français de moins en moins attachés à l’assurance-chômage

Les Français perçoivent le ralentissement du marché de l’emploi et portent en conséquence un regard plus adouci sur les demandeurs d’emploi. C’est l’un des enseignements de la cinquième édition du baromètre de la perception du chômage et de l’emploi, publié mercredi 6 décembre, par l’Unédic – l’association paritaire qui gère le régime d’assurance-chômage – et réalisé avec l’institut Elabe. Une enquête réalisée sur Internet du 29 août au 25 septembre auprès d’un échantillon représentatif de quelque 4 500 personnes (dont 1 500 demandeurs d’emploi), selon la méthode des quotas.

Comme en 2022, un Français sur deux estime toujours que les demandeurs d’emploi sont responsables de leur situation, une pause après une progression ininterrompue depuis mars 2020. Signe que le regard des Français est moins critique, les évolutions de la société sont une nouvelle fois citées comme la première cause de chômage, elles remontent d’ailleurs (+ 2 points, pour atteindre 61 %) après une forte baisse lors de l’édition précédente. Par ailleurs, pour près de trois Français sur quatre, le chômage est toujours une situation subie plus que choisie. Le soupçon à l’égard des demandeurs d’emploi reste toutefois présent, puisque 50 % des personnes interrogées considèrent que la plupart des chômeurs ne cherchent pas vraiment à retrouver un emploi. Néanmoins, la critique sur « le chômeur assisté » recule légèrement (39 % à − 3 points).

Cette stagnation dans la perception qu’ont les Français des chômeurs s’explique en grande partie par un regard plus pessimiste sur le marché de l’emploi. Pour la première fois depuis 2020, les sondés considèrent que la situation de l’emploi ne s’améliore plus et les actifs redoutent donc davantage le chômage. En conséquence, ces derniers se montrent plus « bienveillants » avec les chômeurs. « Ce cinquième volet marque un lien entre la capacité d’empathie pour les demandeurs d’emploi et la situation de l’emploi », analysait Laurence Bedeau, directrice associée d’Elabe, lors de la présentation des résultats à la presse.

Sentiments paradoxaux

L’enquête montre ainsi que 51 % des personnes interrogées jugent que la situation de l’emploi se dégrade. Ils sont seulement 14 % à penser qu’elle s’améliore, contre 16 % en 2022, une première baisse après un sentiment en hausse depuis juillet 2020. Pour rappel, le taux de chômage en France a augmenté au troisième trimestre de l’année, pour atteindre 7,4 %, alors qu’il n’avait fait que baisser depuis 2017. Surtout, les économistes anticipent une remontée encore plus forte, à 8 %, d’ici à 2025 ou 2026. Les Français ne semblent donc pas très optimistes pour la suite alors qu’Emmanuel Macron a fait du plein-emploi – autour de 5 % de chômage – l’ambition principale de son second quinquennat.

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« Quelles politiques de l’emploi pour les jeunes ? » : les défaillances de l’accompagnement en début de carrière

Trajet d’accès à l’emploi (Trace), contrat d’insertion dans la vie sociale (Civis), emplois d’avenir, écoles de la deuxième chance… Depuis plusieurs décennies, une multitude de dispositifs sont déployés en France pour tenter de résorber le chômage des jeunes. Sans grand succès : il s’élève à 17,3 % chez les moins de 25 ans en 2022 contre 7,3 % pour l’ensemble de la population. Un taux qui atteint même environ 50 % pour ceux qui, à 20 ans, ne détiennent au mieux qu’un brevet des collèges.

Dans le même temps, leur suivi montre ses failles : un jeune NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation) sans aucune expérience professionnelle sur trois n’est accompagné par aucun organisme (Pôle emploi, mission locale…).

Quelles sont les lacunes des politiques de l’emploi pour les jeunes en France et quels leviers activer pour gagner en efficacité ? Quels sont les modèles qui font leurs preuves à l’étranger ? Pierre Cahuc, professeur d’économie à Sciences Po, et Jérémy Hervelin, enseignant-chercheur en économie au Thema, centre de recherche associé à l’université CY-Cergy-Paris, se sont penchés sur ces problématiques dans Quelles politiques de l’emploi pour les jeunes ? (Les Presses de Sciences Po).

L’essai dresse un état des lieux précis des initiatives françaises comme étrangères visant à accompagner les jeunes vers l’emploi, des contrats aidés à la formation en alternance en passant par un travail spécifique sur l’offre de formation. Leur étude met au jour l’extrême « sensibilité » de ces dispositifs : de multiples variables peuvent ainsi jouer dans le succès ou l’échec de la politique menée, au-delà de ses principes fondateurs.

Inefficacité

Le lieu de formation, notamment : « Un même diplôme de l’enseignement secondaire professionnel, avec une même spécialité, peut aboutir, six mois après la fin des études, à un taux d’insertion dans l’emploi qui varie du simple au septuple selon l’établissement dans lequel il a été préparé », expliquent les auteurs. Autre exemple, ils soulignent combien les aptitudes des conseillers en insertion professionnelle qui accompagnent les jeunes vers l’emploi peuvent se révéler déterminantes.

MM. Cahuc et Hervelin jugent négativement les dispositifs proposés aux jeunes sortis du système éducatif avec un faible niveau de formation (aides à la recherche d’emploi, formation professionnelle…) : « En moyenne, les effets sur l’emploi et sur les rémunérations sont très faibles et pas toujours positifs. »

Qu’en est-il des politiques ciblées sur le système éducatif ? Là encore, c’est leur inefficacité qui est globalement mise en avant. « Le système français souffre d’une inadéquation de l’offre de formation », notent les auteurs, qui déplorent aussi une « orientation défaillante » et un « pilotage à l’aveugle ». En cause, le fait que « les débouchés professionnels des élèves [soient] inconnus, même pour l’écrasante majorité des établissements, dont les formations ont une vocation purement professionnelle ».

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